Une chasse dans la richesse de l'Arichis!

[Deux ennéades avant la mort du Roy, soit la septième de Favriüs de l'an sept du onzième Cycle]

C'était elle, elle approchait. Néant parmi les ténèbres, plus noire que la noirceur, contrastant avec l'obscurité même comme le grand astre contraste avec la nuit. Tyra avançait. Silhouette incertaine et chancelante, presque vaporeuse. Mais elle avançait. Et Altiom ne comprenait pas. Qu'avait-il fait, était-il déjà mort? Agonisait-il aux côtés de ce grand roi nain, fauché à l'aube de sa gloire? De son amie et amante, qui jamais ne connaîtrait l’éternité que lui octroyait son sang? Le mage des légendes avait-il pu quitter les galeries maudites de la Cité Morte? Kirgan aurait eu raison d'eux tous, alors...? Et Tyra avançait. Diable! Sa carcasse allait pourrir parmi les gobelins et les monstres et les chimères et les fantômes! Oublié de tous dans ce caveau infâme! On s'étonnerait d'abord, on le chercherait peut-être, et puis l'on dirait "Bah! Bon débarras!" Et puis l'on se lamenterait "Le Prince Déchu nous a abandonnés!" Et puis l'on se gausserait "Ha! Le Vagabond se serait-il perdu dans ses voyages?" Et jamais l'archonte ne laisserait sa marque dans l'Histoire, pis encore, dans le cœur de son peuple. Jamais il ne délivrerait son Royaume des querelles fratricides qui l'usaient comme la pluie use les pierres, comme l'hiver use les murailles, comme le temps use une vieille bête malade. Et Tyra avançait.
Et elle tendit son bras. Ça y était. Et elle referma ses serres décharnées sur son âme. Si tôt déjà. Et elle arracha... une.. braie. Qui lui recouvrait manifestement la vue, et que la servante -qu'il avait tout-de-même réussi à prendre pour la déesse de la Mort personnifiée- envoya voler plus loin.
- Flffpfoutr'diieuuuu..., marmonna cet apôtre de suderon, à plat ventre sur un tapis coloré, privé du moindre habillement. Promenant sur la pièce un regard éteint de ses yeux mi-clos, et s'attardant ostensiblement sur la camériste qui occupait une bonne part de son champ de vision -et de ses pensées ; sa complète nudité n'ayant bien-sûr rien à voir là-dedans-, le bestiau parvint enfin à se resituer. Après son escapade mouvementée chez ses amis lirganiques, il se rappelait avoir fait le chemin avec ce vieux grigou de Nakou. Évidemment, il avait fallu fêter leur retour et se laver l'esprit de toutes les horreurs des Hautes Terres! Au vin, au rhum, à l'hypocras, dans la plus pure tradition ydriaine, cela allait de soi!
Se retournant sur le dos dans un souffle, le regard rivé sur les chandelles d'un lustre en fer -la servante sur celle d'une toute autre nature-, Altiom finit par se décider à se relever. Après une petite sieste. De trois heures.

Et c'est ainsi, deux bons jours plus tard, que nous retrouvons notre régent. Chevauchant Altivo son fidèle destrier, en paix comme en guerre, il laissait couler sous ses yeux les plaines de Calozi, rouler les vagues qui venaient les mordre, glisser les nuages qui les abritaient. Velmonè s'incrustait en ce paysage comme un joyau dans une couronne, sublimant le tout sans le dénaturer le moins du monde.
- Messieurs, à la 'HASSE! lança-t-il, tout guilleret, en singeant le si pittoresque accent de la paysannerie d'Ack (que ce bon vieux Ninis avait eu tout loisir de lui enseigner). "À la chasse", donc. Certes non, l'animal n'avait pas été pris d'une soudaine pulsion meurtrière envers ses frères suderons, tout juste se contentait-il de répondre à l'invitation du vicomte. Et pas n'importe quel vicomte! Arichis, digne représentant d'une des plus honorables familles qui ait jamais foulé ces terres, grande et éternelle alliée et amie des d'Ydril, les d'Anoszia. Pourtant l'archonte se remémorait les leçons d'histoire de sa toute jeune préceptrice de l'époque, Hélène -aaah Hélène, dont la simple souvenance sembla voiler son regard perdu dans le lointain-, relatant l'éloignement progressif des deux maisons. Un abîme que l'homme avait à cœur de combler en ce jour!
Ainsi donc, la petite troupe dévala la dernière pente les séparant encore de la populeuse cité. Fait rarissime, la proximité de la destination avait même permis à Alarico de se délester pour quelques jours de sa charge de régent en second. Une petite douzaine de gardes archontaux, eux aussi bons camarades, escortaient le duo d'anthologie. Une chasse, grands dieux! Voilà bien des lustres qu'il n'avait participé à une chasse! Enfin si l'on omettait celles aux gibiers fantastiques, mais baste. Courir après quelque chose d'à peu près normal ne lui ferait pas de mal pour une fois. Et c'est au fil de ces tergiversations que tous arrivèrent finalement devant le castel de Velmone, au travers de maintes rues et avenues à l'effervescence toute suderonne. Et tandis qu'un garde se préparait à aller annoncer l'arrivée du bonhomme, ce dernier crut bon de le décharger d'une telle responsabilité: allons allons, un grand garçon comme moi peut bien aller s'annoncer de lui-même, et s'engouffrant dans le fort, de crier à la cantonade sur un ton des plus enjoués: HOLÀ ARICHIS!! LES PÂTÉS D'CERF ET LA VINASSE SONT ARRIVÉS HAHAHA!!

HRP:

Sujet: Re: Une chasse dans la richesse de l'Arichis! Sam 16 Jan 2016 - 3:28

Arichis était de ces hommes à la patience infinie qui attendait leur heure, certains qu’elle viendra un beau jour. Depuis la chute de l’ancien Comte, Diogène le Fol, Ydril n’avait plus la même brillance qu’autrefois. Parmi la noblesse du comté, on murmurait des conspirations à l’encontre de l’Archonte, le dernier fils d’Ydril qui bien d’un sang illustre se comportait en gueux lettré. Un jeune homme qui aspirait plus à la boisson et aux voyages qu’aux affaires du pays qu’il laissait à son ami d’un sang moins bien. Apprenant son retour, L’Anoszia lui envoya une invitation pour une partie de chasse. L’activité noble par excellence qui était censé rapprocher les nobles. Pour cela Velmone avait été décoré aux couleurs du comté et de la famille, les bannières de l’Hydre avaient été sorties aux côtés de celle du Dragon. Même si le Patriarche ne portait nulle affection à son suzerain, il l’accueillait dans son charmant village avec les honneurs dû.

Velmone avait été choisi par Arichis pour être le berceau de sa petite famille. Tomber sous le charme de ses étendues vertes, de ses jardins et de ses falaises, le Patriarche en avait fait sa demeure principale tandis que Cloyi restait la capitale du vicomté. D’ailleurs le village ne possédait pas son propre port pour pouvoir prétendre à ce titre. Toutefois, ce qui le démarquait des autres bourgades du même acabit, c’était bien le somptueux palais des Anoszia. Là où la joyeuse fratrie avait grandie. Là où la voix désagréable de l’archonte vint briser des siècles de protocoles et de bienséance.[i]

« Bonne Dame.[i] Jura Arichis. C’est pis que je ne le pensais. A-t-il été élevé avec les cochons ? Continua-t-il en s’adressant à sa sœur, Sibylle, qui comme à son habitude rit des manières de son frère en réajustant son col.

Arichis descendit les marches menant à la cour où l’attendaient Altiom et ses gens. Entouré par sa sœur, et sa maisonnée, l’Anoszia l’accueillit.

« Bienvenue Archonte, nous vous attendions un brin plus tôt. Si vous le souhaitiez, Alfonso vous montrera vos chambres et vous apporteras de quoi vous rafraichir de votre voyage. »

Ah par les nibards pendigolants de Tyra ce foutredieu de protocole qui revenait à la charge ! Qu'à cela ne tienne ! À peine le maître de céans parut-il dans le champ de vision de son remuant convive qu'une paire de paluches avides s'en venait l'étreindre dans une grande accolade fraternelle, digne d'un chef de guerre wandrois !
- Allons, allons ! Laissons les courbettes et les fanfaronnades et tous ces titres ronflants pour les courtisans d'Soltariel et leurs plumes dans l'cul ! clama tout haut le drille en libérant le pauvre hôte de son câlin d'ours. Ici point d'archonte, point de vicomte : nous sommes frères ! Deux fils de vieilles familles amies que les âges ont par trop éloignées ! Et pour vous je n'serai qu'Altiom ! Ou Tiom, mais nous verrons c'la après la deuxième boutanche.. oh, à c'propos ! Frappant des mains, le suzerain invoqua alors comme par sorcerie une ribambelle de tonnelets glougloutant de nectar. Servants et gardes archontaux s'affairaient déjà à décharger la pesante cargaison : quartauts de rouquin à la redresse et ballots regorgeant de pots de terre cuite emplis des plus savoureuses viandes que pût offrir le comté, hachées et épicées à souhait. Ah c'est qu'on les gâtait ces Anoszia !
- De quoi faire bonne chère en accompagnant l'tout de bien gouleyantes rasades ! jubilait-il comme un marmot. Mais soucieux de ne point contrarier un si bon vassal, le luron et sa clique coupèrent court aux palabres et présentations - on aurait bien assez du banquet pour cela - et emboîtèrent finalement le pas de l'Alfonso.
Ainsi l'on fit la causette, l'on traversa les mille et mille salles que recelait la tentaculaire demeure, l'on admira toutes ces fresques chamarrées le long des corridors, peintes par les plus grands maîtres, et l'on vit tant d'autres merveilles encore. Mais surtout, surtout, l'on ne ripaillait pas ! Et forts pressés qu'ils étaient d'en arriver à l'étape boustifaille, tous ces ventres sur pattes s'installèrent et se débarbouillèrent fissa pour aller faire le planton en papotant devant leurs quartiers, parés à décarrer vers la grand'salle sitôt qu'on s'en viendrait les mander. À la bonne heure, un valeton qu'on accueillit comme le messie ne tarda pas à pointer le bout de ses grolles, et l'on s'en fut tous dans un horrible vacarme de rires, de gauloiseries et de "À LA MANGEAAAAAAAAAILLE !!".
- Arichis vot' surnom d'Patriarche est tout sauf usurpé ! Par les trois paires d'balloches d'Othar z'avez été sacrément productif ! lançait l'arsouille à la cantonade en pénétrant la majestueuse grand'salle, à la tête de sa gaillarde maisnie. Et puis s'arrêtant devant ses hôtes : l'aîné d'la fratrie j'imagine ! Ni une ni deux, le voilà qui saisissait d'une dextre vigoureuse l'avant-bras du malabar, en lui posant une patte amicale sur l'épaule. Oschide, c'est c'la ? Bâti comme un futur capitaine émérite de l'ost ydriain ! Je gage qu'nous bataillerons bientôt côte à côte, sus aux ennemis de notre bon Royaume. Hah, il me tarde déjà !

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