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 L'encombrant vassal

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Roderik de Wenden
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MessageSujet: L'encombrant vassal   L'encombrant vassal I_icon_minitimeSam 17 Jan 2015 - 1:27


L'An Huit du onzième cycle
Deuxième ennéade de Barkios
Le septième jour...


Chevauchant à bride abattue, Roderik et sa coterie poursuivaient leur folle équipée. Cela ferait bientôt une ennéade qu'ils avaient quitté Wenden et entamé leur périple. Ils avalaient de grandes distances dans les plaines et les collines boisées, remontant vers le Nord après leur court détour en pays olyssean. Une halte à Arétria-la-ville avait retenu le jeune seigneur à peine une journée, à la suite de quoi il avait été décidé qu'ils ne rentreraient pas tout de suite à Wenden ; Roderik avait encore des choses à faire plus au nord. Ainsi les hommes remontaient vers la côte au grand galop en longeant le fleuve qui serpentait, les contraignant à suivre une route sinueuse. De l'autre côté de la rive, on voyait se dessiner au loin les grandes falaises du nord-ouest arétrian, frontière naturelle du pays avec son voisin serramirois. Par bonheur, leur périple ne les conduirait pas à s'aventurer dans les montagnes ; ayant grandi dans les plaines les plus plates de la malelande, Roderik n'était pas un amoureux des grands reliefs.

L'orage grondait dans la plaine. Il faisait chaud. Roderik s'épongea le front ; l'air était chargé d'une moiteur qui le faisait suer. Pas un souffle de vent, pas le moindre. Le soleil, pourtant, persistait à se cacher derrière d'épais nuages, et une averse menaçait d'éclater à tout instant. Comme si le temps était suspendu dans l'attente de prendre une décision, et qu'il restait indécis, le cul entre deux chaises.
Le ciel et les hommes se ressemblent tellement, parfois.

Plus de sept jours de chevauchée, même sur de bonnes et robustes montures arétanes, cela finit forcément par faire mal au cul. Ses lombaires lui faisaient souffrir le martyr. Et il avait faim. Et soif. Pis, une furieuse envie de vider l'écluse le prenait. Mais ils avaient encore de la route, et il n'était pas très pratique de déballer son bazar tout en restant en selle.

La nuit les prit en traître, enveloppant le pays de son grand voile sombre. C'était un soir sans lune et sans étoiles. Par bonheur, ils arrivèrent à leur destination sur ces entrefaites. Émergeant de la brume, éclairées par des torches et dominées par de hautes tours, des murailles trapues se découpaient dans la nuit. Labyrinthe de rues crasseuses aux maisons de bois, Lün était la troisième ville d'Arétria, et son principal port. C'était un lieu plein d'animation, même la nuit. Le bruit omniprésent n'était pas sans rappeler l'agitation de la capitale arétriane, mais en plus anarchique. Les habitants de ce lieu étaient des hommes rudes, coriaces, maniant la hache comme personne quand il s'agissait de couper le bois, et dont les mains solides construisaient de non moins solides bateaux. Ils étaient, surtout, de grands marins, qui connaissaient mieux que quiconque les confins nord de l'océan d'Eris, Lün étant le plus nordique des ports humains.

Une ville de reîtres, de vieux loups de mer, de voyous, aux rues sales et fangeuses... et terriblement fière. Ayant grandi loin de la mer, Roderik n'en trouvait l'endroit que plus étrange. Avançant au pas dans la grande allée, lui et ses hommes se tenaient sur le qui-vive comme s'ils pénétraient en terre étrangère. Ce qui était presque le cas. Car, si le seigneur de Lün avait - tardivement - prêté allégeance aux Karlsburg, la cité portuaire conservait une farouche réputation de ville rebelle défiant l'autorité comtale. De mauvaises habitudes qui avaient été prises lors de la latence du pouvoir en Arétria, après la chute du comte Anseric de la Rochepont. Lün s'était alors érigée en ville-franche, tenue successivement par les pires ladres de sa cupide bourgeoisie, lesquels s'entre-tuaient les uns les autres pour mieux dilapider les coffres d'une des villes les plus stratégiques du pays. Un chevalier acoquiné à cette fange de flagorneurs, une crapule du nom de Radbod du Ruy-aux-vierges, avait fini se faire ouvrir les portes de la ville et y mettre bon ordre ; puis il avait prêté serment au nouveau comte d'Arétria, moins par respect des traditions que pour rester en place et continuer à s'en mettre plein les fouilles. Certes il avait ramené l'ordre en ville en consolidant sa position, notamment par le biais d'un mariage avantageux. Mais il persistait à diriger Lün comme un voyou dirige son territoire. Il terrorisait les rues, menaçait les marchands et taxait à outrance ; il acceptait l'autorité comtale mais la méprisait en même temps.
C'est cette même crapule que Roderik et ses trois inséparables venaient rencontrer, alors que leurs chevaux pataugeaient dans les venelles putrides de Lün en direction du château, sous le regard curieux de charlatans et autres cul-terreux.

Le château également demeurait éveillé longtemps après le crépuscule. Roderik et ses hommes traversèrent une salle bruyante, sombre, les torches projetant sur les murs leurs ombres lugubres et dansantes. Malgré l'heure tardive, Radbod du Ruy-aux-vierges recevait encore. On annonça Roderik bien modestement, et il fut introduit alors que le seigneur de Lün terminait une discussion avec des marchands - quoique leur apparence évoquait plutôt des bandits et des assassins. Les cheveux couleur nuit, comme cette foutue ville, et une longue barbe noire lui mangeant le visage, Radbod était engoncé dans un trône en bois de pin, rayonnant de splendeur tel un roi légendaire. Il était d'ailleurs vêtu comme un prince, et Roderik se mit à penser que la moitié des revenus du port devaient probablement servir à sa parure. Et l'autre moitié part dans les pots-de-vin.

- Le seigneur de Wenden nous fait la grâce de sa présence, annonça Radbod avec un mauvais rictus. Soyez le bienvenu, ajouta-t-il avec une pointe d'impatience qui semblait indiquer tout le contraire.

La pièce était peuplée d'un côté des quémandeurs venus s'attirer les faveurs du maître, de l'autre de reîtres s'assurant de la protection d'untel ou d'untel. En cet instant précis, tous les regards étaient tournés sur Roderik. Si celui-ci n'en menait pas large, il ne le montra pas le moins du monde.

- Seigneur Radbod.

- Vous êtes loin de vos terres, Wenden. Êtes-vous venu contempler l'océan ? Il est vrai que les étendues d'eau sont rares par chez vous. On raconte même que les malelandois de l'est ne se lavent pas.

La plaisanterie fit rire l'assistance. Roderik, un peu moins. Il est quand même gonflé, quand je pense à l'odeur de merde qui se répand dans les rues de Lün.

- Je suis ravi de vous trouver en si bonne santé, répondit-il d'un ton dégagé.

- Je vous renvoie cette aimable attention. Vous voir rentré d'Oësgardie est un soulagement, j'ai craint un moment que vous n'ayiez partagé le funeste destin du comte Wenceslas. Quel grand malheur, mourir d'une mauvaise colique à son âge...

- C'était la peste.

- Oui, c'est ce que je voulais dire. Mais nous parlons, nous parlons, et c'est qu'il est tard, et les affaires étant ce qu'elles sont, je ne me suis toujours pas restauré. Je m'apprêtais à souper, seigneur Roderik. Vous joindrez-vous à moi ?

Manger à la table de l'homme le moins digne de confiance de tout le pays arétan... voilà une bien belle soirée qui s'annonce. Il avait beau être affamé, il n'y tenait guère ; mais refuser l'invitation n'aurait pas été très judicieux, la discussion s'étant déjà plutôt mal engagée.


Dernière édition par Roderik de Wenden le Mer 7 Déc 2016 - 14:41, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: L'encombrant vassal   L'encombrant vassal I_icon_minitimeLun 26 Jan 2015 - 20:45


Roderik emboîta le pas au seigneur de Lün, imité par les trois chevaliers arétans ainsi qu'une vague de gens de l'entourage du Lünestenais. Ils prirent place dans une pièce confortable aux fauteuils garnis de coussins, à la longue table chargée de plats précieux et de vins raffinés. Le seigneur de Lün posa son derrière avec un soupir de contentement, puis désigna un pichet contenant un vin à la magnifique robe pourpre.

- Un grand cru de Hautval, seigneur Roderik. C'est autre chose que la pisse que vous buvez chez vous, hein ? Hahaha ! Buvons ensemble à... eh bien, à tout ce que deux hommes aussi semblables que nous pourraient avoir envie de trinquer.

Je bois au jour où ta tête sera fichée au bout d'une pique, à respirer le bon air marin des côtes lünestenaises, pensa Roderik.

Roderik leva son verre comme tout le monde, mais y trempa à peine les lèvres, faisant illusion. Il mourait de soif, en vérité, et le vin devait être hors de prix. Mais même le raffinement de toute cette débauche culinaire ne lui ferait pas baisser sa garde. Au contraire, cela l'incitait plus encore à la prudence.
Et, par Othar, il avait toujours autant envie de pisser.

On se mit justement à deviser religion. Il se trouvait un prêtre dans l'assistance, qui se trouva bientôt à débattre avec son voisin, un vavasseur lünestenais du nom de Macaire de la Roche-aux-Huîtres, sur les croyances hérétiques des peuplades wandraises. Puis Radbod vanta les bienfaits de sa juste administration des terres, déclarant qu'il avait rendu à Lün son rayonnement et mit fin à l'isolement dans-lequel elle s'était trouvée jusqu'alors. Menteries que tout cela, cet âne se fiche bien du rayonnement de Lün, tant qu'il peut s'en mettre plein les fouilles et s'empiffrer jusqu'à en caner.

Il y avait aussi une femme à leur table. Encouragée par Macaire de la Roche-aux-Huîtres, elle avoua un certain talent pour le chant. Mais c'était une chose de l'entendre dire, et une autre de l'entendre chanter ; Roderik était plus familier des chants guerriers, pourtant le timbre de la donzelle le saisit aux tripes. Sa voix le saisit tout entier, et il fut certain de ne jamais rien avoir entendu d'aussi beau. En même temps, l'on ne s'efforçait guère de chanter juste dans la malelande.

- Et ce n'est qu'un seul des multiples talents dont la petite fait montre quand il s'agit d'utiliser sa bouche, railla Radbod.

La saillie lui attira une nouvelle fois le mépris sans limites de Roderik. La jeune femme, pour sa part, fit mine de ne rien avoir entendu, mais à la façon dont elle baissa le regard, comme prise en faute, le seigneur de Wenden comprit que son quotidien était fait des brimades du maître des lieux.

- Allez, dites-moi ce que vous voulez, seigneur Roderik.

Oui, qu'on en finisse. Il tira de sous son vêtement un document écrit qu'il posa sur la table.

- J'ai ici une liste de noms d'hommes devant être remis à la justice du comte Alwin. Sans délai.

Radbod fronça les sourcils, et tendit la main. L'un de ses sbires s'empara du document pour le lui remettre. Son sourire déjà mitigé disparut complètement à la lecture des noms.

- Vous devez plaisanter. Certains des hommes dont les noms figurent sur cette liste font partie des plus fortunés de cette ville. Des citoyens honorables...

Roderik retint un ricanement. Honorables... le mot sonne tellement creux dans la bouche de ce gros porc.

- Des hommes qui se sont rendus coupables de toutes les forfaitures, répliqua-t-il. Le comte juge que leurs crimes ne relèvent plus de votre juridiction.

Le document listait en vérité tout l'entourage proche du seigneur Radbod, les noms de tous les hommes liés à ses entreprises illégales, ceux qui l'appuyaient dans sa quête d'enrichissement perpétuel. Le véritable but de la manoeuvre était moins de mettre ces gens hors d'état de nuire que de déstabiliser l'équilibre précaire que Radbod avait réussi à installer à son profit pour s'imposer contre ses rivaux. Il ne faisait aucun doute que si Radbod perdait pied, les petites guerres privées reprendraient à Lün.
Ce qui, à long terme, était tout sauf souhaitable.
Mais à court terme, un retour aux troubles momentané pouvait ouvrir de nouvelles perspectives. Il s'agissait simplement de remuer la marmite après y avoir mis les ingrédients. Tel un apprenti sorcier, incertain du résultat, Roderik comptait sur la bonne fortune pour que quelque chose de bon en sorte. Après tout, la seule manière d'être sûr que rien ne changera, c'est de ne rien changer.

- Le comte n'a pas son mot à dire dans des affaires qui concernent les Lünestenais et rien qu'eux, gronda Radbod.
- Les citadins sont hommes libres, et le comte peut les juger.
- Je suis seigneur de Lün, tous ces gens sont mes serfs. Je peux accepter de m'humilier par un serment, mais je n'accepterais jamais l'ingérence.

L'ambiance s'était sacrément refroidie autour de la table.

- Ne jouez pas ce petit jeu avec moi, Wenden, poursuivit Radbod, le visage rouge de colère. En cela je suis imbattable. Tout ce qui touche Lün passe par moi. Avant que je ne prenne les choses en main, cette ville était plongée dans le chaos. C'était une guerre permanente. Celui qui contrôlait la ville le matin était tué avant la nuit. J'ai mis fin à cela, j'ai rétabli l'ordre. Alwin veut récolter les fruits de ce que j'ai semé ? Il n'aura rien.
- Vous vous méprenez, Radbod. Il n'est pas question de ce...
- Dites-moi, que vous offre le comte Alwin pour jouer son homme à tout faire ? ricana Radbod en lui adressant un sourire plein de haine. Quelle fierté éprouvez-vous en vous agenouillant devant lui, comme une petite catin qui se cambre pour lui sucer la bite ?
Ce à quoi Roderik répliqua, calmement :
- Tout le monde s'agenouille devant quelqu'un, et je n'ai aucune honte à le faire devant Alwin de Karlsburg. Je ferais de lui un roi, s'il fallait cela pour rendre à la malelande toute sa grandeur d'antan.

Il prit congé, conservant ce calme apparent le temps qu'ils regagnent leurs montures et quittent la ville. Ce n'est qu'une fois hors des murs qu'il laissa éclater sa colère, hurlant les yeux rivés au ciel, comme s'il s'adressait aux dieux, qu'il étriperait Radbod du Ruy-aux-vierges de ses propres mains.

Ses hommes demeurèrent silencieux. Leudaste le Jeune, Beirand de Pisfroid et Wulfric de La Fosse connaissaient trop bien le seigneur de Wenden pour ignorer de quoi il était capable lorsqu'il entrait dans ses colères noires. En cet instant précis, ils retrouvaient le jeune homme colérique qu'ils avaient toujours connu, bien loin de l'être effacé, froid et calculateur qu'il avait été ces derniers jours.

Ce fut lui qui rompit le silence, longtemps après, bien qu'ils fussent toujours en selle :

- Le port de Lün est l'un des meilleurs atouts d'Arétria, dit-il. Mais cette clique de voleurs le ruine. Radbod n'en est qu'un parmi les autres. Le mal est profondément enraciné.

Qu'Othar m'en soit témoin, je purgerais cette ville de toute cette sarabande.
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