Incompétence ou traîtrise ? [PV Azhar] / Terminé

Dernière édition par Aleth le Mer 18 Mar 2015 - 18:23, édité 1 fois

-On a des ordres, on reste là.

-Devant une porte qui sépare deux couloirs ? Tu peux me dire l’intérêt ?!

Un débat avait pris forme chez les Akhabans. Aleth et trois de ses collègues gardes devaient assurer la sécurité du Seigneur de Baaz’Hima en personne tandis qu’il était en visite au Sérail. Cependant, ils n’avaient pas eu le droit de camper devant la porte de la chambre où se trouvait le Prince-Marchand, soit disant par souci de son intimité… Ordre du Grand Akhaban. La mercenaire était assez sceptique devant cette justification, estimant qu’en matière de sécurité l’intimité n’avait pas sa place et qu’ils étaient en train de prendre des risques inutiles.
Deux de ses compagnons étaient des Akhabans directement employés par le palais et ils étaient persuadés qu’elle venait simplement de trouver un motif de plus de contredire le Grand Akhaban comme elle avait l’habitude de faire. Le troisième en revanche, un mercenaire de la même compagnie que l’assassine, essayait de jouer les médiateurs. Comme à son habitude. C’était d’ailleurs pour cette raison qu’il était affecté avec Aleth la plupart du temps. On pensait qu’il avait la possibilité de modérer ses élans de rébellion. Mais pas cette fois… Par con attitude et ses suggestions, il comprenait qu’elle menaçait de quitter son poste à tout moment pour aller, comme à son habitude, n’en faire qu’à sa tête.

-Vous avez tous les deux raison mais en débattre ne sert à rien. Nous n’avons pas de motif sérieux pour bouger d’ici. Tenta-t-il vainement.

-Vous, peut-être pas. Moi, je le sens pas.

-Ha ! Et tu appelles ça un motif sérieux ?

Aleth dédaigna l’Akhaban et tourna les talons. Elle marchait moins à la raison qu’à l’instinct. Il était vrai qu’en plein milieu d’un Sérail déjà sécurisé par deux corps entiers de gardes, le Prince ne craignait sans doute pas grand-chose. Toutefois, elle ne voyait aucune raison valable de minimiser les risques et donc de réduire leur vigilance. Si leur employeur se faisait attaquer, il pouvait toujours tenter de les appeler à l’aide… Le son devait parcourir deux portes épaisses et cinquante mètres de couloir avant de leur parvenir. Et même si ses oreilles à moitié elfes parvenaient à l’entendre, il serait mort avant qu’ils n’aient le temps de dégainer leurs armes.

-Aleth, bon sang, reviens !

-T’inquiète. Elle est partie dans la mauvaise direction. C’est bien une femme !

Le mercenaire tourna son regard vers le garde et le fixa durant une seconde. Il prenait visiblement l’attitude de sa camarade beaucoup plus au sérieux.

-Ce n’est pas parce qu’elle part dans le sens opposé de sa destination qu’elle ne s’y rend pas…

L’Akhaban cessa de glousser et se demanda ce qu’il pouvait bien vouloir dire par là. Mais Aleth avait déjà disparu du long couloir qui s’étendait devant eux. Il était impossible qu’elle soit déjà arrivée au bout et ils n’avaient pas entendu de portes s’ouvrir… Les trois gardes restèrent à regarder l’endroit en se demandant où elle avait bien pu disparaître. Au moins, le calme était revenu. C’était déjà ça.

Mais la mercenaire n’était pas bien loin… Elle avait pris une porte sur la droite et se trouvait désormais dans une chambre vide. Elle la traversa d’une traite pour se rendre à la fenêtre. Elle l’ouvrit et passa la tête à l’extérieur. Au bout de deux ans de service, elle connaissait suffisamment les lieux pour savoir ce qu’elle faisait. De là où elle se trouvait jusqu’à la chambre où se tenait le Prince, il n’y avait que trois balcons. Facile !
Aleth s’aida des interstices laissés entre chaque pierre du bâtiment pour se rendre jusqu’au premier. Ensuite, elle n’eut qu’à sauter de l’un à l’autre pour se rendre jusqu’à celui qu’elle visait. Son agilité et son entraînement d’assassin l’aidèrent à atteindre sa destination avec le plus de discrétion possible. Une fois sur place, elle resta dissimulée derrière un pan de mur, les rideaux voletant avec la brise printanière contribuèrent à la masquer à la vue de ceux qui se trouvaient à l’intérieur. Elle tendit l’oreille et n’entendit rien qui sortait de l’ordinaire comparé à l’activité habituelle du Sérail. Elle se risqua à jeter un œil furtif et ne vit aucune menace apparente. Toutefois, la pièce formait l’angle du bâtiment et la porte n’était pas gardée. Des menaces pouvaient arriver par bien des côtés… Mais qu’à cela ne tienne, elle préférait camper là plutôt que dans le couloir où elle était parfaitement inutile.

Le sérail du prince se trouvait dans la partie la plus excentrée du palais, c’était une bâtisse à plusieurs dômes à l’éclat d’or. Partout, les fenêtres étaient contre-plaquées de vitraux élégamment travaillés. A l’intérieur même du bâtiment, il n’y avait aucune porte de fer ou de bois, rien que des rideaux et soieries pour marquer les entrées des pièces, juste assez opaque pour suggérer les silhouettes sans rien dévoiler d’autres. La pièce principale du sérail était à toit ouvert, et encerclé de corridors tenu par des colonnes nisétiennes. Au centre de celle-ci, une fontaine d’eau à l’effigie d’un Salougan. Derrière les corridors se trouvaient les chambres des esclaves, tandis qu’à l’étage celles des concubines, du deuxième celle des favorites et au dernier celle des épouses et des enfants. Partout, l’on ne pouvait ignorer la présence des fameux Sacri et Sacra de Baaz’Hima, ces ennuques zurthans et orientaux qui tenaient la garde et assurer la protection des femmes.

A l’étage, le Prince de la Cité était dans une grande chambre spacieuse où il profitait des charmes de l’un de ses favorites sur un épais tapis rembourré de coussin. C’était une humaine, originaire d’une des cités du delta qu’il avait rencontré à un banquet de Thaar. La jolie brune était au-dessus de lui, au centre de la pièce tandis que deux esclaves habillés d’un simple pagne mettant à nu leurs petites poitrines brassaient de l’air avec une branche de palmier car malgré la saison printanière, Baaz’Hima avait tendance à vite devenir chaude en pleine après-midi. Dans un coin de la pièce, une table avec des boissons.

« Sais-tu que j’ai connu une sang-mêlée autrefois qui… »

Azhar fut interrompu par deux jeunes femmes qui venaient de soulever les rideaux de l’entrée, habillés de draps long et translucide à certains endroits. Le prince ne s’en offusqua pas et leur offrit un large sourire.

« Que j’aime les surprises. »Dit-il en les détaillant, c’était deux esclaves de son harem dont il n’avait encore jamais profité. Normalement, elles n’auraient du jamais se trouver là. Leur tour était dans plusieurs ennéades, et sans doute Azhar les auraient chassés s’il avait vu le petit poignard qui dépassait de leurs manches.

« Mon Prince. » Le salua la première, une jolie petite brunette aux yeux clairs. La deuxième lui fit une petite révérence et se rapprocha du couple en plein ébat. Le prince leur répondit par un petit clin d’œil et fit basculer sur le dos sa concubine. L’embrassant dans le cou, il lui murmura quelques mots et la laissa se relever, elle jeta un regard suspect vers les esclaves qui l’avait interrompu et prit congé en dandinant des fesses ce qui fit rire le prince.

« A vous deux maintenant ! »

Aleth se trouvait toujours sur le balcon, jouant avec une de ses dagues pour passer le temps. Ses oreilles étaient aux aguets, guettant ce qu'il se passait dans la chambre afin de s'assurer qu'aucune menace ne planait. Dans un moment, elle se déciderait sans doute à faire le tour de cette partie du bâtiment pour vérifier que rien ne viendrait perturber le couple de l'extérieur. Une mesure de précaution...
Finalement, la mercenaire cessa son petit jeu de lame et reporta son attention vers les deux séries de pas qui entraient dans la chambre, interrompant le prince dans son récit... et dans ses ébats. Elle glissa discrètement un œil dans la pièce. Elle était à peu de choses près derrière les deux esclaves qui venaient de pénétrer les lieux afin de s'offrir au Seigneur de la cité.
C'était une chose qu'elle ne comprendrait jamais... Elle-même avait déjà dû donner son corps mais c'était sur ordre de son maître. A choisir, elle préférait se distinguer par les armes que dans une couche, même si l'enjeu était de gagner sa liberté. Mais elle n'était pas une esclave éduquée pour satisfaire les plaisirs des hommes... Peut-être son point de vue aurait-il été différent si tel avait été le cas.

La concubine sortit, sans doute un peu vexée que son Prince l'ait dédaignée pour se consacrer à deux misérables esclaves. Aleth porta à nouveau son attention sur les intruses. Leur présence n'avait rien d'habituel. La priorité allait aux compagnes officielles et les nouvelles acquisitions venaient en dernier. Elles jouaient là un drôle de jeu en sucrant la place d'une concubine. Peut-être cette dernière avait-elle raison de se méfier...
L'Akhaban resta à les observer avec attention. Quelque chose attira son regard au niveau de leurs mains. Elle savait repérer quand quelqu'un cherchait à cacher quelque chose pour l'avoir souvent pratiqué elle-même. Le vent écarta un des rideaux translucides et elle vit le brillant d'une lame dissimulée que l'on s'apprêtait à brandir. Il était peut-être temps pour elle de sortir de l'ombre...

-Pardonner cette intrusion, Votre Altesse...

Les deux esclaves se retournèrent subitement dans sa direction, surprises. L'Akhaban se trouvait désormais bien en vu au milieu du balcon. Sa voix avait raisonné fort et clair et n'avait pas manqué d'attirer l'attention de tous ceux qui se trouvaient dans la pièce.

-Mais j'ai bien peur de devoir m'interposer.

Il n'était pas dans les habitudes de la demi-elfe de parler avec tant de manières mais elle aimait soigner ses entrées...
La stupéfaction passée et se sachant découverte, l'une des intruses tenta le tout pour le tout. Elle fit volteface et s'élança vers le Seigneur de Baaz'Hima. D'un seul mouvement, Aleth saisit un de ses coteaux à lancer sur sa cuirasse et la lança vers elle. L'esclave s'écroula sur le sol, une lame dans la nuque. Sa dague lui échappa et alla frapper le pavage avant de glisser sur un ou deux mètres. La moitié du problème était réglée.
Un cri retenti dans la pièce, celui d'une des observatrices aux éventails choquée par la vision de ce corps inanimé, de son regard vide et du sang qui coulaient lentement depuis sa nuque.

L'Akhaban resta imperturbable tandis que la seconde intruse portait un regard vers sa compagne morte. Elle s'avança finalement pour entrer à son tour dans la pièce. Une fois qu'elle eut passer la barrière de tissu qui la masquait à demi, elle reprit la parole.

-A toi de choisir. Tu te rends...

Aleth saisit les armes qui se trouvaient dans son dos et se mit en position de combat. Le tranchant de ses lames positionné le long de ses avant-bras, elle en plaça une devant elle et la seconde derrière. Une fois en place, elle acheva sa phrase avec un ton plus dur.

-... ou tu rejoins ta copine.

L'esclave eut un instant d'hésitation. Quoi de plus normal après la démonstration que l'Akhaban venait de faire de ses compétences. Mais à présent qu'elle était découverte, si elle n'achevait pas sa mission elle serait condamnée à mort. Elle n'avait plus rien à perdre... Et puisque s'attaquer au Prince était impossible en la présence de la demi-elfe, il fallait lui régler son compte.
Dans un cri de rage, l'assassin s'élança vers Aleth qui resta immobile jusqu'au dernier moment, parant un coup de dague qui aurait dû lui transpercer l'épaule. Pivotant sur elle-même pour écarter son assaillante, la mercenaire lui rendit la politesse en entaillant son bras de sa seconde lame avant de lui faire à nouveau face. L'esclave lâcha un gémissement de douleur et de surprise. Elle jeta un petit coup d'œil à son bras avant de se jeter à nouveau sur son adversaire. A présent, l'Akhaban se tenait entre elle et le Prince et n'avait pas l'intention de la laisser s'en approcher de nouveau. Les deux femmes usaient des mêmes qualités dans leur style de combat, à savoir la vitesse, l'agilité et la précision. Aleth para et esquiva un certain nombre d'attaques avant de repousser l'humaine d'un coup de pied, la contraignant à reculer et ainsi à perdre le peu de distance qu'elle était parvenue à gagner en direction de sa cible.
Puisqu'elle ne pouvait plus s'en approcher, l'esclave lança son arme vers le Prince afin d'essayer de le toucher. De ses lames, la mercenaire arrêta le projectile en pleine course qui vint s'échouer à ses pieds. Ce n'était décidément pas son jour... Entre la colère, la frustration et la peur, l'humaine fit une tentative désespérée et s'élança vers son adversaire, ou plutôt vers sa dague. Aleth fit deux pas dans sa direction et l'arrêta dans sa course. Un pied au niveau de sa cheville et une main dans son dos, elle utilisa son élan pour la projeter violemment au sol, face contre terre. Alors que l'esclave était temporairement étourdie, l'Akhaban posa son tibia dans son dos, usant de tout son poids pour la plaquer au sol. Une lame sur sa nuque et la seconde devant sa gorge, elle releva la tête en direction du Seigneur de Baaz'Hima, attendant de savoir si elle devait l'achever ou s'il voulait l'interroger pour connaître le nom de son commanditaire.

Aleth apparut derrière les deux esclaves ce qui fit sourire encore plus le prince qui allait demander si elle venait se joindre à eux, mais son sourire se figea lorsqu’une de ses esclaves dégaina un poignard pour s’élancer vers lui. Son Akhaban l’arrêta net avec un lancé de poignard, et le corps si désirable de la brunette tomba au sol dans un bruit sourd tandis que la dague voyagea sur quelques mètres dans un cliquetis désagréable à la tranquillité du lieu. L’une des esclaves aux éventails poussa un petit cri alors que son maitre soupira d’exaspération. Voilà qu’on tentait de l’assassiner dans son propre sérail maintenant, ses frères ne manquaient pas d’audace pour l’attaquer en ce lieu si bien gardé, à moins que cela soit l’un de ses bâtards. Azhar jura à haute voix, et les feuilles de palmiers accélèrent leur cadence alors qu’Aleth tournoyait face à l’assassine. Le Prince se releva de sa couche pour remonter son pantalon, et mettre un haut tranquillement pendant que les deux femmes se battaient. Azhar avait tout à fait confiance en les capacités martiales de son Akhaban.

Il ne quitta pas des yeux les deux femmes, et se permit de sourire lorsque sa garde prit le dessus sur ladite esclave. Il faisait confiance à son Grand Akhaban qui lui avait assuré que cette sang-mêlé savait s’y faire avec les armes.

« Bien bien bien. »

Alerté par le bruit différent de ceux qui émanait d’habitude du sérail, trois grands Sacri rentrèrent dans la pièce avec des sabres brandis.

« Vous êtes en retard messieurs. »

Un des Sacri grogna des excuses dans un oliyan très moyen, Azhar le fit taire d’un mouvement de la main.

« Non non non, pas d’excuses valable pour cette fois-ci si cette jolie Akhaban n’était pas là, je me serais retrouvé aussi homme que vous l’êtes. Il se rapprocha d’eux, mains derrière le dos. Sortez de là tout de suite ! »

Azhar avait fait patienter durant ces secondes Aleth en position de domination sur la tueuse, dague contre son petit cou si fin.

« Quel gâchis franchement, je suis sûr que tu aurais faite une très bonne esclave du sérail, tu aurais pu gagner de l’influence, t’enrichir, gagner ta liberté, accumuler bijoux et soieries, mais non tu as décidé de tout gâché en acceptant ce contrat. »

Le Prince fit semblant d’avoir l’air peiné et se rapprocha de la prisonnière. A son niveau, il s’accroupi, pinça les lèvres d’un air simulé contrarié et la gifla du dos de sa main.

« Dis moi maintenant, qui a voulu me tuer sur ce coup ? Ma sœur Leyla ou son frère Jahfar ? A moins que cela ne soit un de mes bâtards ? Faoussim ? Ghahlin ? Non tu sais quoi, pas la peine de me répondre. Je sais déjà qu’ils veulent et tenteront tous de me faire tuer. »

Il se releva et fit comprendre à Aleth qu’elle pouvait la tuer, à elle revenait l’honneur de la tache.

Aleth regarda son employeur sermonner bien gentiment ses gardes. Il était bien calme pour quelqu’un qui serait mort si elle n’avait pas pris la liberté de remettre une nouvelle fois en cause l’autorité de ce Grand Akhaban de mes deux… Elle passa sur le « jolie » qui la qualifiait. Le Prince lui avait déjà fait comprendre qu’elle lui plaisait et il connaissait sa réponse.
L’esclave gisait, immobile, sous son genou. Son poids l’empêchait de respirer correctement et la présence des deux lames encadrant son cou la dissuadait de tenter quoi que ce soit. Elle en avait vu suffisamment sur la mercenaire pour savoir qu’elle ne raterait pas son coup. Lorsqu’Azhar reporta son attention sur elle, il exprima un certain regret concernant son choix. A croire que le fait de pouvoir acheter une femme lui plaisait autant que de jouir de son corps… Quant à son commanditaire, il avait tellement de noms sur sa liste… Et au bout du compte, peu lui importait de savoir qui avait tenté sa chance avec ces deux humaines.

Un simple regard permit à Aleth de comprendre quelle était sa tâche. Cela n’avait rien d’un honneur à ses yeux… Mais des deux semis-elfes, il n’y avait bien qu’elle qui puisse se salir les mains. Et puis, elle avait été élevée dans ce seul but : tuer sans remords. Et en la matière, son maître avait très bien fait les choses.
Préférant ne pas se retrouver couverte de sang, la mercenaire trancha la nuque plutôt que la gorge. Un coup sec et la moelle épinière fut sectionnée. Elle se redressa et rangea son arme propre avant de récupérer un morceau de la robe de l’esclave pour essuyer sa lame.

-Alors pas de représailles pour celui qui a presque réussi à vous tuer ?

La chose surprenait un peu la jeune femme. Après tout, le meilleur moyen de se prévenir de ce genre d’attaques était encore d’étouffer la menace dans l’œuf. Ce n’était pas avec de la clémence qu’il parviendrait à se faire suffisamment craindre de ses adversaires au point de les dissuader de retenter leur chance.

Aleth reporta son regard sur le Seigneur de Baaz’Hima. Parmi tous les habitants du palais, elle était probablement celle qui avait le moins peur de lui. Elle n’hésitait pas à le regarder dans les yeux, à garder la tête haute, ni à lui parler franchement. Même si elle ne le saluait pas, elle restait respectueuse, à sa manière. Pour le savoir, il fallait la voir avec le Grand Akhaban car son attitude était bien loin de la retenue dont elle faisait preuve devant Azhar. Après tout, c’était son employeur et elle ne pouvait que reconnaître son statut princier.
Sa seigneurie avait pris le temps de se rhabiller. Il n’y avait pas la moindre trace d’inquiétude dans son comportement. Il semblait parfaitement détendu… Pas de tremblement, pas de souffle court, pas de sueur froide.

-Vous êtes bien calme. Vous n’avez donc pas peur de la mort ?

L’Akhaban n’hésite pas et de l’une de ses lames, tua l’esclave qui s’affaissa sous le regard légèrement excité du Prince Marchand qui apprécier voir ses condamnations se réaliser. La question innocente d’Aleth fit sourire Azhar qui alla s’assoir sur sa couche. « Presque réussi » était un bien grand mot, il s’était toujours senti en sécurité au sérail et l’intervention rapide de la mercenaire lui prouvait bien à nouveau qu’il ne craignait rien en ce lieu. Il haussa les épaules avant de répondre.

« Si bien sûr que si. Mais chaque chose en son temps. Tuer un commanditaire là maintenant en représailles sans nulle autre preuve que les paroles d’une esclave ne ferait que me créer deux autres ennemis. Tu sais Aleth, je suis l’un des plus puissant et influent Prince Marchand de toute la côte orientale et la petite bande de merdeux qui me sert de fratrie désire plus que tout au monde m’évincer pour prendre ma place, même mes sœurs qui ne peuvent me baiser complotent dans mon dos. Au moins là, je sais à qui j’ai affaire. »

Son Akhaban était une sang-mêlé particulièrement intrigante, l’une des rare à ne pas s’être offerte à lui pour quelques promotions ou avantages. L’une des rares également à continuellement le défier du regard, ce qui le changeait de son cercle de sujets. S’il avait peur de la mort ? Oui, clamer le contraire aurait été pur mensonge. Ce n’était pas pour rien qu’il avait des goûteurs dans chacune de ses salles de banquets, ni tout un contingent d’Akhaban à chacun de ses déplacements.

« A quoi bon avoir peur ? Le Grand Akhaban est là pour veiller sur moi, je lui avais bien demandé de positionner ses gardes non loin de ma position, et il t’a envoyé. Je suis bien protéger, n’est ce pas ? »

Un petit clin d’œil pour appuyer sa dernière phrase. Suhayl, son Grand Akhaban était originaire de Baaz’Hima et était l’esclave personnelle de l’une des épouses de son père. Azhar accepta lorsqu’il s’engagea dans son corps de gardes après la mort de ladite épouse, et petit à petit, il gravit les échelons. Le vieux eunuque avait la confiance, modérée, du prince depuis qu’il remporta un duel judiciaire face au champion de son ainé exilé, une dizaine d’année auparavant.

« Bon travail sinon, le tapis n’est même pas taché. Heureusement d’ailleurs, c’est un cadeau d’une princesse du sud. »

Il s’allongea sur la couche, et croisa les mains derrière sa tête. Une des esclaves aux éventails appela des gardes pour qu’ils emmènent le corps inerte de la tueuse, et une dizaine de secondes plus tard le sol fut nettoyé.

Tandis que le Prince lui exposait son point de vue sur l'attitude à adopter concernant ceux qui cherchaient à le tuer, Aleth acheva de nettoyer son arme et la plaça avec sa jumelle, dans son dos. Elle s'avança ensuite vers le second cadavre et récupéra sa dague. Elle l'essuya sur le tissu translucide de l'esclave avant de la ranger à son tour.

-A quoi bon avoir peur ? Le Grand Akhaban est là pour veiller sur moi, je lui avais bien demandé de positionner ses gardes non loin de ma position, et il t’a envoyé. Je suis bien protéger, n’est ce pas ?

A présent, Azhar était assis là où il se tenait un moment plus tôt avec sa concubine. Il semblait si confiant envers son responsable de la sécurité qu'Aleth ne put s'empêcher d'en rire. Sa réaction rappelait celle qu'elle avait eu lorsque le Prince l'avait invitée à participer à la petite sauterie qu'il préparait avec quelques favorites alors qu'elle ne faisait que passer devant la porte de leur chambre. Ses éclats de rire avaient raisonné dans tout le couloir, comme ils raisonnaient actuellement dans la chambre du Sérail. Il lui fallut quelques secondes pour se reprendre, faisant mine d'essuyer une larme de rire.

-Si vous me connaissiez, vous sauriez que je n'ai aucun respect pour votre Grand Akhaban et que je passe mon temps à lui désobéir. Sans mes compétences et mon instinct ça fait longtemps qu'il m'aurait renvoyée. Et croyez-moi, ça lui ferait particulièrement plaisir de me voir fermer mon clapet. Seulement, si j'appliquais à la lettre ses ordres bidons, je serais encore dans le couloir avec mes compagnons qui n'ont manifestement rien entendu et vous vous seriez allongé sur ces coussins aussi mort qu'on peut l'être.

L'idée que le Prince décède ne lui faisait ni chaud ni froid. C'était un contrat comme un autre et si ce n'était pas lui aujourd'hui s'en serait un autre demain. Elle n'avait aucun attachement particulier à son égard et ne le servait que parce que ça payait bien. Pas de serment d'allégeance, pas de rapport d'autorité, pas de sentiment de devoir. Elle faisait ce pour quoi on l'embauchait et se félicitait tant que son client restait en vie. Mais dans le cas contraire, elle ne pleurerait pas non plus.
Azhar la remercia de ne pas avoir tâcher le tapis et la mercenaire haussa un sourcil.

-Parce que vous arrivez encore à vous souvenir qui vous a offert tous vos cadeaux ?

Aleth ne bougea pas d'un cil tandis que les corps étaient retirés et le sang nettoyé. Elle jeta simplement un regard sur le couloir pour voir si les trois autres Akhabans avaient enfin décidé d'abandonner leur poste pour voir ce qu'il se passait. Mais rien... Soit ils n'avaient pas connaissance de l'incident, soit ils s'entêtaient à obéir aveuglément, ce qui l'exaspèrerait profondément.

Azhar se redressa, ce rire avait le don de l’agacer. Il attendit patiemment que celui-ci se dissipe et arqua un sourcil aux révélations de la mercenaire. Dubitatif, il se méfiait. Elle marquait un point, elle l’avait probablement sauvé et la non-intervention des autres Akhaban était suspecte. Debout, le prince se rapprocha d’elle pour la jauger du regard. Elle avait raison, il ne la connaissait pas plus que cela et ses propos étaient cohérents.

« Tes insinuations sont lourde d’accusations. Si ce que tu dis est vrai, alors Suhayl m’a trahi. Mènes ton enquête auprès des Akhabans, et si ce que tu dis est juste, ramènes moi alors sa tête. »

Contrairement aux autres, Aleth n’était pas motivé par l’ambition. Elle s’était refusé à lui auparavant alors qu’elle aurait pu gravir les échelons très rapidement en écartant les cuisses, voir même rejoindre le harem et devenir plus riche que le plus grand chef mercenaire de la contrée. On ne pouvait pas acheter une femme sans ambition, et c’était peut-être pour cela qu’Azhar lui faisait confiance sur ce coup.

« Enquêtes également au sein du sérail pour savoir comment ces deux femmes ont pu infiltrer les lieux, ou encore passer devant toutes les autres pour me retrouver ici. Tu seras récompensée en retour. Je dois avouer être déçu, mes frères et sœurs ne manquent pas d’imagination pour m’évincer, mais s’ils ont su retourner Suhayl contre moi c’est qu’ils ont franchi un cap. »

Si son Grand Akhaban l’avait trahi, cela signifiait qu’on avait dû lui proposer quelque chose en échange, sans doute un domaine ou des titres de noblesses, mais cela signifiait surtout qu’il devrait s’en débarrasser au plus vite. Il n’avait jamais remis en cause sa loyauté jusqu’à maintenant, mais il était conscient qu’une loyauté pouvait s’acheter ou se périmer. La petite remarque d’Aleth fit retomber le sérieux, s’éloignant d’elle, il lui envoya un clin d’œil avant de lui reprendre.

« Je me souviens de tous les cadeaux Petite pause et de toutes les femmes. »

Ce qui était vrai, on ne devenait pas Prince Marchand en ayant une mémoire courte. Il en avait connu des hommes et des femmes qui pour s’attirer ses faveurs lui avaient offert des présents plus cher les uns que les autres. Plus on était riche et puissant, et moins on avait besoin d’argent pour se faire plaisir.

Azhar n'aimait pas ses accusations. Il ne les remettait pas en cause mais apprendre que son Grand Akhaban était peut-être corrompu n'était probablement pas ce qu'il aurait aimé entendre. Pourtant, en apprenant que l'homme dans lequel il devait avoir le plus confiance l'avait très certainement trahi, il n'hésitait pas une seconde à reporter cette confiance sur une semi-elfe mercenaire dont il ne connaissait rien. Aleth n'en comprenait pas complètement la raison mais elle ne risquait pas de s'en plaindre. Après tout, elle ne cherchait qu'à faire son travail. Peut-être avait-il noté comment, en la matière, elle pouvait se montrer consciencieuse.

Lorsque le Prince eut fini de lui donner ses instructions, elle hocha le tête en signe d'obédience. Il voulait qu'elle trouve qui avait fait ça et elle le ferait. Elle n'aimait pas non plus le fait d'avoir presque dû participer au piège et être entravée dans sa mission qui était de protéger le Seigneur Salougan.

-Finalement, je n'aurais peut-être pas dû tuer cet esclave aussi vite.

C'est vrai qu'elle aurait pu la faire parler sans mal et s'éviter une enquête longue et laborieuse. Mais c'était un peu tard pour avoir des regrets. Aussi, alors qu'Azhar s'éloignait, Aleth se mit en marche. Direction : la sortie.
A quelques pas de la porte, elle s'arrêta et se retourna.

-Au fait... Vous auriez pu au moins prendre le temps de donner à votre concubine ce qu'elle était venu chercher. Ces deux esclaves n'étaient pas à la minute.

Sans attendre de réponse, la mercenaire tourna les talons et quitta la pièce. Elle poussa la porte et passa devant les Sacris qui craignirent une instant de croiser à nouveau de Prince. Elle les ignora superbement et traversa tout le couloir jusqu'à l'endroit où elle avait laissé ses compagnons. Ils étaient toujours là et ils ne cachèrent pas leur surprise de la voir arriver de la chambre du Prince alors qu'elle avait disparut depuis près d'une heure maintenant en partant dans le sens opposé. Elle ne prit même pas la peine de s'arrêter tandis qu'elle leur annonçait qu'ils pouvaient retourner près de Salougan pour faire leur boulot... Comme elle venait de le faire. Les trois Akhabans restèrent à la regarder s'éloigner sans comprendre avant d'aller voir de plus près ce qu'il s'était passé.

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Quelques heures plus tard, Aleth attendait devant une porte gardée. A l'intérieur de la pièce, Azhar recevait l'un ou l'autre de ses conseillers. Peut-être même étaient-ils plusieurs à régler divers problèmes de la cité. De chaque côté de la porte étaient postés deux Akhabans. La mercenaire quant à elle se tenait face à la porte, le dos appuyé à une colonne. Les bras croisés, elle attendait aussi patiemment qu'elle en était capable.
Lorsque tinta le son caractéristique du loquet, Aleth repoussa le poids de son corps du marbre du pied et vint se planter à quelques pas de l'entrée de la pièce. Elle attendit que sortent tous les importuns avant de s'introduire à l'intérieur. Elle ferma la porte derrière elle et s'avança vers le milieu de la salle.

La dernière phrase d’Aleth le fit sourire plus qu’il ne l’aurait dû. Généralement, il punissait telle témérité de la part de l’un de ses employés mais après son bon travail du jour, il n’avait pas eu à l’esprit de lui prodiguer ses fameuses remontrances. Il la laissa s’en aller, et une fois qu’il n’entendit plus le bruit de ses pas, il appela l’un de ses Sacri pour qu’il aille chercher sa concubine. Azhar ne laissait jamais un travail inachevé.

Plusieurs heures plus tard, lorsque le soleil commençait à décliner Azhar finissait tout juste d’écouter ses conseillers. L’un puis l’autre lui exposait leurs nouvelles, leurs problèmes. Son intendant des maisons closes l’informa du rachat d’un nouveau lupanar et le sollicita pour lui envoyer des marchands d’esclaves. Son chuchoteur lui révéla qu’un nouveau prince venait de prendre le pouvoir dans une des cités de l’ouest et qu’il souhaitait fomenter une alliance avec son jeune frère Toundir pour lui ravir le marché agraire de l’est. Azhar lui demanda de prévenir ses mercenaires pour qu’ils aillent lui tirer correctement les oreilles. Au bout d’un certain temps, la session fini, des Akhabans ouvrirent les portes, et la procession des conseillers quitta la pièce, l’un derrière l’autre.

C’était une pièce avec un haut plafond comme les aimait le Prince, des grandes ouvertures dans le mur à arcade obturée par des moucharabiehs en bois filtrant l’air et permettant de se dérober du regard l’extérieur. Observer sans l’être, comme le lui répétait sa nourrice plus jeune. Au plafond, des voûtes de mocàrabès participaient à l’ambiance tamisée de la pièce.

Lorsqu’Aleth passa les portes, les deux Akhabans présent sortirent sous l’ordre muet d’Azhar qui laissa la sang-mêlé fermer les portes derrière elle.

« Dis-moi que tu as de bonnes nouvelles pour moi. »

Ou juste des nouvelles pensa-t-il. Il l’invita à s’asseoir à l’une des chaises de la table et lui servit une coupe d’un bon vin épicée d’Ys qu’il lui tendit.

« Vas-y bois. »

Il s’en servit également et leva son verre vers elle, et taquin poursuivit.

« A ma concubine.»

Aleth ne se fit pas prier, comme souvent lorsqu'il s'agissait de boisson. Elle s'assit et, voyant le Prince lever son verre, attendit de savoir à quoi il voulait trinquer. Elle ne manqua pas d'afficher son amusement en découvrant ce qu'il fêtait. Ainsi, il avait fait ce dont elle avait parlé en le quittant ? C'était amusant. Elle se félicitait d'avoir pu participer à la jouissance d'une femme aujourd'hui. A son tour, elle leva son verre en réponse à son toast.

-Que vous avez comblée de tout votre savoir-faire, je n'en doute pas.

La demi-elfe afficha une expression taquine. Avec toutes les femmes qu'il avait, il serait dommage qu'il ne sache pas y faire... Ce serait presque tentant pour elle d'y goûter, si ele avait pas son secret à cacher.
Alors but une gorgée pour conclure les festivités et reposa son verre. Il était temps de passer aux choses sérieuses.

-J'ai rencontré votre épouse aujourd'hui.

Aleth s'arrêta soudainement dans son rapport, s'apercevant de l'incongruité de cette phrase. Son épouse... Pour n'importe qui, cela aurait coulé de source mais dans le cas du Prince, cela correspondait à quelques dizaines de femmes et faire preuve d'un peu de précision ne serait sans doute pas un mal... Elle sourit avant de reprendre.

-Pardon... Votre Prime Epouse. Elle m'a dit que les deux esclaves lui ont été présentées par votre intendant. C'est quoi son nom déjà... Abdelazim ! Les filles étaient jolies. Elle a pensé qu'elles vous plairaient et elle n'a pas cherché plus loin. J'ai donc rendu une petite visite à votre intendant pour savoir où il les avait dégottées. Il se trouve que votre Grand Akhaban lui a présenté un marchand d'esclaves de ses amis, ce que j'ai trouvé curieux. Quel ancien esclave compte un vendeur de chair humaine dans ses relations ?

La mercenaire but une gorgée de plus, laissant au Prince le soin de cogiter sur cette question. Elle était bien placée pour connaître la réponse... En prononçant le titre de Suhayl, elle avait fait une grimace. Déjà qu'elle ne le portait pas dans son cœur, le fait de découvrir qu'il était un traitre n'arrangeait pas vraiment les choses.

-Il a accepté de rencontrer l'homme au palais en lui demandant d'amener la marchandise pour qu'il puisse faire une sélection. Ibahizma, comme il s'appelle, ne lui a présenté que deux esclaves en lui disant que c'était ses meilleures pièces. Abdelazim a trouvé ça étrange mais ne s'est pas posé plus de questions. Les esclaves étaient de bonnes qualité et pas chères. Il les a achetées après avoir fait les contrôles d'usage. S'il avait vérifié dans les registres des taxes, il aurait vu que Ibahizma, marchand d'esclaves, n'apparaît nulle part. Un marchand qui ferait des affaires avec le palais alors qu'il n'est pas en règle, ça me surprend un peu. Autant se jeter dans la gueule d'un crocodile.

Aleth finit son verre, en même temps que son rapport. Reposant son verre, elle donna sa dernière conclusion.

-A moins que le marchand en question n'existe pas.

« Qu’il faudra bien essayer un de ces jours. »Répondit-il sur le même ton.

Aleth était l’une des rares femmes du palais qu’il n’avait jamais eu, et cela n’était pas vraiment compréhensible. Azhar insistait peu auprès des femmes du peuple dont il gagnait facilement à chaque fois les faveurs. Etre une des proches d’un Prince était souvent synonyme de bonne fortune, et les repousser signifiait souvent deux choses : soit on a une trop grande estime de soi pour s’offrir ainsi, soit ledit prince est plus repoussant qu’une naine et Azhar visait plutôt la première hypothèse. Il trinqua donc avec elle, et reposa sa chope vide sur la table dans un bruit plus grand que nécessaire. Lorsque son Akhaban lui affirma qu’elle avait rencontré son épouse, le sang-mêlé plissa les yeux. Elle s’arrêta net devant son expression pour apporter de plus ample détails. Son raisonnement se tenait jusqu’à maintenant.

Sa Prime Epouse contrôlait les entrées et sorties du sérail, l’Intendant en charge du harem, un eunuque également, devait trouver des filles auprès des marchés d’esclaves, des petites familles du peuple ou des harems abandonnés, puis ils leur enseignait les règles et les devoirs d’une femme à Baaz’Hima avant de les présenter à la Prime Epouse qui choisissait celles qui plairaient au prince. Mais ce qu’Aleth soulignait était véritablement louche, Suhayl ne devait pas porter en son cœur ceux qui l’ont asservit à l’esclavage autrefois. Alors en avoir un de ses amis était suspect.

« Je vois, continues. »

Plus elle parlait, et plus l’évidence se dessinait. Suhayl venait vraisemblablement de le trahir pour l’un de ses frères, ou demi-frère doit-on dire. Azhar aurait dû tous les exécuter lorsqu’il avait accéder à l’héritage de son père, tout comme son père avait tué ses propres frères, puis lui le reste de ses oncles. La règle de succession dynastique à Baaz’Hima étant la transmission du pouvoir aux frères et sœurs puis aux demi-frères du roi, par rang d'âge, cela créait forcément des tensions à chaque changement de monarques. Aleth avait fait du bon travail, il la laissa terminer verre et discours avant de reprendre.

« Ce marchand d’esclave doit en effet ne pas exister. Suhayl a dû recruter deux assassines, peut-être des Lames Dansantes, et un faux marchand pour les présenter à mon intendant, qui cruche comme il est n’a pas douté de mon homme de confiance. Les deux doivent payer, l’un pour sa traitrise et l’autre pour sa bêtise, je doute sincèrement qu’ils soient de mèche. Abdelazim est trop lâche pour penser comploter contre moi. »

Sa confiance était peut-être déplacée, mais il ne remettait pas en cause les paroles de la mercenaire dont son instinct lui dictait de se fier. Il sortit de l’une de ses amples poches une bourse de souverains d’or, et la jeta sur la table en face d’Aleth. Le geste se voulant théâtrale échoua lorsque le verre vide touché, tomba au sol. Faisant fit de ce petit incident, tout sourire, continua.

« Une prime pour ta bonne enquête. »

Azhar se leva ensuite de sa chaise, et tourna le dos à son Akhaban pour regarder par l’un des moucharabiés. Il retira de son doigt une grosse bague à rubis d’origine naine, se tourna pour la lancer vers la jeune femme.

« Discrètement, trouves le Grand Sacra et montres lui cette bague pour bien lui prouver que tu parles en mon nom. Ordonnes lui d’arrêter Suhayl sans effusion de sang, et ne laisses pas ce trouillard d’intendant incompétent se dérober. »

C’était une autre journée tout à faut banale en Ithrii’Vaan sur fond de complots, trahison et exécution.

Aleth ne releva pas la proposition du Prince concernant son savoir-faire. Si habituellement elle n'avait rien contre un peu de provocation, elle préférait rester prudente avec Azhar et ne pas l'inciter à tenter davantage sa chance avec elle. Elle savaient que les hommes ne désiraient que ce qu'ils ne pouvaient avoir. Cela était sans doute d'autant plus vrai dans le cas de quelqu'un qui avait tout en un simple claquement de doigts. Le travail au palais payait bien et elle ne voulait pas être obligée de le quitter trop tôt. Elle avait toujours sa liberté à racheter.

Azhar écouta avec attention le rapport de son Akhaban, n'intervenant qu'à une seule occasion. Lorsqu'elle eut terminé, il fit à son tour le bilan de la situation, émettant de nouvelles hypothèses à propos de Suhayl et des assassines. Il semblait exaspéré par ces nouvelles : la trahison de son responsable de la sécurité d'une part et l'incompétence de son intendant qui ne savait pas reconnaître des assassins lorsqu'il en voyait. Curieusement, il croyait assez facilement la demi-elfe lorsqu'elle évoquait leurs actes. Pourtant, elle n'avait aucune preuve autres que des témoignages rapportés et elle accusait deux hommes depuis longtemps au service du souverain.
Il lui lança négligemment une bourse d'or en récompense du service qu'elle venait de lui rendre. Aleth aurait bien répondu qu'elle avait fait son travail, qu'elle n'avait pas vraiment quitté le cadre de la mission pour laquelle elle était payée, mais elle n'en fit rien. Elle prit négligemment la bourse et la glissa dans sa poche. Elle n'allait pas rechigner devant une petite avance sur ses projets de liberté.

Azhar lui donna enfin ses dernières consignes pour régler cette affaire. Elle aurait vraiment tout fait... Des suspicions, jusqu'aux arrestations, en passant par les investigations. Elle ne savait pas si elle devait en être flattée ou s'en indigner. Elle prit néanmoins le seau du Prince et l'observa un instant, toujours assise dans sa chaise.

-D'abord vous vouliez que je vous ramène la tête du traite et maintenant il ne faut pas d'effusions de sang... Je suis entre les deux. J'ai déjà rendu visite à Suhayl. Je crois que je lui ai fait peur... Il n'a pas tardé à avouer et il m'a même donné le nom du demi-frère qui l'a payé pour faire entrer ses assassins. Il attend sagement dans son bureau qu'on vienne le cueillir. Enfin... Plus ou moins.

Aleth rangea un de ses couteaux à lancer dans l'un des emplacements prévus à cet effet sur son thorax. Quand l'avait-elle prit au juste ? Difficile à dire. Mais en faisant cela, elle voulait attirer l'attention du Prince sur le fait que deux de ces petits fourreaux étaient vides. Si Suhayl attendait, c'était contre sa volonté, les deux mains plantées dans son bureau et un bâillon autour de la bouche.
Finalement, la mercenaire se leva et prit la direction de la sortie avec autant de désinvolture que si elle allait cueillir des fleurs. Comme si toute cette affaire l'indifférait et qu'il n'y avait aucune gravité dans cette situation.

-On va donc commencer par Abdelazim.

Elle avait bon espoir de le trouver assez vite. Même si leur entretien pouvait lui avoir fait craindre pour son poste suffisamment pour qu'il essaie de quitter le palais, il n'aurait pas pu aller bien loin et elle le trouverait vite.

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