[Lourmel] Prendre le temps... par les cornes | Maé Céci

Cela faisait maintenant des jours que Maélyne était rentré. Des jours que Cécilie essayait de maintenir sa petite rengaine... Sans grand succès. Des jours qu'elle essayait de mettre ses idées en ordre... Sans grand résultat non plus. Elle priait Arcam et Néera chaque jour, autant pour les supplier de la sortir de ce mauvais pas que pour les remercier. Bien qu'elle demande souvent de ses nouvelles, elle n'était pas encore retourné voir Jindanor. Elle avait faillit... Un nombre incalculable de fois. Vraiment. Mais ses pas finissaient toujours pas dévier vers tel ou tel devoir... ou du moins autre activité.

Elle avait redoublé ses leçons, essayait de se rendre utile au château par tout les moyens à sa disposition. Et lorsque l'un ou l'autre ne l'accaparait pas, elle allait jusqu'au Temple accompagnée de Rose... Sous bonne garde assurément, délaissant la musique pour les fin de soirée et les débuts de journées principalement.

Mais malgré tout, elle n'avait pas réussit à croiser sa cousine pour autre chose que les repas de temps en temps. Maélyne travaillait toujours plus dur. Même Aline ne voyait que peu sa mère enfin de retour. Et avec les batailles qui se profilaient, cela risquait fort de ne pas s'arranger.

Après plusieurs jours à la voir s'enfermer le jour durant pour régler toujours plus de problèmes sans prendre un instant de repos, Cécilie avait craqué. Elle ne pouvait pas laisser ainsi sa cousine sans soutien. Même si Maélyne semblait capable de soutenir des montagnes à elle seule, il n'y avait aucune raison pour qu'elle le fasse alors qu'il y avait peut-être d'autres solutions.

La soirée était déjà entamée lorsque la demoiselle accompagnée de Rose et de trois tasses de thé, se présenta en personne devant la porte du bureau de sa cousine. Elle aurait sûrement du se faire annoncer, mais Maélyne lui aurait encore une fois donné rendez-vous au repas.

Avec un peu de chance, la Dame de Lourmel accepterait de prendre un peu de son temps pour sa cousine... et à terme, pour elle-même.

Son bureau était devenu une pièce qu’elle fréquentait dorénavant beaucoup trop. Elle n’avait plus le loisir de fréquenter sa famille mais comment pouvait-on continuer de profiter de la vie alors que des milliers d’hommes risquaient la leurs en Oësgard. Maélyne s’était peut-être emmuré dans un silence devenu trop pesant pour son entourage. Sa propre fille passait plus de temps à chercher sa mère qu’à réussir à la trouver. Prenant sans cesse l’excuse du travail, Maélyne avait surtout du mal à penser à autre chose qu’à Roderik. Elle ne cessait de lire pour oublier ne serait-ce qu’un instant qu’elle pouvait le perdre. Parfois ces pensées en étaient calmées, parfois non. Jamais elle n’aurait cru qu’elle rencontrerait un jour un homme pouvait lui procurer tant d’émotions.

Perdue dans ses pensées, on toqua à la porte et un valet présenta le guérisseur qui s’occupait du seigneur de Forgestrange. Maélyne se leva promptement pour l’accueillir. « Y-a-t-il du nouveau ? » Lui demanda-t-elle, le fixant du regard alors qu’elle émanait une certaine inquiétude. Celui-ci lui expliqua que son état ne s’était pas dégradé mais qu’il ne s’était pas amélioré pour autant. Maélyne se trouvait alors face à de drôle de sentiments. Soulagée sans pour autant être rassurée. Elle congédia alors les deux hommes, souhaitant à nouveau rester seule.

Face à la fenêtre, tournée vers ce paysage qu’offrait ce château en bord de falaise, elle n’entendit pas la porte s’ouvrir. Ce n’est que le bruit d’un plateau déposé sur son bureau qui la fit revenir à elle. Faisait volte-face, elle vit d’abord Rose puis sa cousine, Cécilie. Il semblait qu’elles apportaient une de ses boissons préférées. « Du thé ! Quelle bonne idée ! » Dit-elle tout en gardant une voix fermée sans exprimer aucun enthousiasme.

Cécilie sourit faiblement en entendant la voix sombre de sa cousine.
« Allons, jadis un peu d'eau chaude ne te rendait pas si cynique. »
Pendant que Rose posait le plateau sur l'une des rares surfaces libre de la pièce, Cécilie posa à taton le dossier d'une chaise.
« M'accorderais-tu quelques minutes ? Je sais que nous pourrons nous voir au dîné, mais certaines choses sont plus facile à dire en privé... »

Les cliquetis de vaisselle roulaient dans l'air comme le gargouillis du thé que Rose versait dans les tasses.
A première vue, rien ne pourrait convaincre la Dame de Lourmel de lâcher on travail, alors autant jouer franc jeu. Malgré la tension dans la voix de celle qu'elle considérait comme sa sœur, Cécilie s'en tint à ce qu'elle pensait.
« Depuis ton retour, tu as l'air préoccupée... Et pas seulement par la guerre. Je m'inquiète pour toi Maélyne. »

« Ma cousine.. » Commença-t-elle sur le même ton. « Une menace plane sur le Royaume. Alors que nous étions en train de nous battre entre nous, ces peaux-noires en ont profités pour outrepasser nos frontières et massacrer nos peuples. Nous avons levés nos armées. De courageux hommes se sont mis en marche laissant ainsi femmes, enfants et famille pour tenter de les retenir. » Maélyne s’arrêta un instant. Elle savait bien que Cécilie était au courant de ce qui se passait au Nord. Mais elle voulait lui faire comprendre… « Des milliers d’hommes, contre des milliers de peaux-noires aussi doués au combat que des elfes, ayant dans leurs rangs bon nombres de mages qui arrivent à eux-seuls de lever une armée de morts. NOS morts ! » D’une main tremblante, elle essaya de prendre sa tasse de thé. « Alors imagine… Si nos hommes échouaient. Imagine qu’ils ravagent encore plus l’Oësgard… Puis qu’ils franchissent les frontières de notre Pays. » Elle essaya une seconde fois de prendre sa tasse mais n’y parvint pas. « Je devrais être auprès de vous. Je devrais être auprès d’Aline. Mais je suis trop occupée à imaginer le pire, et à y trouver solution si par malheur la Damedieu décidait de notre châtiment. » Elle refit une pause. « Alors je t’en prie ma Cousine. Ne soit pas tracassée par mon état. »

Cécilie écouta sa cousine. Elle savait déjà ce qu'elle s'apprêtait à entendre. Chaque moi, chaque fait étaient ce que l'on ressassaient en espérant pouvoir les oublier. Pourtant elle n'essaya même pas d'interrompre ou de calmer Maélyne. Elles avaient une vision tellement différente de ce qui se passait au Nord. De part leurs origines, mais surtout leur caractère. La Dame de Lourmel que sa cousine avait retrouvé en ces murs était forte, même plus qu'un homme. Devoir rester en arrière alors que ses propres hommes partaient au combat devait lui être terriblement difficile. Alors que pour la jeune musicienne...

« C'est par ce que tous ces hommes prennent des risques pour la sécurité de ces terres, notre sécurité, que nous devrions vivre pleinement. Et puis tu penses constamment au bien-être des autres, il faut bien que quelqu'un pense un peu au tien. »

Elle aurait voulu prendre les mains de sa cousine, la serrer dans ses bras pour l'apaiser, même une seconde, mais pour ça elle aurait du se déplacer jusqu'à elle, et le risque de faire tomber quelque chose dans l'entreprise était trop grand. A la place c'était donc sa voix qui se faisait aussi douce que possible.

« Mais voyons les choses d'un côté plus pragmatique si tu y tiens. J'ai trop de temps libre et toi pas assez. Si tu commençais par me dire quoi faire pour te soulager un peu ? »

Jusqu'ici, elle avait aidé comme elle le pouvait à gérer les petits tracas d'intendances qu'elle croisait de temps à autre, mais ça n'était pas grand chose... Et sûrement peu utile pour la Dame des lieux.

« Que quelqu’un pense à mon bien-être ? Mais qui donc, Cécilie ? Je n’ai plus personne, Père est décédée sans même que je ne puisse le connaître réellement. Mère s’en est allée après m’avoir délibérément arraché mon époux.  Lyanna… » Elle s’arrêta d’un coup alors que sa gorge se serrait. « Lyanna n’est plus à mes côtés non plus. Aline est encore trop jeune pour comprendre les maux que je ressens. Mon oncle est dorénavant souffrant et les guérisseurs ne lui laissent que peu de temps. Mes cousins sont à la guerre et lorsqu’ils sont auprès de moi, ils ne me considèrent que comme leurs suzeraine. » Elle s’arrêta à nouveau un instant. « Je t’ai toi, Cécilie, toi qui est auprès de moi pour le moment mais pour combien de temps ? Un jour, je le sais, tu repartiras. Que ce soit pour tes obligations ou pour vivre ta propre vie. Je serais à nouveau seule. Je ne souhaite pas faire de toi l’épaule sur laquelle je me repose car à tout instant, avec ton départ, je pourrais en chuter. » Maélyne réussit enfin à prendre sa tasse de thé et à la porter à ses lèvres. « Néanmoins si tu es prête à m’aider, je ne peux le refuser. Mon oncle étant trop souffrant, je souhaiterais que tu t’occupes de l’intendance. Je compte bientôt me déplacer à nouveau et un peu d’aide ne serait pas refusé. Je pense qu’en plus cela pourrait t’aider à te rendre compte de la responsabilité qu’un seigneur peut avoir sur son peuple. Cette nouvelle fonction serait bien entendu provisoire, j’ai bon espoir que mon oncle se rétablisse. » Elle porta une nouvelle fois sa tasse à ses lèvres. « Par contre, Cécilie… Il se peut que tu rencontres des difficultés à te faire respecter auprès de certaines gens. Tu n’es pas du pays, tu es une femme… aveugle. Et même si pour moi, cela n’élèves rien à tes formidables qualités, il se peut que certains réagissent mal. Alors, je t’en prie, soit prudent et préviens moi du moindre incident.»

Beaucoup de mots, beaucoup de phrases, la Dame de Lourmel parlait comme si un trop plein de non dit menaçait de se déverser depuis des mois. Et Cécilie ne pouvait toujours pas s'approcher de sa cousine pour la prendre dans ses bras. Rose lui remis sa tasse dont le liquide lui réchauffait agréablement les mains... Et qu'elle faillit laisser tomber de surprise quelque secondes plus tard.

-Pardon ? Tu... Je...

Intendante... Elle s'arrêta une seconde pour laisser Maélyne finir et rassembler ses propres pensées. La demoiselle tenta de bien tout noter... mais son esprit restait bloqué

-Tu es sûre de toi ? Je veux dire... Tu le soulignes toi-même. Beaucoup de gens vont se demander pourquoi tu confies une responsabilité pareille à une femme aveugle venue du Médian, qui plus est étant donné les tensions qu'il y a eu dernièrement entre toi et Jérôme de Clairssac... Je ne veux pas que l'on se serve de cela pour te nuire.

Elle s'interrompit, surprise d'être à son tour aussi verbeuse. ça.... Elle ne s'attendait pas à une telle demande... et cela lui faisait plus chaud au cœur qu'elle ne l'aurait pensé. Non parce qu'on la reconnaissait capable, Maélyne avait toujours fait peu de cas de ce qui dérangeait tellement tant de gens, mais bien parce que la Dame de Lourmel acceptait véritablement son aide.

-Mais si tu acceptes de prendre ce risque tant que cette guerre ne prendra pas fin ou que ton oncle ne sera pas remis, je serais ravie de me charger de l'Intendance. Je ne me fais pas d'illusion sur la complexité que cela représente et je serai prudente, ne t'en fais pas. Mais je ferais en sorte que tu n'aies pas à le regretter.

Elle souriait de toutes ses dents. Les mains embarrassée par sa tasse et légèrement déstabilisée par l'absence de contact, Cécilie prit une gorger de thé pour meubler le silence. Le liquide lui brûla la gorge... et elle se lança.

-Maélyne, je... je n'ai jamais osée te demander pardon. Après... Lyanna... J'aurais du rester. J'aurai du venir t'aider au lieu de rester à la cour d'Etherna... Mais j'avais... peur de m'imposer... de t'indisposer. Je suis vraiment désolée... et je comprends que tu préfères ne t'appuyer sur personne. Tu es l'une des personne les plus forte, les plus volontaire que je connaisse et si quelqu'un peu réussir là ou tous les autres échouent, c'est bien toi.
Mais je veux que tu saches que si un jour tu as besoin de moi, que je sois ici ou à l'autre bout de la Péninsule, une simple lettre : j'arriverai le plus vite possible. Même si nous ne sommes pas toujours d'accord, tu as toujours été une sœur pour moi, tu le sais, n'est-ce pas ?

Le constat de Maélyne sur l'état de sa famille et des amis sur lesquels elle pouvait compter était éprouvant... Et beaucoup trop vrai. la missédoise avait un peu peur de la blesser, mais elle avait besoin de revenir dessus. De dire ce qu'elle n'avait jamais eu le courage de formuler, prenant toujours pour acquis que l'autre devait le savoir.

Les paroles de sa cousine vinrent lui percer le cœur. Au point où Maélyne chercha sa respiration qui s’était tout d’un coup évanoui dans l’obscurité qu’elle s’était créée autour d’elle-même. La Dame se releva pour retourner près de la fenêtre. Son regard se perdit dans le paysage qui s’offrait à elle. Trop de choses… trop de choses la faisaient souffrir. Cécilie était comme une sœur pour Maélyne, oui, elle l’était sans aucun doute. Mais le vide laissé par la perte de Lyanna ne pourra jamais être comblée. La solitude qu’elle avait connue après avoir perdu successivement ses parents, puis son mari et enfin sa sœur jumelle… Elle avait réussi à sortir la tête de l’eau en enfonçant cette dite-tête dans le travail. Souhaitant marcher dans les pas de l’ancienne Dame. Souhaitant réaliser les nombreux projets qu’elle avait pour cette cité. Oui, tous ce que Maélyne apportait à Lourmel venaient en réalité de l’esprit de Lyanna, toutes ces notes qu’elle avait laissées dans ce bureau. Maélyne ne faisait qu’exécuter ce que sa sœur avait mis des années à imaginer. Alors pouvait-elle se dire être un bon seigneur pour ses sujets ? Alors que ses propres actions ne sont menées que par l’esprit de sa jumelle décédée ? Qu’adviendra-t-il de Lourmel une fois qu’elle aura épuisées tous ces parchemins sur lesquels l’écriture de Lyanna était si reconnaissable ?

Maélyne avait perdue toute confiance en elle…

« Ma décision est prise, Cécilie. » Commença-t-elle. « Et si le peuple s’acharne à te rappeler ton handicap. Réponds leurs que les gardiens de leurs dieux, ceux choisit par ces êtres qu’ils prient sans cesse, perdent la vue lorsqu’ils sont à leurs service. Prend cela comme une force Cécilie et ne te laisse pas abattre par quelques commentaires mal placés. » Hanegard lui avait révélé le statu de Jena lorsqu’elle était partie signer le traité. Si les dieux eux-mêmes décidaient de retirer la vue à celui ou celle qui est sensé les représenter, pourquoi devrions-nous considérer cela comme une faiblesse ? Non, Maélyne n’était pas de cet avis.  

« Tu es une de Lourmel ! Notre sang coule dans tes veines comme il coule dans les miennes ! Ensemble, nous arriveront à redorer ce que mère a tant fait ternir. Ensemble, nous arriveront à rendre au peuple de Lourmel ce que Lyanna a tant voulu leurs donner. Certes… Nous n’avons pas son tempérament, ni son énergie, son sourire, ou même… sa joie de vivre. Mais ensemble, Cécilie, je suis certaine que nous arriverons à faire de grandes choses. » Elle fit une légère pause. « Le Royaume Fiiram est à un tournant de son histoire. Sa lignée se voit être éteinte, le Sud se proclame Royaume, le Médian se déchire, le Nord tente désespérément de se protéger de l’envahisseur extérieur. Et nous, nous sommes ici, à attendre… et je suis las d’attendre Cécilie ! »

Maélyne, d’un pas pressée, se rapprocha de sa cousine, pour s’agenouiller devant elle. Après que Rose lui ai retiré son thé, la Dame prit les mains de sa cousine. « Soit avec moi, soyons ensemble. Pour toujours. »

Cécilie ne put que tomber à genoux près de sa cousine. Pour la serrer dans ses bras. Mais aucune larme ne coulait sur ses joues. Maélyne lui donnait toujours cette force... Elle ne semblait même pas comprendre à quel point son âme était droite et sa volonté immense. Celle qui dirigeait Lourmel le semblait encore le faire au côté d'un fantôme...

« Maélyne... »

Que pouvait-elle dire de plus ? Ces mots... Ils sonnaient comme une promesse. Et ne pouvant que peu agir, Cécilie ne prononçait jamais aucune parole à la légère. Alors que pouvait-elle répondre à cette demande ? Que pouvait-elle promettre alors que sa famille pouvait la rappeler à tout moment ? Alors qu'elle n'en était tout compte fait qu'au début de sa vie, ni mariée, ni assermentée ? Elle n'avait que son savoir, ses oreilles et sa musique, une poignée de garde sur les routes de Péninsule pour éviter d'attiser les querelles familiales.

Sa famille...

Cela la frappa comme si Othar lui-même venait de lancer sur elle une déferlante de feu. Le sang des de Lourmel... Maélyne et Lyanna avaient été d'avantage sa famille que ses propres parents. Seule Colombe était attachée à elle autant par le cœur que par le sang... et elle était encore bien jeune.

En tant que fille, en tant que femme, elle avait toujours fait ce qu'il fallait pour les siens... Ceux avec qui elle devait composé pour continuer à vivre sur la corde raide. Peut-être ne s'était-elle simplement pas tourné vers la bonne famille.

L'honneur de tout faire pour que sa famille et le peuple sur lequel elle veille prospère était infini... Mais à quoi bon se battre pour cela alors que cela ne changerait presque rien ? Elle ne recevait que de la méfiance. Et si elle décidait plutôt de faire ce qui était le mieux pour une personne, une famille qui comptait réellement ? Qui avait toujours comptée ?

Tout ce qui lui était arrivé de bien ces dernières années, elle le devait à Maélyne. Et même si elle n'avait pas l'impression de lui devoir quoi que ce soit pour cela, elle était heureuse de se trouver ici. Beaurivages lui manquait. Missède lui manquait... mais...

« Tant que j'aurais un infime pouvoir sur les décisions qui me seront imposées, je jure de rester toujours auprès de toi, Maélyne. Je ferai tout pour cela. Et quoi qu'il arrive, je t'aiderai toujours. »

Et elle n'avait qu'une seule parole.

Après une longue étreinte, Cécilie glissa de nouveau ses mains dans celles de la Dame de Lourmel pour se relever avec elle. Elle souriait de bon cœur, un sourire réellement heureux, rayonnant malgré les circonstances. Elle venait de prononcer son premier véritable serment... Un peu moins libre mais sans que cela ne lui enlève quoi que ce soit. Elle se sentait riche d'une parole donnée. Une parole qui comptait vraiment et qu'elle se savait pouvoir tenir. Ce serait difficile, mais cela en valait la peine. Pas pour son sang ou son rang. Même pas entièrement pour Maélyne. Mais aussi pour elle-même. Car elle s'attachait à une personne, à une cause qui méritait de l'aide... son aide.

« Si tu es si lasse d'attendre, alors fait ce que nul homme, nulle femme ne pourra faire, même après la victoire. Vit ta vie. Viendra bientôt le moment ou tu ne pourras plus attendre. Ne serait-ce que quelques heures. Va voir ta fille. Vole un biscuit dans tes propres cuisine. Viens prendre un thé dans les jardins, même en parlant d'affaires urgentes. Je me doute que cela doit être dur, le plus difficile en ce monde est sûrement d'y vivre... Mais ta fille est là, le monde s'offre à toi. Ne culpabilise pas de ne pas pouvoir te battre les armes à la main. Ceux qui risquent leur vie face aux drows le font pour que tout un peuple puisse continuer à vivre sans avoir à supporter cela. C'est la preuve que l'amour et la grandeur d'âme existent encore en nous.
Si j'ai appris quelque choses ces derniers mois – et je ne parle pas seulement de Karras - c'est à quelle point l'équilibre de nos vies peut être fragile. Un rien peu la faire basculer, en mal ou en bien. Mais si nous ne chérissons pas chaque instant que Néera nous donne, que restera-t-il ? Comment supporter les jours difficiles ? Je suis convaincue que ces petits moments pourraient te faire tellement de bien... »

Les mains de la musicienne s'aventurèrent sur les joues de sa cousine avec douceur, redécouvrant sous les mèches éparses un visage harmonieux et régulier... mais quelque peu émacié.

« Voilà, je me sens sotte maintenant. Tu me donnes de bons conseils, l'occasion de faire quelque chose de vraiment utile pour le peuple et je t'offres les plus grandes banalités de ce Cycle... Arrête moi ou je vais bientôt citer les dogmes Néerites. »

C'était sa façon d’alléger les choses. De s'excuser sans désavouer ce qu'elle venait rappeler à Maélyne. Elle se doutait que cela ne la laisserait pas de marbre... Peut-être que cette insistance la blesserait... Mais si elle devait toujours l'aider... alors ça commençait par là.

Les mots de Cécilie résonnaient sans cesse dans l’esprit de Maélyne. Qui d’autre qu’elle de toute façon savait faire entendre raison à la Dame de Lourmel ? Ces phrases, sa moralité, son encouragement, Maélyne les entendaient à répétition mais rien ne sortit de sa bouche. La jeune femme avait le regard vide, fixant le visage de sa cousine qu’elle ne voyait plus. Une éternité semblait passer pourtant cela ne faisait que quelques secondes que Cécilie avait arrêté de parler. Les gestes de Maélyne se firent plus tendres et c’est un baiser qu’elle vint déposer sur le front de la Dame de Laval. Sans un mot, elle la serra doucement contre elle.

Echangeant une tendresse qui se voulait douce mais forte à la fois. Non, elle ne dira rien, elle n’avait aucun mot, rien n’avait su franchir la frontière de ses lèvres. C’est donc silencieusement qu’elle quitta la pièce d’un pas qui se voulait pressé.

Parcourant ses couloirs, elle arriva dans ses cuisines où le personnel s’affairait à préparer le souper. D’un geste enfantin, elle attrapa plusieurs biscuits puis adressa un sourire à la bonne qui a failli laisser tomber le pot sous la surprise. Victuailles en main, elle monta les escaliers rapidement pour finir par toquer à une porte. Celle-ci s’ouvrit, Maélyne entra, Aline ne s’y attendait pas.