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 Les épées de Néera [Jena]

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Hanegard Kastelord
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MessageSujet: Les épées de Néera [Jena]   Les épées de Néera [Jena] I_icon_minitimeSam 30 Jan 2016 - 15:02


La nuit était tombée sur Diantra, et le calme des rues ne se trouvait plus troublé que par le pas des patrouilles ou par celui des voleurs en maraude. Peu d’habitants osaient encore ouvrir leurs portes une fois le soleil tombé, tant les troubles qui remuaient la Péninsule depuis plus d’une décennie rendaient tout un chacun méfiant. Ravagé, divisé, l’ancien royaume de Trystan ne laissait plus guère de régions sures, et jamais sans doute cette époque n’avait mieux porté le nom « d’âges sombres » que depuis la mort du dernier véritable roi.

Mais les portes de Notre Dame de Deina, la grande cathédrale bâtie en l’honneur de la déesse Néera, ne fermaient jamais. A chaque heure du jour ou de la nuit, elles offraient protection et asile à ceux qui le demandaient. Protection ? En apparence tout du moins, car bien illusoire pouvait apparaître la protection divine une fois ressorti du sanctuaire. Au coin des ruelles qui bordaient le parvis, tout un chacun pouvait se faire agresser par un bandit en maraude ou par un langecin ivre se conduisant en pays conquis.

Ces amères réflexions tourmentaient l’âme de l’homme qui priait en silence depuis des heures dans une petite chapelle, son épée nue posée au sol devant lui renvoyant la lueur mordorée des rares bougies encore allumées. A plusieurs reprises un prêtre était passé lui demandé s’il désirait quelque chose, mais l’ancien baron d’Alonna l’avait renvoyé poliment, répondant qu’il souhaitait juste prier au calme.


Pourquoi nous abandonnes-tu, Néera ? murmurais-je en regardant la statue représentant Néera sous les traits d’une jeune femme souriante, les bras ouverts pour accueillir ses enfants.

Depuis des mois, j'œuvrais dans l’ombre pour tenter de ramener une relative stabilité en Péninsule afin que les troubles cessent et que ses habitants ne soient plus continuellement en proie aux armées de passage ou aux exactions des pillards et monstres que plus personne ne pourchassait. Exclusivement occupés à leurs vaines luttes le pouvoir, les grands féodaux ne se préoccupaient plus que de haute politique, d’espionnage, de trahisons et de conflits. Où donc était le temps des alliances et des grands projets ? Envolé, enfuis, et nul ne savait s’il reviendrait un jour.

Vassal du comte de Velteroc, j'avait cru que Nimmio pourrait s’imposer à la tête d’un Médian unifié, mais la trahison d’Erac d’abord, de Langehack ensuite, venaient de briser mes espoirs. Et si des hommes comme le baron d’Apreplaine tentaient réellement d’améliorer les choses, ils restaient trop peu nombreux pour lutter contre la marée d’ambitions et de petitesse qui les engloutirait bien vite. Non, il n’y avait décidément rien de bon à attendre des nobles.


Est-ce pour cela que tu refuses de couronner un roi, Néera ? Sais-tu qu’aucun de ceux qui prétendent au trône ne peut ou ne veut réussir à reprendre le flambeau de Trystan ?

La statue resta muette, mais l’espace d’un instant je crus voir l’œil de pierre me regarder avec compassion, comme un maître face à un élève un peu nigaud qui peine devant sa dictée.

Le Choix… tu nous as donné le Choix de nos actes, dis-tu. Mais ce Choix doit-il donc entrainer de voir des gens souffrir sans pouvoir les aider ?

Je connaissais le dogme du clergé de Néera, ma femme en étant la Gardienne. Privilégier la médiation, tenir la vie pour sacré… je comprenais bien l’importance de ces préceptes mais ne pouvais m’empêcher de me sentir mal à l’aise à l’idée de lâcher mon épée face à un ennemi sous prétexte de nier la violence. Au fond de moi-même, je sentais que le Mal se rit des bons sentiments, que seule la Force peut le tenir en respect et l’empêcher de nuire.

Est-ce l’acte ou l’intention qui compte ? Si je me retrouve face à un bandit s’apprêtant à tuer un humble colporteur pour lui voler sa bourse, que dois-je faire ? Quoi que je lui dise, une fois que je serai parti, la dague se plantera dans la chair et le sang coulera. Dois-je laisser mourir un innocent pour respecter le Choix du meurtrier ? Si je frappe le bandit, suis-je en état de péché alors que j’ai tenté d’empêcher un péché plus grand encore, et surement d’autres à venir ?

La statue restait silencieuse. A moins que… était-ce un éclat de satisfaction que je voyais là ? La déesse m'envoyait-elle un signe, ou la fatigue de ces dernières ennéades me troublait-elle l’esprit ? Prenant mon épée par la lame, je la brandis face au visage de marbre de la déesse et serra jusqu’à ce que du sang goutte le long de l’acier.

Je n’en peux plus de ne rien faire, Néera. Négocier, atermoyer, écouter ces hypocrites de nobles, ce n’est pas ma vie ! Tes prêtres doivent apporter paix et justice en ce monde, mais que peuvent-ils faire sans une épée pour les soutenir ? La cause du faible a-t-elle donc si peu de valeur que personne ne doit lui prête la force de son bras ?

Dans le temps, et parfois encore localement, des groupes armés se revendiquant de la déesse cherchaient à défendre les populations civiles des exactions auxquelles elles se trouvaient soumises. On parlait parfois de paladins pour les désigner, bien que ce terme ne soit pas toujours d’une grande clarté sur ce qu’il recouvrait. Fixant la lame rougie par son sang, j"eus une brusque vision : celle de saints gardiens appartenant au culte de Néera, travaillant conjointement avec les prêtres des sanctuaires, ne répondant à nul seigneur et ne recherchant d’autre récompense que le salut de leurs âmes.

Fais-moi un signe, déesse, dois-je te servir ainsi, l’épée à la main ?


[EDIT POUR PASSER LE POST A LA PREMIÈRE PERSONNE ET ÊTRE COHÉRENT AVEC LE STYLE DE JENA]


Dernière édition par Hanegard Kastelord le Lun 1 Fév 2016 - 12:01, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Les épées de Néera [Jena]   Les épées de Néera [Jena] I_icon_minitimeLun 1 Fév 2016 - 11:36

    Il était tard lorsque je quittais la chambre que j’occupai avec Liliana dans la partie réservée aux Prêtres de la Cathédrale de Notre Dame de Deina. Je n’avais pas exigé de logement à l’écart de mes frères même si mon statut me l’aurait permis. J’aurais pu retourner chaque soir dans les appartements qu’occupaient Hanegard à Diantra mais généralement je restais prier bien après que le soleil se soit couché et je me levais aux mêmes heures matinales que les autres Prêtres. Connaissant les risques que j’aurais pu faire courir à ma fille en traversant Diantra de nuit, j’avais préféré accepter le logis que l’on me proposait ici. Et puis il fallait également avouer que je rechignais à rejoindre mon époux. Ces dernières ennéades, alors même que nous ne nous trouvions dans la même ville, nous ne nous étions croiser qu’une fois… et cette seule et unique fois avait suffi à me faire douter de l’homme que j’avais épousé.

    Je pressentais que le jour où je le retrouverai, bien des choses changeraient. Je m’étais forcée à me raisonner, à voir dans la distance qu’il mettait entre nous comme inévitable en raison de la charge de travail qui pesait sur lui. Mais alors je repensais à ces années passées à Alonna, il avait toujours eu du temps à me consacrer malgré son rôle de Baron… pourquoi maintenant qu’il n’était que le vassal d’un noble… pourquoi n’avait-il plus le temps de venir me voir, d’accepter ma visite ou tout simplement de manger en famille ? Même Liliana s’étonnait de ne pas voir son père alors qu’il se trouvait lui aussi à Diantra. A force de réfléchir j’étais maintenant persuadée qu’il m’évitait délibérément. Il connaissait tout du Don que je possédais. S’il m’évitait s’était tout simplement parce qu’il avait des choses à me cacher, des choses qu’il savait que je n’approuverai pas… Mais quoi ? Une femme ? Aurait-il pu rencontrer une femme qui puisse lui consacrer plus de temps que moi ? En avait-il eu assez de m’attendre de longues ennéades sans savoir où je me trouvais ni avec qui ?
    Je m’étais demandée si j’aurais pu lui pardonner un tel écart… et encore maintenant je n’avais aucune réponse à cette question.

    Mais était-ce vraiment une femme ? Cela n’était-il pas plutôt lié aux troubles politiques qui régnaient à Diantra ? Lorsque j’avais soigné le Seigneur Harold du Lyron, j’avais éprouvé une gêne pesante. Et j’avais ressenti la même chose le jour du Conseil lorsqu’Hanegard était venu brièvement me saluer. Etait-il lié à cet empoisonnement ? Non, ce n’était pas possible. Je ne pouvais pas le croire capable d’une chose pareille. Mais à présent je doutais. Des heures à prier, des heures à rester seule pour essayer de comprendre… des heures sans la moindre remarque de Néera pour m’éclairer. Préférait-elle se taire pour me torturer ? Ou pour m’épargner la souffrance qui accompagnerait ses paroles ?

    J’avais bordé Liliana mais je ne parvenais pas à dormir, j’avais besoin de calme et de paix. Seuls les murs d’une chapelle pouvaient me les accorder ces derniers temps. L’annonce d’un prochain Conclave avait agité les Prêtres et les Prêtresses de Diantra qui s’évertuaient à vouloir organiser cet évènement comme il se devait. Chaque jour j’avais droit à un flot continu de question, de validation et de visite. Je croisais une Prêtresse dans les couloirs. Elle se proposa de m’accompagner là où je désirais me rendre… Personne ne semblait avoir compris que ma cécité était loin de réduire ma mobilité, mais je lui répondis en souriant :


    « - Ne vous donnez pas cette peine, je trouverai le chemin de la Chapelle toute seule. Et puis s’y je ne me trompe pas, je n’ai plus qu’à tourner à droite au fond du couloir et ensuite première porte à gauche. » J’accompagnais ma phrase d’un sourire amusé.
    « - En effet, vous avez tout bon ! Mais permettez-moi tout de même de vous signaler qu’un homme s’y trouve déjà et qu’il prie depuis plusieurs heures.
    - Et bien dans ce cas nous serons deux. Bonne nuit.
    - Bonne nuit Gardienne Jena. »

    J’avançais dans le couloir et comme je l’avais annoncé à la jeune femme, je tournais à droite et après quelques pas, posais la main sur la poignée de la porte. A nouveau cette sensation oppressante m’étreignit, j’avais déjà fait un pas dans la chapelle et je m’apprêtais à faire demi-tour lorsque je reconnus la personne qui se tenait là, agenouillée. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine… je ne m’étais pas attendue à le retrouver ici.

    « - Hanegard ? » la surprise pouvait s’entendre. Passé mon étonnement je refermais la porte de la chapelle et m’avançais vers lui. Je me tins tout de même suffisamment loin de lui pour éviter de le toucher…
    Cette constatation me fit presque mal physiquement. Comment pouvais-je aimer si fort un homme que je craignais à présent de toucher. Les mots qui m’échappèrent ensuite ne furent que murmures et l’espace d’un instant je me demandais si je les avais réellement prononcés.


    « - Tu étais l’une des rares personnes que je ne craignais pas de toucher… pourquoi est-ce que j’ai peur de le faire aujourd’hui ? »
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MessageSujet: Re: Les épées de Néera [Jena]   Les épées de Néera [Jena] I_icon_minitimeLun 1 Fév 2016 - 14:31


Je venais à peine de terminer ma phrase lorsque la porte de la chapelle s’ouvrit, me faisant sursauter et m’entaillant un peu plus la main sur le tranchant de l’épée. Si j’avais pu douter que Néera me fasse un signe, l’identité de ma visiteuse ôtait ces hésitations : ma femme, Jena, se trouvait face à moi. Depuis plusieurs ennéades, nous ne nous étions que rarement croisés tant je craignais qu’elle ne découvre mes activités quelques peu illicites au sein de la cité. Troublé, j’en avais inconsciemment oublié qu’elle logeait bien évidemment à la cathédrale lorsqu’elle ne partageait pas l’hôtel particulier où j’avais pris mes propres quartiers.

Le silence tomba alors que nous restions face à face, sans oser nous approcher. N’étions-nous pourtant pas mari et femme depuis près d’une décennie ? Quel invisible barrière se dressait donc entre nous, empêchant tout contact ? A cet instant je pris pleinement conscience qu’il ne s’agissait pas d’une barrière mais d’un fossé, creusé peu à peu depuis le premier Conseil de Diantra et l’intervention inopportune de la Haute Prêtresse en faveur d’Harold. Ma foi chancelante et le sentiment tenace que Néera se montrait impuissante face aux maux de ce monde nous éloignait, comme deux naufragés dans une tempête qui luttent inutilement contre la force du courant.


Pour la même raison que moi, j’imagine.

La douleur qui montait de ma main entaillée finit par me rattraper, et je lâchais mon épée rougie de sang qui tomba bruyamment au sol. D’un coup la fatigue et le poids des actes me rattrapait, le barrage mental venait de céder et le torrent se répandait dans la vallée. Je me laissais tomber sur un tabouret.

Je… je crois que j’ai besoin de te parler…

Jena vint s’asseoir silencieusement en face de moi et je commençais à lui raconter ces derniers mois. Je lui parlais du Conseil, de l’intervention incompréhensible de la Haute Prêtresse et de mes doutes quant aux intentions de Néera alors que nous avions failli réussir à stabiliser le Médian sous l’égide de Nimmio. Je lui confessais ma colère de constater qu’Harold ne pensait qu’au pouvoir absolu et non à la réconciliation avec ses anciens adversaires, et mon dégout en réalisant que la sanglante bataille de Christabel ne sonnait pas la fin d’une période sombre mais seulement un massacre de plus dans une longue lignée d’affrontements stériles. Je lui racontais nos tractations secrètes pour forger le texte fondateur de la Ligue Péninsulaire destinée à apporter enfin cette stabilité politique qui nous fuyait. Je lui avouais avoir développé des réseaux d’espionnage pour saper le pouvoir de l’eracien et l’affaiblir politiquement face à des hommes comme le baron d’Apreplaine qui souhaitaient réellement apporter une paix durable en Péninsule.

Et j’ai fait pire encore, Jena, au nom de cet idéal. Harold n’est pas tombé malade par hasard, c’est un assassin serramirois qui l’a intoxiqué avec un poison thaari, afin qu’il soit trop affaibli pour se mêler de politique avant plusieurs mois. Et je faisais partie des conspirateurs.

Je me levais et repris mon épée, cette fois-ci plus prudemment et par la garde.

Tout cela pour rien, un rêve inutile ! Quel imbécile j’ai été de croire que nous pourrions restaurer la paix du temps du règne de Trystan. Foutaises ! La haute noblesse ne pense qu’à elle, à ses petits pouvoirs minables et à ses intérêts égoïstes ! Velteroc, Langehack, Erac, Soltariel, aucun finalement ne vaut mieux qu’un autre. Quelle importance pour eux que leurs peuples souffrent ? Est-ce eux qui crèvent de faim dans les rues pouilleuses de la capitale ? Est-ce eux dont les fermes sont brûlées par des brigands car plus personne ne patrouille les campagnes ? Ici même, à Diantra, à quelques pas de cette cathédrale, des crimes se produisent dans l’ombre car les soldats langeçins sont plus occupés à surveiller les murailles qu’à lutter contre les voleurs !

Je me sentais épuisé, mentalement comme physiquement. Tant de travail pour rien, tant d’efforts anéantis. La guerre continuerait, la souffrance aussi, et les Dieux eux-mêmes s’en désintéressaient.


Dernière édition par Hanegard Kastelord le Mar 2 Fév 2016 - 10:45, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Les épées de Néera [Jena]   Les épées de Néera [Jena] I_icon_minitimeLun 1 Fév 2016 - 22:19

    J'entendis le bruit du métal frapper le sol et je sursautais légèrement. Autant je pouvais me déplacer aisément, autant la plupart des choses autour de moi m'échappaient. Je n'aurais su dire si les murs étaient couverts de tentures, si les fleurs devant la statue de Néera était rouge ou jaune, et j'avais été incapable de pressentir la présence de cette arme. Parce que j'étais persuadée que c'était une épée, ou un dague... mais le bruit me laissait croire qu'il s'agissait de la première.
    Pourquoi se trouvait-il dans cette chapelle avec son épée ?
    Je n'eus guère le temps d'atermoyer sur cette question, sans le toucher je pouvais ressentir la confusion qui l'étreignait, le tourment de son âme et … la douleur. Physique.
    Il se laissa tomber sur un tabouret visiblement épuisé, mais il voulait me parler. Tiens donc... après toutes ses ennéades de silence mon époux était enfin devenu loquace. Je m'installais sur le banc face à lui en tâtonnant légèrement pour le trouver, mais une fois encore je fis attention à ne pas le toucher, même pas l'effleurer. Je n'étais pas sûre d'être prête à encaisser les tourments de l'homme que j'avais épousé, ni de « voir » les choses qu'il avait pu faire. Oui l'ignorance... l'ignorance me convenait très bien.... J'avais prié pour avoir des réponses et voilà que je regrettais à présent.

    Sans un mot de ma part Hanegard parla. Il se libéra de ses secrets qu'il avait gardé, de ses choses dont il m'avait tenu à l'écart. Il m'avoua même avoir fait partit des commanditaires de l'empoisonnement du Seigneur Harold. Il prétendit que le but n'était pas de le tuer … je voulais bien le croire, mais le sort que ce poison aurait réservé à cet homme sans l'intervention de la Magie de Néera était-il réellement préférable à la mort ?
    Alors qu'il parlait j'avais localisé l'endroit qui le faisait souffrir. Ses mains... rouges de sang. Cette pensée me rappela des images que j'avais vu des années plus tôt lors de la naissance de Dastan. Néera m'avait alors mise en garde... avait-elle parlé des actions d'Hanegard du temps ou il était baron ? Ou avait-elle prévu que tout ceci se produirait ?

    Alors que mes pensées me ramenaient vers ses images, Hanegard s'était levé et faisais quelques pas, comme si ce simple fait lui permettait de mieux réfléchir, ou de mieux supporter.
    Je me levais à mon tour et vint me placer face à lui. Il n'y avait qu'un pas entre nous mais je ne le franchis pas. Mes yeux voilés étaient baissés, je ne voulais pas en plus de ses tourments, lui infliger la vue de ce regard qui n'était plus celui de la femme qu'il avait épousé.
    Après une profonde inspiration que je ne tentais même pas de dissimuler, je tendis les mains et attrapais les siennes. Elles étaient poisseuses de sang, mais c'était Ses mains et leur contact m'avaient manqué...  
    Presque aussitôt le flot d'émotion, d'interrogation et de doute s'immiscèrent en moi, d'abord doucement, j'avais presque l'impression de les sentir ramper sous ma peau. Puis brutalement. Un instant je fus tentée de lâcher ses mains mais je resserrais ma prise et je me concentrais. Je fis abstraction de tout et fit appel à ma magie pour guérir ses plaies sanguinolentes. Il ne fallut que quelques minutes pour que les entailles se referment. Les cicatrices étaient bien visibles, mais le sang avait cessé de couler et la douleur s'était évanouie, tout comme la lumière blanche qui avait enveloppé nos mains.


    « - J'étais au courant pour l'empoisonnement » commençais-je, ne sachant pas vraiment par ce que je devais dire après un tel discours. « - Je me suis rendue au chevet du Seigneur Harold et je l'ai soigné. J'ai empêché le poison de faire plus de mal qu'il n'en aurait causé sans la Magie de Néera. Et quand je t'ai vu à la Diète... j'ai douté. J'ai douté de toi. J'ai su que tu t'étais retrouvé face à un Choix...et ton attitude me faisait craindre que tu n'ais pas fait le bon...»

    Maintenant que ses mains étaient soignés, je les lâchais et reculais d'un pas. Sa présence me perturbait, je n'avais jamais aimé être loin de lui, pourtant à cet instant son contact m'était douloureux. Pourquoi cela nous arrivait-il ? Pourquoi avait-il fallut qu'il nous fasse ça ?
    Mais était-il le seul responsable ? Je l'avais abandonné des ennéades entières, j'avais fait passer Néera avant lui et notre famille... Mais lui... ce qu'il avait fait...  sachant tout ce que cela impliqué. J'étais complètement déboussolée, perdue entre l'envie de fuir cette pièce, de rester et de comprendre.


    « - Je n'arrive pas à croire que tu... tu ais été mêlé à tout ça et de cette manière là.... Je comprends que tu ne puisses pas supporter de rester inactif alors que l'Ordre du Royaume vacille, mais il y a une différence entre œuvrer pour le Bien en faisant le bien et prôner le Bien en bafouant les Dogmes de Néera.
    As-tu pensé un seul instant à ce que les conséquences de tes actes me coûteraient ? Et à nos enfants ? Qui est au courant ? Quel noble sait que l'époux de la Gardienne de Néera s'adonne à des empoisonnements ?
    Il y avait déjà assez de problème comme ça au sein du Culte pour que maintenant l'on me soupçonne de cautionner un empoisonnement. Néera m'avait confié que ma tâche ne serait pas simple... mais je ne pensais pas que tu serais de ceux qui nuirait à l'Equilibre »


    Mes paroles étaient dures, j'en avais conscience, mais c'était exactement ce que je ressentais à cet instant. J'avais l'impression douloureuse d'avoir été trahi par la seule personne que je croyais incapable d'une telle chose. Trahie parce que toutes les années qu'il avait passé à diriger une Baronnie je l'avais épaulé, j'avais soulagé son quotidien de mon mieux, j'avais tâché d'être une bonne épouse et une Baronne apprécie par le peuple... Maintenant que les rôles étaient inversés, maintenant que j'étais celle qui avait une position délicate, il complotait dans l'ombre, foulant aux pieds les mêmes règles dont je prônais le respect absolu depuis mon arrivée à Diantra...

    Je poussais un long soupir. Le silence était tombé entre nous, écrasant un peu plus mon cœur déjà bien trop douloureux. J'avais conscience qu'il était venu prier Néera pour avoir des réponses, et maintenant que son épouse était à ses côtés il soulageait sa conscience en partageant le poids de ses secrets. J'étais en colère contre lui, mais pas assez pour rajouter encore plus de tourment à ceux qui l'accablaient déjà.

    Je m'approchais lentement, prenant sur moi pour ne pas me faire submerger. Doucement je plaçais mes mains sur sa taille et basculait légèrement en avant, mon front appuyait contre son torse. J'avais retenu mon souffle mais cette fois aucune image ne m'avait assaillit. Rien, à part le nuage sombre d'émotions que je percevais déjà. Je me détendis légèrement à son contact. Si je regardais en lui, je ne retrouvais plus l'homme que j'avais laissé des mois plus tôt à Rehanda. Je ne voyais plus l'homme pieu et apaisé qu'il était devenu à Val Néera...


    « - A quel moment t'ai-je perdu mon amour ?
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MessageSujet: Re: Les épées de Néera [Jena]   Les épées de Néera [Jena] I_icon_minitimeMar 2 Fév 2016 - 11:08


Une douce lumière blanche recouvrit nos mains alors que Jena utilisait son don pour refermer les plaies qui m’entaillaient profondément les paumes. Je ne savais que trop bien qu’un contact physique lui permettait de lire les émotions qui déchiraient une âme, surtout des émotions aussi violentes que celles qui me traversaient. Partage que je ne souhaitais pas forcément car seule de la souffrance pourrait en sortir, mais comment faire autrement ? Nous ne pouvions tout de même pas nous éviter pendant des mois ou des années, et le jeu de dupes dans lequel nous étions prisonniers devait cesser.

Le contact physique se rompit, comme si seule la guérison le justifiait. Arrivions-nous encore à croire en notre couple ? La question ne tarda pas, accusatoire, presque cruelle, comme si mes actes n’avaient été causés que par un égoïsme personnel. J’en fus blessé, tant l’incompréhension de ce choix me pesait lorsqu’il venait de la femme que j’aimais et qui aurait dû me connaitre mieux que toute autre personne en ce monde. Qu’avais-je donc brisé pour que Jena elle-même puisse penser que j’avais volontairement mis en danger nos enfants ?


Personne ne peut me relier à l’empoisonnement lui-même.

Cela était vrai, car même ceux qui savaient que le mal d’Harold était provoqué ne pourraient jamais identifier précisément son auteur, chaque étape de la conspiration ayant dépendu d’une personne différente et agissant indépendamment. Nous avions été plusieurs… l’un pour recruter l’assassin, l’autre pour lui indiquer sa cible, un troisième pour lui fournir les accès… mon propre rôle avait consisté à fournir le poison. Je sentais bien que cette piètre défense qui m’avait permis de m’accommoder jusque-là avec ma conscience ne tiendrait pas longtemps face à l’esprit inquisitorial de Jena. D’ailleurs, ne disait-elle pas vrai ? Certes j’étais loin de la scène du crime lorsqu’Harold s’effondra en plein banquet, mais cela ne me permettait pas de m’en laver les mains en affirmant que je ne savais pas. Car justement si, je savais très exactement ce qui se passerait

Jena revint se lover contre moi, comme aux premiers temps de notre amour à Alonna, lorsque chaque heure du jour ou de la nuit ne paraissait faite que pour nous. Puis vint cette question, cette affreuse question… « À quel moment t’ai-je perdu ? ». Cette question qui me brisait le cœur, dévoilant que pour sauver un royaume je m’étais perdu moi-même, et ce faisant que je perdais tous ceux qui m’étaient chers. Alors seulement je compris pleinement le prix que mon choix réclamait : un amour brisé, anéanti par les manigances politiques dont je n’avais pas su me sortir à temps.

Tout était tellement plus simple avant, murmurais-je à voix basse, tandis qu’une larme coulait sur ma joue.

Tant que nous étions sur le trône d’Alonna, il m’était facile de distinguer le Bien du Mal, et de veiller à respecter l’Équilibre prôné par Néera. Certes des bandits tentaient parfois de s’implanter dans la baronnie, des nobles œuvraient parfois pour tisser des sombres complots,  mais à aucun moment je ne me sentais douter lorsqu’il fallait sévir contre eux. Pendant dix ans cette sévérité avait permis à des milliers d’âmes de vivre en paix, de profiter de la vie et de croire en l’avenir. Oui, Jena parlait vrai, je m’étais perdu, et cela remontait au jour où j’avais abdiqué, lorsque les actes iniques de mes successeurs avaient éveillé en moi une sourde colère qui ne pouvait trouver son exutoire que dans des méthodes aussi condamnables que les leurs.


Suis-je donc devenu comme eux ? Ma voix en était réduite à un mince filet.

« Eux » ? Les nobles, les intrigants, toute cette caste qui se croyait au-dessus des lois humaines ou divines et pour qui la fin justifie les moyens. En aidant à l’empoisonnement de Harold, je m’étais érigé en juge d’un homme sans aucun doute coupable, mais qu’il ne m’appartenait pas de punir.  Coupable… coupable… coupable… le remords me tiraillait, et je ne pouvais même pas prétendre avoir réussi, tant l’inutilité de l’empoisonnement d’Harold apparaissait désormais au grand jour.
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MessageSujet: Re: Les épées de Néera [Jena]   Les épées de Néera [Jena] I_icon_minitimeMar 2 Fév 2016 - 13:27

     « Tout était plus simple avant » …
    Cette simple phrase énonçait une vérité criante. Avant. Mais avant quoi ? Avant l’appel de Néera ? Avant l’allégeance à Nimmio de Velteroc ? Avant l’abdication à Alonna ? Avant d’être couronné Baron ? Je me revoyais dans cette chambre, tremblante à l’idée de rencontrer une brute… et je l’avais aimé la nuit même. Cela pouvait paraître surréaliste pour tous ces nobles habitués aux mariages arrangés, à la notion d’union d’intérêt, pour qui l’amour n’était qu’un mot sans valeur. Oui tout était plus simple avant, quand nous n’avions à nous préoccuper que de nous, quand nos enfants étaient le centre de notre monde. Mais aujourd’hui, après que tant de choses nous aient bousculé, nous étions encore là l’un en face de l’autre….

    Je m’accrochais à sa chemise et pressais un peu plus ma tête contre lui. Je n’arrivais plus à retenir mes larmes silencieuses. Nous nous étions fait mal l’un à l’autre… on nous avait fait mal. Mais il était encore la seule personne en qui j’avais le plus confiance. Le seul à qui j’aurais confié ma vie, mes enfants, tout ce qui m’était cher, sans la moindre hésitation. Cela devait bien compter non ?
    Il murmura alors la crainte qui le tenaillait le plus. Je pouvais ressentir cette ombre qui s’enroulait autour de ses pensées, détruisant les dernières certitudes qu’il pouvait encore avoir.


    « - Tu es le seul à pouvoir répondre à cette question … » murmurais-je sans relever la tête.

    Etait-il comme eux ? Ses dernières ennéades le doute était permis… Il n’avait jamais caché son horreur pour les complots, les trahisons et les bassesses auxquels s’adonnaient les nobles. Il n’avait jamais apprécié les mondanités et il s’était toujours tenu à l’écart de ceux qu’il ne parvenait pas à cerner totalement. Pourtant il avait donné sa confiance au Seigneur de Velteroc, il l’avait suivi dans les Wandres et à son retour j’avais déjà senti que son âme n’était plus la même. Je n’avais jamais demandé ce qu’il s’était passé là-bas… je réalisais à présent que c’était surtout parce que j’avais trop peur de connaître la réponse.


    « - Je suis loin d’approuver ce que tu as fait … mais ce n’est pas à moi de te juger. »

    Je n’avais pas le droit de le juger. Je pouvais m’insurger, je pouvais pardonner à mon mari ses écarts, mais le reste n’était pas de mon ressort. Je pris une profonde respiration et relevais la tête. Un instant je cherchais ses yeux que je ne pouvais pas voir, et mon cœur se serra davantage.

    « - Néera nous a donné le Choix en même temps que notre libre-arbitre, cela ne veut pas dire qu’Elle ne connait pas le cœur des Hommes et ses faiblesses.
    Tu as pris de mauvaises décisions mais cela ne veut pas dire que … Cela ne remet pas en cause l’amour que j’éprouve pour toi… C’est homme comploteur et calculateur, qui n’hésite pas à empoisonner un Seigneur pour faciliter la prise de pouvoir d’un autre… ce n’est pas toi … ce n’est pas l’homme devant lequel j’ai prononcé mes vœux de mariage. »


    Je me reculais d’un pas, pas pour échapper à son étreinte, mais pour m’éloigner de ses tourments qui envahissaient peu à peu mon esprit. Il était comme un ciel noir avant l’orage, rempli de tension et de doutes. Je n’étais pas mieux que lui en cet instant. Toutes ses ennéades à craindre tout et rien à la fois, à chercher des explications, à lui fournir des excuses. Mes joues étaient humides de larmes, mon cœur me faisait mal et même si le responsable se tenait devant moi, je n’aurais pas voulu être ailleurs. Il était venu chercher du réconfort dans la prière et même s’il ne s’en rendait pas compte, cela comptait énormément pour moi.
    De longues secondes s’étalèrent entre nous avant que je fasse un nouveau pas vers lui pour prendre son visage entre mes mains.


    « - Après le Conclave … rentrons à Val-Néera. Eloignons nous de ce monde qui n’a jamais été le nôtre. Et si ce n’est pas assez loin… alors nous partirons plus loin encore… Rien ne nous retiens ici… »

    Pourquoi devrions-nous rester liés à des terres ou à des titres ? Mon statut ne m’obligeait pas à rester enfermer au cœur d’un Temple, je ne devais allégeance à personne… Pourquoi ne pourrait-on pas tout simplement partir ? Quitter ce Royaume que nous n’aimions encore qu’à travers les idéaux du Roi Trystan… idéaux piétinés aujourd’hui. Nous n’avions rien qui puisse nous retenir, rien à part des souvenirs.
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MessageSujet: Re: Les épées de Néera [Jena]   Les épées de Néera [Jena] I_icon_minitimeMar 2 Fév 2016 - 14:16


Le seul à pouvoir répondre à cette question…. mais le pouvais-je vraiment ? Serais-je jamais assez objectif pour juger l’entièreté de mes actes avec la froide passion d’un l’observateur extérieur ? Mes actes me consumaient, et pourtant ils faisaient désormais partie intégrante de moi, aurais-je fuis jusqu’aux limites du monde qu’ils continueraient à me traquer. Les harpies du remords ne lâchent pas aisément leurs proies, rien ni personne ne pourrait m’aider à les combattre tant que je n’aurais pas racheté mes actions.

Oui, peut être Val Néera nous apportera-t-elle la paix. Il nous faut l’espérer.

S’éloigner de Diantra permettrait au moins d’éviter toute tentation de se mêler aux évènements à venir. Le langecin ne tiendrait pas aisément la capitale, et je gageais que des troubles allaient sous peu s’y produire, nous avions tous semé suffisamment de graines pour que la volonté d’indépendance des diantrais ne se sacrifient pas aisément aux ambitions d’un homme, fusse un duc. Mieux valait que je sois absent lors de ces évènements, car j’ignorais si j’aurais la force de ne pas y participer… cela me serait si facile, quelques personnes à joindre dans la pègre et les soldats ne pourraient plus sortir en ville sans craindre un poignard dans le dos. Images alléchantes, jusqu’au moment où je réfléchissais à ce qui allait suivre : un massacre, des représailles, des otages sans doute. Et une nouvelle fois de la souffrance inutile pour ceux qui subissaient la guerre sans la comprendre.

Les mains de Jena sur mes joues étaient aussi froides que de la glace et me firent frissonner. Notre amour existait toujours, mais telle la glace il ne nous réchauffait plus, simple cristal reflétant une chaleur disparue. Une illusion, une illusion d’un bonheur perdu, ou peut être juste son souvenir auquel se raccrocher. Dans mon esprit, les sombres nuées d’orage se crevèrent, remplacées par une morne pluie d’automne. Je ne ressentais plus de colère, de rage, ni d’envie de hurler à la face du monde ma haine des injustices. À quoi bon ? Pourquoi continuer à lutter contre l’inexorable, à tout sacrifier pour une Cause certes noble mais perdue d’avance ?


Je voulais juste protéger les habitants de la Péninsule dans la mesure de mes moyens, murmurais-je d’une voix sourde tout en rengainant mon épée.

Tout cela me paraissait désormais si pitoyable. D’ici quelques années, qui se souviendrait encore des efforts déployés pour réunir la Diète ? Les différents blocs qui allaient naître de l’éclatement du Médian seraient juste assez forts chacun pour ne pas succomber, amenant inévitablement à des conflits aussi longs que stériles, terreau idéal pour la malignité qui se terre dans le cœur de tout homme.


Le Conclave… et que fera-t‘il, lui, pour les protéger ?

J’avais prononcé ces mots presque sans réfléchir, sans morgue ni agressivité, mais avec une lourde désillusion qui me pesait sur les épaules. Oh, sans doute la Haute Prêtresse serait-elle remplacée par quelqu’un de moins enclin à se mêler inconsciemment des enjeux politiques, mais je ne voyais rien là-dedans pouvant apaiser les souffrances des faibles. Autant que moi le culte se trouvait fautif, bien que ce parallèle de l’échec ne constituait en rien un baume apte à m’apaiser. La morne grisaille de mon âme semblait avoir déteint sur la statue même de Néera, comme si la déesse nous regardait tristement tourner en rond dans un labyrinthe de douleur.

Rouvrant la porte de la chapelle, j’accompagnais Jena jusqu’à l’allée centrale. Seules quelques chandelles accrochées aux massifs pylônes de pierre éclairaient les lieux, créant une sorte d’auréole tout autour de la nef de l’édifice. Je me fis la réflexion que tel devrait être le soutien de Néera aux hommes : non pas une présence de tous les instants, faute de quoi le libre arbitre lui-même n’aurait plus de sens. Le soutien de Néera tel que je le concevais était tel à ces chandelles : de petites lumières auxquelles se raccrocher dans le doute, une ligne de vie guidant les pas de chacun. Sous nos yeux, l'une des bougies acheva de se consummer, toute la cire ayant fondu et personne n'ayant pensé à la remplacer.

Des lueurs dans le noir. Fragiles, et pourtant pleines d’espoir.

Jusqu’à ce qu'on les oublie, et qu'elles s'éteignent d'elles-mêmes.
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MessageSujet: Re: Les épées de Néera [Jena]   Les épées de Néera [Jena] I_icon_minitimeMar 2 Fév 2016 - 22:35


    Un lamentable échec. Voilà ce que j'essuyais en cet instant.
    Il fut un temps où il aurait été capable de me dire "Partons sur le champ"... Mais aujourd'hui, lui d'un côté du fossé et moi de l'autre, on ne semblait plus capable de se retrouver.
    J'avais cru qu'il souhaitait se confier à son épouse, qu'il voulait que je le rassure sur l'amour que je lui portais, sur le fait que nous pourrions retrouver la paix qui nous faisait tant défaut aujourd'hui. Mais ce n'était pas le cas et j'en éprouvais une peine supplémentaire... Il se montrait froid et distant... Vis à vis de moi ou de la Gardienne ?

    Il était las, épuisé moralement et physiquement, mais encore tourné vers cette politique qui avait empoisonné notre couple, et moi je n'étais plus certaine de pouvoir endurer cette conversation.
    Je poussais un soupir lorsqu'il s'éloigna de moi pour se dirigeait vers la porte de la chapelle. Qu'il ait voulu défendre les véritables victimes de toutes ses guerres incessantes l'honorait, bien que la méthode employée était plus que condamnable, mais pourquoi cette question ? Pourquoi cette accusation à peine voilée à propos du Conclave ?

    J'étais restée sans bouger tandis qu'il s'apprêtait à quitter la chapelle, j'étais venue pour prier pour retrouver le calme et la sérénité après une journée agitée. Je n'avais pas envie de partir... Mais je traversais tout de même l'espace jusqu'à la porte et me retrouvais bientôt dans le couloir à suivre le bruit de ses pas. Je me tenais à l'écart, les bras serrés contre ma poitrine. Cette rencontre m'avait secouée, je me sentais vidée de tout, tremblante du froid qui m'habitait à cet instant. J'avais remis le masque de la Gardienne que j'étais devenue par la Volonté de Néera et les larmes avaient maintenant désertées mon visage. Je ne voulais pas lui montrer que son attitude presque indifférente me faisait plus de mal que toutes les paroles qu'il avait pu prononcer avant.


    - Ce qu'il fera ? Probablement rien de pire que tous ces nobles assis autour d'une table à se disputer autour d'idéaux qu'aucun d'eux ne respecte. Honnêtement, je ne pense pas que le Conclave aura le moindre impact sur la population du Médian et je le regrette. Nous avons des choses à régler en interne afin que les Volontés de la Déesse soient mieux respectés au sein des Temples. Donc en un sens le Conclave servira à trouver des solutions pour accueillir au mieux les blessés, les orphelins et ceux que la famine condamne un peu partout. Je ne prétend pas que ce Conclave sera la panacée absolue. Nous nous battons avec nos propres armes Hanegard, l'usage du poison ou d'une arme est sûrement plus expéditif et moi contraignant, mais cela ne fait pas partie de nos méthodes.

    Je m'arrêtais alors que nous arrivions à un croisement. Ma chambre se trouvait dans le couloir sur la gauche. Liliana devait y dormir profondément, loin de se douter que son père qu'elle réclamait depuis dès jours se tenait si près d'elle. Il était tard, ce n'était pas une heure pour se promener dans les rues de Diantra.

    - Les rues de Diantra sont loin d'être sûres, surtout à une heure pareille... Tu devrais rester dormir ici. Il y a des chambres réservées aux invités. Je peux demander à un moine de te conduire à l'une d'elle. Liliana sera heureuse de te voir demain matin, même si c'est seulement quelques minutes.


Code:
[HRP : Désolée c'est court.... mais j'avais pas trop d'idées là...]
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MessageSujet: Re: Les épées de Néera [Jena]   Les épées de Néera [Jena] I_icon_minitimeMer 3 Fév 2016 - 11:36


J’acquiesçai d’une voix morne à la proposition de Jena. Elle avait raison, les rues de Diantra la nuit devenaient un vrai coupe-gorge, bien que ma sécurité ne soit plus un aspect fondamental de mon existence. Que me restait-il après ces échecs successifs ? Un couple quasi-brisé, des ambitions déçues…la déprime morbide qui m’envahissait me faisait presque voir la mort comme une solution de facilité. Sans doute est-ce la mention de Liliana qui me persuada de rester, tant je ne pouvais me résoudre à abandonner lâchement ma fille adorée.

Un jeune adepte vint me guider jusqu’à ma chambre, un endroit spartiate quoiqu’assez confortable. De toute façon, même un simple grabat ne m’aurait pas fait réagir. Pour la première fois depuis mon mariage, je dormirai sous le même toit que ma femme mais dans une chambre différente. Pouvait-on imaginer un rappel plus cruel de ce que j’avais perdu ? Ma propre épouse ne voulait plus partager mon lit… et à nouveau je me demandais ce que j’étais devenu. Traître, comploteur, assassin, mauvais père, j’aurais voulu disparaitre sous terre et oublier ce qu’il s’était passé ces derniers mois. Pire que tout, je savais n’avoir accompli ces actes que de bonne foi, et il me revint en mémoire un dicton de mon clan qui disait que la tanière du Mal est souvent emplie de bonnes intentions.

Inutile de préciser que je ne dormis pas beaucoup cette nuit-là, ni même la suivante. Comme une bougie à la flamme éteinte, je me trainais misérablement dans la cathédrale, évitant le regard des gens tant le poids de ma honte me pesait. Aux repas, je mangeais peu, et lorsque je me voyais dans un miroir s’affichait le visage d’un homme au regard éteint, aux joues recouvertes d’une barbe mal taillée et aux cernes prononcés. En journée, je restais souvent pendant des heures dans la petite chapelle où Jena m’avait retrouvé, sortant parfois sur le parvis de la cathédrale pour y regarder les passants.

Les seuls moments de joie dans ma journée étaient ceux où je voyais Liliana. Ma fille voyait bien que je n’étais pas dans mon état normal, malgré mes piètres efforts pour le lui cacher autant que possible. Mais un père peut-il réellement mentir à sa fille ? Je croisais peu Jena, qui préparait le Conclave à venir, cela sans compter que notre relation restait compliquée. Nous n’avions pas tranché le nœud gordien lors de notre dernière discussion, et elle ne semblait pas pressée de recommencer. Me laissait-elle tranquille car elle comprenait que moi seul pouvait me sortir de cette dépression, ou l’avais-je tant déçu qu’elle ne souhaitait même plus me voir ? Je l’ignorais, et si j’espérais le premier cas, je craignais le second.


~~~~~~

Quelques jours plus tard, alors que l’après-midi touchait à sa fin, je me tenais sur le parvis de la cathédrale, observant d’un œil morne les derniers passants rentrer chez eux. Une jeune femme sortit alors de la nef en compagnie de sa fille et de Liliana. Je ne la connaissais pas, mais j’avais entendu un prêtre dire qu’il s’agissait de la veuve d’un marchand qui donnait régulièrement des offrandes pour les bonnes œuvres du culte. Sa fille ayant à peu près l’âge de Liliana, les deux petites s’entendaient comme larrons en foire. Après avoir salué les présents, elles partirent en direction du quartier marchand tandis que Liliana s’approchait de moi pour tenter de me remonter le moral. Le courage et l’abnégation de ma fille alors que ses parents s’éloignaient forçaient l’admiration.

Papa, regarde !

Le ton alarmé de ma fille me fit lever les yeux, et je vis deux individus qu’il fallait bien qualifier de « louches » se glisser dans la ruelle à la suite des deux femmes. Et bien entendu pas de gardes à l’horizon ! Quant aux prêtres qui vaquaient à leurs occupations autour de nous, inutile d’espérer de l’aide de leur part.

Merde, merde, merde.

À cet instant je ne réfléchissais plus, j’agissais uniquement par réflexe. Confiant Liliana au prêtre le plus proche pour qu’il l’empêche de me suivre, je me saisis d’un bâton qui trainait là, mon épée étant restée dans mes quartiers, et je me ruais à la poursuite des deux brigands.

Dans la ruelle, je me trouvais face à ce que je craignais : les deux gaillards, poignards en main, avaient acculés la veuve et sa fille dans un angle. Connaissant les habitudes des monstres de leur espèce, je savais qu’il commencerait par prendre leur argent, puis qu’ils s’amuseraient avec la mère, voire avec la fille si leurs goûts pervers les portaient sur les jeunettes. L’absence de forces miliciennes suffisantes pour s’occuper de maintenir l’ordre dans l’ancienne capitale rendait hélas de tels actes trop courants, mais celui-là je ne le tolérerais pas.


Foutez le camp ! hurlais-je.

Se retournant, l’un des agresseurs eut un sourire amusé en se disant qu’une nouvelle victime se jetait dans ses filets. Sans doute aurait-il été moins confiant si j’avais porté mon épée et ma cotte de maille, mais vu ma tenue un peu débraillée il devait me prendre pour un quelconque serviteur.

Fonçant en avant, le malandrin tenta de me plonger sa lame à travers le corps. Fatale erreur, car je m’écartais prestement et lui enfonçais le bout de mon bâton en plein estomac, lui coupant le souffle. Sous la douleur, il se plia en deux, amenant son menton idéalement sur la trajectoire de mon propre poing. Un uppercut en pleine mâchoire dans les règles de l’art l’envoya bouler au sol, assommé net. Son compère ne se le fit pas dire deux fois et fila à toutes jambes, préférant assurer sa propre sécurité à toute considération de soutien envers ceux de sa caste.

Au coin de la ruelle apparurent alors Liliana et quelques prêtres.
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MessageSujet: Re: Les épées de Néera [Jena]   Les épées de Néera [Jena] I_icon_minitimeMer 3 Fév 2016 - 19:46

    Les jours qui suivirent cette rencontre je me plongeais plus profondément dans la prière et la méditation. On venait moins me déranger, certains croyant probablement que je discutais du plan de table du Conclave directement avec Néera. Je ne cherchais pas à les contre-dire. J'avais besoin de ces moments de solitude pour faire le point. Hanegard n'avait pas quitté la cathédrale, il aurait pu rejoindre l'hôtel particulier où il logeait mais il ne l'avait pas fait. J'y voyais un espoir, celui qu'il se tourne à nouveau vers la Déesse. Mais chaque fois que j'étais amenée à le croiser, j'abrégeais notre rencontre. Je n'arrivais pas à supporter son tourment, ses pensées noires et assassines flottaient autour de lui et chaque fois que je le quittais je me sentais glacée.
    Et puis j'avais cette désagréable impression qu'il ne voulait pas de mon aide.
    La seule joie que je pouvais tirer de sa présence, c'était de voir le bonheur qu'éprouvait Liliana lorsqu'elle passait du temps avec lui. Quand je la retrouvais le soir dans notre chambre, elle me racontait toutes les choses qu'elle avait faites avec Papa. Je savais qu'elle rajoutait des choses et qu'elle dépeignait une image de son père plus joyeux mais je ne cherchais pas à la détromper.

    Cette journée là, je l'avais consacré à la préparation du Conclave qui approchait. Certains Grands Prêtres étaient déjà arrivés et je me faisais un devoir de les rencontrer tous. En fin de journée, j'étais en compagnie du Grand Prêtre de Diantra qui déplorait le nombre toujours croissant d'habitant qui venait implorer à manger devant la cathédrale.


     « - A-t-on envoyé une missive aux autres temples pour réclamer une aide alimentaire ? »
    « - Oui, certains des Grands-Prêtres sont même arrivés avec des denrées, mais elles ont presque toutes étaient déjà redistribuées. Nous avons rationné mais je doute que nous puissions répondre à la demande plus d'une ennéade... »
    « - La situation est la même partout dans le Médian... et ne parlons pas du Nord, toujours ravagé par les guerres... Peut-on avoir un état détaillé des possessions du Culte pour le Conclave ? Peut-être que nous pourrions mieux répartir les offrandes et les récoltes entre les temples. »
    « - Et puis l'insécurité est grandissante dans la capitale. Nous accueillons toujours plus de gens blessés, de femmes bafouées et d'enfants maltraités. Il n'y a presque plus de place dans notre dispensaire... »
    « - Dans ce cas transformons les bureaux, les chambres vides et même les chapelles en dispensaire. Le soin de ces personnes est une priorité. Et n'hésitez pas à faire appel à moi. »

    J'entendis une plume gratter rapidement le papier. J'étais fatiguée et j'avais hâte de rejoindre la petite chapelle.Peut-être pourrais-je interroger Néera ? Peut-être pourrait-elle me guider, m'aider à trouver des solutions pour soulager la population qui souffrait un peu partout.

     « - Est-ce qu'il y a autre chose pour aujourd'hui ? »

    La voix d'un autre prêtre s'éleva alors dans la pièce. Il se tenait près de la porte et était rentré discrètement, craignant de nous déranger.

    « - Il y a eu un incident, Gardienne Jena... A quelques pas du parvis dans une ruelle menant aux quartiers commerçants. Une agression … Votre fille et »
    « - Ma fille ?! »

    Je m'étais levée d'un bond sans même attendre la suite. Les mots « agression » et « votre fille » dans la même phrase m'avait littéralement fait perdre toute couleur.

    « - Non... ce n'était pas elle la victime. Elle a seulement alerté votre mari. Il s'est précipité pour venir en aide à cette femme et à sa fille. J'ai assisté à tout ça … sans lui nous aurions probablement retrouvé leurs cadavres au matin. »

    Le prêtre me précéda dans les couloirs, j'arrivais enfin devant la statue de Néera qui trônait au milieu de la cathédrale. Lorsque Liliana me vit approcher, elle se précipita vers moi pour tout me raconter avec ces mots d'enfant. Comment son père avait sauvé son amie avec un simple bâton, comment il s'était précipité sans crainte. Sans les voir je pouvais deviner que ces yeux brillaient d'adoration. Je me penchais et l'embrassais sur les deux joues, puis j'avançais vers le petit groupe constitué de la veuve, sa fille, une prêtresse, un moine et mon mari.

    Les premières minutes je me les consacrais uniquement à la mère et à sa fille. Je les apaisais avec ma magie, écoutais leurs paroles et tâchais de les rassurer. Je leur proposais également de trouver quelqu'un pour les escorter jusque chez elle. Il n'y avait que trop peu de gardes dans les rues, mais nous pouvions certainement les raccompagner chez elle en compagnie d'un moine … Je me rendais bien compte que c'était insuffisant mais pour l'heure c'était la seule chose que je pouvais faire pour elle. Les conflits actuels nous montraient à quel point nous étions vulnérables en temps de guerre... Cela aussi devrait être mis à l'ordre du jour du Conclave.
    La prêtresse accompagna la jeune femme et sa fille plus loin dans la cathédrale et le moine se chargea d'aller chercher quelqu'un pour raccompagner chez elle. J'étais à nouveau seule avec Hanegard, mais cette fois la petite main de ma fille se glissa entre mes doigts.


     « - Ce que tu as fait pour cette femme et sa fille … c'était courageux et grâce à toi elles sont saines et sauves... L'absence de garde autour des temples de la ville et dans le reste du Médian devient  vraiment problématique...  » J'avais l'impression de m'être adressée à l'un des prêtres que je venais de quitter quelques minutes plus tôt. Je me tournais vers lui, réalisant soudain tout ce qu'il avait risqué en intervenant seulement armé d'un bâton.  « - Tu aurais pu être blessé... »
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MessageSujet: Re: Les épées de Néera [Jena]   Les épées de Néera [Jena] I_icon_minitimeJeu 4 Fév 2016 - 11:16


Les prêtres nous rejoignirent immédiatement pour prendre soin de la veuve et de sa fille, toutes deux encore tremblantes et réalisant avec effroi ce à quoi elles venaient d’échapper. Lorsqu’elles passèrent à ma hauteur, guidées vers la cathédrale, elles murmurèrent un remerciement, leurs yeux embués de larmes mais brillants de reconnaissance. Je sentis une petite main se fourrer dans la mienne, et me tournant je vis Liliana qui me regardait, confiante et souriante. À cet instant, les mornes brumes qui rôdaient autour de mon âme depuis des trop longues journées laissèrent passer un fin rayon de lumière. La lancinante question qui me taraudait « suis-je donc comme eux ? » venait de trouver sa réponse, et cette réponse était « non ».

Non, non je n’étais pas définitivement perdu, non je n’étais pas comme ces politiques pour qui seul compte le pouvoir. Sans y réfléchir, guidé par mon instinct, je venais d’intervenir pour aider cette jeune femme sans rien attendre en retour, refusant juste de laisser un crime se commettre sans intervenir. Je devais croire en cette lumière qui me réchauffait le cœur, et je réalisais que la plus belle des récompenses n’est ni l’or ni les honneurs, mais un merci sincère du malheureux que vous protégez. Néera avait donné le Choix aux hommes, et je venais de l’exercer dans le bon sens… l’image des multiples petites chandelles dans l’obscurité qui m’avait frappé à la fin de ma dernière conversation avec Jena me revint d’un coup : de tels actes pouvaient permettre d’allumer de nouvelles chandelles.

Encore un peu perdu dans mes pensées, je revins avec Liliana jusqu’à la cathédrale. Jena avait été prévenue immédiatement et utilisa son don pour apaiser les deux victimes avant de les confier à un prêtre qui devait les accompagner tout le long du chemin jusque chez elle. Même en ces temps troublés, nous pouvions espérer que les brigands hésiteraient à s’en prendre en plein jour à un serviteur de Néera. Nous restâmes donc seuls tous les trois, Liliana nous tenant tous les deux par la main comme si elle cherchait à recréer un pont entre nous. J’étais souvent étonné par la perspicacité de ma fille, et cette fois encore je me doutais qu’elle avait bien mieux compris la situation que nous ne le pensions.


Je… je ne pouvais pas rester sans rien faire.

Je tendis la main à Jena, afin que nous puissions former un cercle, recréer cet équilibre rompu en grande partie par ma faute. Si les orages qui m’avaient tourmenté suite à mes actions quasiment criminels n’avaient pas disparus, ils se trouvaient un peu repoussés par la lumière née dans cette ruelle. Un fragile équilibre se mettait en place, et je me sentais dans la position d’un acrobate sur un fil au-dessus du vide. Je devinais la présence de la terre ferme en face de moi mais sans pouvoir encore la voir, et seule ma famille pourrait m'y guider.

Si nous dînions ensemble tous les trois, ce soir ? Avec la préparation du Conclave nous avons eu trop peu de temps à passer en famille.

Pieuse excuse, certes, car le Conclave n’était pas la raison principale à notre éloignement.
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MessageSujet: Re: Les épées de Néera [Jena]   Les épées de Néera [Jena] I_icon_minitimeJeu 4 Fév 2016 - 13:04

    Alors qu’il saisissait ma main je n’avais pu m’empêcher de retenir mon souffle. Crispée à la simple idée qu’il me touche et qu’il m’engloutisse à nouveau dans ce raz-de-marée d’émotion qui l’entourait depuis plusieurs jours. Mais cette fois pas d’orage, une profonde mélancolie, encore des doutes mais cette petite lumière vacillante au fond de lui je pouvais la voir. La voir à nouveau. J’étais tellement surprise que je ne répondis pas tout de suite à la proposition d’Hanegard.

    « - Oh oui Maman dit oui s’il te plait ! S’il te plait !  »

    La petite voix implorante de ma fille me sortit de mon mutisme et je lui adressais un réel sourire. S’il y avait bien une personne sur qui je ne craignais pas de braquer mon regard obscurci s’était bien sur elle. Elle avait déjà eu la franchise de m’en parler, comme toujours avec des mots de son âge, mais avec une franchise que l’on ne rencontrait presque plus chez les adultes.
    Ce repas était une excellente idée. Comme le reste des membres du Culte nous n’aurions droit qu’à une soupe et un morceau de pain, mais nous pouvions tout de même nous retrouver tous les trois ailleurs que dans la grande salle qui servait de réfectoire. J’aurais normalement dû me rendre auprès des orphelins du temple, ils étaient bien plus nombreux qu’avant la guerre et ils avaient besoin d’énormément d’attention. Je me promis de m’y rendre le lendemain à la première heure.


    « - Tu sais bien que je ne peux rien te refuser ! » déclarais-je amusée par ma fille qui s’était mise à sautiller sur place pour me forcer un peu plus à accepter.

    Je demandais au moine, qui était revenu me prévenir qu’il avait envoyé Frère Ulrik se chargeait de raccompagner la jeune femme et sa fille, que nous mangerions tous les trois dans la chambre que je partageais avec Liliana. Il y avait une petite table et nous nous accommoderions de l’espace. Je ne voulais pas que l’on se plie en quatre pour nous dresser une table dans une salle à part… Je n’étais plus baronne et mes Frères et Sœurs avaient bien assez de choses à faire. Je lui demandais seulement de nous faire porter un plateau.  
    Liliana prit la direction des opérations et nous entraîna dans les couloirs jusqu’à notre chambre. Lorsqu’elle se chargeait de me « guider », elle faisait toujours en sorte de m’indiquer les marches, les portes et même les endroits où nous tournions. Elle était aussi beaucoup plus calme, comme si elle prenait très au sérieux ce rôle que je lui confiais.

    Une fois dans la chambre, je me sentis légèrement mal à l’aise. Mais une fois de plus Liliana brisa le silence en courant jusqu’à son lit pour revenir avec un morceau de parchemin.


    « - Tiens Papa regarde ! Sœur Amandine m’a un peu aidé, elle m’a mieux appris mes lettres et c’est moi qui aie tout écrit toute seule avec une plume, comme quand tu travailles Papa. C’est pour Dastan, il doit s’inquiéter pour nous alors je voulais lui écrire ça et j’ai fait un dessin pour Elyan aussi. Maman, est-ce qu’on pourra l’envoyer demain ? »

    L’attention de Liliana pour son frère me serra le cœur. C’était tellement adorable de sa part et en même temps ça me rappelait cruellement l’absence de Dastan et Elyan. Je ne pouvais pas voir sa jolie lettre, ni admirer sa petite écriture d’enfant, mais même sans cela je m’agenouillais devant elle et lui ouvris mes bras.

    « - Mais Maman…. Je voulais pas te faire pleurer… Pardon…  »
    « - Mais non mon Cœur, ne t’excuse pas voyons, c’est vraiment très gentil que tu penses à tes petits frères. C’est juste qu’il me manque beaucoup. »

    Je gardais ma fille dans mes bras encore quelques secondes puis me relevait. Je me déplaçais jusqu’à trouver le lit sur lequel je m’assis. J’essuyais les larmes que je n’avais pas pu retenir d’un revers de la main avant de tourner mon visage vers Hanegard.

    « - Penses-tu qu’ils sont en sécurité là-bas ? Ne pourrait-on pas les faire venir ici avec nous ? »
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Hanegard Kastelord
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MessageSujet: Re: Les épées de Néera [Jena]   Les épées de Néera [Jena] I_icon_minitimeSam 6 Fév 2016 - 15:24


Comment avais-je pu accepter le risque de sacrifier ma vie de famille aux ambitions politiques des uns et des autres ? En voyant Jena et Liliana réunies, je compris à quel point je m’étais égaré dans les méandres de la politique depuis mon abdication. Du temps où je dirigeais Alonna, je ne rendais de compte à personne, ayant refusé tout serment d’hommage aux marquis de Serramire successifs et le régent Aetius n’en ayant pas exigé de ma part. Aucun compromis, aucune magouille ne venait alors ternir mes relations avec ma femme ou mes enfants, car si je devais sévir ou envoyer un brigand à l’échafaud, ils savaient que je le faisais par respect de l’ordre établi.

Nous étions loin de cette décennie bénie où l’équilibre politique à Alonna n’était pas un vain mirage mais bien une réalité. Mes tentatives ultérieures de recréer un tel équilibre dans le Médian échouaient, tant par l’inaction des hommes comme Velteroc que par l’avidité sans cesse croissante des parvenus de Langehack. Si je ne souhaitais pas m’installer moi-même à la tête d’un duché… et Néera savait que je ne le souhaitais pas… je ne pouvais que me perdre à agir dans l’ombre pour ces puissants personnages qui savaient admirablement bien laisser leurs vassaux prendre des risques à leur place. Non, décidément, aucun seigneur ne pourrait jamais remplacer Trystan dans mes allégeances.

Jena me demanda alors s’il ne serait pas possible de faire venir nos deux garçons, réunissant ainsi notre petite famille. Certes cela m’aurait réjoui, car Dastan et son frère me manquaient terriblement, mais il suffisait d’écouter ce qui se disait sur les places du marché pour en mesurer les risques.


Diantra n’est pas un lieu apaisé, par les temps qui courent.

Doux euphémisme ! La présence même de Liliana à Diantra m’inquiétait pour cette même raison. Si je savais que Jena pouvait traverser une foule en sédition sans risque, son statut de Gardienne et son lien avec une déesse lui assurant une protection tant morale que physique équivalente à des armées entières, voir ma fille jouer sur le parvis de la cathédrale à quelques dizaines de mètres des malandrins m’effrayait.

Mais une solution existait peut être…


Chérie, la préparation du Conclave requiert-elle ta présence à Diantra même ? La majorité du travail consiste en des échanges de missives et la préparation des textes, si je ne me trompe. Cela pourrait être fait d’ailleurs, ne pourrions-nous pas nous rendre quelques ennéades dans une province proche, comme Apreplaine ? Niklaus d’Altenberg nous trouvera sans aucun doute un petit manoir en bordure de l’océan où nous pourrons faire venir Dastan et Elyan sans risque.

Depuis l’expédition dans les wandres, j’avais gardé à disposition la caravelle ysaraine issue du traité avec Sarina de Féoda, attendant des heures plus calmes pour la lui rendre. Par voie maritime, le trajet de Renhanda à Apreplaine ne serait guère long et l’Eris restait calme en cette saison. Autre avantage que je taisais du fait de la présence de Liliana : si la guerre civile éclatait à Diantra, nos enfants seraient à l’abri.
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