Vous le saurez quand ça se produira.

Depuis qu'il avait reprit l'équipage de son paternel, il y avait eu peu d'occasions de faire escale autre part que sur l'île de Méca, c'était intrinsèquement lié à sa condition de pirate, certes, mais pas seulement car le temps lui avait beaucoup manqué, comme toujours. Le temps filait à une vitesse inimaginable, comme du sable qu'il cherchait à saisir entre ses mains, il fuyait, impossible de le stopper. Il avait quarante-deux années et il n'avait rien accomplit, son objectif était encore hors de portée et de très loin. Le temps fuyait, inexorable, lui prenait de l'âge et le chemin qui était le sien lui apparaissait de plus en plus ardu. Il se reprit. Ce genre de pensées malsaines n'étaient pas de bon ton, elles l'éloignait de son objectif. A ses côtés son frère observait avec convoitise tout les signes extérieurs de richesse qu'affichait le port d'Ydril, il semblait dans son élément et nul doute que si occasion lui était donné il n'hésiterait pas à soulager quelques badauds de leur poches bien remplies.

Cette ville portuaire n'avait rien à voir avec l'île de Méca, il y avait certes une odeur de pisse, mais bien moins prononcés. Les gens s'affairaient à leur tâches et il n'y régnait pas un chaos éternel comme à Méca, ça non. Ici et là des marchands tentaient d'alpaguer le passant pour y vendre du poisson, des bijoux, des tissus. Un endroit riche mais également un port d'importance, nul doute qu'il était bien défendu et seule une coalition de capitaines pirates pourrait jamais en venir à bout si jamais l'idée leur venait un jour, heureusement pour ce port, c'était le genre de choses qui arrivait très peu dans l'histoire de Méca, chaque pirate ayant un brin d'orgueil et des difficultés à partager un butin.

Il trouvèrent finalement leur destination au fin fond d'une ruelle étroite, une taverne à l'allure peu recommandable mais qui ne s'offusquerait ni de leurs allures miteuses, ni de leur fort accent mécans. La taverne n'était pas bondée, deux ou trois putains tentaient de racoler les quelques clients qui s'étaient égaré au fond des chopes de bière et des bouteilles de vin. Ils trouvèrent une table au fond de ce boui-boui et s'y installèrent, à peine quelques secondes plus tard, une serveuse s'approchait, accompagnée de deux filles de joie. Hirzigan commanda un gobelet de vin et son frère se rabattit sur une chope de bière, l'une des deux putes commença à prendre ses aises, s'installant sur les genoux du capitaine et passant ses bras autour du cou de ce dernier. Elle n'était ni laide, ni belle, elle rentrait dans cette troisième catégorie qu'Hirzigan aimait appeler les « beautés simples » qui se valaient pour ce qu'elles étaient, dénués d'artifices et d'attraits particuliers, Hirzigan s'étaient énormément noyé dans la luxure peu après le décès de Niobé, la luxure, l'alcool, les drogues de toutes sortes, cela avait été un échappatoire comme un autre, jusqu'à ce qu'il se fixe un nouvel objectif. La ribaude s'adressa à lui, d'une voix lascive :

« Souhaites-tu que je t'aides à te détendre ? Quelques instants avec moi et tout tes soucis disparaîtront...

Il songea que les soucis ne seraient probablement pas les seules choses qui disparaîtrait si elle s'affairait à le contenter. Il se saisit de son poignet et serra un brin, l'invitant à déguerpir au plus vite. Les putains ne l'intéressait plus, il n'y avait qu'une seule chose qui comptait et tout le reste n'était qu'une étape facultative ou non vers cet objectif. Alec, lui, se trouvait toujours avec sa prostituée.

« Tu devrais t'en séparer, Alec. »

Son regard fût attiré par une nouvelle personne qui fit son entrée dans la taverne, il s'arrêta un instant, paraissant jauger la salle, puis s'avança vers leur table.

Suivant son frère dans les ruelles étroites du port, le lieutenant avait préféré laisser le Taureau s'assurer de la bonne tenue du pont. S'il était concevable qu'une traditionnelle bagarre éclate, il n'avait aucune envie qu'un de ses hommes se fasse pincer par la milice locale en allant tenter d'alpaguer une daronne du coin. Dans le genre emmerdement maximum, ça se poserait là. Non, au lieu de cela, le quartier-maître s'assurait que le pont serait propre, les voiles saines et l'équipage calme. Un bon quartier-maître. Parfaitement haïssable. Donc un bon quartier-maître.

S'asseyant aux côtés de son frangin, Alec commence doucement du regard à inspecter les lieux. Première chose, les sorties visibles. La porte d'entrée, manifestement vers une arrière salle, trois fenêtres et un accès à l'étage par l'escalier. Noté. Ensuite les armes présentes. Deux hommes avaient le sabre. Rien d'autre. Rien d'autre de visible, d'expérience, les catins affectionnaient les stylets pour refroidir les clients trop motivés, et il n'y avait aucune raison que l'un ou l'autre des clients ne dissimule une dague sur lui. Mais en terme d'armes lourdes, c'était limité.

Enfin, tout dépendait de la définition que l'on pouvait donner à une arme lourde, car la catin se jetant sur ses genoux en avait deux belles, d'armes lourdes. Contondantes, certes, mais lourdes. Passant une main autour de la taille de la jeune femme -manifestement la plus jeune du duo-, il sourit de toutes ses dents.

A : "Moi qui croyait avoir dit au revoir à la civilisation..."

? : "Et encore, j't'ai pas montré mes monuments."

A : "Je prends un guide et je te..."

La voix de son frangin. Un regard vers lui, plein de tristesse... Puis un haussement d'épaules, il embrasse rapidement le cou de le jeune femme et la renvoie d'une claque sur les fesses.

A : "Je reviens plus tard ma belle."

Se tournant vers son frère sans faire attention à la mine outrée des deux femmes, Alec attrape sa chope, et, avant d'en descendre une gorgée.

A : "Une semaine sans prise, mon frère, c'est une semaine de mécontentement, tout ça pour nous amener dans une taverne paumée et ne pas en profiter ? Tu as une nouvelle pour moi, rassure moi..."

Une gorgée, et son oeil suit le regard du capitaine. Discrètement, sous la table, sa main gauche se pose sur la poignée de son sabre.

Neuvième jour de la Première ennéade de Karfias, an 9.

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Vous le saurez quand ça se produira. 1464011032-alban

Tortouga

Simèon d’Anoszia était un personnage complexe, très peu connaissait son rôle au sein de la famille et pourtant celui-ci était indispensable. Arichis s’appuyait sur Ansaldo pour toutes les missions militaires, avec à l’appui de temps à autre Odoric, sur Sibylle pour toutes les questions diplomatiques qu’il ne pouvait assurer lui-même et sur Simèon pour les financements et les missions clandestines. Ce jour-là, il était question de pirates et rien de mieux qu’envoyer Tortouga pour cette mission à la place de Cicéro occupé ailleurs cette fois-ci.

Tortouga avait été durant un long moment l’homme qui échangeait clandestinement des marchandises avec l’île des pirates. Contrebande, recèle et chantage. Il avait quelques contacts sur l’île et n’avait pas hésité à en jouer pour le rendez-vous du jour. Habillé d’une longue cape noire à capuche pour rester dans le thème mystère, une épée sur le côté qu’il ne cachait pas, il entra dans la taverne. Retirant la capuche pour se montrer, il remarqua aussitôt les deux bonhommes assis au fond qui levèrent les yeux vers lui. Il marcha vers eux d’un pas déterminé et s’assis à leur table sans invitation.

« Messieurs. Je suis Tortouga, merci d’avoir répondu à mon offre. »

La serveuse vint pour lui déposer une choppe de bière, il était un habitué des lieux.

« Merci Irin. Bon alors messieurs, parlons affaires si vous le voulez bien. Il me semble que la mer est mauvaise ces temps-ci non ? »

Regard entendu vers son frère alors que l'inconnu approche. Oui, il était bien arrivé ici dans un but précis. C'est bien après les récents événements qui étaient survenu à Méca qu'il avait été informé qu'un homme recherchait des gens de leur espèce dans le comté d'Ydril, il n'avait pas eût tellement de précisions mais l'ont lui avait assuré la possibilité d'un gros coup à jouer. Hirzigan, bien que pessimiste, était un réaliste, il savait pertinemment que la seule chose qui le maintenait à la tête de son équipage était les prises qu'ils effectuaient ici et là, et que si elles venaient à manquer il risquait d'être déposé. Ou pendu à son mât, plus vraisemblablement. De fait, l'appât d'une prise d'importance arrangeait les affaires du capitaine qui n'avait pas eût l'occasion de contenter son équipage pour le moment. Son regard balaya le reste le fond de la taverne alors que ses deux mains écartées se joignaient formant un triangle. La plupart des clients semblaient tous à leurs affaires, se préoccupant peu de la drôle d'assemblée que formait les pirates et le nouveau venu. Une ombre sembla s'arrêter sur le palier de la taverne mais son regard fût attiré par son interlocuteur qui faisait les présentations. Il fit un signe de tête pour répondre aux salutations et prit la parole :

« La mer a toujours quelque chose à offrir, pour qui sait où chercher. Mais les affaires ne sont pas au beau fixe pour le moment. Mon informateur m'a laissé entendre que vous ou ceux pour qui vous travaillez ont une occasion en or qu'il aimerait partager avec des gens de notre sorte, c'est bien cela ? »

Le Maudit détailla les traits du nouvel arrivant, celui-ci arborait un teint hâlé et des yeux qui tiraient sur le vert, bien que barbu il était visible que celui-ci s'entretenait régulièrement, rien à voir avec le faciès de pouilleux que lui ou son frère arborait la majeure partie du temps. Il semblait à l'aise, comme si ce genre d'interactions avec des hommes de leur espèces lui semblait normal. Il était des plus probable qu'il eût déjà travaillé dans le métier, ou qu'il ait eût de nombreuses fois affaires avec des pirates. La voix d'Hirzigan s'éleva de nouveau dans les airs, dure comme le métal :

« Avant toute chose, sachez que contrairement à la plupart de mes collègues, je tiens à obtenir un maximum d'informations de votre part sur ce qui concerne le boulot que vous souhaitez nous confier, moi et mon second ne sommes pas du genre à foncer tête baissée. L'objectif étant un succès partagé, cette exigence nous est mutuellement bénéfique. »

Il se tut, perdu dans ses pensées. Pensées qui tournaient majoritairement autour de Niobé. Niobé qui le hantait à chaque instant. Son regard semblait se perdre encore sur le fond de la taverne, il remarqua que l'ombre semblait avoir disparu, sans qu'il comprenne vraiment comment. Ce détails fût balayé par l'oubli flagrant qu'il avait fait lors de la conversation, aussi il prit une dernière fois la parole de ce ton dur agrémenté de son accent Mécans qui le caractérisait si bien :

« Mais je vous prie d'excuser ma rudesse. Je suis le capitaine Forscythe, Hirzigan Forscythe, capitaine de la Hyène Rouge et voici mon second, Alec Forscythe. »

Alec n'aimait pas les hommes discrets. D'abord, car ceux-ci avaient tendance à attirer l'attention. Entre un péquin vêtu selon le cru et un autre revêtu de noir, pas de doute, la foule se méfierait de l'homme en noir. Quoique, vu le lieu, l'envoyé ne jurait pas dans le paysage. Il portait l'arme en évidence, manifestement pas une arme de carnaval ou de nobliau. Attitude déterminée. Si ce n'était qu'un négociateur, c'en était un avec suffisamment de bouteille pour ne pas se laisser intimider par des pirates. L'épée n'était donc sûrement pas là pour du flan. La main du lieutenant desserre quelque peu l'étreinte des doigts sur le cuir.

Un simple hochement de tête à la présentation de l'envoyé. Il n'ouvre pas la bouche, laissant à son frère le soin de les présenter. Toujours se souvenir de son rang. En dehors d'un boulot, la hiérarchie n'avait pas de sens. Sur le navire, en revanche, elle devait être strictement respectée. Un pas de travers, et vous passiez par dessus bord, votre compagnon avec vous. Aussi, mieux valait laisser son frère s'occuper des pourparlers. Tout au plus ouvre-t-il les lèvres un bref instant :

Alec : "Enchanté, Tortouga."

Avant de porter sa main à sa ceinture... Et d'en tire un livre, un petit tome, épais et salement relié, qu'il pose sans un mot sur la table. Il en tire d'ailleurs une petite plume, et une minuscule bouteille coincée dans la reliure. Ce petit livre était bien connu de l'équipage de la Hyène, et Hirzigan savait de toute évidence ce que son frère avait en tête en s'installant ainsi. L'écriture et la lecture étaient des talents rares que le pirate utilisait à escient. Un coup de langue pour humecter la pointe de la vieille plume défraichi, et, calmement, il ouvre le cahier qu'il commence à parcourir d'un oeil distrait. Un curieux rituel semblant pourtant bien rôdé, tandis qu'il jette un coup d'oeil à son frère et à l'envoyé, semblant griffer quelques notes en même temps.

» Quand fièvre vous gagne ... Folie vous guette. ( Solo )
» [Libre] Quand Aléra vous accueille...
» Quand la nuit vous apporte un invité inatendu. (PV)
» Vous êtes indignes de vous réclamer nains, à présent donnez .. [Dun Eyr]
» Vous avez pas rencontré de vieux ? Si ! Comment vous le savez ?

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