Le dernier mot [Maélyne] [Terminé]

L'an Neuf du onzième cycle
Première ennéade de Karfias
Le troisième jour...

« Va, va, et ne m'emmerde pas avec tes questions », avait lancé le comte d'Arétria au brave Athaulf. Et le bon écuyer qui, plein de bonne volonté, s'en allait exaucer le souhait de son seigneur, songeait qu'il l'avait connu plus digne en des jours meilleurs. Allons ! Le sire de Wenden n'était pas un mauvais homme, il était seulement soupe-au-lait ; et cela se ressentait plus nettement depuis qu'il avait prit du galon.

Longeant les corridors labyrinthiques du palais Séraphin, rasant les murs telle une ombre, comme s'il craignait que l'on devinât, en le croisant, la nature suspecte de sa mission, Athaulf gagna finalement l'aile où logeaient les gens de Lourmel. Il se présenta, l'air de rien, comme porteur d'un message pour Dame Maélyne qu'il ne devait remettre « qu'à elle, et à elle seule. » Mais on ne fit pas secret de sa provenance : le sceau du comte était apposé sur le billet. Rédigé sur un vélin de qualité moyenne, le message était d'une concision déroutante.

R. a écrit:

Aucune explication ne semble pouvoir me racheter à vos yeux ; mais cette explication, je vous la dois. Et quoique votre orgueil de femme puisse vous commander de ne rien en faire, je vous attendrai dans le jardin qui longe le mur est, à la nuit tombée, au pied du grand cèdre.

R.

3ème jour de la 1er ennéade du mois de Karfïas de la 9ème année du 11ème cycle.

Trois coups à la porte suffirent pour faire taire les conversations. Plusieurs nobles étaient installés dans ce qui pouvait sembler être le plus grand salon de l’aile. Maélyne se trouvait dans un coin, près de la fenêtre, à écouter qu’à moitié -voire même moins- ce que lui racontaient ses deux dames de compagnies. Un jeune homme, ou plutôt un grand enfant entra et fit savoir qu’il avait un message pour la Dame de Lourmel. Tous les regards se tournèrent vers la concernée et l’enfant avança.

« Je te remercie. » Lui dit-elle en lui offrant un joli sourire. Le petit messager s’en alla puis elle scruta le sceau qui scellait le parchemin. Elle ne le reconnaissait pas. D’un geste discret Maélyne le montra à Manon, l’une de ses Dame qui, accompagné d’un franc sourire, lui spécifia que cela venait du comte d’Arétria, mesurant toutefois le volume de sa voix pour qu’elle seule puisse l’entendre. « Le comte ? » S’étonna la jeune femme. « Pourquoi le comte m’écrirait-il ? »

Le haussement d’épaules des deux jeunes femmes n’aida en rien Maélyne, qui, après avoir scruté la salle, estimait que trop de regards la fixaient. « Je vais me retirer mesdames. Je vous remercie pour votre compagnie. »  

Ses pieds foulèrent rapidement le couloir alors qu’elle lâcha un soupir de soulagement. Elle se sentait étrangement exclue, comme si elle n’était pas à sa place dans toute cette noblesse qui l’entourait. Aucun nom ne lui revenait et devoir constamment demander à ce qu’on les lui rappelle la fatigua plus qu’autre chose.

Sa chambre n’était plus très loin lorsqu'elle croisa Thenala qui n’hésita pas à l’aborder. « Bonjour Maélyne, comment te portes-tu aujourd’hui ? » Un sourire vint se dessiner sur le fin visage de Maélyne même si celle-ci n’avait qu’une envie; faire la tronche.  « Je vais bien merci. » Répondit-elle prestement avant de continuer sa route ce qui étonna fortement la rouquine. « Mais où cours-tu comme ça ? » lui dit-elle avant de se mettre à la suivre. Les deux jeunes femmes arrivèrent rapidement dans les appartements privés de Maélyne. « J’ai juste besoin d’être un peu seule. » Enchaîna Maélyne. Thenala, comme à son habitude, préféra ne pas écouter sa cousine. Elle remarqua bien vite qu’elle tenait un parchemin. Il fallut peu de temps pour que Cécilie finisse par également les rejoindre. Maélyne adressa un sourire et la serra dans ses bras avant que Thenala ne reprenne la parole.

« Tu as reçu une missive ? Qui te l’envoi ? »
« Le comte d’Arétria. »
« Ah. Et que t’écrit-il ? »
« A vrai dire, je ne sais pas. Je ne l’ai pas encore lue. »
Un sourire vint s’afficher sur le visage assez radieux de la musicienne. « Eh bien, lis-la ! »

D’un geste rapide et précis, Maélyne ouvrit.

« Aucune explication ne semble pouvoir me racheter à vos yeux ; mais cette explication, je vous la dois. Et quoique votre orgueil de femme puisse vous commander de ne rien en faire, je vous attendrai dans le jardin qui longe le mur est, à la nuit tombée, au pied du grand cèdre.

R. »

Un silence s’installa.

...

...

...

« Mais… Mais qu’est-ce que cela peut-il bien vouloir dire ? Est-ce que je le connais ? »

Depuis ce fameux jour, Cécilie errait dans les couloirs du palais avec un peu moins d'empressement. Elle avait fait ce qu'elle pouvait pour Lourmel. Mais c'était maintenant derrière elle. Ici, il fallait se réhabituer à un autre mode de vie... entourée des membres d'une famille qu’elle n’appréciait pas. La fatigue se faisait douloureusement sentir... Mais elle était sereine. C'est en se rendant à ses appartements pour retrouver Rose qu'elle croisa Thenala suivant à grand pas une Maélyne visiblement fort pressée.

Le problème avait l'air aussi simple qu'il était complexe en réalité... Et lorsque Maélyne ajouta que la missive venait directement du Comte d'Arétria, elle faillit détourner Thenala pour laisser leur cousine la lire sans témoin. Mais sa consœur musicienne semblait plus qu'enthousiaste et elle ne put qu'écouter. La lecture lui serra le cœur.

Avant que Thenala ne puisse émettre ses propres conjectures, Cécilie se décida à intervenir.

« Vous vous êtes déjà rencontré plusieurs fois. Vous vous entendiez bien.

Elle ajouta un ton en dessous.

« Tu m'as dit qu'il t'avait fait des avances déplacées juste avant son mariage. »

Maélyne était plus qu’étonnée. « Je remercie tellement Néerra que tu sois là, Cécilie. Que pourrais-je donc faire sans toi ? » Elle fit une pause puis reprit sur un ton agacé. « Bon. Au vu de ce que tu me dis et vu le genre de missive qu’il se permet d’envoyer. Il n’est plus quelqu’un de fréquentable. » Maélyne enroula le parchemin avant d’enchaîner. « Comment faire pour qu’il me laisse tranquille désormais ? »

La jeune rousse s'accorda un instant de réflexion.

« Envoie peut-être un serviteur à ta place, pour lui demander de ne plus t'indisposer? Si tu crains un incident diplomatique, je pourrai y aller accompagnée également? »

« Non, non. Ce n’est pas à toi de régler cette histoire. Je vais y aller, mais accompagnée. Je lui demanderais tout ça moi-même. » Elle soupira alors que son visage vint plonger dans la paume de ses mains. « Merci Cécilie. Tu fais déjà tant de choses pour moi. » La jeune femme s’approcha, puis la prit dans ses bras, caressant ses long cheveux au parfum si délicat. « Ne te tracasse pas. » Dit-elle en se reculant tout en gardant ses mains sur les épaules de sa cousine. « Thenala, veux-tu bien venir avec moi ? » Celle-ci répondit rapidement positivement. « Nous emmènerons des gardes également. » Elle fit une légère pause. « Merci de m’avoir prévenue Cécilie. »

« Je t'en prie Maélyne. »

En quittant sa cousine sur une dernière étreinte, Cécilie eut un sourire rayonnant... Qui s'effaça une seconde après que le bruit des pas des deux femmes se soit suffisamment éloigné.

Elle pressa le pas. Elle devait envoyer rapidement un message au Comte. Rose... Il fallait qu'elle rejoigne Rose... Elle avait déjà en tête le billet.

Cécilie de Laval a écrit:

Suite à des problèmes de santé, Maélyne de Lourmel a perdu tout souvenir de vous et de sa vie avant ces dernières ennéades. Elle est à peine capable de reconnaître les personnes de sa famille. J'ose escompter que vous ferez preuve de l'honneur et de la droiture qui vous a manqué lors de votre mariage et que vous ne tenterez pas de rallumer de vieilles passions.

Un homme marié devrait savoir se tenir à distance de ses anciennes bagatelles pour éviter qu'elles ne s'ébruitent.

Cécilie de Laval.

Le message fut rapidement envoyé à son destinataire alors que Maélyne se questionna sur les mots qu’elle emploierait pour mettre un terme à ces « avances déplacées ».

Après y avoir jeté un rapide coup d’œil, Roderik replia le parchemin, le visage austère et l'air résigné. Puis il se figea ; ses traits se durcirent, ses joues et ses tempes s'empourprèrent tandis qu'il chiffonnait le billet entre ses mains. « J'ignore qui est cette morue de dame de Laval, mais je l'emmerde », gronda-t-il ; dans la petite pièce, seul Athaulf pouvait l'entendre, mais ce n'était manifestement pas à lui que Roderik s'adressait. L'écuyer se contenta de garder le silence, laissant son seigneur en proie à ses propres démons.

Le comte se mit à faire les cent pas, méditant sur le contenu du message. La situation était on-ne-peut-plus claire : Maélyne ne lui pardonnait pas d'avoir manqué à sa parole, et refusait même de lui laisser une chance de s'expliquer devant elle. Sa prétendue amnésie - avait-on jamais vu mensonge aussi éhonté ? - n'était qu'un moyen de lui rendre la monnaie de sa pièce : elle voulait lui faire croire que ce qui s'était passé entre eux ne comptait pas pour elle, comme si cela n'avait jamais existé. Comme s'il était trop insignifiant pour lui faire du mal... mais il savait bien que ce n'était là qu'une question d'orgueil. Elle se refusait à perdre la face devant lui. Car accepter de le voir, c'était risquer de perdre la face. Elle préférait le fuir, et pour cela, elle avait demandé à cette gourgandine de Laval d'écrire à sa place, pour qu'il se tienne loin d'elle.

Bagatelle, qu'elle me dit. Je vais lui montrer, si c'est de la bagatelle, à cette salope, pensa-t-il en remuant de bien sombres pensées. Je ne suis pas un homme que l'on tient à l'écart. Il enfila à la hâte un pourpoint frappé des armes de sa maison, et s'élança, seul, dans les couloirs du palais. Parcourir les entrailles de l'immense bâtiment lui donna, pendant de longues minutes, maintes occasions de méditer sur ce qu'il faisait et de se raviser, mais il n'en fit rien. Il se dirigea d'un pas ferme vers les appartements de Dame Maélyne, et lorsqu'il y parvint, s'annonça d'une voix tonitruante aux hommes qui montaient la garde.

- Je suis Roderik de Wenden. Annoncez-moi à votre dame.

Puisque la cruauté de Maélyne semblait aussi grande que l'était sa beauté, il était prêt, en cas de refus, à attendre dans le couloir jusqu'à ce qu'elle daigne sortir. N'avait-il pas déjà une certaine expérience dans l'art du siège ?

« Essaie de t’en souvenir, ce n’est pas bien compliqué. » Rétorqua Thenala à Maélyne qui, auprès de sa préceptrice et de sa cousine, essaya de retenir les blasons des différentes familles du nord.

« Ecoute, je n’ai aucune envie de faire ça aujourd’hui. »

Lourmel avait un régent, mais l’on voulait éviter que celui-ci ne soit en place trop longtemps. Maélyne se devait donc de réapprendre tout ce qu’on lui avait enseigné, telle une jeune enfant qui venait à peine d’apprendre à lire.

« Maélyne… Il le faut pourtant… Lourmel a… »

« Lourmel a besoin de moi, oui je sais. Lourmel a besoin de revoir  sa Dame, oui je sais. Et alors ? Et moi dans tout cela ? Ne puis-je pas prendre un peu de temps pour me remettre ? »

Thenala ne répondit rien, laissant Maélyne se lever pour gagner une autre pièce et s’adosser derrière la porte. Elle entendit alors sa cousine engager la conversation avec sa préceptrice. Toutes deux doutaient fortement de la capacité de réussite de Maélyne. « Elle n’est pas en état. » « Que va-t-on pouvoir faire pour Lourmel ? » « Pourquoi ne veut-elle pas faire d’efforts ? » ainsi de suite, ainsi de suite…

Personne n’arrivait à comprendre l’état dans lequel elle était. Ne plus savoir qui on est du jour au lendemain, ne plus posséder aucun souvenir. A peine réveillée, on lui annonce un tas de choses, on lui demande de faire comme si rien ne s'était passée, on l'entoure de gens prêts à lui rappeler tout ce qui était nécessaire. Mais les désirs même de Maélyne semblaient être oubliés.

Des larmes se mirent à couler sur ses joues rougies puis elle s’engouffra à nouveau dans la pièce principale. Passant à côté des deux jeunes femmes sans même les regarder. Leurs réactions ne fit qu’énerver Maélyne qui se mit à crier tout un tas de phrases plus incompréhensibles les unes que les autres.

Dehors, deux gardes étaient postés devant la porte.
- Je suis Roderik de Wenden. Annoncez-moi à votre dame.
L’un d’eux allait poser sa main sur la clinche lorsque la porte s’ouvrit violemment. Laissant passer une Maélyne toujours empreint aux larmes et à la colère. Elle passa à travers eux et à côté de Roderik en sortant un simple « excusez-moi ».

Elle voulut s’échapper par le couloir mais un garde l’interpella.

« Ma Dame. Attendez !»
« QUOI? »
« Messire de… »
N’eut il pas le temps de finir sa phrase que Maélyne s’approcha de l’invité, poings fermés, posant les yeux dans les siens, sans même faire attention aux armoiries qu'il portait.
« Je ne sais pas qui vous êtes et ce que vous voulez mais je n’ai ni le temps ni l’envie de vous recevoir ! »

Son ton était colérique et ses yeux toujours rougies par ses larmes. Qu’importe qui il était, elle s’en fichait. A l’instant même où elle tournait les talons, Thenala sortit à son tour. Lorsqu’elle s’aperçût de la scène, une de ses mains vint se poser sur sa bouche pour étouffer un « par Néerra… »

Très vite, elle se reprit et s’adressa au comte. « Votre grandeur… Veillez l’excuser… elle… »

Quoi ? Elle quoi ? Elle est énervée ? Elle pète les plombs ? Que pouvait-elle bien dire ? Après tout, n’avait-il pas été l’un des premiers à se rendre compte qu’elle était dans une colère noire ?

Inutile donc de terminer sa phrase. La rouquine courra bien vite derrière sa cousine.

« Maélyne, attends ! »
« LAISSES-MOI TRANQUILLE, THENALA ! » Cria Maélyne alors qu’elle était déjà au bout du couloir.

Que pouvait-elle faire à présent ? Si ce n’est que d’arrêter sa course et d’espérer que sa cousine ne rencontre aucun problème sur sa route. Mains liées, elle se mit à réciter une prière pour garantir la sécurité de la Dame de Lourmel, partie... seule... On se sait où.

Roderik s'était attendu à tout, ou presque ; il s'était imaginé affronter le mépris, et peut-être la haine de Maélyne, et avait imaginé que l'échange tournerait rapidement à une dispute incontrôlable. Peut-être même que les gardes de Lourmel auraient été contraints de faire sortir le comte à grand renfort de coups de pied au cul.
Mais lorsque Maélyne se précipita dans le couloir, Roderik la suivit de l’œil jusqu'à la voir disparaître, et ne remua pas d'un pouce. Il n'était pas certain qu'elle l'ait reconnu ; il n'était même pas certain qu'elle l'ait vu. Pourtant, il lui paraissait évident qu'il était la cause de la rage de la dame - quelle autre explication pourrait être plus plausible ? Et il regarda la rouquine se précipiter à sa suite, se demandant si cette rousse était la dénommée Cécilie de Laval qui s'était permise de fourrer son nez dans leurs affaires. Il n'en savait rien, et n'en saurait rien ; il s'en fichait. Mais sa rage à lui s'était subitement envolée, emportée par l'effet de la stupeur. Il n'y avait pas que Maélyne qui avait disparu à l'angle du couloir ; dans sa course, elle avait emporté avec elle cette illusion que Roderik avait continué à traîner pendant les dernières ennéades. Cette illusion qui le portait à croire qu'il pourrait recoller les morceaux, atténuer le mal qui avait été fait. Il l'aimait, et quoiqu'il ne puisse faire reconnaître cet amour devant les dieux et les hommes, il était prêt à l'aimer en secret. Malheureusement, Maélyne était trop respectable pour se contenter de cela. Ou peut-être n'éprouvait-elle pas à son égard un amour aussi profond et sincère qu'il ne l'avait cru.

Sans ajouter un mot, Roderik reprit le chemin de ses appartements. Comme d'habitude, son sens de l'orientation le perdit au hasard des galeries, et il fit bien des détours avant de retrouver son chemin ; il erra tout ce temps avec la conscience en proie à de bien sombres pensées, parmi-lesquelles dominaient la culpabilité, la colère, et un profond sentiment d'injustice.

Sa course l’avait menée à l’extérieur. Sa respiration était rapide et le corset qu’elle portait n’aida en rien à l’améliorer. Fort heureusement, elle était tombée dans une partie des jardins qui étaient le moins fréquentés. Ceux-ci ne donnaient pas accès au lac. Elle put alors aisément s’accaparer d’un banc et se calmer.

Le doute s’empara ensuite d’elle. Y ai-je été trop fort ? Après tout, ils ne veulent que m’aider… Soufflant d’exaspération, une foule de questions lui traversa l’esprit. Que voulait-elle réellement ? La réponse était logique ; comprendre ce qui lui était arrivée. Voulait-elle retrouver la mémoire ; oui elle le voulait, même si elle se doutait pertinemment qu’elle devrait faire face à certaines souffrances.

Maintenant que la jeune femme s’était décidée, elle ferait tout pour connaitre le fin fond de l’histoire. Ses conseillers l’avaient trahit, ils avaient assassinée sa fille. Elle avait donc sa mort sur la conscience sans même savoir qui elle était. Quel pire souffrance de savoir qu’on a eu un enfant mais ne plus avoir aucun souvenir de lui ? Ses premiers pas, ses premiers mots, tous ses moments qu’elle a pu partager avec, tout cela s’était évaporée. La seule chose qui lui restait c’était une statue dans la crypte et la date de son assassinat. Quelle mère voudrait de cette situation ?

Maélyne se mit à réfléchir, seule, sur son banc. Qui l’entourait actuellement ? Thenala, qui depuis plusieurs jours s’était littéralement transformé en pot de colle. Elle était sa cousine, de la branche d’Outremont mais la jeune femme ne se sentait pas proche d’elle. La musicienne put néanmoins lui apprendre plusieurs choses sur son père, son oncle et ses cousins. Toute information était bonne à prendre. Il avait ensuite Cécilie, une cousine de la branche Lourmelloise. Elle était différente, elle lui était indispensable comme si la jeune missédoise était l’oxygène de la Dame. Celle-ci savait tout, ou plutôt avait toujours réponse à tout. Grâce à elle, Maélyne put apprendre l’origine des Lourmellois, sa mère, sa tante, sa cousine et son cousin. Mais pas que. Non, Cécilie avait révélée bien plus. Des choses qui pouvaient sembler insignifiante mais qui étaient si indispensable.

Comme cette lettre…

Cette lettre ! Maélyne se redressa. Elle avait été contactée par le comte qui avait utilisé un langage plutôt familier, voir même un peu trop. Cela ne pouvait-il dire qu’une chose, n’est-ce pas ? Ils se connaissaient. Cécilie l'avait même confirmée. Il pourrait être donc utile.

« Le rendez-vous… » Murmura-t-elle alors qu’elle s’aperçut que le soleil se couchait lentement mais surement. Encore fallait-il qu’elle se rende aux jardins est et qu’elle trouve le dit arbre, ce qui ne serait pas une mince affaire.

Se mettant en route, déterminée à lui poser toutes les questions nécessaires, elle entreprit de contourner l’immense édifice pour rejoindre les jardins concernés. Malheureusement, entre temps, elle croisa ce qui pouvait sembler être une « vieille connaissance ». Seule… personne pour lui dire qui était ce joli minois qui l’avait intercepté, Maélyne tenta aussi bien que mal de terminer la conversation au plus vite tout en évitant les sujets facheux qui pouvaient mener à des souvenirs.

Incapable de se détacher du flot de parole qui la noyait depuis presque une heure maintenant, elle simula un mal de ventre avant de quitter prestement cette compagnie étouffante. Le soleil s’était couché depuis un bon moment déjà et elle n’avait parcouru que la moitié du chemin. Elle espérait néanmoins que celui qui lui avait donné rendez-vous était patient.

Arrivée sur place, l’arbre était finalement facilement reconnaissable… mais il y avait personne. Maélyne reprit son souffle puis scruta les environs, cherchant une quelconque silhouette mais elle ne trouva rien. Il était déjà reparti, ou alors, n’était-il pas venu ? Ou alors, n’était-il pas encore arrivé ?

Prenant la décision d’attendre, la jeune femme s’adossa à l’arbre et croisa les bras. Malgré l’été, les nuits étaient tout de même assez fraiches. Une heure passa, puis une seconde et elle était toujours seule. Pourquoi lui avait-il fixé rendez-vous si c’était pour ne pas venir ? Ou alors, l’avait-elle manquée à cause de la pipelette qu’elle avait croisée ? La missive avait pourtant été claire. « A la nuit tombée » et la nuit, elle était tombée depuis longtemps.

« Inutile… »

Elle arrêta de faire les cent pas et se remit en route pour ses appartements. Appartement où elle trouva Thenala, complètement pétrifiée devant la porte. Celle-ci fut soulagée de revoir Maélyne revenir saine et sauf. Elles échangèrent quelques mots dont certains pouvaient sembler être des excuses venant de Maélyne puis la cousine repartit.

Entrant dans sa chambre, elle prit soin d’allumer plusieurs bougies. Malgré que la nuit fût bien avancée, le sommeil ne la gagna pas. Une envie irrésistible d’aller trouver le comte l’envahit, au point où elle se leva. Mais à peine eut elle placée la main sur la porte qu’elle se ravisa. Même si ce n’était que pour avoir des réponses à ses questions, allez trouver un homme marié à ses appartements privés pouvaient sans nulle doute amener à un quelconque incident.

La jeune femme prit alors place à son bureau, attrapa un vélin et voulu y griffonner quelques mots. Sa plume touchait à peine le parchemin qu’elle se ravisa une nouvelle fois. Par où commencer ? Que lui dire ?
Une nouvelle heure passa sans qu’elle ne puisse noircir cette page. Puis, sans doute poussée par la fatigue qui la gagnait de plus en plus, elle se mit à écrire.

Maélyne de Lourmel a écrit:

A sa grandeur, Roderik de Wenden, Comte d’Arétria, seigneur de Wenden.

Je dois vous avouer que j’ai maintes fois réfléchis à comment vous adresser ces mots. La simplicité de votre propre missive m’a finalement poussée à me laisser porter par celle-ci, adoptant un message sans fioritures inutiles. Je me permettrais donc de prendre la même franchise que celle dont vous avez fait preuve.

Vous m’avez fait parvenir une missive dans laquelle vous vous êtes exprimés assez mystérieusement. Je vous avouerais encore une fois que cette lettre m’a laissée des plus dubitative pour la simple raison que je n’ai aucun souvenir des quelconques liens que nous avons pu partager autrefois. Vos mots étaient explicites, me fixant un rendez-vous auquel vous n’êtes point venu malgré l’attente que je vous ai offerte.

J’aurais néanmoins aimée vous rencontrer car je suis submergée de questions auxquelles je n’obtiens jamais réponse. Peut-être auriez-vous été celui qui aurait pu combler ma curiosité, combler ce vide qu’est devenu mon esprit.

Je suis constamment à la recherche de cette mémoire qui m’a été enlevée. Je vous demande donc sincèrement et désespérément de me fournir une explication à votre démarche.

Maélyne de Lourmel.

Le soleil se leva lorsqu’elle posa son sceau sur le parchemin, sur un dernier mot. Faisant quémander un messager, elle se demandait s'il allait lui répondre, un jour ou l'autre. Mais pour aujourd'hui, elle avait autre chose à faire et à penser.