[L'Aurys] Le bureau de Sevelian [Triss]

[Soir précédent le reveil du couple dans la cabine.]


L'homme au manteau bleu appréciait son bureau. Mobilier choisi avec soin, comblant une pièce vaste qui faisait également office de salon. Au fond l'endroit, le massif bureau du maitre de l'Aurys, où trônaient un élégant encrier d'argent où reposait une longue plume d'oie. Quelques parchemins épars, qui dérangeaient presque sur le meuble rangé avec soin. Au dessus du fauteuil où Sevelian s'asseyait, une étagère exposait quelques ouvrages à la couverture de cuir. Non loin de la porte d'entrée, trois fauteuils de cuir, qui semblaient d'un confort moelleux, entourant une table basse de noyer.

Tout à côté, une petite banquette recouverte de cuir, collée à une petite bibliothèque. Et dans un coin, un meuble-bar, renfermant quelques alcools de toutes les provenances, ainsi que quelques cigares, que Night affectionnait particulièrement.

Ce soir là, il était seul. Il avait quelques papiers a rédiger, chose qui insupportait Valentine. Cette dernière devait sûrement vaquer à ses occupations quelque part dansune des pièces de l'Aurys, abandonnant quelques temps la compagnie de son mari, dont la plume grattait le papier. A coté de sa main, un verre contenant un peu de whisky, et un cigare qui se consumait doucement dans un cendrier d'ivoire. Non loin reposait le sabre de Sevelian. Pas qu'il craigne spécialement une attaque, où autre indélicatesse du même goût, mais il n'aimait pas savoir son arme trop loin.
L'homme aux cheveux de cendres avait délaissé son long manteau bleu, et ses mitaines de cuir clair. Son haut élégant suffisait à l'habiller. Car bien qu'il fût tard, il attendait de la visite.

Laquelle ? Celle qui répondrait à ce billet frappé du sigle de la Marine Marchande. Les mots qui y étaient inscrits avait soulevé quelques interrogations chez le richissime guerrier.
Pourquoi diable le Comte de Méca refusait il à présent à l'Aurys de mouiller dans le port de son île ?

Les Night avaient pourtant toujours eu des rapports corrects avec la Marine. Alors Sevelian avouait ne pas comprendre. Il avait donc fait mander un représentant de Méca pour répondre à ses interrogations. Nul doute que le Comte répondrait, vu les sommes que lui versait le couple. Et de fait, la réponse ne s'était pas fait attendre. Un émissaire devait se présenter dans la soirée au bord de l'Aurys.
Le passeur du port d'Ydril avait été prévenu, et Sevelian attendait le son de cloche qui annoncerait un nouveau visiteur.

Quatre coups de cloches déchirèrent le silence de la nuit, tirant Sevelian de sa paperasse. Las d'attendre un éventuel émissaire de la Marine Marchande, il avait entamé quelques affaires en attente depuis quelques temps déjà. Sa plume d'oie grattait le papier à un rythme éffréné, et les parchemins se noircissaient de pleins et de déliés délicats et agréables.
Au coups portés sur l'instrument de cuivre, le mécène ne réagissa pas tout de suite. Il ne réalisa qu'aprés quelques secondes que la cloche avait tinté de deux fois deux coups, signal qui annonçait l'arrivée de la barque du passeur, donc de l'arrivée d'un invité des Night. Et ce soir là, l'homme au cheveux de cendres n'en attendait qu'un. Un envoyé du Comte de Méca. Cet emissaire se sera décidément fait attendre, et son arrivée tardive aura éveillé une partie de l'équipage, sûrement les plus jeunes des enfants. Aussi Sevelian espéra t'il pour l'inconnu que celui çi avait de bonnes raisons de se présenter si tard.

Le richissime armateur rangea méthodiquement son bureau. Ses affaires ne concernaient que lui, et personne n'avait à poser les yeux sur les divers parchemins étalés ça et là. De plus, il savait qu'entre les coups de cloches et l'arrivée devant la porte de son bureau, l'invité mettrait environ cinq minutes.
Et il ne se trompa pas. Deux coups vifs sur la porte de la pièce, nouveau signal d'un des hommes de bord pour signaler à son maitre la présence de son convive au seuil de l'endroit. La voix grave, sûre et froide du maitre des lieux s'éleva.

- Fais entrer, et disparais.

Le marin obtempéra, ouvrant poliment la porte aux trois hommes, leur intimant d'un geste poli de pénétrer dans la pièce.
Les yeux bleux azur de Night se posèrent sur les nouveaux venus. Deux armoires à glace aux cheveux couleur des blés encadraient un homme au visage gracile, et à l'oeil couvert. L'un des sourcils du mécène se leva, signe discret de surprise. Il ne s'attendait pas à la venue en personne du Comte. Pourtant, son visage sévère et fermé lui, ne bougeat pas d'un cil. En homme poli, il s'avança vers Triss, lui tendant une aimable poignée de main, un sourire léger en coin, à la signification indéchiffrable.
La politesse passée, Sevelian prit la parole.

- Bienvenue à mon bord, Comte Amras. J'avoue que je ne pensais pas que vous seriez mon interlocuteur. Mais j'apprécie le geste, cela m'évitera de passer par les sous-fifres.

D'un mouvement d'oeil, il désigna les chiens de garde du Capitaine. Il ne les craignait absolument pas. Sevelian était avant tout un guerrier, et maniait l'épée avec l'expérience d'un homme qui s'entrainait depuis des temps immémoriaux, où presque. Ceci dit, Night comprenait fort bien la présence des deux hommes. Mais ce n'était pas pour autant qu'il la tolérait, et cela se voyait sur son visage.

- Je doute que vos... Compagnons aient à voir dans nos échanges.

La phrase était polie, mais glaciale. Inutile d'être un érudit pour comprendre ce que sous-entendait Sevelian. Et le ton utilisé ne permettait aucun refus. Cette conversation ne concernait absolument pas les deux malabars. Une fois ceux çi à leur place, c'est à dire loin des yeux du maitre de bord, les choses sérieuses pourraient commencer.