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 [Petit Temple d'Isten] Garde moi une place

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Krish Al'Serat
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MessageSujet: [Petit Temple d'Isten] Garde moi une place   [Petit Temple d'Isten] Garde moi une place I_icon_minitimeJeu 8 Fév 2018 - 21:06

<< Soufflé par les ombres
??


Printemps - 4e jour de la 6e ennéade
Matin du Grand Incendie
10e année du XIe Cycle



Les discrets gardiens avaient vidé les lieux. Dans l'ombre fraiche de la crypte, les orbites noires des crânes alignés sur les murs observaient les quatre visiteurs. Soigneusement entreposés sous des cloches de verres attachées au couvercle des urnes dans lesquelles reposaient le restes de leur dépouille, chaque visage osseux jugeait les vivants à porté. Les pas des illustres profanateurs se répercutaient sur le silence. Les manteaux qui floutaient leurs traits frissonnaient dans l'atmosphère chargée d'histoire. Pourtant, aucun d'eux ne croisa en conscience le regard de ces milles yeux avides. Toute leur attention pointait sur les lourds tombeaux de pierre volcaniques qui s’alignaient dans le centre de la grande pièce ainsi que dans bien d'autres alcôves taillées toujours plus profondément vers le royaume d'Uriz. Les gisants qui en ornaient la surface, parés de leurs armes et armures brisées, présentaient leurs paupières d'obsidienne et leurs lèves cousues comme une carte de visite.

- Il est dans la salle du fond. C'est la dernière qui a été ouverte. Pressons. Nous n'avons que quelques minutes. "

Suivant l'homme de petite taille au front soucieux, les trois autres, encapuchonnés, ne pipèrent mots. En tête, un homme de taille moyenne à l'allure athlétique marchait d'un pas orgueilleux. Puis venait une femme, plus grande, filiforme, et un autre homme aux mensurations aussi colossale que la plupart des tombeaux, tenant son son bras un long cadre de bois. Descendant quelques marches, ils s'arrêtèrent finalement à côté d'un cercueil de pierre dont les gravures étaient si nettes et si précises qu'il ne pouvait être fait que de la veille.

Le gisant représentait un homme dépourvu d'armure et couvert d'un simple lambeau de tissus noué à la taille. Il tenait le manche d'un marteau de guerre massif dont la tête ébréchée reposait sur son large poitrail. L'artiste avait pris la peine de reproduire le plus fidèlement possible les tatouages sacrés et les cicatrices qui ornaient son torse en les imprimant sur la pierre comme de légers bas-reliefs. Son visage était rendu avec un réalisme morbide, les lèvres cousues et les yeux clos. Le seul ajout réellement symbolique de toute la fresque en ronde bosse était la couronne de flamme qui auréolait le défunt Haut-Prêtre, les esclaves qui calaient ses pieds nus et le rubis qui était enchâssé au niveau de son cœur, marque de la Braise rougeoyante qui y avait battue durant des siècles.

- C'est bien lui. " certifia la femme.

A quatre, ils ouvrirent le sarcophage. Une étincelle semblant aspirer toute lumière éclata un instant lorsque les bords du couvercle furent disjoints. Une froideur indicible s'insinuait hors du coffre de pierre. Le colosse trembla mais, heureusement pour tous, ne lâcha pas prise avant d'avoir suffisamment pousser sa charge pour apercevoir nettement le visage du défunt. La femme acquiesça une nouvelle fois et tout le monde se mit au travail.

Le guide sortit de ses frusques un immense drap brodé de symboles sacrés. Avec mille précautions, sous les prières de ce dernier, la dépouille fut sortie de son abri et déposée sur le cadre de bois dans ce nouveau suaire. Immédiatement, le tombeau fut refermé. D'un psaume monocorde récité à la gloire de la Sombre Dame, le guide scella à nouveau le sépulcre. Tandis que deux des profanateurs s'emparaient de la civière, le colosse soulevait le sac de toile dans lequel étaient entreposés tous les objets sacrés et les trophées avec lesquels l'homme avait eu la chance de reposer. Aussi vite qu'ils étaient venus, les hôtes de l'ossuaire disparurent dans l'ombre de passages dont seul les initiés connaissaient l'existence.

Lorsqu'au matin le jeune Telrenak vint honorer et révérer les très saintes dépouilles de ce lieu sanctifié, il passa le même temps face au gisant du dernier Haut-Prêtre  que devant ceux de chacun de ses prédécesseurs, sans se rendre compte qu'il n'adressait ses hommages qu'à une pierre vide de substance.




A bien des rues et au moins autant des boyaux tortueux de là, dans des salles ornées de voiles et de coussins brodés d'or, un pan de mur céda pour révéler un passage en pente douce. L’atmosphère était chargée d'un encens capiteux au parfum pénétrant. On coucha une dépouille sur une longue table basse puis ses quatre gardiens méticuleux sortirent en toute hâte pour préparer une dernière demeure capable de sauvegarder la fraicheur de ce grand homme pour les générations à venir. La porte claqua. Quatre paires de bottes disparurent le long du couloir.

Dans le silence retombé, la porte se rouvrit un instant plus tard. La lumière qui venait du couloir illumina la pièce sombre. Une forme noire obscurcit un instant l’entrebâillement. Puis la porte se referma. Une main gantée alluma au minimum l'une des lampes murales dissimulées sous un lourd cristal, baignant la pièce d'une lueur sanguine.

Doigts après doigts, la femme ôta ses manicles et les posa sur l'un des seuls autre meubles que la table centrale. Celui-ci se trouvait être un étrange guéridon d'angle sur lequel veillait une statue lascivement appuyée contre le mur. La courbure de ses reins d'obsidienne invitait à l'envie quiconque y posait les yeux. Une sculpture qui pouvait paraitre hautement dérangeante pour une veillé funèbre, si on oubliait un instant les mœurs eldéennes.

Suivant les quatre pans de mur couverts de bas reliefs explicites, l'intruse fit le tour de la salle d'un pas nonchalant. Tel un énorme chat inspectant un salon qu'il considérait déjà comme sien, elle laissait courir son regard. Plusieurs cliquètements de métal retentirent lorsque ses doigts passèrent sous la capuche qui lui recouvrait la tête pour détacher son masque d'argent. Une fois la capuche rejetée en arrière et le masque défait du gorgerin, des cheveux blancs se révélèrent la pénombre. Lacés en une coiffure négligée par plusieurs petites tresses et aplatis par la sueur et le poids du voile de grosse toile qui les avaient enfermé tout le jour durant, ils allaient à merveille avec le visage qu'ils surplombaient. D'un âge indicible, dépourvu de rides, le noir parfait de sa peau ne trahissait qu'une lourde fatigue par la pâleur qui entourait ses yeux purpurins. La couleur de ces derniers était telle qu'elle semblait rejaillir sur toute la surface normalement blanche qui les entourait... a moins qu'elles ne soit rougies par autre chose ?

La dame continua a marcher d'un pas lent, masque à la main, durant quelques instants encore. Son attention papillonnait pour revenir imperceptiblement se poser sur le sac de toile qui dormait au centre de la scène. Enfin, elle vint s'asseoir en tailleur sur le sol dallé à côté de la table, les coudes posés sur son bord et les yeux fixés sur le profil voilé. On distinguait son nez. Ici son menton. Une mèche blanche passait par la fine ouverture sur le côté. Mais comment être sûre ? Elle avait l'impression que tant que le drap n'était pas soulevé, rien de tout ce qui s'était passé ces derniers jours n'était réel. C'était stupide. Elle ne retournerait pas en arrière. Elle le savait depuis longtemps.

Pourtant elle tendit la mains à deux reprises avant de saisir le tissus brodé. Elle souffla avec force en découvrant les premiers centimètres de peau et le disque noir dessiné sur le front qui apparaissait, mais son bras fini le mouvement qu'elle avait amorcé sans trembler. Elle resta là, à le regarder dormir comme elle l'avait fait en d'autres lits et en d'autres lieux. Une mains resta posé sur son épaule glaciale. L'autre vint couvrir les lèvres pleines de la visiteuse, étouffant le murmure endeuillé qui s'en échappa.

- Espèce de petit bâtard mal baisé...

C'était vraiment lui.

Pas de doute possible.

L'art des prêtres de la Mort était impressionnant. Alors qu'il avait passé l'arme à gauche depuis près d'une dizaine de jours, l'homme semblait encore emplit de vie, comme s'il venait tout juste de rendre son dernier souffle. Seule sa froideur extrême pouvait faire douter de la durée de sa catatonie. Tout, jusqu'au grain de sa peau et à la forme des lèvres couturées criait l'identité de ce corps sans vie. Elle ne connaissait si bien...

- Qui t'as permis de crever ? " ricana-t-elle, mauvaise, en adressant un air de mépris aux paupières clauses.

Elle ne se l'expliquait pas... Plus exactement, elle ne réalisait surement pas encore tout à fait. Comment ce cruel guerrier dans le cœur duquel battait la force d'un volcan avait pu être planté de façon si banale. Elle avait envie de le gifler. De le secouer. Avec son caractère et sa folie latente, il se serait sans doute relever pour l'attrapée au col et l’aplatir sur le sol comme une limande, mort ou pas.

- Surtout que tu t'es vraiment laissé avoir comme un chiard. " continua-t-elle un peu plus féroce. " Tes parents seraient tellement vexés que leur fils rebelle, leur petit sang pur marié à une catin qui n'était ni prima ni guerrière ni prêtresse, se soit fait assassiné durant son sommeil comme un merdeux du dernier siècle.

Rien. Toujours rien. Même le souvenir de ses parents n'y faisait rien. Il ne bougeait pas. Ne tempêtait pas. Ne rugissait pas. Il ne leva pas plus la main que la voix. Aucun objet ne se brisa alentours. Ses cris ne remplirent ni l'espace de la pièce ni celui qui s'était creusé dans la poitrine de sa visiteuse. Elle avait l'impression qu'un étrange rire émanait de la pierre elle-même. A croire que les voix qu'il décrivait de son vivant le suivaient jusque dans la mort.

- Kl'eril." cracha-t-elle  en couvent le profil du Haut-Prêtre d'un regard doux qui la faisait paraitre soudainement plus âgée.

Ses dents frôlèrent le bord de la main qui était revenue la bâillonnée.

Un de plus.

Ou un de moins.

Elle ne savait trop pourquoi, mais cette mort là la touchait plus que de coutume. Rois, Sengers, Hauts-Prêtres et Karlik se succédaient. Elle avait couché ou travaillé avec nombre d'entre eux. Elle reconnaissait plus facilement les noms ornant des ossuaires ou des plaques commémoratives, ceux que scandaient les prêtres en exemple, que les blases des officiers et personnes en vogue depuis un siècle ou deux... Vieille chose.

La mettre au défi à son âge, il en avait de bonne le Père des Batailles. Un humour divin à n'en pas douter. Un humour que ses enfants devaient recommencer à craindre.

Depuis l'incendie du Haut-Temple, les rumeurs allaient bon train et plusieurs mouvements s'étaient emparés de l'affaire. Le détail des flaques d'argent retrouvées sur plusieurs personnes dans le temple ne semblait pas avoir filtré hors des hautes sphères et des milieux informés. Mais les choses étaient en marche. Restait a savoir où elle voulait marcher, elle.

- Elda doit se réveiller... "  murmura-t-elle en repoussant une mèche d'argent qui barrait le visage paisible de son époux. Tout cela lui paraissait de plus en plus clair à présent. Le rire puissant se moquait toujours plus intensément. Ô oui, elle avait bien plus d'une raison de se remuer à présent. Quelque part, elle pouvait au moins se dire qu'il avait eut l'honneur de se reposer avant que la Cité du Volcan ne subisse le jugement de leur Créateur. " Quel crétin... Ce que nous aurions pu faire ensemble... "

Elle s'appuya en arrière, comme confortablement installée sur un divan, occupée à converser avec un ami proche. Sa main chassant l'air en de vagues moulinets explicatif alors qu'un sourire félin reprenait sa place sur ses lèvres.

- C'était autre chose avant que tu ne soit ordonné, hein ? Tu te rappelles notre première nuit ensemble ? Pas la première fois que nous avons fait l'amour. Non. La première fois ou je suis restée après. " elle fit une légère pause, le regard attiré par ces souvenirs lointains. " Dans les arrières salles de l'arène dans laquelle je t'avais vu combattre. Les assassins... Le temps que j'ouvre les yeux, tu pataugeais déjà dans une large flaque rouge. C'est la première fois que tu m'as laissé essuyer le sang que tu avais sur les mains. Tu me disais tout le temps que j'étais la seule a en avoir le droit...

Elle caressa encore son profil dans le silence parfait, avant de plonger la main dans l'une de ses nombreuses poches. Avec un tintement clair, un petit anneau rebondit dans sa paume. D'argent damasquiné d'or, un rubis y était enchâssé. De la belle ouvrage... pourtant, il semblait en piteux état. Vieillis. Mal frotté. Un peu verdis. Un peu déformé. Elle le fit tourner entre ses doigts, reprenant toujours avec la plus grande application.

- Un ami m'a remis ça il y a quelques ennéades. Il prétend que c'est celui du IVe mais ça pourrait tout aussi bien être une babiole de bazar vu la qualité de l'incrustation. Je pensais te l'offrir à nos retrouvailles ainsi que le marteau que je t'avais promis, histoire que nous repartions sur de bonnes bases pour mettre ce monde à feu et à sang. Mais tu n'en as plus vraiment besoin, hein ?

Il aurait également été amusé de voir qu'elle portait le marteau qu'il lui avait offert à la taille. Elle en avait seulement remodelé la tête pour en tirer un corbin à la place d'un marteau de forge. Mais elle aurait mis sa main au feu qu'il n'aurait rien dit. Pas avant qu'ils ne soient tous les deux nus et repus en tout cas. Le souvenir de son oeillade de dégoût lorsqu'il avait vu à quoi elle ressemblait à présent la reprit à la gorge. Ouais... il pouvait aussi être un odieux connard. Mais c'était le sien, quoi qu'elle puisse en dire et quelques soient les souvenir qu'il avait voulu oublier. Les Dieux n'avaient rien défaits du tout.

- Tu ne me croiras peut-être pas, mais tu me manqueras Velkyn. J'espère que nous nous reverrons, comme tu l'avais promis. Garde moi une place et un verre.

Au Nahali, à la droite de Teiweon et à la table d'Uriz. Entourés de ceux qu'ils avaient estimés de leur vivant. Armés de lames et de marteaux. Combattant les Dieux imposteurs jusqu'à la Grande Victoire. D'ici qu'elle le rejoigne, il aurait peut-être a affronter un Voile seule à la tête des Élus, mais elle comptait bien trouver une place de choix pour l'éternité de sa Flamme.

En soupirant, elle se leva, remis son masque, récupéra ses gants et s'approcha de la porte. Avant de poser la main sur la poignée, elle se retourna une dernière fois. Elle n'avait pas remis en place le suaire. Peut-être en était-elle incapable. A cette distance, elle ne voyait ni les coutures sur ses lèvres ni le cercle noir sur son front. Il était seulement allongé là. Emplit d'une paix malsaine.

- Tu as été ma toute première réussite. " murmura-t-elle avant de disparaitre.

Elle espérait, pour leur fils, qu'il ne soit pas la dernière.

Le rire diffus ronfla comme un brasier.

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