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 L'écume vient à la bouche des assoiffés

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Roderik de Wenden
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Roderik de Wenden


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MessageSujet: L'écume vient à la bouche des assoiffés   L'écume vient à la bouche des assoiffés I_icon_minitimeMar 20 Fév 2018 - 20:19


Dixième année du onzième cycle,
Cinquième ennéade du mois de Barkios, le second mois de printemps,
Le neuvième jour...


Né dans les plaines de l'est de la malelande, loin du littoral lünois, Roderik n'avait ni le pied ni l'esprit marin, et son naufrage dans l'Olienne deux mois plus tôt n'avait pas fait naître en lui la vocation du loup de mer. Comme à chaque fois qu'il pénétrait dans un port, les puissants remugles du vent marin lui piquaient les narines. Il s'était toujours demandé comment le poisson, pourtant plus frais ici que dans l'assiette, pouvait à ce point sentir la mort.

C'était sa première visite à Port-Royal. Escorté de chevaliers scylléens et du jeune clerc Lysandus, le Grand Chancelier n'avait prévu personne de son arrivée ; il était venu à l'improviste constater, sur place, l'avancement des travaux de bâtissage de la future flotte royale. La mission, financée sur les deniers confisqués à la maison déchue des Anoszia, avait été confiée par le Régent Cléophas aux bons soins du duc de Soltariel, bombardé Amiral de la Flotte Royale pour l'occasion.

Il régnait sur le port une activité intense ; de temps à autre, les marins interrompaient leur besogne pour jeter un coup d'oeil à cette étrange compagnie qui longeait les quais. Bien qu'il fasse doux, un vent frais soufflait sur le port, chariant cette odeur de poisson immonde qui incommodait tant Roderik. Le ciel était un peu gris, mais Roderik avait grandi dans la malelande avec ses nuages épais qui pissotaient en toute saison leur pluie drue et froide ; il tolérait donc fort bien le climat local.

Sur la grève se bousculaient charettes, animaux de bât et ouvriers surmenés. Les cargaisons changeaient de propriétaire au gré des négociations auxquelles se livraient les marchands en diverses langues. Mais les affaires des marchands n'intéressaient pas Roderik, qui observait au mouillage les nouveaux navires de la flotte royale. L'un d'eux, un fameux trois-mâts fin comme un oiseau, arborait fièrement le Lys royal sur ses voiles triangulaires. Poursuivant son chemin, Roderik entendit le tapage des marteaux et les injonctions des contremaîtres, et aperçut, sur un vaste chantier, trois bâtiments en construction sur-lesquels s'affairaient une fourmillière d'ouvriers.



*  *  *



Perchée sur une colline surplombant le port, la maison de Clitandre de Safouët, notable de Port Royal et prévôt de la guilde des bâtisseurs de navires, offrait un panorama sublime sur la forêt de mâts des navires en contrebas. Elle était également à l'abri des odeurs de poisson.
Il flottait dans la longue salle un autre fumet, du poisson certes, mais frit celui-ci, et assaisonné de citron et de fines herbes. Le tout arrosé d'un rouge de Hautval, le repas honorait la qualité des convives : se trouvaient là le Grand Chancelier, le prévôt et maître de maison ainsi que les principaux maîtres artisans de Port-Royal à qui le duc de Soltariel avait confié le chantier de la future flotte du roi.

D'abord très formelle, l'ambiance du dîner s'était détendue et les langues déliées à l'épreuve du vin. Et on s'était mis à converser d'un ton plus léger, évoquant les nouvelles et la bonne marche des affaires.
Rompu à ce genre de dîner, Roderik savait qu'en réalité les choses les plus importantes étaient généralement dites lorsqu'on commençait à s'enivrer. Moins porté sur la boisson que ses compagnons de table, il écoutait avec intérêt tout ce qu'il pouvait apprendre.

« Notre profession n'a pas trop à souffrir des conflits en cours, disait Clitandre. Il est vrai que la commande royale profite largement à la guilde des bâtisseurs de navires, mais tous les corps de métier ne peuvent en dire autant. Avec la levée des armées dans le Médian, de nombreux débouchés commerciaux se retrouvent paralysés, sans parler d'Ydril. Les tisserands msaient beaucoup sur la « route d'or », cette voie commerciale que nous promettait le duc Franco et qui devait relier Ydril et toutes les cités du sud à Diantra comme au reste du royaume. Mais avec ce qui se passe en Ydril, et ce qui se passe dans le Médian, la route d'or n'est plus qu'un vieux rêve... heureusement nous avons la mer. Et comme tous les marchands privilégient en conséquence les transports maritimes, nous, les constructeurs de navires, n'avons jamais eu autant de commandes qu'aujourd'hui.
- Vous devez bénir chaque jour Néera d'avoir bien choisi votre métier
, le félicita Roderik en levant son verre.
- Je ne l'ai pas choisi, Seigneur Chancelier, ricana Clitandre. Mon père était marin, comme son père avant lui. Filiation et vocation vont de pair chez les artisans comme chez les nobles, vous voyez.
- Les navires marchands ne craignent pas la piraterie ?
- Pas plus que l'on ne craint les brigands sur la terre ferme, Chancelier. Croyez-moi : la mer est plus sûre.
- Par expérience, je ne saurais vous donner totalement raison. »


Se rendant compte de sa bourde, le prévôt prit un air contrit.

« Oh, c'est vrai ! Pardonnez-moi, j'ignorais que... hem !
- Les routes devraient pourtant être relativement sûres
, observa Roderik sans le laisser s'enfoncer davantage. Je me suis laissé dire que Soltariel avait disposé des garnisons dans la région, jusqu'à Diantra et haut-delà. Et en toute illégalité, songea-t-il.
- C'était le cas, mais il y a un moment qu'ils sont tous partis. Même ici à Port-Royal, il ne reste pas un Soltari. Il y en avait près d'un millier à Diantra, d'après mon cousin Triffouillot qui est gynécologue là-bas.
- Gyné quoi ?
- Un genre de guérisseur si j'ai bien compris. Je n'ai jamais vraiment su ce que c'était. Mais bref ! Les Soltaris ont tous foutu le camp quand les troubles ont éclaté en Ydril, sans doute pour y mettre de l'ordre. »


Visiblement non, se dit Roderik, qui savait que la progression des rebelles en Ydril n'avait rencontré aucune opposition soltarie. De toute évidence, Franco di Celini avait rappelé toutes ses forces et comptait les garder auprès de lui. Pour se prémunir d'une attaque sur ses terres, vienne-t-elle d'Ydril ou de la couronne ? Il remua ces pensées tout en mâchonnant un morceau de salade. Bénie soit la laitue des pays royants, pensa-t-il ; la laitue locale avait quand même un sacrément meilleur goût que les malheureuses feuilles vertes qu'on s'échinait à faire pousser dans la malelande, qui n'avaient aucun goût, sauf quand on les assaisonnait avec cette vinaigrette arétane dont le piquant plaisait à l'Arétan mais qui sentait les pieds. Cette parenthèse culinaire achevée, Roderik reprit part à la conversation, tout en tentant d'extraire un morceau de salade avec un cure-dent.

« Le chantier prend du retard, fit-il remarquer.
- Sauf votre respect, Seigneur, personne ne saurait tenir les délais qu'a imposé la couronne, affirma Clitandre.
- Il dit vrai, affirma Foutriquet le Batelier, l'un des maîtres artisans. Aussi vrai que Diantra ne s'est pas bâtie en un jour, nous ne...
- Vous avez eu du temps supplémentaire
, leur rappela Roderik. Nous en sommes à plus de trois mois. Trois mois pendant lesquels la couronne vous a grassement payés.
- Comment os...
commença Foutriquet.
- Sa Majesté en aura pour son argent, croyez-le bien, intervint Clitandre. Nous connaissons notre affaire, Seigneur ; nos navires sont robustes et fiables, mais cela prend le temps qu'il faut.
- Le duc de Soltariel vient-il régulièrement suivre l'avancement des travaux ?
- On ne le voit guère
, admit Cucqoqhin l'Astucieux, un maître artisan d'origine zurthane, mais il suit avec intérêt l'évolution des travaux, dit-on. Son superviseur le tient informé de tout. »

La discussion repartit sur des sujets plus légers. On évoqua les moeurs des femmes du sud, et l'on parla de guerre - Roderik eut le privilège d'évoquer ses propres récits guerriers devant un auditoire conquis, prenant soin de n'évoquer que les moments les plus reluisants de sa vie de chevalier. Et lorsque Cucqoqhin lui demanda de quelle blessure il avait souffert à Amblère, il parvint habilement à noyer le poisson en recentrant la discussion sur la pêche à la raie.

« Est-il vrai, lança Roderik alors qu'on leur apportait un énorme fromage estréventin, que plusieurs ponts ont été détruits au sud-est de Beltrod ?
- Eh bien, euh
, commença Foutriquet, perplexe.
- On le dit, oui, affirma Clitandre.
- Je me figurais qu'il était étrange de voir un tel acte de sabotage, au sud de Velteroc alors que leurs ennemis viennent du nord, donc à l'opposé même du théâtre des combats, remarqua Roderik. Comme si les Velteriens eux-mêmes avaient décidé de se couper toute retraite pour mourir fièrement au combat. Un acte tout à fait extraordinaire venant des hommes les plus lâches qui soient.
- Avec la pression des Nordiens sur Velteroc, les brigands vont forcément refluer vers le sud
, observa Cucqoqhin. Les gens d'ici sont inquiets ; ceux qui ont détruit les ponts auront sans doute voulu prévenir quelques arrivées intempestives. Par crainte de pillages, certainement.
- Sans doute
, admit Roderik. J'imagine que le duc Franco est furieux : cela le coupe du renfort des armées du roi. »

Le repas se termina bien.



*  *  *



Retiré dans une aile de la caserne de la Marine Royale, Roderik achevait en hâte la rédaction d'un document avec l'assistance bienvenue de Lysandus. Certes, Roderik savait écrire - un talent peu fréquent dans la noblesse d'épée arétane - mais le jeune clerc connaissait les tournures et les subtilités juridiques qui lui faisaient défaut.

Le document achevé, Roderik y apposa le sceau de la Chancellerie. Une copie serait portée à Franco di Celini, à Soltariel, mais l'acte serait exécutoire dès maintenant.


Roderik de Wenden a écrit:
Par le présent acte, revêtu du sceau de la Chancellerie,

Conférant force exécutoire sous condition non-suspensive de ratification royale,

Constatant le péril menaçant ses terres et vu les nombreuses responsabilités lui incombant déjà en sa qualité de suzerain des pays ydrilote, ysarain et sybrond,

Décidons de libérer Son Altesse Franco di Celini, duc de Soltariel, de sa charge d'Amiral de la Flotte Royale ;

Le défaussons du commandement des équipages, de la gestion de l'intendance et des finances de la flotte et des revenus y afférents, ainsi que de la gestion de Port-Royal.

Ainsi fait et décidé le neuvième jour de la cinquième ennéade du mois de Barkios en la dixième année du onzième cycle, la troisième année du règne de notre roi Bohémond.

Par Roderik, fils de Ganelon de la maison de Wenden, Illustrissime, Pourfendeur des drows d'Oësgardie, Héros d'Amblère et de Nebelheim, Champion du Grand Tournoi de Serramire, Grand Chancelier du Royaume par la grâce de Notre Seigneur et Roi Bohémond,

Pour Sa Majesté Bohémond le premier de son nom de la maison Fiiram, Marquis de Sainte-Berthilde, Comte de Scylla, Baron d’Olyssea, Seigneur-Protecteur de la Roseraie, Gardien fidèle de la foi, le Sérénissime Soleil Noir de la Rayonnante Ys, Archonte d’Ydril, Vicomte de Calozi, Seigneur de Velmonè, Seigneur consoeur de Beronia, Seigneur-dragon de Calozi, Sénéchal d’Ydril, Grand Chambellan d’Honneur de la Grande Traverse, Erudit de Prestige de la Destinée de l’Aube, Maître des Enfants de la Nébuleuse Ecarlate, Grand Voyer du Duché et Grand Argentier du Royaume, par la grâce de la Damedieu, toute bonne et toute providentielle.

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