Amours de jeunesse

Sauveur avait fait rentrer Sanaa avant de la diriger vers le salon mais ses gestes et ses pas étaient bien plus lourds que d’habitude. Il ne lui laissa pas le temps de prendre la parole. Si elle était venu pour le confronter, il n’était pas d’humeur, au contraire. Il lui fit rapidement savoir qu’il était prêt à lui pardonner. Ils avaient chacun leur façon de vivre leur liberté retrouvée -ou pseudo liberté dans son cas-. Elle faisait ce que bon lui semblait et c’était son droit, il n’avait rien à redire là-dessus. En revanche, il y avait une chose sur laquelle il ne transigerait pas, c’était son droit de prendre des décisions lorsque cela l’impliquait directement. Un couple, ça se formait à deux après tout.
Il accueillit bien volontiers l’étreinte de Sanaa qui lui jurera de respecter son libre arbitre à l’avenir et d’être toujours là pour lui. Lorsqu’il l’embrassa, scellant leur accord, il se fit bien plus doux que d’ordinaire. Non pas qu’il ne se montrait pas tendre avec elle mais il était plus passionné en temps normal. Seulement son coeur souffrait… Il pleurait sa mère nouvelle retrouvée et il saignait de savoir qu’il avait une soeur et qu’elle lui était inaccessible. Il avait besoin de combler cette douleur par quelque chose de bien plus doux… Pour une fois, ils prirent le temps d’aller jusque dans la chambre mais aussi de se redécouvrir, se déshabillant lentement, parcourant le corps de l’autre, entamant de lents ébats qui s’étirèrent dans le temps avant que l’extase ne les prenne simultanément, à la fois plus doux et plus intense. Puis il restèrent là, allongés l’un contre l’autre. Sauveur alla poser sa tête sur le ventre de sa compagne, caressant l’espace entre ses hanches qui gonflerait bientôt.

A plus d’une occasion, Sanaa l’avait souvent entendu fredonner une chanson dont elle devait connaître l’air par coeur à présent. Un air lent qui rappelait une berceuse pour enfant. Il lui avait alors expliqué que c’était ce que sa mère chantait en permanence peu de temps avant le drame qui avait frappé sa famille. C’était sa façon de commémorer sa mémoire, de se souvenir d’elle telle qu’il l’avait connue. Tandis que ses doigts effleuraient sa peau, sa voix vibra dans la pièce comme la jeune femme ne l’avait encore jamais entendue. Son timbre était doux quoiqu’agrémenté de quelques nuances plus rocailleuses sur certaines notes. Ce fut ainsi qu’elle découvrit enfin les paroles de cette mélodie déjà si connue. Malheureusement pour elle, elle ne pouvait pas les comprendre, car il parlait dans la langue de son aïeule d’Anaëh.

Un peu plus tard, il se retrouva à nouveau à hauteur de sa compagne. La tenant dans ses bras, il la regardait en sachant qu’elle s’endormirait bientôt. Ses mains caressaient sa peau, chastes et tendres. Les moments qu’ils venaient de partager, ils n’en avaient encore jamais connu de tels… Et, à situation exceptionnelle…

-Je t’aime, Sauveur.

Il décala un peu sa tête pour la regarder dans les yeux quelques instants. Il effleura sa joue du bout de ses doigts.

-Je t’aime, Sanaa.

C’était la première fois qu’ils se l’avouaient enfin… Il leur aurait fallu deux ans, une crise et un drame pour que cela arrive.