Un dernier essai... | Aerianna & Sauveur

C’était difficile d’imaginer qu’il y a peu j’étais celle qui ne lui faisait pas confiance quand j’étais dans cette position. Il avait tous les pouvoirs sur moi, sur cette robe dont il m’avait séparé sans aucune hésitation, sur cette jambe qu’il avait saisi pour la couvrir d’encore plus de tendresse, sur cette zone sensible de mon corps qu’il se remit à approcher après s’en être distancé à ce point pour la première fois depuis que je l’avais poussé sur le lit, sur mon désir avec lequel il jouait en me faisant encore une fois patienter alors qu’il s’en était tant approché. C’était de ça qu’elle parlait ? J’étais vraiment trop directe à chaque fois que ce genre de situation s’offrait à moi ? Vu ce que ça m’apportait à chaque fois je ne pouvais pas vraiment revenir sur cette tendance… mais il y aurait sûrement un jour où on en attendrait plus de ma part. En attendant, je profiterais.

Et je profitai. Cette bouche acheva de réveiller tout ce qu’il voulait réveiller en moi, me mettant au supplice. Je me demandais distraitement entre deux halètements s’il n’irait pas trop loin, s’il ne me forcerait pas trop vite à relâcher cette nouvelle tension qui s’accumulait peu à peu. Et alors que mes pensées se dirigeaient encore une fois sur un questionnement que je jugeais important, à savoir à quel moment je pourrais lui offrir ce qu’il m’offrait, il tâchait de m’ôter toute faculté de l’y confronter, il me privait de la seule chose qui pouvait me permettre de réfléchir à un peu plus long terme que l’instant présent. A chaque nouvel essai mon esprit ne pouvait que finir par s’émerveiller de cette bouche, d’en vanter toutes les qualités que je pouvais y trouver. Je me remis à gémir et à resserrer mes jambes autour de lui alors qu’il m’amenait à nouveau là d’où je venais et d’où il avait essayé de me ramener. Mais au lieu de protester je regardais le plafond de la tente tout en réagissant simplement à chaque nouvelle attention comme si elle aurait pu être la dernière, et j’étais heureuse à chaque fois qu’une nouvelle venait confirmer que celle d’avant était suivie.

Aerianna était bien plus sensible que ce à quoi Sauveur s'attendait. Alors qu'elle se remettait à peine de son premier orgasme, elle semblait déjà prête à se laisser aller une seconde fois... C'était flatteur, il était vrai, mais cela lui posait un autre dilemme et il hésitait... Devait-il obéir à ses jambes qui l'enserraient, lui suppliant de continuer, ou devait-il s'arrêter pour leur permettre d'aller plus avant et de partager le même plaisir ?
Si plaisir il y avait pour elle dans ce qui pourrait les attendre ensuite...

Alors qu'elle semblait non loin de l'explosion, il se décida enfin à s'arrêter, déposant des baisers un peu plus doux sur son sexe pour l'apaiser lentement et lui signaler qu'il aller procéder à quelques changements. Il se libéra délicatement de son étreinte et remonta pour revenir au-dessus d'elle, toujours en appui sur ses mains. Puis il s'allongea sur le côté et l'attira contre lui. Il l'embrassa avec passion car, non, ce n'était pas fini. Il savait qu'il s'était arrêté avant l'heure mais il l'avait fait pour une bonne raison et se ferait pardonner plus tard si besoin. Il prit une main de la Princesse et la posa sur son torse, à l'image de ce qu'il avait fait plus tôt. Cette fois, il la laisserait mener le jeu et se laisserait entièrement aller à ses attentions...
Après quelques minutes, il lui sembla évident que la jeune femme était perdue, ne sachant pas ce qu'elle devait faire exactement. Puisqu'elle avait déjà exploré l'ensemble de son torse, il reprit sa main et la guida. De la pointe de ses doigts, il lui fit effleurer chaque muscle de son abdomen jusqu'à une zone où elle n'avait pas encore osé s'aventurer. Là, se trouvait la naissance de son pantalon et le laçage qui le maintenait fermé. Le tissu était tendu à l'extrême et ce qu'il contenait n'attendait qu'une occasion d'en être libéré... Si tant est qu'elle se sente en capacité de le faire elle-même, sans quoi il pourrait s'en charger sans mal.

Je n’avais plus que sa bouche en tête quand il s’arrêta, et si je gémis une nouvelle fois, c’était pour partager mon mécontentement. Je n’étais pas si mécontente que ça, et cette frustration était aussi quelque chose que je pouvais apprécier alors qu’elle ne retirait rien ces quelques dernières minutes. Au moins il ne me terrasserait pas tout de suite et je pourrais continuer de jouer un peu. Quand il me l’avait signalé en tout cas je ne l’avais pas retenu et j’avais laissé mes jambes revenir doucement sur le lit. Mon esprit s’éclaircit alors que Sauveur remontait relativement à mon corps. Il m’offrait la possibilité de revenir vers quelque chose de plus réciproque et celle de me laisser prendre cette chance de lui rendre tout ce qu’il m’avait donné. Il avait décidé que ma frustration valait bien le coup et tant que je n’étais pas allé au bout de la nuit je ne le saurais pas, aussi ne lui en voulais-je pas le moins du monde d’avoir pris ce risque. Je le vis s’allonger sur le côté et lui souris alors qu’il m’entrainait contre lui. Les premières étreintes semblaient bien éloignée maintenant, et si celle-ci y ressemblait, il n’y avait plus de vêtement pour empêcher chacun de sentir la peau de l’autre contre la sienne.

Lors de son nouveau baiser je remarquai que le goût de ses lèvres avait légèrement changé et je compris bien rapidement que le mien s’était mêlé à ses lèvres, m’excitant juste un peu plus. Mais si sa main m’offrit la possibilité de trouver un nouveau point de départ en posant la mienne sur son torse, je ne lui proposai pas grand-chose de nouveau, sentant mon cœur battre un peu plus alors que je pensais à la suite des événements. Mon esprit s’aventurait vers ce qui représentait le cœur de mes anciennes peurs, et comme pour m’en protéger je n’osais pas aller plus loin. Au bout d’un nombre trop important de vas-et-viens Sauveur sembla décider que j’avais fait celui de trop et il redirigea ma main vers ce pantalon que je n’osais même pas regarder. C’est cette confiance que j’avais en lui qui me permit de sauter le pas et de finalement lui obéir.

Ma main se heurta au même obstacle que précédemment mais elle cherchait cette fois une solution, et descendit même un peu plus bas que ce laçage pour vérifier que oui, je faisais de l’effet à Sauveur. Ce n’était pas vraiment l’objectif mais j’en tirai cette conclusion, en tout cas. Encore une fois j’avais un peu d’expérience théorique mais c’était la pratique qui me faisait défaut et qui me ralentissait dans chaque geste. Heureusement, mon amant de la nuit était patient, et il me laissa surmonter mes émotions seule tant qu’il avait l’impression que je progressais. Je me redressai bientôt pour pouvoir amener une deuxième main et défaire ce laçage finalement assez rapidement. Le pantalon s’ouvrit légèrement en se décollant du bas ventre de Sauveur et j’osai y glisser une main un peu comme lui avait glissé sa main sous ma robe ce qui semblait être une éternité plus tôt. Toujours aussi directe, je ne passai pas énormément de temps sur le chemin et glissai ma main jusqu’à l’aine en longeant ses muscles. Mais si je sentis la base de ce que je cherchais vraiment, je passai à côté en l’ignorant et descendis jusqu’à cette sorte de sac de peau que je commençai à caresser du bout des doigts avant de légèrement remonter ma main, attendant une réaction chez celui qui m’avait guidé jusque là.

Malgré tout ce qu’il s’était passé entre nous deux c’était la timidité qui avait repris le dessus, à ma plus grande frustration.

De sentir la peau nue d'Aerianna contre la sienne, Sauveur libéra un soupir de satisfaction, de bien-être et de plaisir. Depuis qu'ils avaient commencé, il ne s'était assez longtemps tenu à sa hauteur pour pouvoir en profiter. Et même, pas du tout depuis qu'il lui avait retiré sa robe. Il aimait cette sensation plus que n'importe quelle autre au monde... Pouvoir sentir le frêle corps d'une femme pour qui son cœur battait dans ses bras rendus épais à force d'entraînements répétés et intensifs et la serrer nue contre lui.

Alors qu'il avait approché la main de la belle de l'unique vêtement qui persistait encore, il décida de l'abandonner là et d'attendre de voir si elle prendrait les devants maintenant qu'elle avait une piste un peu plus précise de ce qu'elle devait faire. Après quelques instants, elle finit la descendre sa seconde main pour défaire le nœud qui refermait son pantalon. Il sentit bien vite la pression se réduire sur son membre et soupira de soulagement, son désir se trouvant renouvelé à la perspective de ce qui allait suivre.

Enfin...
De ce qui aurait dû suivre...

Sauveur retint un sourire attendri, se refusant de laisser penser à Aerianna qu'il se moquait d'elle, car ce n'était absolument pas le cas. Il trouvait son inexpérience touchante et ses tentatives très courageuses. Il était normal qu'elle fasse des erreurs. Lui-même ne faisait pas le fier lors de sa première fois. Puis il avait enseigné un grand nombre de choses à Sanaa avant qu'ils ne parviennent à partager pleinement ces moments d'intimité ensemble. Suivant le bras de la jeune femme, il alla rechercher sa main avec délicatesse. Il la fit remonter quelques dizaines de centimètres jusqu'à son membre si tendu qu'il repoussait le tissu de son pantalon. Il posa sa main dessus puis la libéra de son emprise. Elle ne saurait sans doute pas comment s'y prendre exactement mais il voulait la laisser découvrir à sa manière cette partie de son corps qui lui était encore totalement inconnue. Il lui montrerai plus tard comment faire pour décupler son désir... Il n'était pas pressé et c'était un bon moyen de la laisser appréhender la suite avec moins de craintes.

J’eus l’impression d’avoir fait quelque chose qu’il ne fallait pas en le voyant lancer sa main à la rescousse de la mienne mais il semblait simplement vouloir que j’aille un peu plus vite et que je ne visite pas la zone toute entière. Je lui souris, toute peur ou frustration envolée. Je n’étais pas si idiote, je savais ce qui était intéressant pour les hommes, je savais où il se trouvait, et je savais ce qu’ils appréciaient qu’on en face. Mais encore une fois, si j’avais toute la théorie, c’était la pratique qui manquait. Et le moins qu’on puisse dire, c’était que ça changeait tout. Maintenant qu’il m’avait posé la main là où il le voulait par contre, je ne n’avais plus d’excuse. La sensation sous ma main était forcément un peu étrange de par sa nouveauté, et si je n’avais qu’une seule chose à remarquer c’était sa chaleur. Je ne doutais pas un instant d’où cette chaleur venait, et je savais aussi qu’en s’occupant de moi elle devait avoir été particulièrement active, même si elle avait évité la plupart des contacts.

Je ne saisis pas le membre en question tout de suite mais le caressai du bout de mes doigts en remontant le long jusqu’à l’extrémité qui avait déjà commencé à s’humidifier. Si j’avais pu rougir plus que je ne l’avais déjà fait aussi longtemps après qu’on ait commencé je l’aurais sûrement fait, mais puisque j’y étais, je n’avais plus qu’à faire ce qu’il voulait de moi. Je passai ma paume sur le sommet de son organe érigé et la fit glisser une fois en la redescendant avant d’entamer un lent va et vient silencieux de caresses. Je ne redescendis pas à chaque fois jusqu’en bas, ne remontai pas à chaque fois jusqu’en haut, le mouvement était légèrement chaotique. Puis je refermai la main légèrement alors que le dessous de mes doigts s’ajoutait aux frottements. C’étaient là que se terminaient mes connaissances théoriques cependant, et si je continuai avec la même douceur et la même lenteur, c’était parce que je devais encore une fois attendre une certaine validation avant de continuer. Mes yeux que j’avais fermé au moment de me concentrer se rouvraient alors que je déposai un tout petit baiser sur ses lèvres et leur goût si particulier, et une fois que ce fut fait je me mis à scruter son visage en quête de quelque chose.

Du bout de ses doigts, elle commença à arpenter son membre et il retira entièrement son bras pour lui laisser le champ libre. Il était heureux de la voir faire ses propres expériences et n'avait pas l'intention d'intervenir. Si elle avait les yeux fermés, les siens étaient ouverts et scrutaient son visage qu'il devinait rouge à cause de cette timidité des premières fois, cette crainte de l'inconnu et de la nouveauté qu'elle s'efforçait néanmoins d'affronter, et avec brio. Elle était si concentrée sur ce qu'elle faisait qu'il ne cherchait pas à la perturber et se contenta s'apprécier ce qu'elle lui donnait. C'était très loin d'être désagréable, au contraire... Et sentir ses doigts se refermer sur provoqua chez lui un discret soupir de satisfaction.

Il répondit à son baiser timoré puis la laissa se redresser pour leur permettre d'enfin croiser leurs regards. A sa question silencieuse, il lui adressa un sourire tandis que ses yeux brillaient de désir. Elle était sur la bonne voie... Et lui n'éprouvait aucune gêne à soutenir son regard alors qu'elle tenait son sexe dans sa paume. Comme il le lui avait dit, il n'était pas timide. Il glissa une main parmi ses cheveux, jusque dans sa nuque, et l'attira à lui. Il l'embrassa à nouveau avec une certaine passion. Elle n'y avait peut-être pas prêté attention mais son souffle était parcouru de bien plus de soupirs depuis qu'elle avait entamé ses caresses. Si elle parvenait à y mettre un peu plus de conviction, il ne la laisserait cependant pas aller au bout de son plaisir à lui mais il avait l'intention d'en profiter encore un petit peu, maintenant qu'il venait de lui confirmer qu'elle s'y prenait plutôt bien.

La confirmation dont j’avais besoin vint sous la forme d’un regard, d’un sourire puis d’un baiser. Si la chaleur qui inondait ma main occupée était particulièrement difficile à louper, le fait qu’il revienne passer une main dans ma nuque pour assurer sa prise et la passion du baiser et qu’il laisse finalement son attention s’écarter de ce membre tendu était particulièrement enivrant. Et puis… s’il était sujet aux mêmes sensations que moi plus tôt, c’était assez impressionnant. Au lieu de rester intégralement intéressée par ce qu’il se passait dans ce pantalon je ramenai également l’autre main sur son torse pour le caresser tendrement. J’avais du mal à être à deux endroits à la fois et contrairement à lui j’avais du mal à me satisfaire de quelque chose qui ne me renvoyait pas toute cette passion. Je voulais lui faire du bien, ce n’était pas la question, et je ne m’arrêterais pas tant qu’il ne me le demanderait pas, mais je ne comprenais pas assez ce que je faisais et ce que ça provoquait pour rester totalement investie, alors que le baiser semblait plus tangible.

Mais alors que j’étais concentrée sur sa bouche je ne me rendis pas totalement compte que les va-et-vient avaient gagné en rapidité principalement parce que nos deux peaux étaient devenues plus glissantes et que même avec la main un peu plus fermée qu’elle ne l’avait été jusqu’à maintenant tout ne pouvait qu’aller plus vite si je ne contrôlais pas le rythme. Et même en m’en rendant compte je n’allais rien changer alors que je comprenais l’effet produit en observant le visage de Sauveur et en entendant sa respiration. Au lieu de lui demander quoi que ce soit alors que nos lèvres s’étaient désunies je repartis vers lui pour un baiser langoureux et plein de désir alors que la main qui était restée à l’air libre continuait de masser ses muscles en tracant des lignes loin d’être rectilignes. J’étais véritablement bien à cet instant là, et il me renvoyait l’image que lui aussi, alors que j’imaginais déjà la suite. Je n’avais aucune idée de quelle suite, mais il était à peu près certain qu’il y en aurait une.

Je réalisais à cet instant que quand des femmes avaient été au bout de mes doigts je n’étais jamais allée jusqu’à penser à la suite.

A son tour, Sauveur profitait des attentions prodiguées par les mains d'Aerianna alors qu'elle le regardait. Son visage ne cachait rien de ce qu'il ressentait à cet instant, de son désir et de son plaisir qui se faisaient grandissants alors qu'elle accélérait le rythme sans s'en rendre compte. Sa respiration était de plus en plus forte et de plus en plus rapide à mesure qu'elle lui faisait du bien. S'il s'abandonna à ses va et vient un moment, il remit finalement ses mains en action dans de langoureuses caresses appliquées sur le corps de la belle pour lui faire partager un peu de ces sensations qu'elle lui prodiguaient et l'inciter à continuer. De la même manière, lorsqu'elle se pencha pour l'embrasser, il lui répondit avec passion alors que la tension montait de plus en plus en lui. Il dut même les interrompre en plus d'une occasion à cause d'un soupir qui devait lui échapper... Tout ça pour mieux reprendre possession de ses lèvres ensuite.

Après de longues minutes, il posa une main sur le bras de la jeune femme pour lui faire signe d'arrêter. Il ne voulait pas que les choses se terminent de cette manière pour lui, il avait d'autres idées en tête. Idées qu'elle était toujours libre de refuser, même si c'était elle qui était à l'origine de toute ceci. Il se dégagea doucement et se redressa le temps de se délester de son pantalon qui finit quelque part sur le sol, plus ou moins près de la robe et de la tunique. Il se pencha ensuite sur Aerianna pour l'embrasser de nouveau, caressant son corps afin de lui faire sentir à quel point il la désirait désormais. S'il était toujours tendre, ses gestes étaient devenus plus passionnés, resserrant doucement ses mains sur ses seins et ses fesses pour les saisir pleinement. Il retrouva également son intimité, lui prodiguant une nouvelle fois le fruit de toute son expertise jusqu'à ce qu'il la sente prête... Lorsque cela fut le cas, il passa son bras sous elle et, d'un seul mouvement, il la ramena au-dessus de lui, collant son corps au sien, avant de se redresser.
Ainsi, ils étaient revenus dans une position qu'ils avaient connu au tout début... Elle a califourchon sur lui, lui étreignant son corps contre le sien. Il l'embrassait toujours avec cette envie qui était désormais la sienne. Il serrait son corps nu contre le sien, le parcourant entièrement de ses mains. Il en connaissait à présent chaque parcelle mais il lui restait une chose à découvrir... Si elle le voulait bien. Il continua de lui prodiguer ses attentions, attendant un signe afin de savoir si elle désirait aller plus loin, et si elle se sentait prête.

Là, alors qu’il se réactivait, quelque chose de véritablement partagé, un plaisir mutuel, et… Il m’arrêta. Un esprit aussi direct que le mien ne pouvait pas comprendre – surtout avec le peu de compréhension de ce qu’il se passait – qu’il s’arrête à ce moment là. Je me demandai d’abord s’il y avait quelque chose que je faisais de mal, puis s’il voulait me montrer autre chose – mais dans ce cas est ce que ça n’aurait pas pu attendre – puis je compris que c’était sûrement ce pantalon qui le gênait. Après tout, il avait l’air de se sentir lui-même particulièrement à l’étroit depuis un moment. Je ne pus m’empêcher d’observer l’organe ardant et de voir mon désir être attisé en conséquence directe. J’en avais entendu parler, je l’avais même touché maintenant, mais je me demandais à cet instant si c’était la première fois ou non. Je le pensais en tout cas, et je n’avais pas vraiment de raison de croire que ce n’était pas le cas.

Mais Sauveur ramena mon attention sur lui en revenant vers moi et en me prodiguant toutes les attentions qu’il avait pu me prodiguer pendant la nuit, n’en ajoutant que peu de nouvelles et en y imprimant simplement plus de force et de vigueur. Ma poitrine et mes fesses en attestaient du moins. Quand il me fit prendre à nouveau cette position dominante pour la première fois depuis que je l’avais poussé sur le lit tout avait changé, et je ne faisais même plus semblant d’être ce que je n’étais pas. Je le caressais, je l’embrassais, mais depuis qu’il m’avait fait signe de m’arrêter j’essayai d’oublier ce membre qui n’avait rejoint les ébats que si récemment. Je ne pus complètement l’ignorer, et à chaque fois qu’une jambe ou une cuisse glissait contre lui je savais très bien ce qu’il s’était passé. En attendant, les attentions semblaient s’être raréfiées petit à petit et il ne restait qu’une étreinte et un baiser qui n’en finissaient pas, comme si c’était un moment d’attente.

J’aurais pu rester là très longtemps presque sans bouger, lui offrir cette fin de nuit contre moi, nos deux corps brûlants unis… Mais il y aurait un certain goût d’inachevé, une certaine frustration. Et au lieu de laisser une telle frustration en suspens il fallait que je rebondisse sur cette impression que j’avais. Je décollai les lèvres des siennes et rapprochai ma bouche d’une de ses oreilles et je parvins tout juste à glisser quelques mots dans les quelques espaces que me laissaient ma respiration haletante. « Je ne sais pas… si c’est moi… que tu attends… mais… je suis prête à… subir… tout ce que tu voudras… me faire… »

Sauveur lâcha un soupir alors que le souffle d'Aerianna venait chatouiller son oreille. Tous deux désiraient ardemment la suite mais il lui semblait qu'elle se laissait simplement porter par le déroulement des évènements. Soit elle était réellement prête, soit elle ne réalisait pas pleinement ce qu'impliquait les premiers ébats avec un homme. Dans tous les cas, l'attitude du mercenaire resterait la même... Et c'était à lui de redouter un peu ce qui risquait de ce passer. Car il allait lui faire mal, forcément... Et il espérait que cela ne gâcherait rien à la beauté de ce moment.

Il retrouva ses lèvres, mais seulement pour un temps. D'une légère pression sur ses hanches, il l'invita à se redresser un peu sur ses genoux. Sa bouche resta à la même hauteur tandis que le corps de la belle se soulevait, si bien qu'elle put parcourir son cou et même rejoindre l'un de ses seins dont il salua la pointe de sa langue. Il continua quelques instants puis l'invita à rapprocher son bassin de son ventre avant de l'inviter à rasseoir avec prudence, retenant un potentiel élan trop hâtif. Ainsi, l'extrémité de son membre de présenta devant l'intimité de son amante et elle devait comprendre à présent vers là où il avait voulu les amener tous deux.
Il aurait pu faire comme beaucoup d'hommes et se positionner sur elle afin de mener entièrement la suite du jeu mais il avait de bonnes raisons d'avoir choisi cette position. Installée de cette manière, Aerianna était contrainte d'écarter vraiment les genoux pour venir s'asseoir sur lui et coller son bassin au sien. Ainsi, elle lui ouvrirait bien plus grand la porte qui menait à son ventre et il risquerait moins de lui faire mal d'entrée de jeu. Cependant, pour ce qui concernait l'hymen, il ne pourrait rien faire de plus... Certains choisissaient la douceur pour tirer sur la membrane afin qu'elle se rompe d'elle-même. Le procédé était un peu plus long mais la douleur totale était moindre. D'autres préféraient forcer le passage, provoquant une souffrance certes plus courte mais aussi plus intense. Dans cette position, son amante était libre de choisir...

Avec douceur, Sauveur exerça une pression sur le bassin de la Princesse pour lui suggérer de descendre et le laisser entrer en elle. Elle pouvait lui résister sans le moindre effort ou tout arrêter pour faire une pause ou même se retirer. Il suivrait son rythme sans la contraindre à quoi que ce soit.

Je me rendis compte à ce moment que j’avais fait semblant de ne pas comprendre la suite des événements. Qu’il y avait une chose qui manquait encore. Alors qu’il guidait mes déplacements je respirais profondément en suivant ses directives jusqu’à cette position où je resterais maîtresse de mon destin. On m’avait parlé du fait que ça pouvait faire mal mais ce n’était forcément pas ce qui m’inquiétait vraiment. C’était le symbole, le problème. Un homme allait entrer en moi et c’était en quelque sorte cette crainte qui avait motivé ma phobie jusque là. Et comme il évitait de m’amener une nouvelle fois dans cet état de plaisir débilitant, celui où je ne pouvais plus réfléchir, je ne faisais que ça justement. La phobie était ridicule et j’en étais presque consciente, mais elle avait choisi ce moment là pour se rappeler à mon mauvais souvenir et je ne pouvais rien y faire. Il n’y avait que cette confiance en Sauveur qui m’avait amené jusqu’ici et il fallait que je l’invoque une dernière fois pour finalement dépasser tout ça. Et c’était plus facile à dire qu’à faire.

Mais j’avais décidé depuis un moment, je n’en étais juste pas pleinement consciente. S’il y avait quelqu’un qui devait m’aider à passer ce cap, je l’avais choisi, et il était sous moi. Une nouvelle pression de Sauveur et je sus que le moment était venu.

Je descendis, si peu, jusqu’à ce que je provoque un premier contact. Je fermai les yeux à ce moment là, restant figée quelques secondes, avant de les ouvrir à nouveau et de plonger mon regard dans celui de Sauveur. Je ne le quitterais plus des yeux tant que je n’y serais pas forcée. J’avais besoin de ce regard pour que la confiance reste, et pour construire quelque chose d’autre, un lien plus fort, pour la suite. Je savais que mes pensées s’écartaient du moment présent pour me préserver, mais c’était un mécanisme de défense bien destructeur, et je l’ignorai finalement. Au lieu de descendre tout de suite, je lançai un petit mouvement circulaire, à la fois pour titiller ce qui appartenait à mon corps que ce qui appartenait au sien. Je gémis légèrement, mais me relevai légèrement. Une poignée de secondes plus tard je descendais à nouveau, un peu plus loin, juste de quoi le sentir entrer, avant de remonter. Puis encore un peu plus loin, puis encore, puis encore. Et à un moment, je sentis une petite tension, consciente d’être allée le plus loin possible avant d’avoir mal.

Mon souffle s’était raccourci avec ce nouveau va-et-vient et je ne pouvais plus que m’occuper de ça. Mes mains ne bougeaient plus sur son corps, nos peaux ne se caressaient que grâce à ce mouvement que je donnais à mon bassin.

Mais bientôt, je ne pus plus jouer la comédie, si j’étais hésitante ce n’était vraiment que pour le symbole, et tant que cette confiance m’en protégeait je n’avais plus aucune raison d’être hésitante. Je remontai légèrement, jusqu’à ce qu’il se retrouve à nouveau à la porte de mon bas-ventre, et hésitante je ne fus plus lorsque je descendis soudainement et plus loin que je n’avais jamais été. La douleur se fit vive, plus vive encore que je ne l’avais espéré, et comme toujours, ce n’était pas du tout pour me déplaire. La douleur et l’extase se mêlèrent pour n’être plus qu’une, et jettant la tête en arrière je criai. Plus fort que quand il m’avait amené aux premières portes du paradis plus tôt dans la nuit, plus fort que ce cri qui avait déchiré la nuit de Geresh, plus fort que Sauveur ne l’avait dû imaginer possible… Mais surtout, assez fort pour que tous ceux qui se trouvaient à ce moment là dans le campement sachent ce qu’il venait de se passer, même s’ils dormaient avant que le cri ne soit poussé. Ma tête revint vers l’avant, ramenant devant elle l’intégralité de ma chevelure alors que je plongeais le regard dans ses yeux à lui. Puis je baissai la tête pour l’embrasser sauvagement alors que mon bassin ne s’arrêtait plus de remonter et de redescendre le long du sien.

Aussi longtemps qu’il le voudrait… non, qu’il le pourrait, il entrerait et sortirait de moi et je ne serais plus que gémissements alors que je n’avais plus aucune raison de m’arrêter.

Il l'avait laissé mener la suite, et ce pour son plus grand plaisir. Par ses tentatives, Aerianna s'était révélée très excitante, autant pour elle que pour lui. Elle lui avait frayé un passage en elle avec mesure par quelques mouvements sagement calculés. Leurs soupirs s'étaient faits plus forts encore que les précédents, rendant leurs respirations haletantes. Jusque là, elle ne ressentait visiblement aucune douleur, seulement du plaisir, alors qu'elle s'asseyait, centimètre par centimètre. Si les mains du mercenaire accompagnaient les mouvements de son bassin, ce n'était en rien pour lui imposer quoi que ce soit. Elle était libre de faire ce que bon lui semblait. Il soutenait son regard, ravi de pouvoir observer ses expressions de plaisir dans un tel moment. Un sourire se dessina même sur ses lèvres alors qu'elle avait commencé à gémir de part ces sensations nouvelles.

Même lui sentit la tension qui l'empêchait d'aller plus loin en elle. Et il aurait juré qu'elle s'était raidie, hésitante l'espace d'une seconde. Lui aussi redoutait ce moment, même s'ils avaient rondement mené leur jeu jusque là, avec autant de passion que de tendresse. Aussi, il ne s'attendait pas à ce qu'elle vienne brusquement coller son bassin au sien, rompant son hymen avec force. En une fraction de secondes, il avait lâché ses hanches et l'enlaçait de ses bras puissants et réconfortants. Elle avait fait tout ce qu'il y avait à faire et le pire était désormais derrière eux.
Aerianna se pencha à nouveau sur lui et l'embrassa avec une passion nouvelle et il y répondit de la même manière. Il la sentait poursuivre ses allées et venues sur lui, le faisant entrer et sortir d'elle dans un bruissement de peau des plus agréables. Il lui apparut très vite qu'elle prenait du plaisir dans leurs ébats et réalisa qu'elle faisait partie des rares à avoir cette chance de ne pas voir leur intimité trop malmenée par leur première fois. Dans un soupir de désir, il le libéra alors du poids qu'il avait sur le cœur depuis plusieurs minutes et dont il s'était caché jusqu'alors pour ne pas l'ajouter à la crainte de la belle. Ses mains se remirent aussitôt en mouvement, parcourant ce corps qui se donnait désormais totalement à lui, explorant ses courbes maintes fois sollicités mais qui ne se lassaient pas de ses attentions, se mêlant à ses cheveux pour l'embrasser avec plus de fougue.

Ils y étaient, enfin...
Depuis combien de temps était-il entré dans cette tente ? A quand remontait le premier gémissement de son amante ? Et son premier orgasme ? Tout le camp devait être réveillé et n'était pas prêt de se rendormir, même une fois leurs ébats achevés, mais il n'en avait absolument rien à faire. Seul comptait ce moment simple, tendre et langoureux avec Aerianna. Celle qui avait su surprendre son cœur.

Après de longues minutes à laisser la Princesse agir au gré de ses envies, il repassa un bras de son dos et se redressa, la maintenant contre lui. Il la souleva sans le moindre effort apparent et pivota dans le même temps. Il les amena au milieu de la couche et déposa soigneusement la jeune femme dans le sens de la marche sans décoller leurs corps d'un centimètre. Toujours en elle, il reprit la main sur leurs ébats, allant et venant en elle avec tendresse et langueur, n'accélérant le rythme que par petites touches. D'une caresse sur ses cuisses, il l'invita à l'entourer de ses jambes pour qu'elles accompagnent ses mouvements. Ses lèvres oscillèrent entre la bouche et le cou de son amante. Il se redressa à quelques occasions pour l'observer pendant ce moment devenu si intense. Il lui sourit même, heureux de pouvoir le partager avec elle alors qu'il se sentait son cœur basculé de plus en plus... Il retint son propre plaisir, attendant le dernier moment pour pouvoir jouir avec elle et mêler ses râles d'extase à ses gémissements.

Il ne sembla pas s’étonner tant que ça de ma réaction à cette douleur et je n’étais plus en mesure de le clarifier, perdue en lui que j’étais, mais ça m’arrangeait légèrement. Si beaucoup savaient résister à la douleur, peu l’appréciaient autant que je ne le faisais, et ce n’était pas vraiment quelque chose que j’aurais voulu expliquer dans un tel moment de toute façon. Le sujet reviendrait sûrement sur le tapis un jour, et il comprendrait alors pourquoi l’argenté avait cette importance dans mon environnement. Mais toutes ces pensées je n’allais les avoir qu’après coup, quand je ne serais plus autant submergée par le moment présent. A la place je ne pensais pas, alors que je m’étais complètement abandonnée à mes sensations, à lui. La tension revenait s’accumuler pour s’apprêter à exploser une nouvelle fois, et cette fois j’espérais véritablement emporter Sauveur avec moi, ce qui semblait de plus en plus probable si j’en jugeais l’expression qui avait envahi son visage depuis quelques temps déjà.

Peut-être répondant à une sorte de frustration d’avoir perdu le contrôle, ou bien sentait-il qu’il pouvait améliorer quelque chose, il décida de reprendre les commandes. Je me laissai soulever sans broncher alors qu’un tel moment aurait pu être vécu horriblement avec n’importe qui d’autre, surtout que l’action me donna quelques instants pour réfléchir, même si je le sentais encore là, prêt à reprendre une fois qu’il m’aurait déposée, et c’est ce qu’il fit, à mon plus grand plaisir. Ses mouvements de bassin étaient plus lents que les miens quelques instants plus tôt et je retrouvais cette sensation qu’il prenait son temps, qu’il voulait faire durer ce moment. Il n’était clairement pas aussi précipité que moi quand il faisait quelque chose, et pour l’instant cela ne créait aucun conflit. D’autant plus qu’il le sentit et accéléra quand même peu à peu. J’enroulais à sa demande mes jambes autour de son bassin à lui et repris le mouvement pour participer activement à ce qui arrivait.

Sentant le moment où la tension se relâcherait arriver une deuxième fois je lui saisis le dos en y enroulant les bras pour m’y agripper de toutes mes forces. Je posai ma tête sur son épaule, dans le creux de son cou, regardant au-delà de lui, en tout cas tant que mes yeux ne se révulseraient pas de plaisir. J’aurais pu sembler soudée à lui dans ce moment là pour un regard extérieur, mais par de petits mouvements en rythme avec les siens j’essayais d’accélérer la cadence sans même m’en rendre compte. Le moment arriva et je libérai cette tension dans un autre cri, assez proche en volume du premier, mais chargé de tellement plus d’émotions, de tellement plus de plaisir, de tellement plus de… Sauveur ?

Aerianna s'accrocha à lui de toutes ses forces. Même si ce n'était pas grand chose pour l'ancien gladiateur, il en prenait néanmoins toute la mesure. Ce n'était pas comme si ses soupirs et ses gémissements ne l'avaient pas averti de ce qu'il se préparait... Alors, gardant appui sur un bras, il utilisa le second pour l'enlacer avec tendresse tandis que la voix de la belle résonnait de plus en plus fort sous les tentures. Il sentit les spasmes traverser le corps de la jeune femme et savoura son orgasme avant de se laisser aller au sien. Il laissa échapper quelques râles, ressemblant davantage à ses gémissements sourds et étouffés qu'il noya dans les cheveux de la Princesse. Il poursuivit ses vas et vient, se faisant peu à peu plus lent, préférant l'amplitude du mouvement à la rapidité mesurée dont il avait fait preuve dans leurs derniers instants. Il déroula ainsi le plaisir de la belle aussi loin qu'il le put avant de finalement s'arrêter et de laisser son corps être attiré par le matelas.

Il retint sa masse d'écraser Aerianna à l'aide de ses coudes. Il se donna quelques secondes avant de se redresser pour croiser le regard de la jeune femme. Il s'assura sans le montrer qu'elle allait bien et lui adressa un sourire heureux avant de venir l'embrasser. Ses baisers avaient cédé un peu de leur passion pour les troquer contre plus de langueur et de tendresse. Il resta ainsi un moment, le temps de leur permettre de reprendre pleinement leurs esprits, ne cacha rien de son bonheur qui continuait d'étirer régulièrement ses lèvres. Elle avait eu peur de lui et, sans le savoir, il avait à ce point gagné sa confiance que le jour même de leur premier baiser elle s'était sentie capable de s'offrir complètement à lui. Il n'avait qu'à la regarder pour savoir qu'elle ne le regrettait pas un instant et il la trouvait d'autant plus belle... Surtout maintenant qu'il avait vu son visage au moment de la jouissance.

Lorsque leurs souffles eurent repris un rythme plus normal, il bascula sur le côté, l'invitant à venir se blottir dans ses bras dont il l'envelopperait avec douceur. Il n'avait rien à dire, il voulait simplement profiter de cette sensation qu'il adorait, de cette étreinte qu'ils ne pouvaient avoir qu'après l'amour et qui n'avait rien de commune avec toutes les autres... Il voulait partager cela avec elle.

Les derniers instants furent particulièrement délicieux et alors que tout mon corps avait essayé de m’arrêter en se relâchant, Sauveur avait déjà pris la bonne habitude de me garder prisonnière juste assez pour les vivre et je ne pouvais que lui en être la plus reconnaissante du monde. Lui aussi perdit bien vite en vigueur quand sa voix, son visage et quelque chose de plus intérieur me laissèrent comprendre qu’il avait très bien vécu l’expérience, et quand son corps s’écroula légèrement contre le mien je le laissai faire sans bouger. Je n’eus même plus assez de force pour participer à son baiser et quand il m’en laissa l’occasion je pris le temps de bien reprendre mon souffle et de laisser mon corps se remettre de toutes ces sensations. Mon visage lui restait béat, mon sourire était presque trop grand, mes yeux presque trop heureux. Forcément, je ne pouvais pas être trop heureuse, mais j’avais eu tellement de craintes que cette tempête d’émotions semblait aussi inespérée qu’elle n’aurait pas dû m’être octroyée.

Même après que tout fut fini, que mon souffle eut repris son rythme habituel, que mon esprit fut de nouveau capable d’aller au-delà du moment, je n’hésitai pas une seule seconde à revenir dans ses bras puissants en luttant contre ma faiblesse pour me rapprocher de lui et me blottir contre son corps nu, ses bras qui étaient devenus le refuge le plus rassurant que je connaisse. Il faudrait sûrement bien d’autres actions pour transformer cette union d’un voyage – voire d’une nuit – en quelque chose de plus réel, en quelque chose qui durerait, mais la première de ces actions était là. Elle était de confirmer cette confiance qui m’avait fait passer des étapes que j’avais pensé infranchissables quelques heures plus tôt, et la première façon de lui apporter cette confirmation était de me réfugier contre lui juste après qu’il ait testé ma confiance de cette façon. Je ne le lui tairais certainement, mais non seulement il avait mérité une place contre moi cette nuit lorsqu’il s’endormirait, il avait aussi l’obligation d’être là.

Après avoir remonté le drap sur eux, Sauveur perçut la fatigue d'Aerianna poindre à grands pas et il l'aida à venir se loger dans ses bras. Il l'avait accueillie avec une douceur infinie en s'apercevant à quel point elle était épuisée. Il y avait eu tant de choses pour la rendre subitement si faible... Les émotions avaient été nombreuses ces derniers jours, il n'imaginait même pas l'heure qu'il pouvait être et, étant donné ce qu'ils venaient de faire, il avait une petite idée de l'énergie qu'il devait lui rester... La tension de leurs corps retombée et le calme revenu en eux, il sentait tout l'être de l'héritière se relâcher soudain. Dans leur étreinte, ses doigts lui prodiguèrent quelques douces caresses, effleurant à peine sa peau nue. Assez vite, la belle s'endormit et il eut un sourire en le comprenant. Elle se sentait suffisamment bien pour s'endormir aussi facilement contre lui... C'était qu'elle devait éprouver autant de bien-être que lui en cet instant.
Bientôt, ses yeux à lui aussi se fermèrent et il la rejoignit dans ses songes.


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Sauveur ouvrit les yeux dans une inspiration un peu plus profonde que les autres. Il n'était pas sous sa tente mais n'en fut aucunement surpris. Même si la nuit avait été courte, il se souvenait parfaitement d'où il se trouvait, pourquoi et avec qui. Comprenant qu'Aerianna dormait toujours, il ne bougea pas pour ne pas risquer de la réveiller. Ils étaient dans la même position que lorsqu'ils s'étaient endormis, elle blottie contre lui et ses bras à lui autour d'elle. Il se sentait aussi bien et heureux qu'à la fin de leurs ébats et il ne lui tardait pas que cet instant prenne fin.
Il prêta l'oreille à ce qu'il se passait à l'extérieur et il ne perçut pas grand chose. Observant la lumière à travers les tentures, il constata que, pourtant, le soleil était plus que présent dans les cieux. Les soldats ne devaient pas avoir beaucoup dormi par leur faute et ils avaient sans doute pris le parti de se reposer jusqu'à ce qu'ils constatent qu'il y avait du mouvement dans la tente principale. Ils avaient bien raison après tout... Sauveur n'était plus aussi pressé de rentrer, quoi que Sanaa et les filles lui manquaient.

Les deux amants restèrent allongés là encore un long moment sans que lui n'ose bouger. Il se moquait bien du temps que cela prendrait, il était bien ainsi. Il la regardait dormir et profitait de leur étreinte, peau contre peau. Après ce qui devait être une bonne heure, il perçut les premiers signes de réveil chez la jeune femme et sourit. Lorsqu'il sut qu'elle n'était plus très loin d'émerger de ses rêves, une main vint effleurer sa joue du revers de ses doigts. Puis il se pencha doucement et déposa un léger et tendre baiser sur ses lèvres avant de reprendre juste assez de distance pour plonger ses yeux dans les siens. Son visage rayonnait de ce bonheur simple qu'il vivait depuis de longues minutes déjà, débordant d'une affection qui n'était pas là hier...

-Bonjour. Lui dit-il à demie-voix pour ne pas la tirer trop brusquement du sommeil.

Je ne rêvai pas cette nuit là, probablement trop épuisée pour ça. Je n’en savais rien en vérité, mais les nuits où les rêves se faisaient nombreux n’étaient pas si courantes, et quand l’un d’entre eux apparaissait il n’était pas forcément positif de toute façon. C’était sûrement mieux comme ça, en réalité. Je m’étais endormie dans les bras de Sauveur, et j’émergeais un instant plus tard dans les bras de Sauveur, sans qu’il n’y ait quoi que ce soit pour créer une rupture et me séparer de lui. Il devait m’observer en guettant se réveil, et avant même d’ouvrir les yeux, dans l’ordre, je perçus le contact de sa main sur ma joue, le contact de son corps contre le mien, ses lèvres sur les miennes, et même son regard qui paraissait presque tangible. Tout ça avant qu’il ne prononce un unique mot. C’était mon mot, je pensai, mais ce ne fit que m’arracher un tout petit sourire qui ne fit qu’à peine relever une des deux commissures de mes lèvres alors que mes yeux demeuraient clos.

J’allais les garder ainsi pendant quelques minutes où je savourais en silence et à l’aveugle l’ambiance du matin. Le reste du campement commençait à s’activer mais ici je restais dans un havre de paix total, et il n’y avait pas de raison que Sauveur ait droit à son moment de calme simplement parce qu’il s’était réveillé plus tôt. J’ouvris bientôt mes yeux malgré cette remarque interne, et les deux billes noires n’allaient chercher qu’une poignée de secondes les yeux de Sauveur avant de se fixer à eux. J’avais déjà remarqué cette tâche dans son œil droit mais jamais je n’avais pu la détailler à ce point là. Ce n’était pas si important, mais à ce moment là je n’avais que lui devant moi, et il n’y avait aucune raison que je ne détaille pas son visage épanoui. Et son épanouissement était complètement contagieux d’ailleurs, alors qu’il achevait d’étirer mon sourire. Je remuai légèrement pour replacer une jambe mal placée qui avait perdu un peu de ses sensations, provoquant une friction qui m’arracha un frisson.

J’avais l’impression d’être pleinement réveillée et je tentai de lui répondre par le même bonjour, mais il me manquait la deuxième syllabe et je baillai sans produire un son à la place, invoquant des larmes qui n’avaient rien à faire là autour de mes yeux. Je pus ramener le bras qui était le moins coincé pour m’essuyer un œil mais l’autre restait hors d’atteinte. La deuxième phrase sortit comme je le voulais, dans une voix encore un peu ensommeillée, prouvant que je n’avais pas assez dormi. « Tu as bien dormi ? » La réponse était je l’espérais complètement évidente, et je ne l’attendis pas pour enchaîner sur une autre, maintenant que j’étais sûre d’avoir récupéré l’usage de la parole. « Ça fait longtemps que tu me regardes comme ça ? » Cette réponse là était moins évidente pour moi mais beaucoup de réponses pouvaient me flatter et je ne le quittai bien sûr pas des yeux en attendant qu’il réponde.

Pendant tout ce temps mon cœur avait redémarré sa course folle petit à petit et ce n’était clairement pas parce que quelque chose m’excitait, j’étais presque prête à me rendormir sur le champ. Non, il y avait quelque chose de nouveau, et si je l’ignorais maintenant, c’était sûrement la même chose que j’aurais pu retrouver dans son regard à lui.

Sauveur la regarda se réveiller, gardant d'abord les yeux fermés mais remarquant le léger mouvement à la commissure de ses lèvres. Il l'observait depuis suffisamment longtemps pour s'apercevoir du plus infime changement dans son expression. Elle tenta de lui répondre mais bâilla aussitôt sous le regard attendrit de son amant. Sans briser leur étreinte, il la laissa se mouvoir comme elle l'entendait, se dégourdissant une jambe et frottant l'un de ses yeux. Il sentait qu'elle n'avait pas l'envie de s'éloigner, seulement qu'elle achevait de s'extirper de son sommeil. Et la chose semblait difficile au vu de sa voix... S'ils n'avaient pas été au milieu de nulle part, il lui aurait bien proposée de se rendormir mais ils devaient se résoudre à rentrer à Geresh. Leur grasse matinée leur faisait déjà prendre du retard et, même s'il ne pourrait rester encore très longtemps loin de Thaar, ils seraient mieux là-bas, non ?...

-Très bien... Mais pas aussi bien que toi, de ce que j'ai pu voir.

Il ne se moquait pas, cela ne le dérangeait pas qu'elle dorme plus longtemps. Après tout, vu comment ils étaient disposés, il aurait pu faire mine de la réveiller sans le faire exprès... Mais il avait pris grand soin de ne rien faire qui puisse troubler son repos. Il avait été particulièrement attendri de la voir ainsi dormir, se remémorant la progression de leur relation depuis son arrivée au Palais ainsi que toutes leurs conversations. Il y avait toujours beaucoup de choses qu'il ne s'expliquai pas mais peu lui importait. Tout ce qu'il se passait aujourd'hui était réel et c'était tout ce qui comptait.
Le seconde question de la jeune femme étira ses lèvres dans un sourire attendrit. En soit, oui, cela faisait longtemps... Mais le temps n'était qu'une notion et le moindre évènement, le moindre état d'esprit pouvait faire en sorte qu'il s'écoule trop vite ou pas assez.

-Aucune idée... Tu aurais pu dormir encore des heures, je crois que je ne m'en serai pas lassé.

Ses doigts revinrent effleurer sa joue avant d'écarter une mèche de ses cheveux pour la glisser derrière son oreille. S'il ne souriait pas, son regard le faisait pour lui. Il lisait dans ses yeux le reflet de ses propres sentiments... Le bien-être, le bonheur et une affection aussi nouvelle que sincère. Il eut une respiration plus profonde alors qu'il se sentait si apaisé à ses côtés.

-J'avoue qu'en t'envoyant cette lettre, j'étais loin d'imaginer ce qui allait se passer... Je ne sais pas pourquoi tu m'as répondu mais je remercie les Dieux que tu l'aies fait.

Si j’avais pu étirer un peu plus mon sourire je l’aurais sûrement fait à sa réponse qui m’avait tout l’air d’un oui. Il fallait que quelque chose de différent se passe pour passer autant de temps à observer quelqu’un qui ne faisait que dormir, c’était ce que je croyais en tout cas, ayant été dans sa situation rien qu’une poignée de fois. Une nouvelle caresse et je me rendais compte que tout était parfait. Mais si tout était parfait maintenant, cela ne pourrait le rester pour toujours, et comme pour me le rappeler, sa prochaine remarque qui était voulue comme quelque chose de positif, louant la chance qui nous avait amené jusqu’ici, m’atteint de plein fouet. Si lui était honnête depuis le début, il n’en était rien de moi. Mon visage s’assombrit, mon sourire disparut, et je fuis légèrement son regard. Il n’y avait pas de chance dans ce qui nous avait amené jusqu’ici, ou du moins, elle s’arrêtait à cette lettre qu’il avait décidé de m’envoyer. Je me sentais déjà si petite contre son corps mais j’aurais voulu l’être encore plus à cet instant là.

J’essayais de me rassurer en me répétant que tout était vrai depuis cette nuit où rien ne s’était passé, que je ne m’étais servie de l’argenté et de ses motivations que pour donner à Sauveur ce qu’il était venu chercher avant de vraiment l’explorer, mais ça aurait été si simple de l’avouer avant… Je savais pouvoir me tracasser si longtemps qu’il fallait que j’arrête très vite, et alors que je pensais ne plus en avoir besoin tout de suite, je me rappelai cette confiance que j’avais en lui. Je ne devais pas essayer d’imaginer ce qu’il comprendrait de la situation pour ensuite essayer de la déconstruire, je devais juste dire ce qui était, maintenant, le plus rapidement possible, pour le laisser gérer cet état de fait comme il le voudrait. Je soupirai lentement, doucement, avant de prendre une goulée d’air et de me lancer d’une toute petite voix, comme une confidence que je lui faisais. Et quand je me lançais, je disais souvent un peu plus que je n’en avais envie, compensant en étant beaucoup trop honnête.

« Il n’y avait pas vraiment de chance… Quand j’ai ignoré ta lettre au début c’est Ulk qui a insisté… Quand tu es venu jusqu’à moi je voulais t’aider uniquement parce qu’il m’avait laissé entendre que tu pouvais m’intéresser… Quand je t’ai accordé ce que tu étais venu chercher c’était parce que ça ne me coûtait rien, et qu’il m’avait conseillé de te tester… Et lui n’y est pas allé par quatre chemins, il savait que mon père voulait me marier, il savait que j’avais une peur à vaincre, il m’a poussée vers tout ce qu’il s’est passé… » Quelque part en moi quelque chose me disait : Tu vois, ce n’était pas si terrible ? Ça valait le coup de se mettre dans cet état ? Mais ce n’était pas ce qui me semblait terrible à moi qui devait compter, c’était comment lui recevrait la nouvelle. Je ne pus m’empêcher de rajouter quelque chose pour souligner à quel point j’étais une personne horrible. « Tout ce qu’il s’est passé avant cette nuit dans ta chambre était un mensonge, pardon… » Mais je ne me rendis pas compte de l’espoir que je lui laissais en ne me prononçant pas sur ce qu’il s’était passé ensuite.

Lorsque j’eus fini de tout déballer je ne fuyais plus son regard, mais ce n’était plus une bonne humeur qui habitait mes yeux, c’était une attente angoissée.

A peine avait-il terminé sa phrase que Sauveur vit Aerienna soudainement fuir son regard, son sourire bienheureux s'évanouissant dans le même temps. Redressant légèrement la tête, il chercha à retrouver ses yeux, sans succès. Il l'interpella d'une voix douce mais elle ne semblait pas l'entendre ou bien elle l'ignorait. Il craint avoir mal fait en lui faisant une telle déclaration mais il croyait qu'ils partageaient la même chose. Il en était même certain. Il attendit, le regard un peu plus sombre, qu'elle daigne à nouveau lui parler. Cela ne tarda pas et ses premières paroles l'alertèrent sur la suite de son discours.
Le regard de Sauveur devint peu à peu plus dur alors qu'il découvrait avoir fait l'objet d'un complot qui avait pour finalité un mariage de convenance. Tout cela n'aurait été donc qu'un jeu dont il était le centre ? Et sa main, ce qu'il fallait gagner ? Et Ulk avait été de la machination ? Il le croyait pourtant son ami. Ses intentions étaient d'aider Aerianna cela dit... Et il devait se sentir honoré de la confiance qu'il lui portait pour être ainsi persuadé qu'il saurait rendre sa confiance aux hommes à une femme visiblement traumatisée par le sexe opposé.

-Ça explique beaucoup de choses... Lâcha-t-il pour lui-même.

Cela expliquait pourquoi elle avait accepté de le recevoir. Pourquoi elle avait soudainement décidé de l'aider sans rien en retour et ce après une longue discussion qui n'avait pourtant rien donné. Pourquoi elle s'était efforcée de se confronter à sa peur avec lui...

Et puis, la Princesse acheva son aveu par une dernière phrase... Une qui changeait beaucoup la vision qu'elle venait de lui donner de tout ce qu'il c'était passé. Il laissa échapper un soupir avant de se redresser, faisant basculer Aerianna sur le dos pour se retrouver au-dessus d'elle. Il posa une main entre son sein gauche et son sternum dans un geste qui n'avait rien de tendancieux. Il voulait simplement se rapprocher de son cœur, à l'image de ce qu'elle avait fait la veille. Et il le sentit battre avec force sous ses doigts...

-J'ai trouvé ton attitude étrange jusqu'à cette fameuse nuit... Comme si tu ne savais pas vraiment ce que tu voulais. Tu disais que tu ne me demanderai rien en échange de ton aide mais, quand tu es venue dans ma chambre, j'ai cru que tu avais décidé du prix à payer et que tu venais me le réclamer. Et je l'aurais payé pour être honnête, même si ça m'aurait déplu... Je viens seulement de comprendre ce que tu étais venu en réalité... A partir de là, je n'ai plus eu l'impression que tu te forçais à quelque chose avec moi. Et même si tu envisageais peut-être une suite pour nous, tu n'avais pas prévu ce qu'il se passerai. Je n'ai même pas eu l'impression que tu essayais de me séduire, seulement que tu apprenais à me connaître. Sans doute pour mieux t'assurer de la viabilité de tes projets.

Il marqua une pause. Il était conscient d'avoir fait l'objet d'une éventuelle demande en mariage par intérêt. Est-ce que cela aurait été ça le prix à payer pour son aide ? Peut-être bien... Mais, dans un sens, il y aurait trouvé son intérêt aussi car plus personne n'aurait été en mesure de reprendre ce qui appartiendrait de nouveau à sa famille. Les terres Hadjaoui auraient été à l'abri au moins jusqu'à sa mort... Et peut-être même au-delà. Il aurait sans doute accepté l'offre et joué son rôle de mari. Les sentiments seraient peut-être venus plus tard.
Seulement tous ces projets venaient de lui être dévoilés alors que la dernière étape potentielle avait déjà été atteinte. Elle lui parlait avec franchise afin d'aplanir les bases de leur relation. Pourquoi maintenant ? Sans doute parce qu'elle avait poussé sa confiance jusqu'à son terme et en avait tout éprouvé. Son test était réussi, mais il savait quel en était le résultat... Il l'avait sous les doigts.

-Je comprends ce que tu as fait et pourquoi. Mais je sais c'est que ça... Il appuya légèrement sa main son cœur. ...ce n'était pas au programme. Tu ne t'es pas joué de moi, ou en tout cas plus depuis cette nuit-là. Je me fous qu'Ulk ait voulu joué les entremetteurs du moment que tout ça est aussi réel pour toi que ça l'est pour moi.

Il était des choses que l'on ne pouvait pas simuler. Il avait constaté lui-même à quel point elle avait eu peur de lui à la façon dont elle était restée sur le bord de son lit et à sa gêne le lendemain matin... Par la suite, elle avait beaucoup changée. Lors de leur promenade à cheval, il l'avait senti si bien contre lui. Puis elle s'était inquiété pour lui et avait soulagé sa colère d'une étreinte. Elle avait été choquée de le savoir déjà engagé envers une autre et s'était mise à pleurer en décidant que ça n'importait finalement pas tant que ça. Et, la veille, il avait senti la façon dont ce cœur sous ses doigts battaient... Tout comme il le sentait battre maintenant.

J’avais fait la pire erreur de ma vie, j’en étais convaincue du moins, par toutes ses premières réactions, elles n’étaient que les manifestations de tout ce qu’il se passait dans sa tête et je savais qu’il avait été si doux que seule une véritable trahison pouvait se lire de cette façon sur lui. Et ce dont je n’avais pas conscience, c’était que je ne pouvais que tout transformer en des drames alors que j’étais convaincue d’avoir fauté au-delà du réparable. Un silence d’abord, qui se faisait plus lourd et pesant au fur et à mesure que j’avançais dans mon aveu parce que je savais qu’il me jugeait sévèrement en cet instant là. Puis son intervention qui suivit alla dans ce sens alors qu’il avouait avec elle qu’il y avait des zones d’ombre qu’il avait gardé en tête et qui ne s’expliquaient que maintenant. Puis il se redressa avec la première manifestation physique, la première utilisation de son corps pour autre chose que mon bien, je pensai d’abord qu’elle avait pour but de me repousser… Mais il n’en fit rien et posa simplement sa main au niveau de mon cœur une fois qu’il s’était retrouvé au dessus de moi, sans passion, et ça m’attristait d’autant plus.

Et comme pour maximiser la douleur que j’allais ressentir lors de son rejet final je me rendis compte à cet instant là que je n’avais pas eu peur de la force qu’il représentait, même quand il avait toutes les raisons du monde de me faire du mal. J’avais peur de l’avoir déçu, peur de lui avoir fait du mal, peur de l’avoir perdu.

Sa longue tirade en réponse à mon aveu passa à la vitesse de l’éclair et je ne retins pas tout ce qu’il était censé m’avoir donné comme motif pour espérer, non, pour maximiser la douleur que je ressentais – car je la méritais, après tout – je ne retins que le négatif. Le reste n’allait pas être perdu, je le réutiliserais bien plus tard pour me morfondre sur ce qui aurait pu être. Mais pour ce qui concernait le négatif… Il m’avait bel et bien trouvée étrange au début, incompréhensible. Cette nuit là il avait cru que j’échangerais son corps contre mon aide. Il se serait laissé convaincre par l’autorité et surtout le pouvoir de négociation que j’avais sur lui. Et même après cette nuit-là, il avait pensé que mes tentatives d’approche n’étaient nées uniquement de calcul pour déterminer la viabilité d’un quelconque projet. C’était terrible mais j’écoutais ça tout en le regardant droit dans les yeux. Quand il marqua cette pause je ne pus réfléchir ou respirer, je restais en apnée en attendant qu’il reprenne.

Et il reprit. Et je compris. Il n’essayait pas de m’accabler. Il réfléchissait à voix haute, il exposait son ressenti, il arrivait à une conclusion en me faisant assez confiance pour me communiquer toutes les étapes, et je l’avais laissé faire sans le perturber. Et là, il me livrait sa conclusion, elle ne contenait aucune mention de ma trahison, il disait simplement qu’il me savait honnête sur tout ce qui importait. Et en plus de se convaincre lui-même qu’il pouvait me pardonner, il en profitait pour me convaincre moi, utilisant ce cœur qu’il avait sous sa main comme argument qui ne pouvait être contredit. Et le plus fort dans tout ça, c’était qu’il avait réussi.

Je me mis à rire d’un rire nerveux qui me secoua en s’accompagnant bientôt de larmes qui ne pouvaient être autre chose que des larmes de joie, de bonheur. Je n’avais rien vu venir et tout avait explosé d’un coup, je me retrouvais comme une gamine qui avait tant craint que son erreur soit catastrophique qu’elle ne pouvait que se laisser aller maintenant qu’elle savait que ce n’était rien. Nous arriverions à la surmonter et à ne pas la garder comme un mur entre nous deux. Mon rire cessa bientôt et il n’y avait que les larmes qui inondaient mes yeux fixés dans les siens. Je ne savais pas quoi faire, je n’arrivai même pas à l’étreindre, je n’arrivai même pas à l’embrasser, il faudrait que tout ça vienne de lui tellement j’étais tétanisée, d’abord par la peur puis par le soulagement. « J’ai eu tellement peur. » Je parvins à peine à lui avouer à mi-voix en souriant à travers mes larmes qui ne semblaient pas vouloir se tarir.

Je réussis même à ajouter autre chose d’une voix plus petite encore, une énormité peut-être, mais quelque chose que je devais dire dans l’instant. « Je crois que je suis amoureuse… » Et quand je ris d’un rire cristallin c’était encore à travers des larmes mais il n’y avait plus de nervosité, juste du soulagement…

Et de l'amour, donc ?

Le regard de Sauveur s’était adoucit. Il observa Aerianna se mettre à pleurer en comprenant qu’il lui pardonnait ses manoeuvres puisqu’elle n’avait pas menti sur ses sentiments. Il vit ses larmes couler, confirmant un peu plus ce qu’il savait déjà et il se libéra du reste de sa contrariété première dans un soupir. Il afficha une expression qui se voulait plus douce et plus tendre que la précédente, même s’il ne souriait pas encore. Elle lui avoua qu’elle avait craint qu’il ne la rejette et il se pencha pour venir la serrer dans ses bras. Il aurait pu le faire, c’était vrai… Il aurait pu décider qu’elle n’avait pas été pleinement honnête et qu’il valait mieux interrompre leur relation où elle en était plutôt que de continuer sur ce mauvais pas d’entrée de jeu. Mais cela, il ne le lui dirait pas. Pas avant qu’elle ne se soit apaisée en tout cas.
Une main derrière sa tête pour l’amener contre lui alors qu’elle ne parvenait pas à bouger, une autre dans son dos pour l’étreindre tout en retenant son poids sur son coude, il pressa son corps contre le sien avec tendresse. Et alors qu’il attendait qu’elle se calme, il perçut de nouveau la voix de la jeune femme qui prononça une phrase à laquelle il ne s’attendait pas…

Il se redressa légèrement pour croiser le regard de la belle, le sien s’étant fait un peu plus tendre que le précédent. De l’amour ? Vraiment ? Étrangement, il n’avait aucun mal à la croire. Il lui en avait fallu pour en arriver jusque là, passer de la crainte qu’elle avait pour lui à lui offrir sa virginité. Si lui savait qu’il avait déjà une affection sincère pour lui, il ne pouvait pas lui assurer d’en être au même point qu’elle. L’inclination d’Aerianna pour lui avait commencé dès Geresh après tout. Il ne l’avait rejoint que depuis quelques jours à peine.

-Je ne peux pas dire que je sois là… Puis il se pencha pour lui chuchoter la fin de sa phrase. ...mais je mentirai en disant que ce n’est pas sur la bonne voie…

Il combla la distance qui séparait encore leurs visages et l’embrassa, avec douceur d’abord, puis avec un peu plus d’intensité. Ce baiser pouvait durer longtemps, il n’avait pas prévu de l’arrêter de si tôt, sauf si Aerianna en décidait autrement.

Il s’adoucit, confirmant que mes craintes avaient bel et bien été écartées, et il alla jusqu’à m’étreindre comme si tout ça ne s’était pas passé. Pas exactement, mais en tout cas la voie de la réparation avait été empruntée alors que je reprenais conscience de son corps toujours nu contre le mien, grâce à ces deux mains qui m’enveloppaient le corps. Il était toujours aussi rassurant en tout cas, et sa présence me permettait réellement de me calmer. Son regard tendre m’interrogeait légèrement alors qu’il s’était à nouveau écarté, sans aucun doute parce qu’il s’attendait à tout autre chose que ce mot là. Mais tout me paraissait tellement normal que je ne pouvais pas deviner ce qu’il aurait pu vouloir à la place. Enfin sa réponse en deux temps me laissa pensive, elle me soulignait d’abord que j’étais peut-être allée trop vite pour interpréter mes propres sentiments, ensuite que ce n’était pas non plus complètement fou et que le temps remplirait sûrement son œuvre de son côté. Je n’eus pas le temps ni de lui sourire ni de lui répondre qu’il partait pour un nouveau baiser.

Si j’étais prête à m’abandonner à ce baiser qui suivit, un baiser à la saveur émotionnelle toute particulière alors que mes larmes y avaient ajouté un léger goût salé, il réhaussa aussi ce besoin de prendre un tout petit peu de recul. Ce besoin là n’était pas très fort au début et je parvins à l’ignorer en me concentrant sur Sauveur alors que mes bras l’enveloppèrent un peu à l’image de ses bras à lui. Ce n’était pas un baiser qu’il voulait éphémère et je restai là aussi longtemps que je le pus, de longues minutes qui faisaient du bien. Puis avec un nouveau sourire, quand la séparation devint une véritable idée dans mon esprit, je le repoussai légèrement pour m’écarter, puis avec assez de force pour qu’il se retrouve sur le côté et n’entrave plus mes mouvements. Je soupçonnai qu’il m’avait aidé alors que c’était plus aisé que je ne l’aurais pensé. Je rampais de manière aussi élégante que je le pus – pas du tout, donc – vers le bord du lit pour m’y asseoir. D’un mouvement de tête je ramenai toute ma chevelure dans mon dos en m’étirant de tout mon long avant de la replacer d’une main distraite sur mon côté gauche.

Sans me tourner vers lui je lui lançai quelques mots d’une voix douce mais légèrement traînante, avec un sourire qu’il percevrait peut-être dans son ton. « Je serais bien restée, mais on aurait éventuellement recommencé et tout le monde se serait préparé pour rien. » Une excuse en laquelle je croyais, vraiment. Je me levai ensuite et d’une démarche un peu moins figée et un peu plus souple qu’à son habitude je m’éloignai du lit en longeant le pan de la tente où mes coffres étaient disposés. Par-dessus mon épaule je jetai un regard vers Sauveur en lui servant un joli sourire. Je ne m’arrêtai pas devant les coffres et me dirigeai directement vers cette zone où je pourrais faire une rapide toilette. Pas si rapide que ça en fait, alors que je devrais m’occuper toute seule de moi-même, ne rappelant aucun servant par fierté. A moins que… Non. Et je secouai légèrement la tête. Puis je pensai peut-être.

Ce baiser, il le fit durer de bien longues minutes qui semblèrent si courtes pourtant. Alors qu'elle l'enlaçait, lui vint effleurer sa joue de ses doigts avant de saisir sa nuque délicatement. Leurs peaux nues se caressaient mutuellement dans cette étreinte tendre et langoureuse mais moins passionnée que celles de la veille. La passion aurait pu poindre cependant... si Aerianna avait donné le temps à Sauveur d'aller un peu plus loin.

La sentant le repousser avec douceur, il lui obéit et s'étendit sur le côté, la regardant en se demandant ce qu'il mijotait exactement. Mais plutôt que de se pencher vers lui, elle s'éloigna et il la laissa faire, non sens une pointe de regret. Si elle l'avait regardé, elle aurait lu dans ses yeux que ce qu'il avait à l'esprit était exactement ce qu'elle voulait éviter... Il ne fit pourtant rien pour la retenir et la regarda s'éloigner sans qu'aucune gêne ne la prenne cette fois. Elle lui lança même un petit sourire en se retournant brièvement. Il le perçut comme une invitation et passa un bras sous sa tête pour mieux l'admirer. Dans son petit recoin, elle n'était pas totalement cachée à sa vue. Si elle disparaissait parfois, alors il pouvait combler son imagination grâce à l'ombre de sa silhouette imprimée sur le paravent... Il l'observa faire sans timidité aucune de sa part et il aimait ce qu'il voyait. Aerianna était belle et gracieuse. Sa silhouette était assez similaire à celle de Sanaa -à croire qu'il avait un type- mais, pour le reste, elles n'avaient rien en commun. L'une avait les yeux clairs et l'autre noir. La première avait les cheveux roux et la seconde d'ébène. La peau de feu de l'affranchie s'opposait à l'albâtre de la Princesse. Elles étaient magnifiques, toutes les deux.

Après un moment, la jeune femme acheva sa toilette et sortit de derrière son paravent pour aller vers son coffre. Il se mit alors en mouvement à son tour, se tirant vers le bord du lit. Il se pencha, cherchant sur le sol le pantalon dont il s'était délesté la veille. Il étira le bras pour s'en saisir avant de s'asseoir. Il l'enfila puis passa un peu de temps à remettre de l'ordre dans le laçage qui devait le maintenir fermé. Les attentions d'Aerianna avaient fini par décrocher le lacet de quelques anneaux et il fallait le remettre en place. Finalement, il se mit debout et acheva de nouer le vêtement. Il ramassa ensuite sa tunique qu'il enfila d'un geste et l'ajusta rapidement tandis qu'il s'avançait vers la Princesse. Elle avait choisi sa robe et l'avait revêtue, s'évertuant à présent à la refermer comme elle pouvait. Sans un mot, le pas léger, il arriva dans son dos et glissa ses mains sous celles de la belle à l'ouvrage, l'invitant à lui céder la place. Avec douceur, il noua chaque bouton les uns après les autres, remontant lentement le long de sa colonne vertébrale dans un contact qui ressemblait à s'y méprendre à une caresse. Lorsqu'il eut terminé, il posa ses mains sur la taille de l'héritière pour l'inviter à ne pas bouger tout de suite et se pencha. Il déposa sur sa peau plusieurs baisers voluptueux, partant de son épaule pour enfouir sa tête dans son cou.

Oui, il était vraiment dommage qu'ils n'aient pas plus de temps...

Il se redressa finalement, lui adressant un regard plein de cette affection sincère qui ne faisait que grandir dans son cœur, avant de finalement se diriger vers l'entrée de la tente. Il passa les tentures qu'il avait franchi la veille et prit la direction de ses propres quartiers où il avait à faire avant le départ. Le voyant sortir, ceux qui étaient assis se levèrent et se mirent subitement en mouvement, comme s'ils venaient de recevoir le signal qu'ils attendaient. Sauveur ne prêta pas attention aux regards qui se portaient sur lui et n'afficha aucune expression particulière. Il entra dans sa tente et salua Ulk de la même manière que d'habitude. Il fila dans sa chambre et regroupa ses affaires. Il se changea, troquant sa tenue civile contre celle plus guerrière qu'il portait chaque jour depuis leur départ. La tunique céda sa place à une chemise propre et une armure de cuir sans manches. Le pantalon de tissu fut remplacé par un plus résistant dont la fin disparut sous des hautes bottes. Il plia le reste et les mit dans son sac avant de ressortir, ledit sac dans une main et ses épées dans l'autre. Il se dirigea droit vers son cheval et posa ses affaires à proximité. Après une caresse de salut, il saisit sa selle et commença à préparer sa monture pour ce qui devait normalement être le dernier jour de voyage.
Quoi que, vu l'heure...

Tandis qu'il achevait de fixer son sac sur le cheval, un soldat passa près de lui et s'arrêta. Il l'accosta d'une frappe amicale sur l'épaule.

-Félicitations hein !

Sans s'arrêter, Sauveur porta rapidement son attention sur l'homme, faisant mine de ne pas comprendre de quoi il parlait. Il était conscient que tout le monde savait. Ce n'était pas comme s'ils avaient été discrets... Il le faisait forcément exprès mais le soldat prit sa réaction au premier degré et chercha à se faire plus explicite.

-Tu sais... Pour... Il désigna la tente de la Princesse en fin de démontage d'un signe de la tête puis, n'obtenant toujours pas de réaction de sa part, il fit quelques mouvements fort peu élégants...

Sauveur interrompit ce qu'il faisait pour se tourner vers le soldat et se rapprocha sensiblement. A quelques centimètres de lui, il le dominait de toute sa hauteur et opposait sa carrure et la force de son regard brut à la sienne. L'homme se sentit alors se faire tout petit. Même sans le physique relativement imposant de l'ancien gladiateur, il savait ce qu'il valait au combat pour l'avoir observé en entraînement. Et personne dans ce campement ne tenait à le voir s'énerver contre lui alors qu'il était capable de tenir tête à cinq soldats simultanément... Finalement, le mercenaire lui répondit sur un ton posé, presque léger.

-Si tu manifestes ta joie pour ma relation avec Aerianna, je te remercie. Mais si tu me félicites pour avoir fait jouir une femme, je te répondrais que ça ne doit pas t'arriver souvent.

Le gars ne sut plus où se mettre tandis que quelques rires résonnèrent autour d'eux. Sauveur se savait être un très bon amant, il avait été initié par la meilleure après tout. Mais il ne faisait pas partie de ces hommes qui évoquaient leurs aventures avec les autres membres de la gente masculine. Au contraire, ceux qui en parlaient le plus étaient ceux qui pratiquaient le moins ou étaient les moins performants ou bien encore qui avaient le moins de respect pour les femmes. Les hommes comme l'amant de la Princesse n'en disaient jamais un mot.
Alors que le soldat filait sans demander son reste, le regard de Sauveur fut attiré par une silhouette en mouvement à une vingtaine de mètres de lui. Aerianna se dirigeait vers son Païm et il croisa ses yeux. Ses lèvres s'étirèrent dans un sourire amusé par la façon dont il avait mouché le soldat mais rendu doux par la vision de celle pour qui il avait tant de tendresse à présent.

Comme prévu, il me fallut plus de temps qu’à mon habitude pour faire ma toilette. A cause de l’habitude qui n’était pas mienne, mais aussi à cause de régulières poses d’un instant alors que je savais son regard rivé sur moi. Si je jouais encore avec lui je ne pouvais pas sortir de mon esprit tout ce qui venait de se passer, un sourire heureux aux lèvres. Je l’avais mon opportunité pour prendre du recul, et je l’étendrais jusqu’à un moment un peu plus lointain dans la journée. Ou je pensais l’avoir, alors qu’aussitôt que je finissais ma toilette je le voyais toujours là, s’activant finalement. Même alors qu’il était assis je ne pus que rester immobile et silencieuse à observer ce corps en mouvement musculeux et particulièrement agréable à observer. Il n’y avait pas si longtemps que j’en avais été effrayée, mais je ne le remarquais même plus, comme si c’était une pensée d’une autre vie. Au bout de quelques instants je me remis en mouvement et finit mon voyage jusqu’à mes affaires.

Sans trop réfléchir je choisis une nouvelle robe d’un blanc immaculé que je n’avais pas encore portée, une qui était simple à enfiler mais pas si simple à nouer. Mais encore une fois il était là et j’avais une certaine fierté qui se mettait en travers de ma gorge et qui m’empêcherait de faire chercher mes serviteurs d’un seul appel. Chaque bouton dans mon dos était une nouvelle épreuve mais je ne m’en sortais pas trop mal, comme si cette envie d’indépendance me rendait moins maladroite. Mais il ne faisait tout de même aucun doute que je peinais à avancer et ce fut ce moment là que Sauveur choisit pour réapparaitre. Je sentis ses doigts sur mes mains d’abord et je tressaillis alors qu’ils venaient les chercher pour leur signaler qu’elles n’avaient plus besoin de travailler. Mes mains obtempérèrent et les siennes se déplacèrent avec une rapidité experte tout en n’évitant pas de nombreux points de contact qui provoquèrent maints frissons. Je pensai alors qu’il en avait terminé mais il en avait décidé autrement et j’avais droit à ses grandes mains sur ma taille et à une nouvelle salve de baisers tendres jusqu’à mon cou. Je ne bougeais plus, c’était trop agréable, mais c’est lui qui mit fin à son intervention et quand je me retournai pour l’observer avant qu’il ne disparaisse je ne vis que ce regard. Je mentirai en disant que ce n’est pas sur la bonne voie, il m’avait dit, et je ne pouvais que le croire.

Une cinquantaine de secondes après qu’il eut quitté la tente je vis mes deux servants entrer avec précipitation. Ils furent surpris de me voir prête à partir et ne le crurent pas tout de suite. L’homme fit le tour de la tente pour vérifier je ne savais quoi, arrêtant son regard sur le lit mais ne le posant jamais sur moi. La femme elle commença à me tourner autour en observant la robe et comment elle avait été nouée. Elle avait un grand sourire à chaque fois que son regard trouvait le mien mais elle ne dit aucun mot. Comme j’étais convaincu qu’ils n’avaient rien à faire j’attendis simplement devant l’entrée de ma tente. J’allais devoir affronter une bonne quantité de regards dehors et je n’étais pas sûre d’en avoir envie, mais il était certain que Sauveur de son côté devrait être confronté aux mêmes regards et aux mêmes remarques. Et même s’il devait y être habitué, savoir que je n’aurais à gérer ni plus ni moins que le même comportement me rassurait. La servante sembla sentir mon hésitation et me poussa légèrement. Elle me faisait penser à Aethka, je pensai, une ombre que personne ne verrait passant sur mon visage.

Je sortis donc et me dirigeai directement vers le Païm tout en ignorant tous les regards. Sauf un. Je vis sa monture puis entendis sa voix alors qu’il répondait à un homme qui avait dû lui poser des questions et l’interrompre alors qu’il se préparait. Je n’avais pas la remarque initiale mais je souris à la réponse. Elle était presque gamine mais je devinai qu’il fallait qu’il soit comblé pour être aussi doux en répondant à un soldat. Et puis, malgré mon manque de pudeur de la nuit, peut-être se disait-il qu’il défendait mon honneur, tout en appuyant le fait qu’il y avait une relation. Je n’en savais rien mais l’idée me faisait plaisir. Quand nos regards se croisèrent, donc, je lui souris d’un sourire particulièrement charmant, et pas nécessairement pour la remarque que j’avais presque déjà oubliée, pour tout le reste. Quand vint le moment de grimper à l’échelle je commençai par moi-même avant de sentir une nouvelle aide qui n’était pas totalement nécessairement mais clairement pas de refus, et sentir ses mains sur moi me faisait toujours autant plaisir.

***

Il ne faisait plus aucun doute que nous serions en retard et qu’il nous faudrait passer une nouvelle nuit loin de Geresh avant d’y arriver le lendemain, mais le reste du voyage se déroula sans encombres. Si j’eus droit à quelques heures où je pouvais profiter d’un peu de solitude pour prendre du recule la tâche se dévoila bientôt impossible alors que je ne pensais plus qu’à lui. Même l’argenté ne put m’en dévier avec ses discussions inintéressantes, et il avait trop d’idées de ce qu’il s’était passé la nuit-même pour que sa curiosité ne l’intéresse lui-même, aussi n’y fit-il même pas référence. Quelques longues heures plus tard et je faisais monter Sauveur à bord de la litière. Il y eut ensuite quelques étreintes et baisers que je n’interrompis pas, et le soir tombait au dessus de nos têtes. Il y avait moins d’espace alors que nous nous étions grandement rapprochés de Geresh et qu’on pouvait trouver les premiers vergers qui y étaient plus ou moins rattachés, mais si certaines tentes ne furent pas montées personne n’hésita à monter la mienne et j’y passai forcément la nuit avec Sauveur. Le volume du plus fort de mes cris n’atteint pas celui de la veille mais il n’y avait aucun doute que nous avions attiré l’attention de la moitié du camp au moins. Prévoyants, nous avions commencé plus tôt avec l’objectif que ça n’impacte pas trop notre réveil.

Je ne montais pas sur le Païm alors qu’il nous restait quelques heures de route, et puis, je savais le temps que pouvait prendre un parcours en Païm entre les portes de Geresh et le palais des Hiisi en journée, alors qu’il nous fallait attendre que les charrettes disparaissent et que la voie se dégage. Je demandai donc simplement à Sauveur de m’emporter avec lui sur sa monture jusqu’aux portes du palais, ce qui réduirait considérablement la durée du trajet. Cette fois je ne m’appuyai pas trop sur lui alors que la Cité Blanche allait voir pour la première fois sa fière princesse défiler le long de son avenue au bras d’un homme. Et elle le remarqua, alors que plusieurs hommes et femmes qui faisaient leurs affaires autour de l’avenue se rapprochaient pour nous regarder passer quand ils en avaient la possibilité. Je ne les regardais pas, j’observais la cité que je n’avais jamais vue de ce niveau. Elle était belle, avec ses murs d’un blanc immaculé entourés de végétation qui était en partie grimpante partout où on l’y autorisait. L’avenue blanche pleine de monde était belle aussi, mais j’avais du mal à savoir pourquoi je m’en rendais compte aujourd’hui. Quelque chose de nouveau amplifiait la beauté des choses, rehaussait les couleurs, et je ne me rendis pas compte à ce moment là que c’était le cavalier qui me tenait.

***

Nous arrivions enfin dans la cour devant la grande porte de mon palais, et si mes quelques hommes en poste mirent un peu de temps à comprendre ce qu’il se passait ils s’activèrent assez rapidement, avec quelques regards suspicieux à Sauveur. Je les rassurai d’un regard souriant avant de laisser soulever par Sauveur pour qu’il me repose au sol, quelqu’un vint saisir la longe de l’animal et prenant la main de Sauveur une fois qu’il eut fait ce qu’il devait faire je me précipitai vers la porte, montai les premiers escaliers deux marches par deux marches et traversai la première cour intérieur. Un de mes hommes me souligna que mon père attendait dans l’entrée et je fis une petite moue. Il fallait que je prépare Sauveur. Je passai tout de même la porte sans leur montrer grand-chose et m’arrêtai dans l’antichambre vide. Je me tournai vers Sauveur, l’embrassai fugacement en me hissant à son niveau et posai une main sur son torse. Ma voix était posée et assez calme. « Il y a mon père de l’autre côté de cette porte, sûrement sur le balcon qui nous surplombera directement. »

J’aurais pu vouloir l’entraîner directement sous le dit balcon et le présenter à Rauast, mais je savais aussi que l’Oesgardien qu’était mon père pouvait être odieux et qu’il fallait que je lui laisse le choix. « Il est assez particulier mais il ne devrait pas te poser de problèmes si tu choisis de passer cette porte avec moi. » Je fis un pas en arrière, le détaillant avec un sourire et un regard rieurs, qui modulèrent le ton de ma voix. « Il ne peut pas penser que tu es un drow, il ne te traitera pas d’avorton, il pourra juste éventuellement te reprocher de ne pas être Nordien, mais je ne suis même pas sûr que lui-même sache quelle est sa définition de Nordien. »