Des étoiles plein les yeux et... dans le cœur ? | Elia & Ilan

Première ennéade de Karfias
An 17:XI

Il était relativement tôt mais la forge était déjà ouverte depuis longtemps. Avec l'été, Calel démarrait aux aurores pour s'arrêter dès qu'il faisait trop chaud. La pluie de l'ennéade passée n'avait pas rafraîchi l'atmosphère bien longtemps. Aussi, les coups de marteaux frappant le métal raisonnaient depuis longtemps dans le quartier. Les voisins ne râlaient pas, ils étaient habitués depuis avant que le péninsulaire qui reprenne l'établissement. Et, étant donné que le travail du nouveau propriétaire était plus que satisfaisant, personne n'allait se plaindre du bruit un peu matinal durant la saison chaude.

Ce matin-là, Calel portait encore sa chemise mais avait remonté ses manches jusqu'au-dessus du coude. Des perles de sueurs gouttaient sur son front et le haut de son corps, signe que la température avait commencé à grimper. De là où il était, il pouvait voir son échoppe ainsi qu'une bonne partie de la rue, même s'il ne prêtait pas attention aux passants. Quelques uns l'interpellaient de temps en temps et il leur répondait de loin. Chacun avait sa besogne à faire.
Le forgeron plongea la faux qu'il travaillait depuis une heure déjà dans un bac d'eau froide. Il avait terminé et n'avait plus qu'à la laisser refroidir avant de l'affûter. Se redressant, il épongea son front comme il put avec sa manche. Se faisant, il entendit une voix cristalline attirer son attention. Calel se retourna et, reconnaissant le visage de la demoiselle, lui sourit chaleureusement.

-Elia, comment vas-tu ? Puis, lorsqu'elle lui eut répondu brièvement, il poursuivit, se doutant de la raison de sa présence. Si tu veux voir Ilan, il est dans sa chambre. Il désigna l'emplacement de l'escalier qu'il ne pouvait que deviner de là où il se trouvait du fait des râteliers qui lui gâchaient la vue. Au deuxième étage. Son nom est marqué sur la porte.

Il regarda ensuite la jeune fille disparaître dans l'ombre de sa boutique, un sourire mi-amusé mi-attendri aux lèvres. Son fils et elle n'avaient passé que quelques heures ensemble mais il semblait que les deux portaient déjà un réel intérêt à l'autre. Comme convenu, ils s'étaient écris depuis. Tous les jours à vrai dire... Et même plusieurs fois par jour. Le pauvre serviteur passait son temps entre les deux logements et avait même attendu plus d'une fois à la forge qu'Ilan ne lise et réponde à la missive de la demoiselle pour lui éviter un aller-retour inutile. Calel et lui avaient d'ailleurs commencé à sympathiser et le forgeron lui avait offert un verre à quelques occasions. Le pauvre homme devait être heureux de savoir que, ce jour-là, il n'aurait pas à aller et venir sans cesse entre les Soieries et les quartiers plus modestes...

La chambre d'Ilan était de taille moyenne. Là où le commun des mortels avaient juste de quoi mettre un lit et peut-être un meuble ou deux, celle du fils de la lune abritait deux espaces bien distincts. En entrant, on trouvait sa commode et son lit le long du mur à droite. En face de la couche s'étirait un long atelier qui jouissait ainsi de la lumière du jour. Devant la chaise jouxtant ce meuble, le mur était tapissé de multiples croquis et plans griffonnés sur papier libre ou soustrait à son carnet. Juste devant la porte se trouvaient deux larges étagères abritant outils, matériaux et créations du jeune homme. Les fenêtres étaient habillées de rideaux clairs pour permettre d'illuminer la pièce tout en abritant l'albinos des rayons du soleil sur sa peau sans couleur.

Il commençait à faire chaud dans la chambre et Ilan avait retiré sa veste. Vêtu d'une simple chemise, d'un pantalon et de chaussures, il était penché sur son atelier, travaillant sur une pièce assez fine. Ce n'était qu'une maquette qui devait lui permettre d'éprouver ses calculs avant de passer à une réalisation à échelle réelle. Et puis, on frappa à sa porte. Trouver sa chambre, c'était plutôt simple. Son père y avait cloué les lettres de son prénom en métal sur sa porte. Il avait dix ans à l'époque et il en avait été heureux comme tout. Maintenant, cela faisait un peu enfantin pour l'adolescent qu'il était...

-J'arrive.

Il acheva de fixer sa pièce avant d'aller ouvrir. Son père n'avait pas besoin de monter pour lui demander de venir. Pour ça aussi, ils avaient une de ses inventions. Il s'attendait donc à trouver le serviteur d'Elia lui apportant une nouvelle lettre. Son cœur bondissait de joie à cette idée, même si cela ne l'empêchait pas de prendre les précautions habituelles pour ne pas dévoiler son apparence. Ouvrant à son visiteur, Ilan prit soin d'en éviter le regard, détournant d'avance ses yeux pour en dissimuler les iris rougeoyantes. Mais la surprise vint bien assez vite.

-Salut, Fils de la lune ! Comment vas-tu ?

Le garçon blanc se tourna brièvement vers la jeune fille avant de tenter de fuir son regard aussitôt.

-Elia ?! Mais tu... Tu ne m'avais pas dit que tu passerai... aujourd'hui. Pourquoi tu ne l'as pas écris dans ta dernière lettre hier ?!

Ilan n'empêcha pas Elia de rentrer et la regarda, un peu pantois, prendre place dans sa chaise. Sur l'établi, il y avait sa maquette mais aussi quelques croquis supplémentaires sur lesquels il travaillait. Lorsqu'elle reprit la parole, l'interrogeant sur ce qu'il faisait, il sortit enfin de sa torpeur et referma la porte dont il tenait toujours la poignée.

-Hm... Oui, c'est un... Il se racla la gorge pour essayer d'évacuer sa surprise et sa gêne. Un mécanisme pour le puits du quartier. Celui en place commence à montrer des signes de fatigue. J'essaie de trouver quelque chose de moins pénible que la simple poulie actuelle. C'est pour ça que j'ai penser à ses dentelures en bois... Avec une chaîne pour lier le tout... Je fais avec une corde là, mais c'est juste pour essayer si ça marche.

-Mhhh... Fais un système de poids et contrepoids comme une balance. Ça peut être pratique peut être. Lança-t-elle.
-J'y ai pensé mais le puits est trop profond, il faudrait trop d'amplitude pour le contrepoids et il n'y a pas la place...

Elia se pencha en avant, fixant Ilan droit dans les yeux. Elle était ici pour une raison. Elle n'était pas là pour la magnifique science et de l'esprit d'Ilan. Mais pour lui ! Rien que pour lui ! Bien entendue en tant qu'amie !

Mais... si je suis ici. C'est pour toi et profiter de cette journée d'être avec mon ami qui est devant moi.

Ilan se frotta l'arrière du crâne, un peu gêné en entendant le mot "ami" de la bouche d'Elia alors qu'elle le désignait très clairement.

-Ah oui ?! Euh... Ben, d'accord... Tu veux faire quoi ? Tu veux sortir ?

Dans sa gêne, il regarda à quelques reprises les croquis éparpillés sur la table. Elia sourit, elle restait silencieuse et le regardait avec amusement. Elle ne répondit pas, se contentant de le regarder avec ses yeux bleus. Ilan se trouva d'autant plus gêné par l'attitude de la jeune fille qui semblait se repaître de sa soudaine timidité, refusant même d'apporter une réponse à ses suggestions.

-Tu m'aides pas là... Dit-il avec un rire nerveux.
-Je sais, ce n'est pas moi qui prend l'initiative. C'est toi. Penchant la tête sur le coté, elle se retint de rire.
-C'est toi qui me rend visite je te signale. Et tu... me prends un peu au dépourvu.

Et son regard de s'attarder une nouvelle fois sur ses croquis. Elia posa son coude sur la table, collant sa joue sur sa mâchoire. Bien entendue, la petite mademoiselle le fixait toujours avec amusement. Son regard était pétillant d'amusement. Au plus profond de son Souffle, elle était en train de rire.

-Je sais. Je te l'ai dis, je suis imprévisible. Alors, mon cher Ilan, que fait-on ? Dit-elle d'une voix faussement innocente.

Ilan resta là à regarder le sourire narquois de la jeune fille qui s'amusait de le voir aussi perturbé par sa présence impromptue. Il n'arrivait même pas à la trouver cruelle, trop gêné qu'il était et trop préoccupé aussi... Finalement, il prit sa veste qui pendait sur le coin d'une étagère et ouvrit la porte pour inviter Elia à ressortir. La jeune fille se leva aussitôt, suivant Ilan et remerciant le jeune homme d'un hochement la tête.

-Ahhhh...Je suis curieuse ce que tu as en tête !"

"Oui... Moi aussi à vrai dire... " pensa-t-il. Et il referma derrière eux, lançant un dernier regard à ses croquis, soulagé qu'Elia n'ai pas vu un de ceux qui se dissimulait parmi eux... Descendant les escaliers à la suite de la jeune mage, il enfila sa veste en même temps. Une fois en bas, il salua son père en lui signifiant qu'ils allaient faire un tour. Et le forgeron les regarda s'en aller, toujours avec le même sourire aux lèvres.
L'esprit d'Ilan fonctionnait à plein régime. Maintenant qu'il avait éloigné Elia de la première source de ses craintes, il se retrouvait face à la deuxième... Ils faisaient quoi maintenant ? Il y avait un petit coin de nature dans le quartier, ce serait peut-être une bonne idée... Sur le chemin, le fils de la lune salua quelques personnes qui lui rendirent ses bonjours avec un grand sourire. Tout le monde avait entendu parler de sa mésaventure et de l'aide qu'une jeune fille des Soieries lui avaient apporté. Ce n'était pas elle d'ailleurs à ses côtés ?
Le trajet dura plusieurs minutes durant lesquels ni l'un ni l'autre ne dirent rien. Ilan se sentait trop mal à l'aise pour ça et profitait de sa capuche pour se cacher un peu et essayer de reprendre contenance. Finalement, entre deux maisons, en plein milieu d'un quartier très urbanisé, émergea un espace de verdure. Un grand arbre aux larges feuilles y dispensait une ombre des plus salvatrices en cette saison. Des plantes grimpantes ornées de larges fleurs dans les tons entre le rouge et le rose masquait les murs des habitations qui l'encadraient. Au sol, herbe, violettes et marguerites avaient remplacé le pavé. Quelques papillons voletaient au milieu de tout ça. Il ne manquait que les oiseaux pour se croire à l'extérieur de la cité...
Elia contempla ce paysage avec un petit regard émerveillé. Elle garda le bras d'Ilan autour du sien comme si elle avait affaire à un gentilhomme. Si cet endroit était magique. Elia connaissait un petit endroit bien tranquille. Sans prévenir, la jeune femme tira Ilan avec elle, l'emmenant dans les ruelles bruyantes de la cité, s'approchant peu à peu des remparts pour sortir définitivement de l'enceinte de la grande Cité. De là, Elia connaissait un parfait endroit rempli d'arbres et de verdure dans les faubourgs de la cité. A l'ombre des arbres, assez éloigné des remparts, le couple de jeunes avait une vue parfaite de la cité d'un côté et l'immense campagne qui l'entourait de l'autre. Elle s'installa confortablement, étendant ses jambes sur la verdure.

-On respire mieux, tu ne trouves pas ? C'est bien la tranquillité.

Ilan s'était laissé entraîner, non sans protester un peu. Elle avait voulu qu'il choisisse leur destination et, à peine arrivé, elle repartait... Ce ne fut qu'une fois passées les portes de la cité qu'il comprit que son carré d'herbe ne lui suffisait pas et qu'elle voyait plus grand. Le fils de la lune n'était presque jamais sorti de la ville depuis son arrivée aussi, s'il ne découvrait pas complètement le paysage, il ne lui était pas familier pour autant. Imitant Elia, il s'installa à ses côtés.

-Je voulais te montrer la colonie de pikuluas qui vivait dans l'arbre mais je crois que ça sera pour une prochaine fois. Fit-il en étirant une jambe avant de poser les mains derrière lui pour prendre appui.

Il adressa un sourire amusé à la jeune fille, lui faisant ainsi savoir qu'il plaisantait. Cette destination-là lui allait très bien aussi. Et c'était plus tranquille encore... Elia en profita pour pincer la jambe d'Ilan, en faisant mime de bouder. Elle attaqua à d'autres endroits en guise de rébellion. Et, elle se prépara en cas de contre-attaque de la part d'Ilan.

-Osez faire ça à ta demoiselle ! Tu sais, je peux te mettre en geôle pour ça ! Dit-elle en étant faussement méchante.

Ilan se cacha le visage sous sa capuche. Il savait qu'elle plaisantait mais il n'était pas tellement habitué à se faire chahuter. Enfin, si un peu, avec Ceralyn. Mais elle, il n'hésitait pas à lui dire d'arrêter, chose dont il ne se sentait pas capable avec Elia, sans savoir pourquoi. Cette dernière s'approcha de lui, se baissant pour fixer les yeux d'Ilan. La jeune demoiselle se met à rire de sa réaction.

[color=#ff99ff]-C'est beau la timidité ! Allons ! Venges-toi ! Je t'embête depuis tout à l'heure ! S'amusa-t-elle.
-Désolé, je suis pas encore habitué. Je n'avais pas vraiment d'ami avant l'année dernière.

Elle se rapprocha de lui, collant ses genoux contre sa poitrine, fixant les remparts de la cité.

-Je peux comprendre. Je n'ai pas beaucoup de "réel" ami, aussi. Après, avec moi, je te demande juste de te lâcher d'être toi-même. Et ce que pensent les autres, tu t'en moques totalement. Toute façon, on se fait tout le temps juger. On a qu'une vie, il vaut mieux en profiter. Elle posa sa tête sur ses genoux, fixant un moment Ilan.

Il ne dit rien, semblant réfléchir aux paroles d'Elia. Après un moment, il tourna la tête vers elle. Elle était une des rares dont il arrivait à soutenir le regard quelques secondes, trop habitué qu'il était à fuir les autres pour sa propre sécurité. Il ne se sentait pas en danger avec elle... C'était plutôt elle qui l'était. Mais il ne pensait pas à tout cela à cet instant.

-Je suis quelqu'un de posé, comme mon père. Enfin... Il aime bien plaisanter aussi. Tu l'as vu avec Jonas. J'ai un peu le même humour mais j'ai plus de mal à me laisser aller.
-Laisses toi aller. Tu verras ! Elle regarda un moment vers le ciel Dans le Nord, tu faisais aussi des inventions ? C'était comment ta vie là-bas ? Nos deux vies devaient bien être différentes.
-J'ai quitté mon village quand j'avais six ans. Je bricolais déjà un peu mais pas autant qu'aujourd'hui. Il nous a fallu deux ans pour rejoindre Seram et trouver un bateau pour nous faire quitter la Péninsule. On avançait de ville en village parce que j'étais petit et il y avait des saisons et des heures pendant lesquelles je ne pouvais pas voyager. Alors mon père offrait ses services dans une forge du coin et on restait le temps de se faire un peu d'argent pour continuer ou que je puisse supporter le voyage.

Il marqua une pause avant de se tourner vers Elia.

-Et pour toi, c'était comment ? Tu pratiquais déjà la magie ?

Ilan écoutait sans rien dire. S'il trouvait sa vie difficile, il lui semblait que celle qu'avait connu Elia avant de devenir la protégée de la Princesse-Marchande était pire encore. Une mère qui ne la voulait pas et qui l'avait rejetée durant de nombreuses années, une otharite qui avait massacré des innocents, un foyer pour femmes en détresse... Les persécutions que les Mehntior avaient subi paraissaient si dérisoires en comparaison... Alors que -et la jeune fille en avait été témoin- le fils de la lune s'était retrouvé en danger plus d'une fois.

L'adolescent la regardait sans savoir quoi dire ou quoi faire. Elle venait de tout lui dire sans la moindre tenue alors que l'évocation de son passé était visiblement douloureuse pour elle. Il se sentait honoré qu'elle lui fasse autant confiance et touché qu'elle se sente assez bien avec lui pour avoir sauté le pas. Cependant, cela lui rappelait également que lui n'était pas totalement honnête, même s'il avait ses raisons de ne pas tout lui dire... Ce n'était pas tellement lui le cœur du sujet et il avait d'autres personnes à préserver. Tellement de personnes...
Elia se mit à rire nerveusement alors qu'elle réalisait qu'elle venait de faire une longue tirade. Ilan lui adressa un sourire en coin. Cela ne le dérangeait pas de l'écouter. Il en avait entendu d'autres... Basculant dans la direction de la jeune fille, il lui donna un léger coup d'épaule amical pour lui faire savoir que ce n'était rien. Il perdit son regard dans le sien quelques instants avant de finalement réaliser qu'il la fixait. Il détourna alors ses prunelles à la couleur souvent dérangeante pour les autres et revint sur le paysage. Il plissa légèrement les yeux et cligna des paupières à cause de la luminosité. Si on disait les yeux bleus sensibles, il n'y avait pas de mot pour décrire les siens.

Finalement, il osa ouvrir la bouche et poser une question qui n'avait pas trouvé sa réponse dans l'histoire d'Elia.

-Où sont-elles maintenant ?

Pour la grand-mère, il supposa qu'elle était restée à Missède ou que Tyra avait repris son souffle. Mais si l'adolescente vivait avec Maralina et non avec sa mère, il devait y avoir une raison...

-Je suis désolé.

Pouvait-il y avoir autre chose à réponse devant une pareille révélation ? Il savait ce que c'était de vivre sans mère plus que de la perdre. Il n'avait que peu de souvenirs de la sienne, il était si jeune à l'époque. Son père portait encore son alliance alors qu'il n'avait pas repris épouse et qu'ils vivaient seuls tous les deux. Il avait pris le temps de faire son deuil depuis cela dit, et le forgeron se montrait moins triste lorsqu'il parlait d'elle. Elia aussi semblait-il. Et il lui rendit son sourire, bien que dépourvu de toute joie.

La jeune fille s'allongea et il la regarda faire sans rien dire avant de se figer. Il sentait sur sa cuisse le poids de la tête de son amie et n'osait plus bouger. Il resta interdit devant son geste, ne sachant pas comment il devait l'interpréter ou même s'il y avait quelque chose à interpréter. Il n'avait que très peu de références pour savoir ce qui était normal ou non et Ceralyn n'avait jamais fait ça avec lui. A plusieurs reprises, il posa les yeux sur Elia avant de les détourner aussitôt. Elle ne le regardait pas et c'était une chance pour lui car il n'était pas très à son aise à cet instant. Non pas que ce contact le dérangeait... Mais... Il se passait quoi là au juste ?

Finalement, l'adolescente rompit le silence qui régnait en lui posant une question à son tour.

-Hem... Fit-il en semblant chercher dans sa mémoire alors qu'il essayait plutôt de chasser sa gêne. En dehors du jour où on a embarqué pour quitter le pays tu veux dire ? Plaisanta-t-il à moitié pour gagner du temps. Ben... Ça doit être quand, pour la première fois, un inconnu a changé de regard sur moi. On était sur la route avec mon père, on a croisé un fermier qui avait cassé la roue de sa charrette. Il a commencé par vouloir nous chasser en me voyant mais il s'est calmé quand je lui ai dit que j'avais la solution pour réparer sa roue sur place. On s'y est tous mis et on a fini quand le soleil a commencé à décliner. Il nous a inviter à passer la nuit chez lui pour qu'on ne couche pas dehors. Quand on est parti le lendemain, il a posé un genou à terre pour se mettre à ma hauteur, il a posé ses mains sur mes épaules et il m'a regardé droit dans les yeux pour me dire "merci".

Ilan avait presque oublié les traits de cet homme depuis le temps. Cela devait faire dix ans maintenant... Peut-être un peu moins. Avec tout ça, il en avait presque oublié qu'Elia se servait de sa cuisse comme oreiller. Il se racla la gorge en se le remémorant et chercha à enchaîner sur autre chose.

-Et pour toi ?

« Mhhh….Oh oui, tu sais, ma véritable mère était une guerrière. Mais, elle n’était pas une femme à porter des robes. Cependant, vue qu’elle devait revoir Cécilie, elle devait faire les efforts pour bien se présenter. De là, ma grand-mère et moi, on l’a mis en valeur. Je t’avoue qu’elle avait attiré tous les regards. Moi, je m’amusais à coiffer ma mère et émettre des critiques sur sa façon de se tenir. Je n’avais quoi, 11 ans ? Oui, ma mère haïssait les robes. Pourtant, je te jure, Ilan, elle était une belle femme. Elle était atypique. Je m’amusais de bien habiller ma mère. Je me rappelle qu’elle rougissait et râler car elle n’aimait vraiment pas les robes. On dirait une adolescente rebelle. Elle se mettait en colère quand on la maquiller. »

Je me mis à rire à cette pensée. Mère était vraiment différente, elle n’aimait pas les habits, de respecter le code vestimentaire. Elle aimait s’habiller avec des habits simples, efficaces que de bien se vêtir. A la différence d’elle, j’aime les belles robes et être féminine. On était vraiment différente. Puis, je lève ma tête pour libérer sa cuisse. Ma grosse tête doit l’encombrer. Pauvre Ilan….

« Dans ton histoire, tu es déjà prédestiné à être un inventeur. Tu l’as dans le sang. » riais-je à cette idée. « Ilan, tu as un esprit en or qui mérite à être soutenue. Crois-moi, tu as de l’or sur toi.»

Je ne mentais pas. Je croyais sincèrement qu’Ilan possédait ce talent. Son esprit était brillant, analytique. De plus, en apercevant ces travaux, je voyais de l’amour en ce qu’il faisait et la précision. Il était talentueux, je voudrais vraiment que son talent soit reconnue. Combien de talent à Thaar étaient passer inaperçu. Je ne dérogeais pas à cette règle. Thaar était une magnifique ville ; elle était aussi la cité très difficile à satisfaire.

Néanmoins, Je m’approchais d’Ilan, saisissant délicatement la main de mon ami. Le cœur ne cessait de battre dans un rythme soutenu. Si ça continue, mon cœur risquait d’exploser. Mais, je tentais de garder le contrôle de moi. Ilan devait se douter de quelque chose. Alors, je lui adressais un sourire amusé, j’avais une idée en tête. Pour le taquiner, mon doigt se posait sur son nez suivit d’un petit clin d’œil.

« Tu veux te promener dans les campagnes ? Sauf si tes yeux ne permettent pas. Mais, pour nous deux, ça nous ferait du bien de s’isoler des bruits de la Cité. Ou, naviguer dans les rives du delta avec une petite barque. Ça peut être amusant et relaxant ? »

Si on était a coté de la grande Cité, Thaar était entourée de campagne qui mériter d’être explorer. Sur la grande berge, des barques n’était pas trop loin. On avait une occasion de naviguer dans le delta, de profiter de la vue et de nous reposer. Puis…….

Ilan eut un sourire amusé durant tout le récit de la jeune fille. Il s'imaginait assez bien la scène à vrai dire, à croire qu'Elia était bonne narratrice. Ou était-ce son sourire qui était contagieux ? En tout cas, une femme qui ne pouvait être à la fois guerrière et coquette, c'était plutôt facile à concevoir. Il lui semblait que les mère et fille étaient totalement opposées en la matière. L'une musclée et douée au combat, l'autre gracile et soigneuse. Un garçon manqué et une véritable jeune femme en somme...
Lorsqu'Elia se redressa, il réalisa alors qu'il la regardait depuis un bon moment en fait... Même une fois que le silence c'était fait entre eux, il n'avait pas cessé de détailler les traits de son visage et de contempler son sourire. Il replia ses jambes et se redressa pour venir poser ses coudes dessus, en profitant pour se dissimuler une fois de plus sous sa capuche. Entre l'attitude de l'adolescente et la façon qu'ils avaient de se regarder l'un l'autre, il ne savait plus tellement où se mettre... Il ne répondit d'ailleurs à son compliment que d'un sourire faible mais non moins sincère.

Après un nouveau silence, Elia prit sa main dans la sienne. Ilan fixa d'un air stupéfait et interdit l'endroit où se déroulait ce contact qui avait ça de différent qu'il semblait emprunt d'un message caché... Il sentit son cœur se mettre à battre violemment dans sa poitrine et il ne parvint à le calmer qu'au prix d'un gros effort. Finalement, la jeune fille reprit une attitude à la fois désinvolte et espiègle avant de lui proposer d'aller faire un tour. Il regarda les barques qu'elle lui indiquait puis se retourna vers elle.

-Parce que tu sais ramer toi ? Plaisanta-t-il.

En toute logique, c'était à l'homme de s'en charger mais avait-elle bien regardé son ami ? Il y avait plus résistant et plus costaud que lui... Il ne ferait pas cent mètres qu'il serait fatigué et devrait faire demi-tour pour être sûr de pouvoir les ramener sur la rive... Non, ce n'était pas une bonne idée.
Finalement, Ilan se mit debout et offrit sa main à Elia pour l'inviter à faire de même.

-Marcher, ça m'ira très bien. Je baisserai régulièrement la tête pour soulager mes yeux. Ce n'est pas comme si je ne le faisais pas déjà... Lâcha-t-il avec sarcasme.

Même s'il n'avait plus l'habitude de voyager, il n'avait pas perdu ces réflexes qui lui permettaient de continuer à vivre son quotidien sans prendre de risque tant pour sa peau que pour ses iris. Pour quelle autre raison endurerait-il une veste et des gants en pleine saison chaude sinon ? Ils prirent une direction que le jeune homme pensa être choisie au hasard.

-Tu connais un peu les environs ? Parce que moi, pas du tout. Confia-t-il, s'en remettant à elle pour la suite de leur périple.

-Tu connais un peu les environs ? Parce que moi, pas du tout. Confia-t-il, s'en remettant à elle pour la suite de leur périple.

« Un jour, il faut vraiment que tu explore la région, elle regorge de savoir. Surtout, pour tes inventions, tu as de quoi t’inspirer à l’extérieur. L’atelier ne fait vraiment tout. » disais-je sans une once de méchanceté. « Enfin, ça marche pour moi. Mais, pour les inventions, je peux dire que c’est pareil. La nature est un livre ouvert. »

Je lui adressais un sourire complice. Plus, je m’amusais à le regarder. Plus, je m’imaginais que plus tard, il ressemblera à son père. Son père était un bel homme. Ilan était charmant, envoutant…Avec une activité sportive, il serait plus que charmant. Bon sang, je rougissais de nouveau à cette idée. J’ai un homme presque parfait. Je vais t’apprendre quelque chose. Un homme devient beau grâce à sa femme. Trouve un homme qui te plait. Restes avec lui. Tu verras, pour toi, il cherchera à te plaire disait-elle la demi-sang, l’amie de mon ancien maitre. Peut être que c’était vrai, je le mettrais d’autant plus en valeur…
Mais qu’est qu’il m’arrivait. Pourquoi ? Pourquoi, mon esprit s’imaginait que j’allais être avec lui ? Bon sang, il m’attirait et ne cesse de m’attirer. Que vais-je faire ? Dois-je me faire comprendre ? Elia, par les dieux, les jeunes garçons te firent la cour. Tu savais comment faire pour y refouler. Puis, tu savais observer les autres filles.

Alors, nous marchions ensemble en direction du petit « village » qui n’était pas trop loin de la grande ville.  Mais au loin, je pouvais voir que le village était assez accueillant, voir, très chaleureuse. Arcam avait peut-être toute prévue pour qu’on soit dans un milieu adapté à nos sentiments. Peut être que cette journée était tissée par le dieu lui-même ? Dans ce cas, je me laissais guider. Pour savoir si Ilan ressentait la même chose que je ressentais pour lui. Je tentais une petite expérience.

Nous marchions en direction de ce petit hameau. Je venais délicatement prendre sa main, lui rassurant avec un petit sourire.

« Je me dois de te guider. Je n’ai pas envie que tu te perdes. » riais-je avec taquinerie.

Je gardais bien sa main avec la mienne. Nous nous approchons de l’auberge du village. Là-bas, il doit avoir des boissons fraiches ou de la liqueur. Oui, c’était un bon endroit pour se détendre. Ilan serait surement heureux de pouvoir reposer ses yeux. Nous rentrions dans l’auberge. Le lieu était encore vide. Cependant, un vieil aubergiste était en train de nettoyer sa table. Il s’arrêta en nous voyant. Il se mit à sourire à pleine dent

« Oh….bienvenue dans mon petit auberge ! Je vois que vous êtes venue en amoureux ! Profitez de cette chaleur agréable dans mon auberge!. » tout de suite je me mis à rougir, tournant la tête sur le côté. Je retirais délicatement ma main, couvrant mon visage. « Oh…hahaha ! Je vois d’accord. Ecoutez, asseyez vous ! Je vais vous préparer une liqueur exprès »

Il se dirigea dans le comptoir émettant un petit rire. Cet aubergiste prenait un malin plaisir de s’amuser sur mes sentiments.

Tandis qu’ils marchaient côtes à côtes, Ilan sentit la main d’Elia venir prendre la sienne et il la regarda faire sans rien dire. Caché sous sa capuche, il sentait son visage chauffer brusquement et son coeur s’emballer sans comprendre ce qu’il lui arrivait. Il ne dit rien et ne chercha en aucun cas à se défaire de son emprise. Ce contact le gênait terriblement mais il l’appréciait aussi… Trop pour y mettre fin.
Chemin faisant, ils se dirigèrent vers un petit hameau non loin de Thaar et Elia les entraîna à l’intérieur d’une auberge. Le tenancier mit les deux pieds dans le plat en utilisant le terme “amoureux” et cela eut pour effet de séparer leurs mains instantanément. Ilan se gratta l’arrière du crâne à travers sa capuche avec gêne. Oui, bon, d’accord, il avait fini par soupçonner certaines choses concernant les sentiments d’Elia mais il en était visiblement au même stade qu’elle alors difficile d’encaisser une remarque comme celle-là…

L’aubergiste comprit bien vite sa gageure et leur proposa aussitôt un rafraîchissement pour passer à autre chose. Se grattant toujours l’arrière de la tête, le fils de la lune se tourna à moitié vers son amie et la découvrit en train de se cacher derrière sa main. Il soupira comme pour essayer d’évacuer sa propre gêne et, prenant sur lui, il vint lui redonner un coup d’épaule amical et il adressa un sourire rassurant. Puis il lui indiqua une table, l’invitant à y prendre place. Il joua les galants en lui tenant sa chaise avant de venir s’asseoir en face d’elle. Ils restèrent là quelques minutes sans s’adresser la parole. Le moins que l’on pouvait dire, c’était que le tenancier avait jeté un seau d’eau froide sur la bonne ambiance de leur sortie… Ce dernier vint finalement les servir et s’enfuit aussitôt, faisant mine de retourner à son travail pour les laisser tranquille.
Le temps s’écoula de nouveau sans que plus aucun des deux n’osent prendre la parole. Ce silence s’avérait des plus gênants et Ilan imaginait sans mal que le ressenti était le même pour Elia. Seulement, il ne parvenait pas à trouver un sujet de conversation pour leur changer les idées, les faire penser à autre chose. La table n’était pas très large si bien que leurs verres étaient tout proches l’un de l’autre. Leurs mains tenaient chacun de leur… Le fils de la lune fixaient les doigts d’Elia, s’efforçant de faire fonctionner son cerveau afin de trouver une idée de sujet de discussion.

-Et tu… Il s’arrêta pour se racler la gorge, chassant sa gêne. Tu travailles sur quelque chose toi en ce moment ?

Il l’écouta lui répondre, attentif mais à la fois distrait. Ses yeux oscillaient entre ceux de la jeune femme et leurs verres. Il avait envie de faire quelque chose mais il hésitait, essayant de ne rien laisser paraître. Il but une gorgée de sa boisson puis reposa son gobelet sur la table, le tenant toujours. Elia lui parlait de son art, de ses derniers travaux et il enregistrait chacune de ces informations comme si elles étaient précieuses. Et puis, tandis qu’elle parlait toujours, il étira les doigts de sa main gauche… qui vinrent effleurer ceux d’Elia. Ses yeux étaient plongés dans les siens, il l’écoutait… Mais il mourait d’envie de faire ça depuis plusieurs minutes maintenant. Voyant qu’elle le laissait faire, il détacha un peu plus sa main de son verre pour venir caresser le dos de celle de l’adolescente dans un contact aussi doux que fugace.

               Ilan avait réussi à trouver un sujet. Elia lui partageait son envie de démocratiser la peinture au peuple, de peindre les murs de la cité, de faire des bâtiments même des  toiles à ciel ouvert. A ses yeux, l'art ne limitait pas à la classe aisé; la peinture s'adaptait à tout niveau de la société.. Mais, elle parlait davantage de ce qu’elle avait appris auprès de son maitre d’art et des petites découvertes qu’elle avait vu par ci et par là dans divers livres. Enfin, elle parlait pour oublier la gêne.
               
Mais par les Dieux, Ilan la fixait avec une tendresse infinie. Elle sentit la main d’Ilan se posait sur la sienne. Elia se laissa faire, sentant Ilan en train de caresser la peau de sa main. Sans se rendre compte, Ilan lui avait donné un indice sur ses sentiments. La jeune femme savait qu’Ilan aura du mal à faire le premier pas. Elle continua à lui parler pour tenter de combler le vide.

Son attention se porta peu à peu sur les lèvres du jeune homme. Tout de suite, elle avait envie de lui confirmer ses sentiments. Elle avait envie de gouter à ses lèvres, même de  sentir ses lèvres sur les siennes. A chaque fois qu’elle le regardait, elle le trouvait beau. Il était différent des autres hommes. Sa chevelure blanche lui donnait un charme qu’elle ne savait pas comment décrire. Sa tendresse lui chavirait le cœur.

« S’il te plait, tu peux fermer les yeux ? Il faut que je te montre un truc. »  Elle le fixait droit dans les yeux en attendant qu’il ferme définitivement les paupières.

Lorsqu’elle était certaine de voir ses yeux clos, son cœur se mit à battre la chamade. Ses joues devinrent rouge tomate. Elle respira lentement, surement. Elle se pencha délicatement vers lui, se rapprochant petit à petit de ses lèvres. Pour un petit moment, elle arrêta son visage près du sien, hésitante. Était-ce la bonne solution de l’embrasser pour de bon ? Il risquait de la rejeter, casser leur amitié. Son cerveau la poussait à ne pas oser, ne pas franchir cette limite. Quant à son cœur, il lui hurlait de l’embrasser, d’oser ! Misère ! la dualité la fatiguait. Et ! puis ! Zut ! Elle s’approche. Ses lèvres se posent sur celles d'Ilan. Son cœur s’arrête un instant. Son corps se met à frissonner de peur et d’excitation ! Là, pour le coup, elle attendait son ultime vérité.

« Voilà, je voulais le faire depuis longtemps, de partager ce que je ressens pour toi. Je ne sais pas pourquoi… mais, j’ai envie… Je ne pouvais pas me retenir. »

Elle s’assit de nouveau sur la chaise, fuyant le potentiel regard d’Ilan. Le moment était gênant. Pour se rassurer, elle demanda de nouveau.

« Est-ce que…Tu ressens la même chose ? comme je le ressens pour toi ? »

Elia le laissait faire, continuant de parler pour combler le silence qu’il lui offrait en retour, se contentant de la regarder encore et toujours. Il sentait son coeur battre de plus en plus fort. Il avait le ventre noué de peur et, en même temps, il adorait le contact de sa peau sous ses doigts. C’était une sensation angoissante et délicieuse à la fois alors qu’il savait pertinemment ce qui était en train de se jouer. Lui qui, l’heure auparavant, ne comprenait pas l’attitude de son amie ou même la sienne… Il caressait le dos de sa main, appuyant de plus en plus le contact de ses phalanges sur sa peau, comme s’il prenait lentement en assurance. Elle le laissait faire après tout… Cela ne devait donc pas lui déplaire.
Finalement, Elia interrompit ce discours qui semblait ne pas pouvoir se tarir et lui fit une bien curieuse demande. Ilan fronça légèrement les sourcils, interloqué.

-Comment veux-tu me montrer si je ne vois rien ? Demanda-t-il, incrédule.

Elle insista du regard et il finit par lui obéir dans un soupir à la fois résigné et amusé par l’excentricité de son amie. Tout d’abord, il n’y eu rien… Pas un mouvement. Pas un son. Puis il sentit une chaleur près de son visage et il perçut un souffle près de lui… Est-ce que… c’était Elia ? Elle se tenait vraiment aussi près de lui ?! Son coeur se mit à battre si fort qu’il crut qu’il allait lui briser toutes les côtes alentours. Le temps se suspendit jusqu’à ce qu’il ressente un contact sur ses lèvres, un baiser qu’elle lui offrait. Un baiser dont ni l’un ni l’autre ne pouvait profiter pleinement à cause de la peur qui les tenaillait tous deux.
Ilan rouvrit les yeux. Elia se trouvait encore tout près de lui, lui avouant à demi-mot qu’elle avait des sentiments pour lui et qu’elle ne parvenait plus à le garder pour elle. Il eut un bref sourire amusé en constatant une fois de plus l’excentricité et l’impulsivité de son amie. Elle se rassit et il la vit se décomposer d’angoisse après ce qu’elle venait de faire. Cette vision lui déchira le coeur...

Sa main avait arrêtée de caresser le dos de celle d’Elia et était désormais simplement posée sur elle, la tenant à moitié. Il allait ouvrir la bouche lorsqu’un peu de bruit se fit entendre au fond de la salle derrière la jeune femme. Le fils de la lune porta son regard rouge vers l’aubergiste, réalisant qu’il les observait, et ce depuis un moment sans doute au vu de son sourire amusé et attendri. Ilan se pencha en avant et fit signe à Elia de faire de même, comme s’il voulait leur offrir un peu plus de discrétion que ce que le tenancier n’était disposé à leur accorder. Dès qu’elle fut suffisamment proche pour sa voix chuchotante, sa main libre alla se poser sur sa joue et il acheva de compléter la distance qui séparait encore leurs visages. Il l’embrassa de nouveau, d’un baiser un peu plus appuyé et surtout long que le précédent. De quoi répondre à la question d’Elia et laisser leurs craintes s’évaporer pour qu’ils profitent enfin de ce contact qui avait tout de nouveau pour eux et dont ils avaient tout à découvrir...

Elle se laissa conquérir par le baisé d’Ilan. Elle embrassa avec un peu plus d’entrain, se voulant se rassurer. Surtout, depuis un long moment, elle avait fondu pour lui et Arcam jouait d’elle. Oui, il se jouait d’elle avec une relation d’amour qui s’annoncer compliquer. Pour le moment, les deux ne rendirent pas compte de cette union incertaine issus de ce baiser et les épreuves qui risquerait de tomber sur leurs épaules.  Elia le savait le risque qu’elle prenait…Pourtant, Ilan représentait ce qu’elle avait voulu : un homme doux et qui lui ressemble. Elle se complétait tellement bien avec lui…

Elle se rassit sur la chaise, baissant légèrement le regard. Puis, sa main venait chercher Ilan, voulant ressentir sa douceur. Elle souriait par son tout premier baiser. C’était agréable de connaitre le gout des lèvres d’une autre personne, de ressentir cette chaleur sur les lèvres. C’était nouveau. C’était une belle découverte en soit. Pour le coup, elle avait envie de l’embrasser de nouveau pour regoutter de nouveau.

Mais, la réalité de la vie la ramena vite fait à terre. Est-ce qu’il était prêt à s’engager réellement avec elle ?

« Tu sais….je ne vais pas te cacher….je ne pensais pas tomber amoureuse de toi….Pourtant, toute les circonstance aurait pu me mener à d’autre personne » Elle avait une forte chance d’aimer Joshua à cause de leur relation ambiguë, suivit des autres garçons de sa soierie… « Tu me ressemble…je n’ai jamais eu un garçon qui me compléter dans beaucoup de chose…Toi si, tu ne te rends même pas compte comment tu me complètes. Mais, tu es sûr de ton choix Ilan ? Je ne suis pas une fille comme les autres. Je suis la protégée d’une Princesse Marchande en rivalité avec ta Patronne qui vous fournis de la matière première. Tu n'imagines même pas la méfiance qu’elle a pour Krish à cause du siège. Notre relation peut être difficile, voir dangereuse. Surtout pour toi…Je t’aime. Je pense que je n’ai plus à te le prouver…Mais, tu ne vivras pas pour l’instant comme avec une fille des quartiers populaires… »

Elle ne pouvait pas se l’empêcher de penser à sa situation et le risque de leur relation. Maralina était à cran à cause du siège. Alors, un fils de forgeron en lien avec la corporation d’argent, détenue par une Drow…. Elia avait décidé d’aimer un garçon le plus improbable de la planète.  Elle aimait Ilan, mais elle avait peur de lui faire du mal à cause de son statut sociale et de la tension de la situation. Mais, en fixant droit dans les yeux d’Ilan, elle voulait chercher s’il était prêt à prendre le risque. Si, elle voyait un doute ou quelque chose…Elia ne prendrait pas un risque conséquent. Elle voulait s’y engager mais pas pour rien. C’était dans le regard d’Ilan qu’Elia cherchait sa réponse.

« Tu es vraiment sûr de prendre le risque avec moi ? »

Au fond, elle espérait que oui…Mais, le danger la poussa à savoir davantage sur l’amour qui portait à la jeune femme et de son prise de risque. De là, par sa réponse, elle pourrait être prête à tout pour le voir…

Leurs lèvres se séparèrent finalement puis ils reprirent un peu de distance jusqu'à s'appuyer chacun de nouveau au dossier de leur chaise. Ilan se sentait soudainement soulagé. Une tension avait fait son apparition entre eux à la seconde où elle s'était présentée à la porte de sa chambre. S'il n'était pas parvenu à se l'expliquer pendant un bon moment, il ne l'avait pas trouvée désagréable pour autant. A présent, cette sensation s'était envolée, ne laissant place qu'à la douceur des regards qu'ils s'échangeaient. Il se sentait encore différent de tout à l'heure et différent de la veille. Il n'était pas encore parfaitement à l'aise, ce qui se comprenait quelque part... Tout ceci était tout neuf et c'était un florilège de nouveautés...
Le fils de la lune jeta un regard en direction de l'aubergiste. Appuyé sur son balai, il se redressa soudainement pour reprendre son travail, dissimulant sa mine attendrie par ce qui venait de se dérouler sous ses yeux.

Tandis que ses doigts se mêlaient à ceux de la jeune fille, il l'écouta sans un mot. Elle craignait pour lui, craignait qu'il se mette en danger en étant avec elle. Certes, les adversaires de sa mère adoptive n'étaient pas des tendres mais elle ignorait encore beaucoup de choses sur lui... Des choses dont il ne pouvait malheureusement pas lui parler. Pas encore. Il en mourait d'envie pourtant mais ce n'était pas à lui de décider ce qu'il pouvait révéler ou non. Comme toujours, il n'était que la cible de dommages collatéraux, celui auquel on s'en prenait parce que plus facile à atteindre. Cependant, il pouvait la rassurer.
Il se redressa pour appuyer ses coudes sur la table et prit la main d'Elia entre les siennes. Il plongea ses yeux rouges dans les siens. On le prenait souvent pour quelqu'un à l'image de son physique : faible. Mais il était bien plus courageux qu'il n'en avait l'air.

-Je te rappelle que je me mets en danger rien qu'en sortant de chez moi. Dit-il avec amusement.

Elle était bien placée pour le savoir... Après tout, cela avait été l'origine de leur rencontre et elle avait pris des risques en se portant à son secours. Elle aurait pu se sauver en le laissant mais elle s'y était refusé. Il ne renoncerait pas lui non plus.
Ses traits reprirent un peu de sérieux.

-On commence tout juste... Soyons un peu discrets pour le moment et voyons comment les choses évoluent.

Ce n'étaient pas parce qu'ils étaient semble qu'ils devaient s'afficher. Surtout si c'était pour leur sécurité. Certes, l'aubergiste était au courant mais il ignorait qui ils étaient l'un comme l'autre. Il ne craignait rien d'eux, pas même leurs noms.
Une main d'Ilan vint effleurer la tranche de la mâchoire d'Elia, son regard tendre détaillant ses traits. Il se pencha pour l'embrasser de nouveau... Lorsque leurs lèvres se séparèrent, il laissa leurs fronts l'un contre l'autre. Les yeux fermés, il laissa une phrase lui échapper dans un murmure.

-Je crois que je pourrais passer ma journée à faire ça...

Son ventre se noua soudain en réalisant ce qu'il venait de dire et il espérait ne pas avoir commis d'impair en parlant trop vite...

« Et moi de sentir tes bras autour de ma taille » répondit-elle avec les mêmes murmures.

Le regard de la jeune fixa de nouveau celle d’Ilan. Son regard était tendre, remplie de complicité. Pour apaiser les petits troubles ducœur, Elia s’efforçait d’attirer des sujets de discutions dont Ilan raffolait. Ils se parlèrent mutuellement comme des oiseaux qui chanter. A une seule différence, ils se tenaient la main avec quelques petits baiser par ci et par là. La jeune artiste l’écouta avec la même patience, toujours remplie de curiosité dont elle ne pouvait pas s’en passer. Lorsque le soleil commençait à se coucher. Ils rentrèrent ensemble.

Elia gardait le bras de son amoureux avec ses mains. Ils s’échangèrent du regard, marchant en direction de la Grande Cité. La jeune femme profitait à chaque seconde ce petit moment à deux. La situation était étrange. Le stress n’était plus là pour laisser place à une sensation agréable ou une euphorie. L’artiste était joyeuse et le fait d’avoir son premier petit ami lui était totalement étrange. Oh, elle connaissait bien les histoires d’amours à travers les livres ou de ses amis. Mais, vivre une histoire d’amour était étrange. Sa relation avec Ilan était bien plus étrange qu’avec Joshua. Tout était aller vite…Tout était rapide…c’était déstabilisant.

En ville, le cœur d’Elia se mit à battre à mille allures. Non, elle ne voulait pas quitter son amoureux, de rentrer au palais.  Pourquoi il n’existait pas la magie de ralentir le temps pour profiter un peu plus de ce moment ? ça serait tellement agréable.

Dans combien de temps, je vais le revoir ? Une Enneade ou plus ? Ça va me paraitre long…très long.

A cette idée, la jeune femme réfléchissait déjà un moyen de le retrouver. Avec un peu de malice et d’observation, Elia savait comment revenir. La situation à Sol’Dorn monopolisait l’attention de Maralina. Et c’était le meilleur moment de fuguer pour le revoir. Elle sourit à cette idée.

Après une longue marche de retour, ils arrivèrent devant l’atelier du paternel.. La jeune fille regarda le visage de son petit ami, passant une main sur sa mâchoire. De la pointe des pieds, elle vint chercher son dernier baisé de la journée. Le baisé était long et passionnée, laissant une empreinte indélébile dans le cœur d’Ilan. La jeune femme lui adressa un sourire amusé, gardant néanmoins sa gêne.

« Je n’ai pas envie de rentrer…Hélas, je n’ai pas le choix. Tu me manques déjà. »

Elia regarda son poignet, détachant un de ses bracelet qui orner son bras. De là, elle attacha sur celle d’Ilan. C’était un petit Bracelet qu’elle affectionnait fait par un petit artisan. Ce n’était pas un bijou de grosse fortune mais son travail de cuir était soigné et le créateur avait mis beaucoup d’amour dans ce bracelet.  Puis, elle garda un petit moment sa main avant de se détacher de lui avec un dernier sourire radieux avant de partir en courant rejoindre Joshua qui l’attendait.