Terrains d'entraînement | S'échapper à tire d'ailes [PV Gwilithiel]

Arkuisa de la Seconde ennéade de Verimios
Alentours des terrains d’entraînement d’Alëandir
Matin

Un clinquement métallique hurle le choc de l’épée contre ton bouclier. Un souffle arcanique traverse les veinules de pierre de Yutar de ton focaliseur. L’acier akhar prend une teinte d’un sombre mordoré. Ton avant-bras s’écarte violemment. Tu ouvres grand ta garde, mais dans le même temps tu repousses puissamment ton adversaire. Une passe d’arme, et profitant de ta plus longue allonge, tu écrases le pied de ton sceptre contre sa poitrine, lui infligeant une douleur qui n’aurait pas dû être, et marquant ainsi la fin de votre duel.

Auriez-vous été ennemis qu’ainsi sa vie aurait été prise.

Mais même ton adversaire défait tu restes alertes. Tu roules sur le côté, reste bas sur tes appuis. Dans ton casque un sifflement résonne. Ton bouclier se lève devant toi, une flèche s’y écrase. Ton sceptre fait un tour entre tes mains, ta garde s’ouvre, un trait se heurte à ton plastron, tu refuses de frémir. Risque calculé. Il en faut plus pour passer au travers de ta carapace, mais il n’en faut pas plus pour briser un elfe. Ta poigne droite se resserre, l’horloge termine de sonner son glas dans ta senestre, un tonnerre d’éther foudroie un archer, rapidement cueilli par un de tes lanciers d’alliés.

C’est fini maintenant.

Ton cœur continue de battre la chamade, pendant quelques secondes encore tu restes en position de combat, tout comme tes camarades, jusqu’à ce que le souffle du vent, seul à briser le silence, ne vienne confirmer votre victoire. Une victoire dont aucun d’entre vous ne se vanterait, pas même une seule seconde, car vaincre vos alliés vous rappelait qu’ils étaient faillibles, tout comme les défaites ayant précédé cette victoire vous rappelaient que vous l’étiez.

- C’est bon tout le monde ! ta voix et ta main se lèvent ensemble Vous pouvez souffler un peu. Reprise à la demi-heure. courte pause, au vu de votre état à tous Je sais que vous êtes épuisés, mais vous le savez comme moi…

- …C’est à ce moment qu’on progresse. un des archers répond, sourire au visage malgré une mine visiblement éprouvée Et de toute façon, ce sera encore pire sur le terrain.

Tu hoches pensivement la tête pour toute réponse. Si seulement ce n’était que « pire ». Les nuits trop courtes, les journées trop agitées, l’odeur de la mort, les hurlements des combattants, l’idée de ne peut-être pas voir le lendemain… tu n’avais pas envie d’avoir à partir en campagne. Que pour toujours la forêt puisse vivre dans son habituel état d’alerte, que pour toujours vous en gardiez les frontières sans jamais que l’agresseur ne se décide à revenir, et tu serais heureux. Que la guerre n’éclate jamais et tu pourrais presque sereinement profiter de tes enfants et ton épouse. Que la guerre n’éclate jamais et tu pourrais prendre le temps de les voir grandir en même temps que le Royaume nouveau dont tu es le Seigneur-Protecteur. Mais la guerre éclaterait. Probablement plus tôt que tard.

Depuis ton retour de la frontière Oësgardienne, les paroles de l’Eldéenne aux yeux bleus tournent en boucle dans ton esprit. Tu es préoccupé. Pensif. Tu sens venir la tempête. Pourtant il fait froid. L’hiver est descendu sur vous, et Alëandir a vu ses premiers flocons depuis quelques années déjà. Chose exceptionnelle, quand l’habituel écart entre les hivers assez rudes pour que la moindre poudreuse touche la Capitale se compte en décennies, si ce n’est en siècles. Et l’Elda n’est pas un peuple de l’hiver. Volcans et déserts, delta de fleuves méridionaux, c’étaient là les terres conquises – et d’une manière ou d’une autre conservées – par l’Elda. Les deux prochains mois devraient être plus ou moins tranquilles, vous donner le temps de vous préparer correctement.

Ils ont besoin d’un exutoire plus qu’autre chose, une cible facile.

Les têtes dirigeantes du Puy vont devoir donner à leurs armées une croisade pour se défouler, sans quoi, il risque fortement d’y avoir un nouveau schisme.

Naélis par exemple.

Avec la visite de Glinaina, l’accord des Protecteurs, les missives Vaanies, le geste des Dawis, l’ouverture de la Siriya… tout concordait beaucoup trop. Tout était trop fluide. Trop efficace. Que l’on ne vous oppose que si peu de résistance voulait dire que la résistance viendrait ailleurs. Sans faillir. Que l’on ne vous oppose que si peu de résistance voulait dire que tu n’étais pas le seul à craindre pour l’avenir. La peur de la guerre a cette manie de faire avancer les choses qui auraient autrement pris de longues décennies à se construire. Calimenthar soit maudit, tu détestes voir le destin te rappeler l’importance de celui qui livra le premier combat.

Et à quelques pas des lieux d’entraînement, après une pensive errance, tu lèves le visage au ciel, tes yeux attrapant l’ombre d’un éclat d’or traversant les cieux. Bienheureux que tu es de ne pas vivre avec le poids du Choix Unique pensée offerte à l’oiseau mesurant l’étendue de sa liberté. L’oiseau que pendant un bref instant, oubliant quel don précieux est ce fameux Choix, tu jalouses.