Elle pourrait s'habituer aux applaudissements, c'était certain. Il fallait dire que c'était beaucoup plus confortable que les huées, les insultes, le mépris et les désagrément de la douleur et de l'humiliation. Quoique, dans un cadre contrôlé, l'humiliation et la douleur pouvaient avoir leur intérêt. Dans un cadre moins contrôlé aussi, mais ca c'était quand on aimait prendre des risques. Elle aimait prendre des risques.
Mais pas cette fois. Cette fois, on adulait Diolanda de la Vega, à moins que ce ne soit la championne de Thaar ou le tueur de roi. Peut-être Xan'darin avait-il ses fans. Shyn'tae pensait qu'il était surtout connu du cercle restreint "des gens importants". Était-ce vraiment une mauvaise situation? Certainement pas.
Mais alors qu'elle dansait pour le public, ses pieds nus et fragiles valsant appuyés sur le vide à près d'un mètre du sol, Eveil dressée reflétant la lumière du soleil comme une lame de flammes, le sable autour d'elle l'accompagnant comme des serpents de poussière, elle avait gouté au public.
Allez-y. Regardez la championne de Thaar.
La noirceur de sa peau se confondait avec celle de l'étoffe, les plumes d'argent brillaient. Elle montra ses Griffes.
Admirez Griffargent.
***
Après un énième rappel, la drow et ses collègues avaient disparus dans les tréfonds de l'arène. C'était fini. Après la victoire, l'adrénaline retombait. C'était moins pire cette fois, car comment vraiment parler de victoire lorsqu'il n'y avait pas vraiment combat, lorsqu'on ne pouvait pas perdre? Quel intérêt alors ? Elle ne voulait que s'abîmer dans le plaisir au creux des bras de Modeste ou dans le travail au creux de ceux de Cécilie.
Remerciements, félicitations... Le maitre de cérémonie aurait certainement voulu passer la soirée avec elle... Peut-être était-ce possible, si elle faisait rentrer Cécilie et Modeste au buffet. Elle se souvenait qu'un buffet était prévu.
Elle s'y accrocha. Les buffets, cela marchait toujours.
Elle était arrivé à sa loge. Non, ce n'était pas elle, la sienne était à coté. D'une main ornée de griffes d'argent, elle passa une mèche rebelle derrière son oreille. La drow fit la moue. Il ne s'était rien passé pendant le spectacle. Dante avait forcément prévu quelque chose, mais il ne s'était rien passé. Les drows n'avaient rien fait non plus, ce qui signifiait que soit Krish n'avait jamais parlé, soit personne n'avait rien à fiche de l'ombre. Il était difficile de départager les deux hypothèses.
Qu'avait-il prévu?Elle frappa à la porte.
Rien ne répondit. Peut-être n'était-il pas là. Elle ferait une surprise à l'abrutis, puis après, elle ferait jouir Modeste. Une fois. Peut-être deux. Ou trois. Shyn'tae n'était pas certaine que Cécilie soit d'humeur. Peut-être cela valait-il le coup de tenter.
La drow regarda à gauche, à droite. Personne. Alors elle entrebâilla la porte de la loge de X'andarin et se glissa à l'intérieur.
Elle ne fut pas déçue.***
- LA COMETE!
Il y avait encore beaucoup de monde dans et autour de l'arène, le spectacle venait tout juste de se terminer. Shyn'tae se faufilait au travers la foule, à la recherche de ses compagnes, de ses collègues, de ses amantes... Tout cela n'avait aucune importance, il fallait qu'elle trouve Cécilie et Modeste. Ou juste Cécilie. Il fallait qu'elle trouve quelqu'un, et surtout il fallait qu'elle s'assure qu'elles étaient vivantes.
Cela signifiait qu'elle n'avait pas particulièrement envie de signer d'autographe. Cela signifiait aussi que peut-être que ledit autographe serait son sang sur un couteau.
Cela n'avait aucun sens.
Personne ne mourrait. Et ben tiens, quelle bonne blague Dante lui avait-elle fait.
Erren. pensa-t-elle.
- Merci, fais de grandes choses. Dit-elle au fan après avoir griffé le dessin qu'on lui tendait.
Trop de monde, elle était coincée. Elle aurait du peut-être... Elle enjamba une barrière, elle avait besoin d'espace. Ses pieds touchèrent le bois, la drow se mit à danser. Tout le monde la regardait. Elle parcouru la foule des yeux, et s'éleva. Depuis les airs, elle trouva ce qu'elle cherchait. Elle devait être aussi discrète qu'un félin à pointe aéroporté, mais cela n'avait pas la moindre importance.
- Irulan! Il s'est passé quelque chose. Je ne suis pas sûre... Il faut que tu vois ca.Elle avait atterrit avec un peu plus de violence qu'elle ne l'aurait voulu au sommet d'un parapet, sur lequel elle se tenait, accroupie, en équilibre, l'épée à la main. Dans ses yeux luisait quelque chose qu'on voyait rarement. De l'inquiétude.