[Odélian] Les bons comptes font les bons amis (Charles)

8e journée de la 7e Ennéade de l'an 18 du XIe cycle.
Château des Prademont.

Trois chevaux remontent le pavé gelé. Un grand, d'ombre et de feu, caracole fièrement, la queue haute et les oreilles droites, devant deux juments placides d'un gris pâle sur lesquelles sont montées deux jeunes filles. La première, petite et blonde, aux yeux d'un bleu pervenche et à l'air d'une truite fraîchement pêchée et n'arrêtant pas de parler, la seconde, une rousse à l'air un peu garconne, inconfortable dans sa robe péninsulaire tout ce qu'il y a de plus conventionnelle.

Derrière suit un âne, avec quelques paquets de première nécessité pour les demoiselles.

Quand au cavalier de l'étalon, de noir vêtu, sobrement mais avec de la qualité,  sa cape fourrée le protégeant de cette température de merde, un fantasque chapeau à large rebord piqué d'une plume écarlate cachant son oeil vert, il lève une main amicale aux gardes à la porte. La voix grave et chantante d'outre-mer s'élève, agréable.

Bonjour messieurs. Je suis Claude Arun Corvac...

Anticipant une réplique culte de Myosotis, l'homme la regarde tout de suite ne recevant que l'éclat innocent des deux prunelles pâles. Il leur a expliqué maintes fois durant le trajet ses projets les concernant.

Et voici mes pupilles, dame Amaryllis et Myosotis De Termers, nous sommes attendus.

Il allait s'en dire que plus que d'ordinaire, le château semblait lourdement gardé. Devant les portes de ce dernier, deux hommes en hallebarde barrèrent en effet la route du trio et si l'espace d'un instant, ils furent interloqués, Dante avait su les rassurés. A la seule évocation de son nom, "Corvac", l'un d'eux quitta sa position pour disparaître dans une office jouxtant le mur d'enceinte de l'imposant édifice comtal. l'homme semblait se hâter, surtout face à la rudesse du temps qui frappait la région.

Quelques minutes seulement après avoir disparu, l'individu réapparut mais accompagné d'un homme à l'apparat de riche facture et le visage qui se dessina sous les yeux de Dante ne pouvait que lui être familier puisqu'il s'agissait du Sergent qu'il avait épargné durant l'assassinat de Gaubert de Prademont.

Si le grassouillet personnage ne semblait pas surpris de la vision de l'assassin, il n'en demeurait pas moins craintif lorsqu'il s'approcha jusqu'à hauteur de monture pour ainsi vérifier à qui il avait à faire.


- Hmmm... mes salutations Monsieur Corvac. Le Comte vous attendait, en effet, j'espère que vous avez fait bon voyage. Et je vois que vous êtes bien venu avec les deux jeunes filles.

Dit-il d'une voix légèrement roque avant d'inspecter brièvement les deux enfants puis l'âne qui sans doute portait quelques effets personnel au trio. Il toisa alors les deux hallebardiers avant de leur passer quelques consignes.

- Vous descendrez les deux jeunes filles dans la cours intérieur du château, après quoi vous mènerez les montures aux écuries et n'oubliez pas de faire appel à quelques domestiques pour les bagages.

Ce faisant, on ouvrit la voie aux trio après avoir ouvertes les doubles portes du château. Le sergent laissa ensuite Dante et les deux filles quitter leurs montures respectives avant de les inviter à côtoyer les couloirs chaud et sec de l'édifice en pierre. Au bout de quelque pas, l'homme reprit la parole à l'intention de l'invité principal.

- Voulez-vous rejoindre vos appartements ou dois-je vous installer au salon. J'imagine que les filles ne devrons pas être présentes. Je peux faire mander la Comtesse Solange pour s'occuper d'elles ? A votre convenance.

Pendant le temps que le garde allait chercher qui de droit, Dante fait bouger un Melkor impatient qui caracole crânement entre les deux juments. Tranquillement, il vérifie la mise des deux jeunes filles, donne des codes à craquer à Ama pour qu'elle s'occupe, vérifie verbalement que Myo a bien ce qu'il faut pour les défendre.  

Il vient à peine de terminer son tour d'inspection que le supérieur du garde apparait. Renâclant sourdement et encensant, Melkor semble de très bonne humeur. Dante retourne un oeil neutre et terne au sergent. Intérieurement, cette crainte n'est pas pour lui déplaire. L'Ombre travaille dur pour susciter de telles émotions chez ces ennemis. Ca n'empêche pas que ces salamalecs sont des pertes de temps. Mais bon, en péninsule, on fait comme les Péninsulaires.

- Hmmm... mes salutations Monsieur Corvac. Le Comte vous attendait, en effet, j'espère que vous avez fait bon voyage. Et je vois que vous êtes bien venu avec les deux jeunes filles.

Les deux jeunes femmes... Dame Amaryllis et Myosotis de Termer. Corrige t'il calmement le sergent à haute, ferme et intelligible voix. Il veut que les gens sachent que c'est lui qui les a. Qu'elles vont bien. Elles n'ont jamais été aussi heureuses et elles sont un atout non négligeable dans ses grands projets. Stoïque, il le laisse donner ses ordres. Manifestement, selon son allure, sa flèche dans la cuisse a été dûement récompensée. lui, il aurait donné un autre genre de récompense. Traitre une fois veut dire qu'il y a possibilité de récidive.

Bref, après avoir descendu dans la cours et donné son exigence de laisser Melkor à l'extérieur dans un enclos, ils suivent leur guide dans les corridors

Voulez-vous rejoindre vos appartements ou dois-je vous installer au salon. J'imagine que les filles ne devrons pas être présentes. Je peux faire mander la Comtesse Solange pour s'occuper d'elles ? A votre convenance.

Le trio nommé échange un regard, l'estreventin demandant silencieusement leurs avis. ou plutôt celui de Myosotis à ce sujet. Un léger haussement d'épaules fort discret lui répond.

Mes pupilles savent se récréer seules. Si dame Solange désire côtoyer ces deux soleils purs et joyeux. Elles seront honorées de la présence de la dame de ces lieux. Voilà un moment qu'elles n'ont pas cotoyés une dame de sa qualité. Elles auront sûrement beaucoup à échanger et à raconter sur leur vie à Thaar.


En deux mois, Amaryllis a apprise à marmonner ses réflexions inintelligiblement entre ses dents. mais Dante entend et réprime un sourire amusé.

Pour ma part, continue t'il d'un ton calme et posé, sa voix grave roulant sur les syllabes de sa facôn chantante d'outre mer. Mon entrevue est à la convenance de messire de Prademont tant que c'est dans un délai raisonnable, je dois repartir bientôt... Vous avez sûrement ouïe dire l'instabilité de l'Itriivaan.

Le sergent semblait légèrement boiter alors qu'il guidait l'Ombre dans les couloirs du château comtal, gage que les convenances de la pointe en acier n'avait pas encore terminé de faire ces effets sur le muscle de l'homme qui avait gagné en galon depuis la fin du complot. S'il avait été reprit par l'invité de Charles, ex-sergent préféra mettre toute orgueil de côté sachant fort bien qui était l'homme qui suivait ses pas et de fait de la dangerosité de ce dernier.

Finalement les deux héritières de Termers tiendraient compagnie à la Comtesse Solange, ainsi l'homme claqua des doigts et un domestique qui stationnait un peu plus loin se précipita pour recevoir les ordres de bedonnant personnage.

- Accompagne Dame Amaryllis et Myosotis de Termer au boudoir et va faire quérir sa Grâce, Solange d'Escaut. Elle sera ravie de leur compagnie.

Sous le regard et le consentement de Dante, ils laissèrent alors les deux filles au bon soin du petit personnel de la maisonnet avant que le duo ne reprenne la marche en direction de l'escalier qui menait à un complexe de salle où se trouvait le vaste bureau du Comte D'Odelian. Le lieu semblait non pas en restauration mais toute trace d'effet personnel du défunt Gaubert semblait laissé le lieu vide de décoration. Apres tout, Charles de Przdemont avait été nouvellement nommé et sa préoccupation n'était pas rendre ce lieu à son image.

Si l'officier Royal ne s'était encore accorder à cet exercice de gout et confort personnel c'est parcqu'il était fort occupé, devant gérer en parallèle sa fonction d'intendant a la justice à Diantra. Une lourde organisation a mettre en oeuvre avec ces hommes de confiance dont a présent faisait également parti l'individu qu'on laissa patienter dans l'office non sans lui proposer un rafraîchissement. Prenant congé, l'ex sergent rajouta d'un timbre de voix neutre mais bienveillant.

- Sa Grâce ne vous fera guère attendre, il sait ô combien votre temps est précieux, et la guerre fait rage à Naelis.

Et en effet, Dante eut a peine quelques minutes à attendre que Charles arriva en trombe mais dans une allure altière, franchissant la porte, un très large sourire aux lèvres à l'endroit de son complice comploteur. A huit clos, il écarta les bras pour accueillir l'Ombre.

- Vous voilà enfin ! Et j'ai ouïe dire que les héritières Termers sont avec vous. Solange sera folle de joie. Allons mon ami, comment vous portez-vous et comment me trouvez-vous dans ce riche apparat ? Plus clingant que ma toilette d'officier royal ! Ahah !

Il eut un rire taquin face à cette grossière plaisanterie, mais Charles semblait de très bonne humeur avec cette visite du jour. La joie pourtant, allait bientôt laisser place à une mine plus sérieuse car mieux que quinconque Charles savait que  Claude n'était pas venu tailler une bavette mais réclamer son dû.

- Combien de jours pensez-vous rester ? Il vous faut rejoindre rapidement le Sud je présume avec vos pupilles.

Compliment et bonne humeur accompagnèrent l'entrée sur scène du nouveau Comte d'Odélian, qui au grand soulagement n'était pas venu l'étreindre. Laissant alors l'Ombre répliquer, Charles de Prademont se dirigeait vers son bureau pour y ranger quelques babioles et laisser sa tenue devant un miroir qui le poussa à s'offrir quelques burlesques poses avant de finalement pivoter ses son invité de marque personnel.

Le contenu des déclarations de ce dernier confirmèrent les doutes de conclusions vis à vis de la situation dans le Sud du continent. Exposant ces points dans une attitude toujours aussi calme qui le caractérisait si bien, Dante reçu alors toute l'attention de son compagnon de complot.

- Vous sollicitez l'officier Royal que je reste et dans cette affaire qui requiert toute mon attention et celle de mon épouse Solange. La Justice Péninsulaire n'en evidemment pas terminé sur cette affaire, mais les charges sont telles que j'ai le pouvoir de vous octroyer la tutelle de Termers.

Il s'avança vers l'Ombre et posa une main entendu sur son épaule, le fixant dans le blanc des yeux avant de reprendre la parole avec humilité et discernement.

- Ce climat nous sollicite tout deux en effet dans nos obligations. Je dois encore d'ailleurs parfaire l'organisation de mes affaires à Diantra, fort heureusement j'y ai toujours des hommes de confiance. Je vous rédigerez cette lettre de tutelle ce soir certainement... mais je suis aussi certains que vous êtes également dans l'attente d'un autre document, vos lettres de noblesses.

Il esquissa un léger sourire à la commissure de ces lèvres avant de ne pas plus laisser se languir son homme de confiance.

- Elles sont en cours d'instruction au Palais. Comprenez que la bureaucratie à ces avantages mais aussi ces défauts. Nous sommes sur un privilège plus que conséquents, qui doit être signé par plusieurs Hauts Officiers, mais c'est en très bonne voix. J'imagine d'ailleurs qu'un coursier ne saurait tarder à cette effet. A moins que vous ne l'interceptiez en repartant.

Il fini par hausser des épaules pour conclure.

- Seulement si vous le manquez... vous retarderez votre anoblissement, ce qui veut dire qu'il est préférable que vous restiez au moins quelques jours et pour sûre, à la plus grande joie de Dame Solange l'Escaut et de vos pupilles. Après tout, elles vont être confrontées à un Sud instable, un peu de joie ne pourra que leur faire le plus grand bien avant cette nouvelle épreuve.

Charles tenait donc ces promesses sous couvert de cette affaire Termers suffisemment avancée pour que le démarches soient en cours d'instruction.

L'Estreventin s'incline poliment, selon les usages. Tout se passe bien pour le moment, il n'a pas à se plaindre.  Sa voix grave et rauque roulant comme l'eau sur des galets.

Je vous remercie de cette marque de confiance messire.

Se redressant, une main se pose sur son épaule. Cinq doigts et une paume douce d'homme qui travaille plus de son cerveau que de ses mains. Cinq doigt, des phalanges et des aspérités qui lui font plier sa chemise qui gratte sans pitié son épiderme sensible. Charles a pu sentir sous sa main, au moment où il l'a posée, un infime spasme.  Les prunelles d'ambre et de vert vif se posent, indéchiffrable, sur son vis à vis Péninsulaire. Le noble en devenir a la présence d'esprit de se taire et de le laisser parler. Ainsi donc viennent les fameuses lettres de noblesse qui devraient arriver incessamment. La faciès inexpressif de l'Ombre ne s'illumine pas à cette mention. Le noble peut être certain par contre qu'il a toute l'attention de l'assassin.


- Seulement si vous le manquez... vous retarderez votre anoblissement, ce qui veut dire qu'il est préférable que vous restiez au moins quelques jours et pour sûre, à la plus grande joie de Dame Solange l'Escaut et de vos pupilles. Après tout, elles vont être confrontées à un Sud instable, un peu de joie ne pourra que leur faire le plus grand bien avant cette nouvelle épreuve.

Une légère inclinaison de tête répond à l'Officier Royal de la justice.

Vous êtes trop bon messire. J'ai quelques affaires sur la route à régler d'ailleurs, ici et là, dont celle de trouver la gouvernante. Si mes pupilles sont d'accord, je veux bien vous les confier une ennéade ca sera plus simple pour moi de trouver la perle rare du Nord pour les éduquer. Sachez cependant  qu'elles sont légèrement excentriques au naturel.  Manoiselles Amaryllis et Myoosotis divertiront Dame Solange pour sûr. Nous disons donc: Rendez vous l'ennéade prochaine?

L'Ombre était un personnage atypique par son inexpressivité. Alors que le commun des mortels auraient volontiers à minima esquissé un sourire satisfait dès lors que le Comte évoquait toute forme de récompense, Corvac lui restait impassible, mais non moins attentif. Par son être, tout portait à croire qu'il serait un homme patient. Et la patience était en soit une vertu indispensable, surtout venant d'un personnage aussi complexe que celui faisant face à Charles de Prademont.

Le sujet dériva alors sur les deux pupilles qui accompagnaient le comploteur et après s'être formulait en un légère inclinaison de la tête, l'Ombre sollicita la bienveillance de employeur pour garder quelques temps sous son toit les deux jeunes femmes de Termers. Le nouvel homme fort d'Odélian ne put évidemment qu'accorder cette faveur à l'homme qui lui avait permit de ce hisser à la tête du pouvoir du Comté.

- Je vous laisserais le soin de leur annoncer. Soyez certain qu'elles ne manqueront de rien durant votre absence et que je prendrais un soin particulier à les préserver de tout danger. J'imagine d'ailleurs, que la compagnie de mon épouse leur sera bénéfique. Une femme extraordinaire, qui acceptera sans conteste un rôle de préceptrice le temps que vous trouviez une gouvernante. Partez sans crainte, nous nous reverrons donc d'ici une énnéade.

Mais avant que son interlocuteur ne prenne congé, Charles n'hésita pas à lui montrer toute son hospitalité, à défaut de lui avouer son affection.

- Le château est tout à votre disposition jusqu'à ce que vous souhaitiez reprendre la route. Au jour de votre départ, des vivres seront à votre disposition mon cher. Prenez le temps de vous reposer.