Sur la plage abandonnée | Zofia & Natael

Sous le joug de ses baisers et de sa caresse sur son sein, la volonté de Zofia s’affaiblit de plus en plus et malgré sa respiration un peu plus rapide, elle ne peut s’empêcher de rire doucement ; son amant n’a pas tort, mais...la prêtresse sent aussi la faim lui tenailler le ventre. Pourtant, elle ne s’écarte pas, le laissant lui découvrir au complet le sein et le lui embrasser. Elle s’apprête à dire quelque chose, mais le coquin s’en va d’emblée jouer de sa langue sur celui-ci, lui soutirant un violent frisson. Son dos s’arque un peu plus et sa faim de nourriture s’estompe pour remplacer celle des lèvres de Natael. Elle le laisse faire quelques instants, mais finit par lui relever doucement le menton, plongeant un regard vaincu dans le siens, mais bouillant de désir. Si elle lui fait autant d’effet, c’est tout à fait réciproque. Elle n’a sans nul doute pas besoin de mots pour qu’il comprenne son choix puisque la prêtresse s’occupe elle-même de retirer sa propre chemise de nuit.

***

Plongé dans ce tourbillon de plaisir, le couple on refait l’amour, jusqu’à ce que les soupirs s’éteignent et qu’ils se retrouvent autour du feu pour réchauffer leur plat maintenant bien froid. Blottis l’un contre l’autre et emmitouflé dans une couverture, ils ont profité de leur repas sous les étoiles, échangeant en même temps. Finalement, lasse malgré le some auquel elle a eu droit, Zofia a finit par s’assoupir contre Natael, trop confortable contre le torse chaud de son amant. Elle s’était ensuite réveillée elle ignore combien de temps plus tard, cette fois-ci dans un lit. Balayant les lieux de peur que tout ceci n’avait été qu’un rêve, la prêtresse avait été soulagée de retrouver le décor de la veille, encore plus en voyant la silhouette de Natael près d’elle, ses épaules se soulevant au rythme de respirations profondes. Zofia avait ensuite souri et lui avait caressé la joue, heureuse de sentir sa douce peau sous son contact. Bercée par le son de ses respirations régulières et des vagues venant s’échouer sur la plage, la jeune femme s’était alors blottit contre lui pour retrouver le sommeil, jusqu’à ce que de doux baisers lui effleure le cou et qu’elle sente une main se glisser sur sa cuisse. Des caresses se sont ensuite échangées et les deux amants n’ont pas pu résister l’un à l’autre, les noyant de nouveau dans la passion.

***

La lumière du matin traversant ses paupières, Zofia frotte ses yeux de ses doigts et s’étire ensuite. Malgré le peu de sommeil qu’elle a eu, la prêtresse se sent très peu fatiguée. Au contraire, cette plénitude qu’elle ressent lui fait terriblement du bien. Elle se tourne doucement vers Natael, qui semble dormir encore et pose un tendre baiser sur son front. Doucement, elle sort donc du lit et frissonne dès que la froideur matinale court sur sa peau nue. Cependant, elle ne compte pas s’habiller maintenant. Elle a besoin de se laver avant.

Chose faite, la prêtresse enfile sa chemise de nuit et, après s’être brossé les cheveux, elle s’affaire tranquillement pour le petit-déjeuner, tout en fredonnant une mélodie d’une voix douce et calme. Elle sort le pain, le beurre et allume un nouveau feu à l’extérieur pour faire bouillir de l’eau. Avec un rapide coup d’œil, Zofia s’assure aussi que les chevaux vont bien et qu’ils ont de l’eau fraîche. Elle revient ensuite à l’intérieur et voyant le plat de fruits joliment arrangé et posé sur la table, Zofia ne peut s’empêcher de sourire ; quoi de mieux que de se délecter d’un fruit le matin ! Et maintenant que c’est le dernier mois de printemps, la jeune femme a déjà bien hâte à l’été, la période durant laquelle la plupart des fruits pourront être récoltés. Elle ne peut donc s’empêcher de tendre la main pour attraper une fraise et croquer dedans, tout sourire aux lèvres.

Allongé sur le ventre, Natael dort profondément et ne sent pas les lèvres qui se posent sur lui, ni la silhouette qui l'a accompagné toute la nuit quitter les draps. Il sommeille comme un bien heureux après des heures d'intenses et tendres retrouvailles. De savoir inconsciemment que Zofia est là apaise son cœur et son Souffle, si bien que c'est la première fois depuis longtemps qu'il ne rêve pas qu'il lui fait l'amour... Parce qu'il a pu remplacer le rêve par la réalité cette nuit.

Tandis que la jeune femme se lave au-dehors à l'aide de la large bassine recouverte d'un linge qu'il a installé dehors, le vitaliste se meut enfin. Après une grande inspiration, il s'étire et se tourne pour prendre son amante dans ses bras. Il est accueilli par du vide. Il ouvre alors les yeux pour découvrir qu'il est seul dans le lit. Il redresse la tête et parcourt la tente du regard, un peu surpris de n'y percevoir aucune agitation. Pourtant, vu l'état de la couche, il est clair qu'il n'a pas passé la nuit seul. Son oreille est alors attirée par un bruit d'eau qui s'écoule. Il tourne son regard vers l'espace aménagé à l'extérieur et il voit l'ombre de la prêtresse projeté sur la tente. Elle est nue et se rince. Cette vision au réveil lui est bien agréable et il la regarde faire tant qu'il le peut. Alors qu'elle se rhabille, il ferme à nouveau les yeux quelques minutes de plus. Il n'est pas du genre paresseux d'habitude mais ils n'ont aucune obligation durant les prochains jours, si ce n'est passer du temps ensemble. Et étant donné ce qu'ils en font, autant qu'il se repose encore un peu.
Lorsque Zofia revient dans la tente, il est allongé sur le dos, un bras sous la tête. Le drap cache le bas de son corps, laissant son buste nu à l'air libre. Le soleil printanier pénétrant la toile aux tons rougeoyants a tôt fait de la réchauffer. Il rouvre à demi les yeux pour voir son amante se servir une fraise et la croquer à pleines dents. Il étire un sourire. Cette scène est si simple... Ils n'ont encore jamais eu l'occasion de partager des jours normaux avant cette petite escapade. C'est apaisant.

Sans un bruit, il se lève et approche la jeune femme dans le dos. Il pose ses mains sur ses hanches et, dans une caresse, les ramène sur son ventre tout en l'attirant à lui. Il l'accueille contre son torse en embrassant son cou puis se redresse pour trouver ses lèvres.

-Bonjour. Souffle-t-il à mi-voix, la couvant d'un regard cajoleur et lui adressant un doux sourire. Comment vas-tu ?

Il est nu derrière elle mais ne s'en soucie pas. Leur nuit a été courte et il est un peu surpris de la voir déjà debout et prête. Quoi qu'elle s'est habillée de la chemise de nuit qu'elle n'a porté que quelques minutes la veille, et non d'une véritable robe. Lui est très calme, voire même serein. Son regard pétille, non pas de désir, mais d'une émotion beaucoup plus tendre.

Trop concentrée à savourer une autre fraise, Zofia n’entend pas son amant se faufiler en douce derrière elle. Un léger sursaut la secoue dès qu’elle sent des mains lui empoigner la taille, mais reconnaît d’emblée Natael, qui la ramène à lui et en profite pour lui embrasser le cou. Elle glisse une main dans ses cheveux en souriant d’aise et se délecte volontiers de son baiser. Elle se retourne pour lui faire face, profitant de ses prunelles qui la toisent avec douceur et tendresse. Elle n’a jamais été la première à se lever durant le peu de fois où ils ont pu jouir d’une nuit dans le même lit, mais ce matin, la prêtresse n’a jamais eu aussi hâte de profiter d’une nouvelle journée auprès du vitaliste.

-Je ne me suis jamais sentit aussi bien depuis deux ennéades, dit-elle en appuyant son front contre le siens. J’attendais ce moment seul avec toi depuis notre dernière rencontre avec Dame Agathe.

Le souvenir de cette dure ennéade avant cette rencontre et le nouveau plan qui en a résulté lui reviennent en tête et la prêtresse tente de ne pas perdre son air serein. Les retrouvailles ont été parfaites hier et si Zofia tarde à se plonger dans cette discussion plus que sérieuse qu’elle aurait voulu avoir avec son amant, c’est qu’elle a peur de gâcher ce rêve dans lequel elle nage avec lui. Elle lui fait confiance, mais a encore du mal à croire tout à fait qu’elle soit tombé sur un homme aussi parfait avec elle ; la jeune femme ne veut pas revivre la même déception qu’avec Anselm et bien qu’elle parvient à ouvrir de plus en plus son cœur à son amant et à laisser son passé sous coffre, il y a cette corde invisible qui semble la retenir toujours un peu.
Toutefois, qui sait ce que la vie leur réservera sous peu... C’est si compliqué pour eux de pouvoir se retrouver ainsi à deux et pendant aussi longtemps que Zofia craint qu’elle ne puisse avoir une réponse. Ils ont soulevé un pan de rideau dans leur relation il y a de cela quelques ennéades qui demande d’approcher ce nouvel environnement avec prudence et communication, au risque qu’ils se blessent s’ils n’avancent pas au même rythme. Cette longue ennéade à se perdre dans les bras de Natael est certes l’occasion pour elle de combler ce manque criant qui la brûlé durant tout ce temps, mais c’est aussi le moment parfait pour qu’ils apprivoisent davantage ces profonds sentiments qui se révèlent au fil de leurs ébats. Elle n’a pas oublié ce que Natael lui a avoué hier…Et Zofia ignore elle-même si elle ne se laissera pas trop emporter par ce tourbillon de passion et de tendresse entre eux, oubliant ses buts personnelles.

-Que dirais-tu de manger et que l’on se promène ensuite sur la plage ? Propose-t-elle en caressant sa joue.

Natael fronce légèrement les sourcils. Deux ennéades ? Pourquoi deux seulement ? Pourquoi pas depuis le début de leur relation ? Ou la fin de la précédente ? Cette phrase le perturbe un peu mais il n'a pas le temps de relever ce détail que Zofia lui propose déjà un début de programme pour cette nouvelle journée ensemble. Un programme bien chaste mais il est pour l'instant d'une humeur plus tendre que sulfureuse donc cela lui convient bien. Et quand bien même ils changeraient d'avis en cours de route, il n'y a personne à des kilomètres à la ronde... Alors qu'est-ce qui les en empêcherait ?
Le vitaliste dépose un baiser sur les lèvres de son amante.

-Accorde-moi cinq minutes, le temps de faire un brin de toilette aussi et de retrouver mon pantalon. A moins que tu me veuilles dans le plus simple appareil pour cette balade mais ce serait au risque que je te demande la même chose.

Il est amusé à cette idée et ne s'en cache pas. Non pas qu'il espère qu'elle le lui demande mais la simple possibilité qu'elle ose lui faire une requête aussi indécente a de quoi le faire rire. Il l'embrasse de nouveau et se détache d'elle à regret avant de prendre congé. Le petit déjeuner se passe dans une ambiance plutôt douce, le regard de Natael s'attardant régulièrement sur son amante et sa silhouette à peine cachée par le fin tissu de sa robe. Il l'observe sans honte. Il se souvient de leur nuit et revoit certains moments de leurs étreintes passionnées mais cela lui étire un sourire tendre et non coquin. Si leur relation est plus que torride, ce n'est pas le désir qui les anime. Ou plutôt... Leur désir est mut par autre chose. Un sentiment qu'il a déjà connu et qu'il prend plaisir à retrouver.

Une fois le repas terminé, le vitaliste couvre le feu avec du sable pour éviter que la brise n'en emporte vers la tente puis ils s'avancent en direction de la plage, main dans la main. Il les dirige vers la falaise qui forme un cul de sac, certain qu'au moins ils ne croiseront personne là-bas. Elle est en chemise de nuit et lui vêtu d'une simple chemise et d'un pantalon. Leurs tenues sont plus adaptées pour une chambre que pour l'extérieur. Il serre légèrement ses doigts entremêlés à ceux de son amante, profitant de cet instant aussi simple que ce début de journée. Il se sent bien, serein, affectueux... D'ailleurs, sans raison particulière, il porte la main de Zofia jusqu'à son visage et dépose un rapide baiser sur son dos. Il en avait simplement envie...

Le feu s'est apaisé en lui, tout du moins pour l'instant.

Zofia sent le regard de son amant glisser sur elle durant tout le petit-déjeuner, mais il n’est pas lubrique. Au contraire, celui-ci est doucereux et étincelant d’affection malgré cette nuit mouvementé qu’ils ont passé, les enveloppant dans une ambiance sereine. La froideur habituelle de Natael a fait place à une plénitude qui lui va très bien et adoucit ses traits d’ordinaire austère. Le pli de concentration sur son front a presque disparu, d’ailleurs. Elle ne peut s’empêcher de sourire durant tout le petit-déjeuner et revient se blottir contre lui pendant qu’ils mangent. Le vent du matin est encore un peu frais à ce temps de l’année et c’est pourquoi Zofia quitte à contre cœur la chaleur du vitaliste lorsqu’il se lève pour éteindre le feu. Elle pose toutefois une couverture sur ses épaules et main dans la main, ils s’éloignent ensuite jusqu’à la falaise.

Zofia remarque que son amant est toujours aussi paisible et le baise main soudain lui arrache un sourire, pendant que sa gorge se serre ; elle espère de tout cœur que ce qu’elle s’apprêtera à lui dire ne durcira pas ses traits et fasse voler en éclat cette aura magique qui les emmitoufle. La prêtresse connaît Natael. Seulement, jamais ils n’ont eu à discuter de ce genre de possibilité, possibilité qui pourrait être désastreuse pour son titre à lui et elle pour son appartenance à l’Ordre. Elle retient un soupir et rassemblant son courage, elle vrille son regard marron dans ses prunelles grises : il est temps de se jeter à l’eau :

-Natael...il y a quelque chose dont je voulais te parler depuis quelque temps, lance-t-elle, en serrant doucement la main dans la sienne. La pause s’étire, mais fatiguée de tergiverser, elle se lance à nouveau. Il y a de cela deux ennéades...mes saignements du mois ont eu du retard.

Elle secoue la tête et s’empresse de le rassurer, consciente que la panique pourrait bien vite ternir la discussion si elle ne s’explique pas davantage :

-Mais ne t’en fais pas. Ils se sont déclenché quelques jours plus tard, réplique-t-elle, en posant sa main sur son bras pour lui serrer sans force. C’était soit un mauvais calcul ou peut-être une angoisse quelconque. Je l’ignore...

Son cœur bat vite et prenant le temps de ravaler difficilement sa salive, elle poursuit, cette fois-ci avec un regard plus fuyant, comme si elle redoutait la suite. Son ton est toutefois très calme, mais non dénué de nervosité :

-Ces jours à vivre dans l’inquiétude ont été très difficile...J’ai pensé à ce que je ferai, car veiller à l’éducation de cet enfant seule et hors mariage aurait été impensable pour moi. L’Ordre des Hospitaliers a besoin de vitaliste comme moi sur les routes.

Un frisson lui parcourir l’échine un instant, et toujours incapable de retrouver le visage de son amant, elle fixe les vagues, essayant de se laisser bercer et calmer par le son qu’elles provoquent lorsqu’elles s’échouent sur la plage :

-Je me suis donc dit que j’aurai pu m’éloigner quelque part, le temps de la grossesse. Et m’assurer surtout de trouver une famille aimante et prête à accueillir ce bébé, même si je ne peux te cacher que cette situation aurait été douloureuse.

Le simple souvenir de cette peine qui l’avait submergé à l’idée de se séparer de ce bébé qui aurait été conçu avec autant d’affection lui soutire un regard brillant de tristesse ; le désir de serrer son propre enfant dans ses bras la tenaille de plus en plus, ce qui aurait rendu cette séparation forcé intenable.
Elle s’arrête finalement et se tourne pour lui faire face. Elle ose enfin planter ses yeux dans les siens, serrant la couverture sur ses épaules :

-Je n’aurais évidemment pas pris cette décision seule. Toutefois...Souviens-toi que je t’ai dit dès le début que je ne demanderai jamais de sacrifice de ta part.

Les traits de Natael se parent d'un soupçon de sérieux alors que Zofia souhaite aborder un sujet visiblement important. Elle commence par évoquer les fameuses "deux ennéades" et il comprend subitement en quoi cette période s'est révélée éprouvante pour elle. Alors qu'elle lui annonce qu'elle a eu du retard, il s'arrête de marcher et l'interroge du regard pour savoir si elle est enceinte ou si ce n'était qu'une fausse alerte. A présent, il est parfaitement concentré sur leur discussion et la légèreté de ce moment s'est envolée. Le sujet qu'elle aborde mérite qu'il y apporte toute son attention.
Il ne l'interrompt pas alors qu'elle lui explique tout ce à quoi elle a songé et il trouve qu'elle s'est déjà construit un plan très clair de ce qu'elle aurait fait. Et cela le contrarie jusqu'à ce qu'elle lui confie qu'elle n'aurait rien fait sans le consulter avant. Son regard quitte enfin les traits de la prêtresse qu'il n'a pas quitté tout ce temps. Il réfléchit à toute allure mais sa main se trouve toujours dans la sienne... Il reste là, sans chercher à prendre ses distances ni à fuir. Il essaie simplement de savoir ce qu'il en pense. Contrairement à elle, il n'a pas eu autant de temps pour réfléchir à ce qu'il ferait si leur liaison sulfureuse devait leur apporter un enfant malgré les précautions qu'ils prenaient.

Après plusieurs secondes, il revient finalement sur son amante.

-Je te l'ai déjà dit : si je devais sacrifier mon titre, tu n'aurais pas à me le demander. Commence-t-il pour lui rappeler qu'il est tout à fait prêt à assumer leur relation si les choses devaient devenir sérieuses. Tout ce qui m'en empêcherait, c'est de savoir que renier mon rang pour toi t'apporterai plus de désagréments qu'autre chose, parce que je sais les projets qui sont les tiens. Sans parler de la réputation de ma famille.

Ils ont déjà parlé des plans de carrière de Zofia à l'époque où ils n'étaient qu'amis. Elle est très ambitieuse d'ailleurs mais elle est assez dévouée à sa tâche pour se le permettre sans doute. Cependant, si leur relation devait amener Natael à tout quitter pour elle, cela desservirait tout le monde... Et il serait probablement celui qui souffrirait le moins de sa décision. Aussi l'a-t-il depuis longtemps relégué au rang de solution inenvisageable et réfléchit-il à d'autres possibilités...

-Sache néanmoins que si cela devait arriver, je n'ai pas l'intention de me dérober. Je serais responsable tout autant que toi... Et l'idée que quelqu'un d'autre élève notre enfant... Qu'il ne nous connaisse jamais... Qu'il se croit à ve point indésiré de ses parents qu'ils ont décidé de l'abandonner m'est insupportable.

Il ne juge pas Zofia. Le jugement que l'on porterait sur une mère célibataire serait très lourd à porter. Et si lui est tout à fait près à le supporter, c'est aussi parce qu'il sait qu'on le verra différemment qu'elle... Car il ne serait pas une femme naïve manipulée et abusée par un beau parleur mais, au contraire, un homme qui assumerait ses responsabilités. Alors, il a une toute autre idée en tête.

-Je n'ai pas d'ambition particulière et ma famille n'attend rien de moi étant donné que je suis le puîné. Tout au mieux, je leur permettrai un arrangement de plus par le mariage mais ils n'en ont pas besoin... Je préfèrerais tout quitter pour élever moi-même notre enfant et te permettre de le voir grandir et le serrer dans tes bras de temps en temps plutôt que de le savoir loin de nous. Il s'approche de la prêtresse, posant sa main libre sur sa joue. Parce qu'il ne serait pas le fruit d'une passade ou d'une erreur de jugement. Je tiens à toi Zofia. Assez pour ne pas voir le fruit de nos ébats disparaître loin de nous.

Il se tient tout près d'elle, à un souffle ou deux... Il veut qu'elle comprenne qu'il est plus que sérieux. Si cela devait arriver, il est prêt à prendre les choses en main, même s'il devait se retrouver coupé de sa famille et de leurs ressources. Il trouverait un moyen d'assurer son rôle en subvenant seul aux besoins de son enfant. Et puis, sa famille, si elle se devait de le désapprouver, passerait pour bien cruelle de ne pas au moins lui apporter un soutien quelconque. Il s'agissait de la vie d'un bébé après tout...

Malgré tout ce qu’elle dit, elle ne sent pas du tout Natael se refermer. Au contraire, son amant l’écoute avec une attention qui la rassure un tantinet quant à la suite. Sa main toujours dans la sienne, elle subit patiemment son silence, consciente que c’est un gros morceau à avaler tout de suite, mais qu’il le fallait. Ce qu’ils construisent ensemble est merveilleux. Peut-être même trop beau pour que la prêtresse y croît entièrement. C’est ce qui explique pourquoi elle a tardé jusqu’à aujourd’hui pour entamer cette discussion : elle ne veut pas le perdre. Qu’elle le veuille ou non, il reste un homme noble et comprendrait la difficulté qu’un bébé illégitime pourrait impliquer pour tous les deux. Elle a déjà eu vent de quelques commentaires fort déplacé sur elle pendant que les rumeurs sur eux se chuchotaient beaucoup et un bébé ne ferait que leur donner raison pour la faire paria et ternir sa réputation et celle des d’Orman.

Et puis, Natael la regarde à nouveau et se lance. La surprise lui fait hausser les sourcils d’étonnement lorsqu’elle comprend que ce n’est principalement pas de son avenir à lui dont il s’inquiète, mais plutôt de voir les ambitions de la prêtresse voler en éclats s’ils s’affichent publiquement. Peu habituée à ce que l’on se soucie d’elle avant tout, elle sent son cœur battre plus fort et ne peut s’empêcher de fixer le vitaliste, le regard de plus en plus brillant. Il confirme ensuite qu’il ne compte pas la laisser affronter seule cette possibilité, qu’il serait là pour elle et que lui-même ne peut tolérer d’abandonner cet enfant. Déjà rassurant, il continue dans sa lancée et ce qu’il avoue lui arrache un sourire, alors qu’il vient poser sa main sur sa joue. Touchée par l’aveu et le regardant avec un amour qu’elle n’a jamais ressentit jusque-là, elle pose sa main sur la sienne, scrutant ses traits à la recherche d’un mensonge qui pourrait le trahir et pleine d’émotion après ce qu’il vient d’annoncer. Il a beau lui promettre de ne point faire de sacrifice pour elle, cela en est un énorme. Sa poitrine se soulève rapidement et la chaleur qui s’installe au creux de son ventre lui serre la gorge ; son amant est plus que sérieux.
La légère méfiance qu’elle a toujours ressenti en amont s’estompe soudainement et elle ne peut s’empêcher de caresser sa mâchoire, rassurée et surtout, brûlant d’amour pour cet homme qui ne cesse de lui montrer que ce bonheur dans lequel ils baignent est bel et bien réel ; il tient assez à elle pour tout abandonner pour cet enfant imaginaire. Pour elle et pour préserver les ambitions de la prêtresse.

-Je t’aime Natael, souffle-t-elle enfin, après toutes ces ennéades à retenir ces mots pourtant si simples à dire. Et cet amour que j’éprouve pour toi ne cesse de grandir à chaque instant.

Elle l’embrasse avec passion, désireuse de lui souligner qu’elle est prête à lui donner son cœur entièrement, peu importe ce qui se passera.

Natael voit tout ce qui traverse le regard de Zofia tandis qu'il parle mais rien ne l'arrête. Au contraire, cela l'encourage. Il n'a pourtant pas l'impression de dire quoi que ce soit d'extraordinaire. Il exprime simplement ce qu'il pense, comme toujours. Mais il est ravi de voir que sa réponse était inespérée aux yeux de la prêtresse et que ses mots la comble de joie. Et, pour toute conclusion... Elle lui déclare son affection... et l'embrasse avec la même flamme. Il lui retourne son baiser, délaissant sa main et sa joue pour l'enlacer avec une force douce. Elle ne lui a même pas laissé le temps de réagir autrement... Mais il n'a pas l'intention de la laisser sans réponse. Alors, il saisit délicatement le menton de la jeune femme pour la faire s'arrêter une bref instant puis il plonge son regard dans le sien afin qu'elle mesure l'importance des mots qu'il s'apprête à prononcer...

-Je t'aime, Zofia. Et si je le pouvais, je t'épouserai tout de suite... pour ne pas te laisser l'occasion d'en douter une seule seconde. Mais en attendant que nous trouvions une solution -parce qu'il va bien falloir en trouver une à présent-, j'ai l'intention de te le prouver tous les jours.

Il sait à quel point elle a souffert par le passé et il ne lui ferait pas une telle promesse s'il n'était pas sûr de lui. Peu importe ce qu'il devrait faire pour qu'elle n'ait pas à choisir entre sa carrière et lui, il le ferait. Il se penche pour l'embrasser de nouveau, avec ferveur. Néera peut bien leur accorder un enfant maintenant, il fera avec. Et cette idée ne perturbe même pas ses élans qu'il sent déjà poindre depuis même avant que sa bien-aimée ne s'ouvre à lui. Cela se ressent sans doute dans ses baisers, dans sa façon de l'étreindre et dans son souffle un peu rapide...

-Et je crois que je vais commencer dès maintenant... Susurre-t-il alors qu'il se montre plus ardent.

D'ailleurs, il ne se retient pas. Ils ont passé ce cap pendant lequel ils avançaient avec prudence pour faire savoir à l'autre le désir qui les tenaillait, attendant l'autorisation d'aller plus loin... Ils se connaissent assez désormais pour savoir qu'ils ont bien du mal à maîtriser leurs élans et que le moindre signe d'envie les enflamme tous les deux aussitôt. Mais cette fois, il ne serait pas question de lui... C'est elle qui a eu peur, elle qui a craint la grossesse, elle qui s'est jetée la première pour lui dire qu'elle l'aime, elle à qu'il doit assurer de la réciprocité de son affection. Alors ce serait elle qui jouirait sur cette plage... Et elle seule.