Un orc, un sorcier et une vampire entrent à Etherna... | Erak, Alienor & Ben

Ssheszoassa regardait la pierre qu’il avait dans ses griffes de ses quatre yeux d’or. Elle était jolie, de la taille d’un œuf de zlorg, il brillait de mille feux ce caillou et le naga le faisait doucement bouger devant ses yeux ébahis. Sa langue fourchue sortait de sa gueule légèrement entrouverte avant de rentrer pour sortir à nouveau, à intervalles réguliers, le tout réglé comme une horloge. Mais ça ne dura pas, une douleur soudaine le força à tourner la tête.

« Esssst-ce que tu peux m’expliquer pourquoi tu me mords la queue, Goblo ? » L’intéressé recula sans dire un mot et ce parce qu’il en était incapable. « Mon pauvre Goblo, tu n’esss plusss que l’ombre de toi-messssme. »

Ssheszoassa se mit alors à rire, émettant un son qui ressemblait à une personne prononçant très souvent, et très rapidement, la lettre s. Même s’il était impossible pour Goblo d’avoir une quelconque expression faciale, on pouvait tout de même lire de l’exaspération sur son visage lisse fait d’ombre, dans la forme nouvelle de ses yeux et les recoins de sa bouche. En soit, servir le naga n’était pas quelque chose de très désagréable, mis à part lorsqu’il testait des sortilèges de transformation ; car oui, fut un temps, jadis, Goblo n’était pas une ombre amorphe mais bel et bien une créature de chair et de sang toutefois les métamorphoses successives ayant fini par effacer de sa mémoire sa race originelle. Cependant il était certain d’une chose : avant d’être une ombre il fut changé en goblin. C’était le temps où son maître trouvait amusant de lui trouver un nom à chaque transformation, qu’il accompagnait d’un de ces rires que la créature trouvait désagréable. Qu’il s’était alors trouvé drôle à répéter souvent, en riant, fier de lui : Goblo le goblin tout en observant le résultat de son expérience. Mais ce fut la dernière fois et depuis ce jour il garda ce nom qui, pour lui, ressemblait davantage à un surnom qu’autre chose et ce malgré les autres expériences qui s’étaient succédées.

Mis à part ça, servir Ssheszoassa n’était pas si désagréable, pour la simple et bonne raison qu’il pouvait facilement prendre une pause quand il le souhaitait : le rêve de tout stagiaire, acolyte de mage ténébreux et autres larbins. En effet pour ce faire il suffisait de trouver une pierre qui brillait un peu et de la présenter en disant au naga qu’elle ferait une belle offrande pour le Maître. Ledit naga se mettait alors à l’examiner sous toutes les coutures et, par la force des choses, à la déplacer, à bouger la tête, et il fallait quelques secondes pour qu’il s’hypnotise lui-même laissant alors à Goblo tout loisir de faire ce qu’il voulait, comme par exemple descendre à la taverne du donjon pour boire avec les autres monstres ; bien que désormais boire ou manger n’était plus qu’un lointain souvenir mais là n’était pas la question. Il suffisait ensuite de faire mal au naga pour le sortir de sa transe et le tour était joué, il ne se rendait compte de rien.

« Où en étais-je... » demanda le reptile avant de se détourner de son serviteur. « Ah, oui, l’offrande pour le Maisssstre. »

Il était à deux doigts de se remettre à examiner la pierre lorsque son fidèle larbin lui fit des grands signes en direction des escaliers qui montaient justement en direction de l’antre du Maître. Les quatre yeux du naga se plissèrent quelques secondes mais il ne dit rien, se mettant à la place à glisser sur la pierre froide vers lesdits escaliers.

« Ssssi tu es sssssûr de toi... »

Une fois en haut des escaliers, Ssheszoassa poussa la grande porte et vint déposer la pierre au sommet du tas d’offrandes brillantes qu’il grossissait chaque jour un peu plus. Au départ le tas en question était dans les appartements même du Maître mais depuis que ce dernier en avait marre que son grand sorcier comptable lui amène tout et n’importe quoi sous prétexte que ça brillait un peu, il lui avait dit de poser ses conneries dans un coin de l’antichambre, ce que le naga faisait religieusement. Toutefois, aujourd’hui, le naga se disait que c’était tout de même une très belle pierre et qu'il serait dommage qu'elle reste avec les autres.

« Çççça fera très plaisssir au Maissstre... » pensait-il à voix haute. Alors il décida d’entrer tout de même. Malheureusement pour lui, le Maître ne sembla pas de cet avis et en voyant son grand sorcier comptable arriver une fois de plus avec un truc qui brillait, Ssheszoassa n’eut que l’occasion de sentir le début d’un sort avant de se réveiller avec un sacré mal de crâne. Il fut rassuré en voyant qu’il était dans une pièce sombre et humide où la mousse régnait. Une fois que ses yeux se furent quelque peu accoutumés à l’obscurité, il confirma ce que sa langue lui avait déjà appris : il était cerné de nourriture. Le naga attrapa un jambonneau qui pendait pour l’avaler avant de se diriger à nouveau vers des escaliers. Si le Maître n’avait pas voulu de son offrande, il fallait qu’il découvre pourquoi et qu’il fasse mieux la prochaine fois. Puis il se souvint d’une chose.

« Goblo! » Appela-t-il dans l’obscurité mais sa fidèle ombre n’était pas là. « Goblo vient icccci tout de sssuite! »

Pour seule réponse, le naga n’eut que des bruits de pas qui s’approchaient de l’épaisse porte en bois au sommet des escaliers. Derrière il pouvait entendre, bien qu’indistinctement, quelqu’un se demander avec un langage fleuri, ce qui pouvait bien se passer en bas. Lorsque la porte s’ouvrit violemment, Ssheszoassa protégea ses yeux de la lumière vive puis un cri aigu qui aurait sans doute brisé du verre lui perça les tympans.

« Une créature d’Arcam ! » Hurla ensuite le fuyard que le sorcier s’empressa de poursuivre en fermant les yeux, glissant prestement jusqu’en haut des escaliers. La modeste maison dans laquelle il déboula l’intrigua un instant avant qu’il ne se concentre sur l’attroupement qui se trouvait devant et qu’il supposait avoir provoqué.
« Goblo par les milles dents du Dévoreur, vienssss iccci ! » Mais Goblo ne se détacha toujours pas des ombres qui entouraient pourtant son maître. Il le chercha des yeux, s’enroulant progressivement sur lui-même pour pouvoir regarder de partout lorsqu’un homme en armure entra bruyamment pour confronter la bête.


« Qu’Othar guide ma lame! » Cria-t-il en chargeant, épée au-dessus de sa tête, prêt à couper en deux son adversaire du jour. Des flammes apparurent dans les mains du naga dont les yeux se concentraient sur l’arme du chevalier mais son regard se perdit dans la pierre précieuse qui ornait le pommeau, la pierre bougeait, dansait, alors que l’humain courait. La prochaine chose qu’il sentit fut le choc de la lame tapant contre les écailles de sa queue avant de violemment rebondir pour aller percuter son propriétaire en pleine tête. Ssheszoassa secoua vivement la sienne, de tête, puis se mit à glisser comme l’éclaire pour aller récupérer l’épée qui s’était planté dans le sol, dans la rue, devant la maison. La foule se dispersa dans des cris de panique alors que le naga s’empara de l’arme.

« Le maissstre appréccciera cccette offrande. » Murmura-t-il, pensant de nouveau à voix haute, focalisé sur l’arme, avant d’en détourner le regard pour demander aux humains de bien vouloir arrêter de crier. Toutefois le silence régnait de nouveau en maître sur les rues à la plus grande surprise du sorcier qui se retrouva dans une rue pleine de cadavres. « Ils pourraient quand même vivre ailleurs que dans la boue. »

Remarqua-t-il avec dégout alors qu’un de ses doigts vint retirer un peu de ladite boue qui tâchait ses écailles, celles sur lesquelles il avait glissé pour aller chercher l’épée. Maintenant qu’il l’avait, il lui fallait retrouver le Maître et pour ça il lui fallait partir de cette cité fantôme. Comment ses habitants étaient-ils morts ? Ça il s’en moquait, il avait son offrande. Comme retrouver le Maître ? Il se serait bien téléporté mais voilà : le Maître lui avait interdit parce qu’il s’en servait pour aller déposer ses offrandes directement dans ses appartements, à des endroits divers. En effet si le sorcier ne savait pas se cacher, il aimait bien chercher et il se disait qu’une sorte de chasse à l’offrande amuserait le Maître parce que tout le monde aime les surprises ; malheureusement ce ne fut pas le cas, on ne gagne pas à tous les coups. Il se dirigea alors vers les remparts qu’il pouvait voir par-dessus les toits, se disant qu’il devait bien y avoir une porte quelque part et que s’il n’y en avait pas, il se chargerait d’en faire une.

Alors sa surprise fut grande lorsqu’il rencontra des orcs dans cette ville qu’il pensait pourtant morte. Les mains toujours enflammées le naga les observa un instant avant d’aller à leur rencontre pour leur poser la question qui lui brûlait la langue.

« Où est le maissstre? »

Benedict ne bouge pas et n'a pas de réaction particulière alors qu'il sent une forme se mouvoir sur lui. Il est un peu étourdi, c'est vrai, mais il n'y a pas que cela. Il sait reconnaître les signes de l'apparition d'une illusion et ne se laisse pas prendre au jeu. Il regarde toujours les deux iris lumineuses devant lui, continuant de fumer comme si de rien était. Cependant, il doit bien reconnaître que l'exercice est un sans faute. N'importe qui d'autre se fairait avoir, y compris un illusionniste de niveau inférieur.
Lorsqu'elle retire cette chose de sur son ventre, c'est comme s'il n'y avait jamais rien eu pour lui. Parce que finalement, c'est le cas. La seule réaction qu'il a eu durant tout ce temps, c'est un haussement de sourcils en l'entendant l'appeler "Ben". Etant donné ce qu'il est, personne ne l'a jamais appelé ainsi et n'a jamais sympathisé avec lui. Alors certes, elle n'essaie pas de frayer avec lui d'une quelconque manière mais cela ne l'empêche pas d'être un tantinet surpris de voir quelqu'un utiliser un diminutif.

Benedict passe une main sur son visage. Cela devient difficile de se concentrer. Visiblement, Aliénor ne connaît rien à la magie. Une potion n'a pas ce genre d'effet et une incantation seule ne peut pas être aussi puissante. Il faut quelque chose de beaucoup plus puissant et complexe.

-Y'a qu'un rituel qui pourrait faire ça. Et désolé mais j'ai pas ça dans ma poche. Il faudrait retourner à l'Aurore et là... je suis pas loin de décrocher complètement, c'est pas le moment.

L'académie est loin. Il pourrait s'y rendre en un rien de temps de la même manière qu'il est arrivé mais pour jeter un sort, il faut de la concentration... et il commence déjà à en manquer pour cette conversation. Alors hors de question pour lui de faire quoi que ce soit de magique dans cet état, c'est beaucoup trop risqué. Sa cigarette se termine et il semble totalement détendu. Peut-être-même un peu trop... Il pose volontiers sa tête contre le mur de la roulotte, n'ayant même plus le courage de faire l'effort de la soutenir par lui-même.

-Mais je suis d'accord... Il faut que tu repartes... Dit-il avec une voix qui trahissait de plus en plus son état, son crâne chancelant entre ses épaules. Il serait aisé de le bousculer, ne serait-ce qu'un peu, pour le faire tomber. Il n'empêcherait pas son corps d'échouer sur le sol. Il n'a plus assez de réflexes pour cela.