L'art de la guerre vaani [Marzaban]

Kÿrianos, Première ennéade de Verimios, An XVIII, Cycle XI
À la frontière entre Qyriah et Baaz’Hima, Ithri’Vaan

« C’est quoi cette commotion? » demanda le vieil Alzred à son fils qui tira rapidement les rennes de sa mule qui poussa un brainnissement mécontent. La carriole s’arrêta soudainement alors que le jeune homme à la peau hâlée déposa les rennes sur les jambes de son père.


« Aucune idée. Je vais aller voir. »


Le Vaani s’avança sur le chemin, s’arrêtant près de la carriole devant lui avant de saluer les marchands qui attendaient patiemment dans leur chariot.


« Qu’est qu’il se passe? »
« Aucune idée, on est bloqué depuis une bonne heure déjà… »


Le jeune homme hocha la tête avant de continuer sa marche, réalisant l’ampleur de la blocade qui était en cours. Une cinquantaine de chariot étaient déjà en ligne, attendant patiemment leurs tours pour passer. Ce fut au bout de quelques minutes de marche que l’humain rejoignit finalement un groupe d’hommes qui bloquait totalement la route.


« Qu’es qu’il se passe ici? »
« Ordre du Conseil de Thaar. Rien n’entre ou ne sort de Qyriah jusqu’au prochain ordre. »
« Donc vous ne savez pas quand est-ce que je pourrais livrer mon grain? »
Le mercenaire eut un sourire mesquin avant de rétorquer;
« Si j’étais toi, petit, je retournerais d’où je viens. Tu ne veux pas être prit dans le contre coup. Fais passez le message aux autres. »
« J’vais faire un détour par Ashai, alors. »


Les mercenaires autours éclatèrent de rire en pointant du doigt le pauvre marchand qui tentait tout simplement de faire sa livraison.


« Crois-moi, petit, t’as aucune idée de ce qui se passe… »

***

Arkuisa, Première ennéade de Verimios, An XVIII, Cycle XI
Palais Irohivrah, Les soieries, Thaar

La Princesse marchande faisait tournoyer une pièce métallique entre ses doigts, complètement perdue dans ses pensées alors que l’un des hommes lui faisait un résumé des derniers événements qui avait secoué la principauté. Bien entendu elle était derrière les innombrables rumeurs, et lorsque Diolando tentait de mettre sa version aux grands jours, la Princesse de la Chair, elle, redoublait d’ardeur. Les témoins de la scène affluaient, rendant les ouïes-dire encore plus difficile à croire. Qui plus est, le père des enfants avait été révélé et la peur se répandait dans toute la principauté. Que dirait le Karliik Glenn? Descendrait-il avec les osts pour pratiquer une quelconque vengeance? Quelle étaient la relation qui unissait les deux êtres? C’était un facteur de plus qui assommait la principauté. Les actions du Prince des arènes étaient déjà répréhensibles, mais maintenant il venait encore une fois d’attirer les drows dans l’équation. Sa milice n’était pas assez… maintenant il attaquait la progéniture du général des osts. La peur se répandait de plus en plus, la Princesse Marchande, silencieuse, n’avait pas été revu depuis son accident, aucun message n’était sorti de son palace.


Le silence total.


Un silence qui ne faisait qu’attiser cette frayeur qui grandissait dans le cœur des Thaaris… Une frayeur que Maralina s’efforçait d’attiser.


« Cela serait plus facile si le conseil aidait un peu. »
« Le conseil a peur de moi. Peur de l’alliance que j’ai avec le maître des Milles-Caves. Pour le moment, ils restent tranquilles, mais ils nous surveillent, attendent patiemment le moindre faux pas pour m’éliminer. »
« Pourquoi dites-vous cela? »


La princesse marchande leva finalement son regard vers Khaled, arrêtant net la course de la pièce dans sa main.


« Parce que, cher Khaled, ils savent qui est réellement au pouvoir de Thaar, et cela ne leur plaisent pas. »


Après tout, Diolando n’était pas le premier à qui elle s’attaquait, elle l’avait poussé à bout et forcé à faire des erreurs. Maintenant, elle le faisait danser du bout des doigts et c’était sincèrement la chose la plus pathétique à voir.


« Où est ma milice? »
« Pour le moment, elle attend à Uldal’Rhiz. »
« Et les mercenaires? »
« À leur poste. Ceux qui renforcent notre milice attendent à Uldal’Rhiz, les autres bloquent les principales routes commerciales. » Khaled s’arrêta un moment, l’air inquiet, avant de rajouter; « Vous êtes au courant que nos actions ébranleront Ys? »


Maralina eut un léger sourire en soufflant.


« Dis-moi quelques choses que je ne sais pas Khaled… ou quelques choses d’intéressant… »


L’elfe ne répondit rien, se contentant de fixer la demie-elfe alors que cette dernière semblait à nouveau perdue dans ses pensées.


« Aucune nouvelle de l’ombre? »
« Non pas pour le moment. »


La Princesse de la chair hocha la tête, avant de faire un geste du bout des doigts, ordonnant aux différents hommes de quitter son bureau, ce qu’ils firent sans demander leurs restes. De son côté, tout était en place… Elle espérait que Marzaban était tout aussi prêt. Leur plan était sur la bonne voie, ne manquait qu’une seule chose, et elle se doutait bien que le Prince des arènes ferait bientôt cette erreur. Maintenant que la foule ne l’aimait plus, maintenant que les gens voyaient son incompétence. Incapable de nourrir son armée, incapable de nourrir son Comment le conseil des comices avait pu élire un être aussi incompétent? Définitivement, elle aurait un mot avec ces derniers, ou les éliminerait tous. Peut-être pourrait-elle se nommer Princesse de Qyriah… Elle eut un léger sourire à cette pensée, un pas de plus vers son but.

Kÿrianos, première ennéade de Vérimios – Premier mois de l’été – An XVIII du cycle XI.
Au cœur de la cité de Qiryah, aux aurores.

La machine était en marche. Maralina Irohivrah, et Marzaban Ambreroc, Princesse et Prince-Marchand de Thaar et des Sept-Monts, dirigeante d’Uldal’Rhiz et souverain des Mille-Caves, s’étaient à nouveau alliés dans cette entreprise mortifère : la mort de Diolando, et la destruction de son tout petit empire. Tels deux êtres machiavéliques, dénués de tout sens moral, les deux dirigeants s’étaient entretenus encore et encore pour que s’articulent leurs moyens et leurs fortunes, dans le seul et unique but de détruire Diolando Vega de Qiryah.

Sur les toits d’une haute demeure, à proximité du palais de Qiryah, deux individus conversent. De petite taille, mais de stature trapue, ils portent des tours et des atours rendant impossible leur identification. Tout de noir vêtu, ils surplombent le cœur de la cité de Qyriah, leurs yeux explorant les rues vides, les demeures endormies, que seuls quelques clochards ou quelques âmes enivrées d’alcool animent, alors que tout le monde dort encore. Assis tous les deux, les jambes croisées et les pieds placés sous leurs jambes dans une position digne de la méditation – ce qui n’était point le cas – les deux membres de la Loge d’Onyx regardent, analysent, réfléchissent. Ils ont investi le dernier étage de cette demeure dans le plus grand des secrets, passant à travers plusieurs déguisements, et plusieurs couvertures, usant même de semi-Nains et d’humains recrutés à grands renforts d’intermédiaires et de secrets, afin que jamais ils ne soient découverts, en aucun cas.

L’un des deux membres de la loge, celui qui porte le masque – l’autre portant un voile sur son visage, assez fin pour qu’il puisse voir sans que l’on ne discerne son visage – n’est autre qu’un des neuf seigneurs de la Loge d’Onyx, et le plus important. Nul, à part Marzaban, ne connait sa véritable identité. Même au sein de la loge, seul son surnom subsiste : le Mogarium.

« Où en sommes-nous ? » Demanda le Mogarium à son voisin qui n’était qu’un simple exécutant, en Khazalide afin que les éventuelles oreilles ne puissent comprendre, et en chuchotant, afin de ne point réveiller qui que ce soit.
« Quatre puits. Quatre localisations. Des patrouilles régulières, mais point de station. » Répondit l’espion.
« Le moyen ? » Rétorqua le Mogarium.
« Charogne, ou poison. » Rajouta l’espion.
« Intraçable ? » S’enquit le Mogarium.
« La charogne. » Répondit l’espion.
« Le temps ? » Demanda le Mogarium.
« Deux jours, avec la putréfaction. Résultats immédiats ensuite. » Précisa l’espion.
« Dégâts ? » Reprit alors le Mogarium.
« Jusqu’à dix dizaines par jours et par puits. Létalité supérieure à la moyenne. » Répondit alors l’espion.
« Conséquences ? » S’enquit à nouveau le Mogarium.
« Soigneurs dépassés. Population aux abois. Offre de soins insuffisante. Instabilité sociale et politique. Diminution de la population. » Dévoila l’espion.
« Bien. Cette nuit. » Ordonna alors le Mogarium.

Ainsi l’ordre était donné. Cette nuit, la Loge empoisonnerait les quatre puits, à grands renforts de charognes putréfiées. Lestées par du plomb – car toxique – les charognes tarderont à remonter, et empoisonneront durablement les puits, jusqu’à-ce qu’une intervention extérieure ne puisse assainir les puits.

Arkuisa, première ennéade de Vérimios – Premier mois de l’été – An XVIII du cycle XI.
Au cœur des Mille-Caves.

Une étrange ambiance avait empli l’atmosphère des Mille-Caves depuis plusieurs ennéades. Une ambiance à la dichotomie déstabilisante. D’un côté, on voyait Marzaban devant des vélins et des cartes, et s’entretenir avec son émissaire et son argentier à longueur de journées. Les ennéades précédentes, les efforts de Marzaban et de ses deux plus proches conseillers, étaient tous tournés vers de nouvelles stratégies commerciales.

Mais lorsque le souverain des nains des Dunes n’était plus au commerce, à l’or, aux souverains, et aux recherches de filons commerciaux, l’ambiance devenait pesante, lugubre et froide. L’être calculateur, manipulateur, consciencieux mathématicien et statisticien et habile filou, plaçait son éminence grise au service de ses plus noirs dessins. Fort heureusement, rien ne transparaissait des mires et de l’attitude du maître des Caves. Sa stoïcité légendaire était un masque parfait. Mais tous ceux qu’il rencontrait en secret, afin que naisse et se développe son plan odieux, repartaient effrayés, désemparés et ô combien terrorisés face à la froideur de cœur et d’esprit du marbre d’Ambreroc. L’on dit que la pierre la plus profonde de la montagne la plus sombre serait toujours plus aimable que celui qui dirige aujourd’hui les Nains de ces coins de sable.

Là où Maralina effrayait par son jeu d’actrice, par ses charmes, par son attitude flamboyante et sa rage dardant d’un regard expressif, Marzaban, lui, terrorisé par son calme et sa placidité, et par ses propos déshumanisés. Jamais il n’y aurait trop de morts. Jamais il n’y aurait trop de femmes éplorées, d’enfants orphelins, d’être traumatisés. Sa froideur dans l’ombre de l’éloquente Maralina, le relayait au second plan, mais si tous craignaient Maralina… Plus encore, ils étaient effrayés par Marzaban.

« Alors, où en sont les essais ? » Demanda Marzaban, debout, face à son interlocuteur, les mains cachées dans les manches opposées, le dos droit et sans vie apparente dans son regard.
« La naphte arrive en quantité suffisante votre Altesse. Mais pour ne pas nous faire repérer, ni de nos détracteurs de ces lieux, ni de nos amis du Nord, les quantités importées sont fractionnées en autant de portions qu’il n’arrive de navires. » Informa l’élément, l’atout, comme certains pourraient le nommer, puisque les noms sont inconnus. « la naphte est de bonne qualité. Nous avons essayé hier d’en entasser deux tonnelets dans une cabane de brique construite à cet effet, au milieu du désert, loin des routes et des partisans de Sol’Dorn. Une rune fut tracée, afin d’incendier une piste de naphte toute fraiche. La petite cabane de brique a été pulvérisée. Nos ingénieurs calculent en ce moment même la quantité nécessaire à entreposer sous les égouts du palais de Qiryah. »
« Combien de temps encore ? » Demanda alors froidement Marzaban quoi que satisfait en son for intérieur, de la tournure des évènements.
« Un atout doit nous fournir encore quelques dimensions de sous le palais. Mais la stabilité de la naphte permet de l’entreposer facilement. Nous avons besoin d’encore 2 à 3 ennéades afin que les calculs, l’acheminement et le dépôt des barils sous le palais, soient terminés. »
« Deux ennéades valent mieux que trois. Et quid des puits Qyriotes ? » Rétorqua alors Marzaban, une fine lueur sadique dans le regard.
« Tous ont été empoisonnés votre Altesse, dans la nuit du premier au second jour de cette ennéade. Les premiers rapports indiquent que des dizaines d’habitants, de miliciens, d’officiers et de dignitaires Qyriotes, consultent les guérisseurs pour des symptômes digestifs variés. Point encore de décès, mais les chiffres augmenteront rapidement. » Précisa alors l’atout.
« Bien. Que l’on fasse parvenir à Maralina une missive. Que celle-ci indique « Les eaux sont troubles, la météo risque de changer ». Elle devrait comprendre le sous-entendu. Va ! »

La machine était belle et bien en marche.

Kÿrianos, Deuxième ennéade de Verimios, An XVIII, Cycle XI
Qiryah, Ithri’Vaan

Le milicien cracha sa gorgée d’eau, bientôt imité par quelques-uns de ses collègues. « Non, mais merde, c’quoi s’t’horreur? » Le rouquin à ses côtés renifla la flotte de sa gourde avant de grimacer à nouveau; « J’me demandais si s’tait ma gourde le problème, bah non… s’t’eau là goutte la merde. » Le doeb ferma les yeux en soupirant tandis que ses congénères tentèrent tant bien que mal de se désaltérer avec l’eau nauséabonde qu’on leur avait fourguée. Le milicien avait bien l’impression qu’on se foutait de leur gueule. Quand il s’était engagé dans la milice de Qiryah, il ne pensait pas s’être engager dans un truc aussi merdique. Le tout était désorganiser, et les quelques officiers qui tentaient de faire régler l’ordre semblait être tout aussi désespérer qu’eux. Pas d’ordre direct du Prince des arènes et le conseil des comices avaient l’air de plus en plus désorganisé. Il fallait dire que les pressions faites par le conseil de Thaar sur Qiryah commençaient à faire effet. La nourriture entrait au compte-gouttes. Les gens avaient faim, et la cité semblait être rationnée, affaibli. Comment gérer une armée au ventre vide? C’était tout simplement impossible. Plusieurs soldats et réfugiés étaient rapidement partie de Qiryah pour s’installer à Thaar, conscient de l’emprise tentaculaire de son conseil.


« T’as entendu ce qui s’est passé à Thaar? »
« Non..? »
« Apparemment que la Princesse de la Chair a flambé le commerce préféré de Diolando. »

Si l’un des soldats haussa des épaules, il fallait dire qu’il n’était pas plus étonné que ça.

« Fallait s’en attendre, y’a des rumeurs qui disent que l’autre la pousser dans l’escalier. »
« Peut-être que c’est juste une couverture pour faire chier not’ prince? »
« C’est risqué de se planter d’in marche quand t’attend des jumeaux… Tsé la Irohivrah aime pas mal ses gosses… »
« On sait jamais, c’est une manipulatrice, moi, j’y fait pas confiance. »


Ah la guerre entre les géants! Cela semble être un concept si lointain pour la plèbe, mais un art si vital pour les grands. Pendant les jours qui suivirent l’eau des puits devint de plus en plus imbuvables, et le rationnement causé aux frontières n’aidèrent pas la situation. Les gens avaient faim, les gens avaient soif. Et pendant ce temps, leur prince adoré ne faisait rien pour les aider, préférant laisser le conseil des comices tenter de négocier avec une Thaar silencieuse. Le message était pourtant clair, réduire leurs milices, et en donner le contrôle au guet. Plus le temps passait et plus personne ne faisait confiance à Diolando Vega. Après tout, cette situation venait de révéler ce qu’il était vraiment. Un monstre qui ne se préoccupait que de soi-même, que de son image. Mais leurs souffrances seraient de courte durée, car la milice d’Uldal’Rhiz, ou si l’on pouvait appelée cela une milice – venait de prendre marche. À peine revenue de Hanning, elle traverserait rapidement pour faire un camp à la frontière de Baaz’hima et de Qyriah. Tout se mettait en place…

Calimehtarus, troisième jour de la troisième ennéade de Verimios – Premier mois de l’Eté – An XVIII : Cycle XI.
Dans la cité de Qyriah, durant la nuit.

Les rouages s’étaient mis en mouvement voilà maintenant plusieurs ennéades. D’aucun pourrait voir les choses avec une certaine forme de philosophie. Diolando Vega, prince Qyriote, aux frasques et aux mœurs qui attirèrent à lui nombre d’ennemis, avait attenté à la vie de Maralina Irohivrah, et de ses jumeaux qu’elle portait en elle. Cet acte fut l’élément déclencheur d’une machinerie aux rouages que Diolando ne pourrait imaginer, pas même avec son esprit fertile et manipulateur.

Les rouages se mirent bien rapidement en place. Les atouts de Maralina se placèrent tels des pions sur un échiquier. La Princesse-Marchande d’Uldal’Rhiz joua des accords et tira quelques ficelles afin de faire entrer dans la danse le Prince-Marchand Marzaban Ambreroc, souverain de la communauté des Nains des Dunes. Nettement moins flamboyant que la princesse, le prince Nain pouvait compter sur un arsenal de l’ombre aux dimensions tentaculaire inconnues, magnifiée par des contes et légendes, craint par le plus grand nombre, fantasmé par la plupart : la Loge d’Onyx.

Véritable appareil de renseignement et d’espionnage, de vol et de complot, d’assassinat et d’enlèvement, la Loge était le fer de lance des ombres des Mille-Caves. Peu de Nains connaissaient réellement l’existence de cette entité qui, au cœur même de la communauté Naine d’Ithri’Vaan, faisait frémir autant qu’elle faisait fantasmer. La plupart des Nains ne connaissait pas l’existence de cette machine implacable, alors, en-dehors de la communauté, la loge était pour ainsi dire inconnue et inexistante. Officiellement, seulement.

Dans la nuit Qyriote, plusieurs ombres se déplacent. Drapées d’un tissu souple sans plis ni froissements, elles avancent dans un silence total. Evitant les quelques lampadaires à huiles qui furent encore allumées par quelques employés Qiryotes n’ayant pas encore déserté leurs postes, les formes avancent, se meuvent d’ombre en ombre, de toit en toit, de maison en maison. Leurs pas sont calculés, les individus se suivent en file indienne, l’ouvreur permettant d’avoir un chemin sûr et silencieux.

Le petit groupe visita trois des quatre puits Qyriotes. Ils n’étaient plus gardés depuis longtemps, les soldats, les miliciens, les civils et les officiers, étant tous malades à en vomir tripes et boyaux. Sur le toit d’une demeure mitoyenne au dernier puit, les membres de la Loge purent observer un spectacle auquel ils ne s’attendaient point. Plusieurs soldats, et d’autres individus, étaient à pied d’œuvre pour tenter de nettoyer au moins un puit, ou du moins, de comprendre la source de tous les maux de la cité.

« Trois soldats, deux civils » Indiqua le Mogarium, à la tête de cette escouade secrète. « Arbalétriers, deux, ici. » Ordonna-t-il à deux nains aux arbalètes vissées dans le dos. « Quatre yeux d’Est en Ouest, du Nord au Sud. » Ajouta-t-il à deux autres espions, deux paires d’yeux, qui, immédiatement après, quittèrent le toit pour se glisser jusque dans les ombres de quelques pans de murs et palissades, s’assurant qu’aucun regard curieux, qu’une âme intéressée, ne puisse mettre à mal ce qui allait suivre ensuite. « Trois lames entaillant les chaires ».

De part et d’autre du toit, trois ombres, dont celle arborant le masque du mogarium, descendirent afin de fouler de nouveau la terre ferme. Dans l’ombre, ils patientèrent jusqu’à-ce qu’un bruit anodin se fit entendre, le bruit d’un oiseau de nuit, signe secret et tacite que la voie était belle et bien libre.

Les trois lames s’avancèrent alors. A pas de loup, les genoux fléchis, les pieds évitant soigneusement les feuillages morts, les cailloux déséquilibrés et les angles de vues couverts par les soldats curieux qui faisaient tout ce qui était en leurs pouvoirs pour ne point vomir le peu qu’ils parvinrent à manger ce soir, les lames avançaient.  S’approchant des soldats, les nains dégainèrent leurs dagues aux lames affutées, forgées par les nains dans de l’acier provenant du grand Nord. Les lames étaient gravées de runes de vie. Des runes complexes, gravées par un graverune spécialisé dans la magie de la vie, donnaient à ces lames un pouvoir paralysant. Dès lors que la lame pénétrait un temps soi peu les chaires d’une victime, ses muscles s’en trouveront immédiatement paralysés. La différence de taille entre Nain et soldat Qyriote serait ainsi annulée, car le corps, paralysé, chutant lourdement, serait offert aux lames naines qui n’auraient plus qu’à finir le travail.

Le rouage fit son ouvrage. Les lames runées vinrent sectionner les tendons des genoux des soldats, par un coup sec dans le dos des protections de genou. Paralysés, ils ne purent crier. Chutant lourdement, les assassins ne perdirent point de temps, et ils poignardèrent les poitrines des sacrifiés, les lardant d’une douzaine de coups, avant de terminer par un coup sec en largeur de gorge. Dans le même temps, les arbalétriers décochèrent leurs carreaux, qui trouvèrent les crânes des civils dont le rôle était de découvrir la cause des maux de Qyriah. Leurs corps chutèrent lourdement.

Les assassins quittèrent leurs postes, et se rassemblèrent dans l’ombre d’un pan de mur.

« Présentons un spectacle pour Diolando. Maquillez la scène. Les soldats dans la rue, tués lors d’une embuscade par des civils mécontents. Disposez les corps. Egorgez les civils, qu’ils se vident de leur sang dans le puit et envoyez leurs corps dedans. Dans l’ombre nous demeurons. »

Et les assassins s’exécutèrent, maquillant la scène, renforçant l’insalubrité du puit, et disparaissant sans un bruit.