Lettre de Louise de Fernel à Sa Majesté le Roi

Kÿrianos de la première ennéade de Karfias, An 19 du Xième Cycle
Résidence des Soltari-Berontii
Quartier des Mille-Soleils
Diantra

Aux aurores

Elle avait fait mander de quoi écrire, de l’encre et une plume, après de longues heures de réflexion silencieuse devant la haute fenêtre qui offre une vue imprenable sur le magnifique quartier noble de la capitale. Les premiers rayons de soleil éclairant les toits, révélant toute la splendeur de cette cité des Hommes, l’ont décidée, bien plus sûrement que toutes les autres conversations, toutes les autres merveilles de Péninsule. Diantra est à l’image du reste de la contrée des Hommes : magnifique. Et ce n’est pas tant l’architecture, les impressionnants bâtiments, les merveilles que l’on y trouve en nombre qui bercent son inquiétude. Au-delà de ces splendeurs, il y a le peuple. Un peuple qui ne sait pas tout et qui est potentiellement en péril. Doublement en péril. Une menace à l’Est. Une autre qui risque de déferler depuis le Nord, implacable, redoutable. Un péril imminent.

Le rire d’une fillette la sort de ses songes et la rappelle à son devoir. Elle prend donc place à la petite console disposée dans sa chambre, trempe la plume taillée dans le petit encrier et écrit donc une missive destinée au Roi et au Conseil. Ce n’est pas la première fois qu’elle leur adresse une missive. Elle espère simplement que cette fois elle sera écoutée.

Après de longues minutes de soigneuses calligraphies, elle fait fondre un peu de cire verte et la fait couler sur la missive. Elle observe l’anneau qui orne sa main droite et en dépose le relief dans la cire afin de sceller le rouleau. Quelques instants plus tard, Enguerrand, l’homme de confiance de Louise et son plus fidèle serviteur, s’élance à cheval jusqu’au palais royal afin de transmettre ce qui suit au premier Chambellan.

Kÿrianos de la première ennéade de Karfias, An 19 du Xième Cycle
Diantra, Quartier des Mille-Soleils, Résidence des Soltari-Berontii

Votre Majesté,

La plus entière et la plus vive des inquiétudes m’oblige à prendre une nouvelle fois la plume afin de Vous avertir d’un danger autrement plus menaçant que la présence de quelques Eldéens dans le Nord de Votre Royaume.

J’arrive de Langehack où les rumeurs enflent, font état d’incidents gravissimes ayant eu lieu entre Son Excellence le Marquis de Langehack et une délégation Naine. Si les détails sont nébuleux, l’essentiel a le déplaisant mérite d’être on ne peut plus clair : des morts sont à déplorer, autant du côté des Hommes que du côté des Nains.

Votre Majesté, j’ignore de quoi il retourne mais je suis certaine d’une chose. Le Zagazorn et son Roi, Harald Barbe-Sanglante, ne manqueront pas de répondre à ceci de la façon qui leur semblera la plus appropriée. Pour avoir côtoyé les Dawis de très près lors du mariage de leur souverain, je suis en mesure de Vous affirmer que leur réponse sera probablement à la hauteur de l’incident : catastrophique pour l’ensemble de la Péninsule et en particulier pour le Nord qui se trouve en toute première ligne si nous ne cherchons pas l’apaisement immédiat.

Lors de ce séjour, j’ai été honorée du titre d’Ongrumthrong du clan Barbe-de-fer par la Voix de Thanor, Glumtol Barbe-de-fer. En termes péninsulaires, je suis désormais une Amie des Nains et ai donc mes entrées sur leur territoire tant que le Grand Roi Harald ne l’interdit pas. Je ne peux guère me vanter de les connaître très bien mais je peux me targuer de les connaître au moins un peu, assez en tout cas pour Vous faire part de ma très légitime inquiétude et de mon désir d'aider le Royaume.

Si mon aide et mes conseils peuvent Vous être utiles en ces temps troublés, je suis et serai toujours, Votre Majesté, à Votre disposition.

Que Néera vous ait en Sa sainte garde,

Louise de Fernel

De Diantra en son Palais Royal,
Premier jour de la première ennéade de Verimios de la Dix-neuvième année du XIe Cycle.

A Louise de Fernel, Dame de Fernel

Les nouvelles venant de Langehack sont parvenues au conseil de régence de Sa Majesté Bohémond Ier. Préserver la paix si difficilement acquise est notre dessein, et c’est avec beaucoup d’effroi que nous avons appris l’agitation qui règne en Langehack et la mort tragique de deux émissaires nains. Toute la vérité doit être faite pour assurer l’apaisement entre nos royaumes et nous apprécions l’aide que vous proposez.

Votre dignité d’Amie des Nains est un atour majeur dans la diplomatie que nous souhaitons voir instaurée avec le Grand-Roi des Nains. Dans cette optique, nous vous convions en le Palais Royal au deuxième jour de l’ennéade. Le conseil y recevra les Pairs et les Gouverneurs du Royaume pour statuer sur cette affaire. Nous souhaitons vous y voir présente.

Puisse la DameDieu, Créatrice et Fondatrice, nous accorder sa sagesse en ces temps cruciaux. Qu’Elle nous bénisse et nous garde.

Pour Sa Majesté le Roy Bohémond Ier et en son nom,
Athanase de Cley, Grand Chancelier du Royaume par la grâce de Néera.