Le mariage c'est résoudre à deux les problèmes qu'on n'aurait pas eus tout seul

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Panahos, Ie ennéade de Karfias, An XIX, Cycle XI
Diantra, Péninsule

« Nerveuse? »


La dame de Lodiaker expira doucement alors que ses épaules semblèrent s’affaisser légèrement. Elle eut un sourire nerveux avant d’acquiescer, envoyant un sourire à sa camériste qui s’activait à replacer le moindre pli de sa robe. « Plus que j’aurais imaginé. » Dit-elle alors qu’elle se fixait dans la glace. Franchement, Clervie avait réalisé un miracle. En quelques heures à peine, elle avait réussi à rassembler une armée de petites mains qui avait produit le chef-d’œuvre qui la recouvrait. Le col bateau de la robe mettait jolie ses épaules en valeur, tandis que la taille cintrée dessinait joliment les formes de l’alonnaise. Clervie replaça une dernière boucle brunâtre, avant de faire quelques pas de reculons, admirant à son tour l’image de la nordienne.


« Elle te plait? »


La nordienne hocha doucement la tête, incapable de cacher son sourire alors que son regard suivait les innombrables broderies en fil d’or. « Tu as réellement fait un miracle Clervie. Je te serais à jamais reconnaissante. »  Elle se retourna doucement, avant de tendre les bras pendant que son amie répondait à l’accolade en riant.


« Je le sais que tu aurais fait la même chose pour moi. »


Adélina hocha la tête alors qu’une larme sembla perler sur le bord de son œil.


« Vous m’avez promis de ne pas pleurer!! »


La jeune femme ne put s’empêcher de rire avant de serrer un peu plus son amie dans ses bras. Les deux femmes entendirent un cognement à la porte, et se séparèrent finalement alors que Charles ouvrit la grande porte de bois avant de s’arrêter net lorsqu’il vit sa nièce. Puis, il eut un sourire, avant de répondre « Oh Adélina… » La nordienne répondit par un léger sourire à son oncle avant de se retourner entièrement vers ce dernier. Charles sembla finalement reprendre ses esprits avant de rejoindre sa nièce. Il se racla la gorge, tentant tant bien que mal de cacher l’émotion qui semblait l’accabler avant de tendre une boîte devant lui. Adélina lui lança curieux avant de prendre doucement la boîte et l’ouvrir. Elle y découvrit un magnifique collier serti de diamant, un collier qu’elle reconnaît immédiatement. La rose releva son regard vers son oncle, avant de tenter de reprendre la parole; « Mais, comment…? » Charles eut un sourire, avant de prendre doucement le collier de la boîte et d’intimer sa nièce de se retourner afin qu’il puisse attacher la pièce dans son cou. Adélina quant à elle semblait figée, regardant le bijou dans la glace. Elle l’avait reconnu tout de suite, ses diamants, ses saphirs…  il était bien en évidence sur le portrait de ses parents. C’était le même que portait sa mère. Charles eut un sourire en apercevant l’expression de sa nièce et rétorqua; «  Votre père m’a confié ce bijou. Apparemment c’était le désir de votre mère de vous l’offrir le jour de votre mariage. » Le regard d’Adélina se releva, croisant celui de son oncle dans la glace alors que ce dernier se met à rire; « Je vous connais assez Adélina… Impatiente… Aussitôt que vos fiançailles ont été prononcées, j’ai envoyé un messager au Lodiaker pour me la rapporter. Je me doutais bien que tout se passerait beaucoup plus vite que prévu. »


La jeune femme se retourna finalement vers son oncle, prenant grand soin de déplacer la traîne de sa robe, avant de se jeter dans les bras de ce dernier. Pris par surprise, Charles eut besoin d’une seconde avant de serrer dans ses bras sa nièce. « Ils auraient été très fiers de toi… » Adélina releva la tête avant de faire un sourire à Charles. Elle n’avait pas besoin de le remercier, pas besoin de dire quoi que ce soit, il savait très bien de quoi il parlait. « Allez… » Dit-il en lui donnant quelques petites tapes sur son épaule. « Ne faisons pas attendre Théodoric. » Adélina se redressa avant de hocher la tête. Sans attendre, Clervie attrapa l’immense traîne de sa robe, suivant cette dernière dans l’escalier. Dehors, un carrosse l’attendait, accompagné par d’innombrables chevaliers dans leurs tenues d’apparat, tous frappés des armoiries des Lourbier. Le groupe se dirigea sans pression vers la Cathédrale Sainte-Deina, là où un ramassis de personnes se trouvait.


Surprise, la jeune femme porta son regard sur le petit attroupement qui s’était rassemblé sur le parvis de la cathédrale, curieux de voir la jeune dame s’unir avec le fils du Marquis. D’un sourire, elle salua la foule avant d’entrer dans la cathédrale s’arrêtant à l’intérieur pour y trouver son cousin, Aubry. Ce dernier eut un air surpris, avant de lancer un sourire à sa cousine. « Et bien! Tu t’es débarbouillé! » Adélina lança un regard à son cousin alors que ce dernier salua Charles. Les deux hommes se dirigèrent rapidement vers la chapelle alors qu’une prêtresse saluait la dame avant de lui parler de la cérémonie. Sans attendre, cette dernière acquiesça, avant de la suivre dans la nef, se dirigeant vers la chapelle. Adélina s’arrêta soudainement devant l’entrée de la chapelle avant d’expirer doucement. Elle replaça sans le vouloir sa robe, tentant tant bien que mal de reprendre le contrôle de son souffle. Inutile de le cacher, elle était nerveuse, ce qui lui semblait complètement surréaliste. La prêtresse la regarda, sourire aux lèvres, avant de lui demander si elle était prête.  La nordienne releva la tête, avant d’expirer doucement.


« Allons-y. »


Clervie replaça une dernière fois la traîne, avant de se déplacer sur le côté alors que les grandes portes s’ouvraient. Son regard se releva du sol, avant de se figer sur Théodoric qui l’attendait près de l’autel. Soudainement, un sourire vint orner son visage, alors qu’elle s’avançait vers l’autel, faisant fi de tous les gens qui se trouvaient dans la salle. Et il fallait dire qu’il y avait plusieurs personnes d’ailleurs! D’innombrables alonnais s’étaient présentés à la cérémonie tout comme certains membres de la famille de Terresang. Elle rejoignit alors Théodoric, s’arrêtant devant lui, sans porter attention aux nombreux convives qui se tenaient dans la chapelle. Le prêtre prit finalement la parole, saluant l’audience alors qu’Adélina murmura à Théodoric. « Je ne vous mentirais pas, je suis nerveuse… » Elle lui fit un sourire, alors que son regard était plongé dans le sien. La nordienne ne pouvait détourner son regard de son mari. Elle avait réellement, à ce moment précis, l’impression de prendre une bonne décision.  

Il se regardait une dernière fois dans le miroir en se disant que quelque chose n’allait pas. Pourtant il avait rajusté sa tenue tant de fois qu’elle devait être parfaite maintenant. Et pour cause il ne faisait que ça depuis plus d’une demi-heure mais pourtant il avait un mauvais pressentiment. Ses sourcils es froncèrent sous une moue soucieuse alors qu’il tirait un coup sur la manche gauche de sa chemise pour la tendre correctement.

« Comment tu peux faire cette tête le jour de ton mariage ? » Demanda Laurent, assis dans l’un des canapés de la chambre qu’ils partageaient, une jambe posée sur son genou. « Aller, fais nous un sourire par les dieux! »

Il s’y attela mais c’était difficile avec le mal de crâne qu’il se tapait. Il sentait son cœur battre à ses tempes et il ne savait pas trop si l’envie de vomir était dûe à une nuit de boisson que lui avait infligé ses deux camarades ou bien si c’était à cause du stress et de l’anticipation qui lui retournait les tripes.

« C’est déjà mieux. » Patrice approuva d’un hochement de tête et il tira ses gants de cuir pour qu’ils épousent parfaitement la main du muet. Laurent se leva et vint placer ses deux mains sur les épaules de son ami. « T’inquiète pas tout va bien se passer. »
« Je sais. » Répondit-il en mettant finalement le médaillon que son épouse lui avait donné. Une fois en place il l’attrapa et l’ouvrit, après avoir regardé quelques instants le portrait de sa mère il le referma en poussant un soupir. « Mais et s’il ne vient pas ? »
« Dans ce cas tant pis pour lui. » Répondit-il en haussant les épaules. « C’est lui qui manque quelque chose, pas toi. »

Ça n’eut pas l’air de convaincre Théodoric mais avant qu’il n’ait pu dire quelque chose on frappa à la porte. Patrice qui était le plus proche de celle-ci l’ouvrit, dévoilant Gabriel qui, comme à son habitude, se tenait droit avec son chapeau à la main.

« Te voilà fin prêt on dirait. » Dit-il en détaillant son neveu des pieds à la tête.
« Merci pour le médaillon. »
« Ça me fait plaisir. » Répondit le seigneur de Bone en faisant un pas dans la pièce mais le fait qu’il soit seul ne fit rien pour aider le jeune homme à sourire. « Aller, viens, tu veux quand même pas être en retard pour ton propre mariage hein ? »

Théodoric hocha la tête et suivit son oncle. Il portait les vêtements qu’il avait pris pour le couronnement du roi, ou du moins de l’ancien roi, de toute façon le couronnement n’aurait pas lieux alors autant que ladite tenue serve à quelque chose d’aussi important pour le langecin. Vêtu de noir et d’or, le jeune homme était resplendissant et Laurent avait lancé en le voyant pour la première fois habillé comme ça qu’il faudrait mieux éviter qu’un rayon de soleil n’accroche ses atours sous peine d’aveugler tout le monde en tapotant une poignée de fois la cuirasse d’or, ce qui avait arraché un sourire à l’intéressé. Il aurait aimé porter cette armure d’apparat pour le tournois mais il n’était pas assez fou, ou stupide, pour croire qu’il n’aurait pas besoin d’une vraie protection dans les joutes à venir. Ses cheveux coupés courts avaient été disciplinés et il s’était aspergé le visage d’eau dans l’espoir d’en faire partir les dernières traces de la fatigue de la veille. Ils partirent ensuite vers Sainte Deina, Pongo ne sachant où donner de la tête autant à cause des chevaux avec lesquels il voulait jouer que les passants qui semblaient vouloir semblaient bien plus amicaux maintenant qu’il avait un maître. Un maître riche qui plus était. Son cœur, qui était bien loin d’être calme, s’emballa encore plus lorsque le haut temple fut finalement en vue et lorsqu’ils rentrèrent il fut accueilli par le couple de prêtres qui officieraient la cérémonie avant qu’ils ne l’accompagnent vers l’autel. A partir de là Gabriel s’en alla prendre sa place tandis que Laurent et Patrice suivirent Théodoric devant l’autel en question, se plaçant derrière le futur marié. Ce dernier se mit à sourire de façon incontrôlable en voyant que son oncle avait pris place à côté de son père et le marquis n’avait pas l’air d’être en colère. En effet Griffon avait une expression neutre qui ne laissait pas vraiment deviner ce qu’il pouvait penser.

Alors lorsque ce fut au tour d’Adélina d’arriver son sourire idiot resta cloué sur ses lèvres, incapable qu’il était de le faire disparaître. Il effleura son médaillon du bout des doigts en voyant la nordienne s’approcher dans une robe qu’il trouvait aussi magnifique que celle qui la portait et tant pis s’il y avait bien plus de nordiens que de langecins.

« Tout va bien se passer. » Répondit Théodoric dans un souffle, ne sachant pas vraiment si c’était pour rassurer son épouse ou bien pour lui-même. Lorsque les prêtres eurent fini de saluer la foule la cérémonie pu enfin commencer.

« En ce moment où Théodoric Clément Alesso du sang des de Langehack et Adélina Emmeline Rose du sang des De Lourbier se présentent devant Vous, ô Bienveillante Déesse, nous prenons l'engagement de faire respecter le Choix en Votre nom et selon Votre volonté car c'est dans la joie et sans contrainte que nous sommes rassemblés ici aujourd'hui pour unir deux vies. » Commença le prêtre avec une éloquence qui trahissait l’expérience.
« Soyez, ô DameDieu, témoins de ce Choix qu'ils font ici, librement, et qu'ils auront à garder tout au long de leur vie. Donnez-leur d'être sincère comme Vous êtes sincère. Donnez-leur d'être bienveillant comme Vous êtes bienveillante. Donnez-leur d'être clairvoyant comme Vous êtes clairvoyante et que par la grâce de vos bénédictions, ils puissent faire le Juste Choix. » Reprit sa consœur tandis que le premier plaçant les époux l’un en face de l’autre.

« Moi, Théodoric Clément Alesso, choisis librement prendre comme épouse Adélina Emmeline Rose. Et devant tous les dieux, je fais le serment de la protéger, de l’honorer, de lui rester fidèle, de faire de son malheur, mon malheur, et ses intérêts, mes intérêts. Deux Souffles, une seule vie. » Le jeune homme s’empara alors d’une main de son épouse, serrant doucement cette dernière alors que la prêtresse prit la place du prêtre.

« Moi, Adélina Emmeline Rose, choisis librement de prendre comme époux Théodoric Clément Alesso. Et devant tous les dieux, je fais le serment de le soutenir, de l’honorer, de lui rester fidèle, de faire de son malheur, mon malheur, et ses intérêts, mes intérêts. Deux Souffles, une seule vie. »

« Réunis devant les hommes et les dieux, cet homme et cette femme ont fait vœu de toujours être là l'un pour l'autre. Sur ce serment, ils bâtiront leur futur. Vous qui êtes ici aujourd'hui, soyez témoins de leur Choix. » Reprit le prêtre tandis que Théodoric défit le manteau de son épouse avant de le remplacer par le sien avant de prendre une fois de plus la main d’Adélina et attrapant le calice de l’autre.
« Ô Bienveillante Mère des hommes, devant Vous nous nous agenouillons. Bénissez cette union. Bénissez de votre grâce vos enfants Théodoric Clément Alesso et Adélina Emmeline Rose qui aujourd'hui se consacrent dans le mariage. Que votre bénédiction descende sur eux et leur permettent de rester sur la bonne voie, main dans la main. Qu'ils trouvent le bonheur en se donnant l'un à l'autre, qu'une descendance vienne embellir leur foyer. Dans la joie, qu'ils sachent vous rendre grâce ; dans les épreuves, qu'ils se tournent vers vous ; que votre présence les aide dans leurs tâches quotidiennes. Dans la tristesse enfin, qu'ils vous trouvent à leurs côtés afin que vous allégiez leur fardeau et que marqués de vos signes, ils sachent se garder l'un l'autre des tromperies et de la vilenie. » Une fois son élocution terminée, la prêtresse enjoignit le couple à boire dans le calice d’un signe de tête. Ce qu’ils firent tandis que l’autre couple, celui des prêtres, reprit la parole. « Embrassez-vous, et par ce baiser vous devenez mari et femme. Le serment prêté devant les dieux est sacré. Nul Homme ne peut le disjoindre et maudit soit celui qui se met entre eux. »

Le cœur battant la chamade, Théodoric lança un coup d’œil à la foule avant de plonger son regard dans celui d’Adélina et de l’embrasser tandis que Laurent et Patrice reprenaient le calice pour le rendre aux prêtres.

Elle fit un léger sourire alors qu’elle entendit son mari la rassurer. Leurs mains se joignirent alors que le regard d’Adélina était plongé dans celui de Théodoric. À voir son expression, cela ne laissait aucun doute, la jeune femme était inconditionnellement et irrévocablement amoureuse de l’homme devant elle. Ses yeux semblaient briller d’une lueur que peu avait aperçu auparavant, alors que son sourire était franc, sincère. On pouvait voir qu’elle avait finalement trouvé celui avec qui elle créerait sa famille. Son seul focus à ce moment précis était-elle et Théodoric. Tout le reste lui semblait peu important, comme un écran de fumée qui lui faisait savourer le moment qu’elle avait tant entendu. Et c’est à ce moment qu’elle réalisa que Théodoric était définitivement le bon, le meilleur cadeau qu’elle aurait pu recevoir et la chance qu’elle avait de trouver un souffle si semblable au sien. Pendant toute la cérémonie, la jeune femme répéta les mots des prêtres, sans jamais bouger son regard, bien qu’en réalité, elle lui aurait promis encore plus. Elle avait déjà donné son souffle pour lui, et elle recommencerait encore sans même hésiter.


Son sourire sembla s’agrandir alors que Théodoric l’embrassa finalement, scellant finalement leurs vœux officiels. Sa main se déplaça doucement sur sa joue, la caressant doucement du bout des doigts alors qu’elle sentait les mains de son époux sur sa taille. Ce ne fut que lorsqu’ils se séparèrent pour faire face aux invitées que la jeune femme remarqua le nombre de convives qui était venu. Embrassant du regard, elle remarqua de nombreux membres de sa famille. Les Azriths ainsi que les Eskil y étaient définitivement présents. Elle y aperçut aussi les membres de la famille de Terresang, qu’elle salua d’un léger mouvement de tête, avant qu’une personne n’attire son attention. Son regard croisa finalement celui du Marquis, et cela eut l’effet de faire grandir un peu plus son sourire. Elle serra doucement la main de Théodoric, avant que Charles ne s’approche du couple. Il sera rapidement sa nièce dans ses bras avant d’en faire de même pour son nouveau neveu. La jeune femme ne put s’empêcher de rire en voyant l’expression de son époux. Disons que ce dernier ne semblait pas encore à l’aise avec leur dynamique familiale.


Les invités décidèrent finalement de sortir de la chapelle, se dirigeant vers le modeste manoir qui leur avait été préparé pour un banquet. Rien de trop hors du commun n’en soit, après tout, la résidence qu’ils avaient empruntée était loin d’avoir le luxe du palais langecin, ou l’ambiance chaleureuse du château de Lodiaker. Elle tira doucement la main de son époux, attirant son attention avant de murmurer; « Peut-être devriez-vous inviter votre père ainsi que votre oncle au banquet. J’ai fait en sorte que quelques spécialités langecines soient préparées pour ne pas trop les dépaysées. » Elle lui fit un léger sourire pour l’encourager, se disant que ce dernier voudrait peut-être parler seul à seul avec son paternel. S’il avait besoin d’elle, elle l’accompagnerait, mais peut-être qu’une conversation père-fils était la meilleure option étant donné que le Marquis ne semblait guère l’apprécier.

Ne sachant pas vraiment comment réagir, Théodoric tapota l’épaule de son nouvel oncle par alliance, pas spécialement mécontent lorsqu’ils se séparèrent. Il regardait les invités partirent se isant que maintenant ils faisaient partis de sa famille, du moins une partie d’entre eux, rectifia-t-il. Il tourna la tête vers son épouse, il avait encore du mal à se dire que maintenant c’était officiel.

« Tu as raison. »

Il s’aventura à la tutoyer, se disant que maintenant qu’ils étaient marié ce n’était peut-être plus nécessaire de poursuivre le vouvoiement, de plus ils étaient suffisamment proches. Il retourna son attention sur la foule, cherchant son père et son oncle mais il ne put trouver que Gabriel qui, lorsque leurs regards se croisèrent, secoua la tête. Toutefois Théodoric descendit du dais sur lequel était perché l’autel pour rejoindre le seigneur de Bone.

« J’ai essayé de le faire rester mais... tu sais comment il est. » Le jeune homme hocha la tête mais poussa tout de même un soupire.
« Au moins il est venu, c’est déjà ça. Merci. »
« Ne t’inquiète pas, il finira par changer d’avis, quand il se rendra compte de son erreur. » Le châtelain posa une main bienveillante sur l’épaule de son neveu qui sourit timidement.
« Mais vous êtes toujours là et si vous le souhaitez, vous pouvez rester, vous êtes invité au banquet. » Gabriel, un sourire aux lèvres, lança un coup d’œil à Adélina avant que ses yeux ne retournent se poser sur Théodoric.
« Avec plaisir mais je ne resterais pas longtemps ; il vaudrait mieux que je retournes au plus vite auprès de son excellence pour lui éviter de faire de nouvelles bêtises. »
« Comme vous voudrez. » Prenant une nouvelle inspiration, Théodoric attrapa le médaillon qu’il portait autour du coup pour le retirer mais il fut interrompu par Gabriel qui désigna son épouse d’un signe du menton.
« Tu ferais mieux de retourner auprès d’Adélina avant que Laurent racontes une blague de trop. »

Théodoric se retourna alors pour voir son ami et sa femme discuter et il ne pouvait imaginer les inepties que ce dernier racontait, sans doute à propos de moments pas forcément glorieux de la vie du nouvel époux. Il pouvait déjà l’entendre parler de la veille où il avait régurgité le contenu de son estomac sur le tablier de la serveuse d’une taverne de la ville. Il retourna alors vers la nordienne, attrapant la taille de cette dernière avant de lui déposer un baisé dans le cou.

« Nous devrions y aller, il serait dommage que nous soyons les derniers à arriver au banquet en notre honneur. »

Adélina ne put qu’exprimer s’empêcher d’exprimer un léger sourire alors que Théodoric se décidait finalement à la tutoyer. Elle approuva d’un signe de tête alors que son mari descendait rejoindre son oncle qui l’attendait plus loin. Voulant lui laisser de l’intimité, la jeune femme se retourna pour remercier les deux prêtres. Au bout de quelques secondes, ce fut Laurent qui s’approcha afin de lui tenir compagnie.


« Charmante cérémonie! »


Adélina eut un sourire avant de tourner son regard vers Théodoric qui parlait à son oncle. Elle croisa le regard de Gabriel, et Adélina le salua doucement d’un mouvement de tête avant de s’adresser à Laurent. « En effet, je ne crois pas que j’aurais pu tomber sur un meilleur homme. » Laurent eut un sourire amusé avant de reprendre la parole, lui disant en rigolant qu’il n’en était pas certain. Allant même jusqu’à raconter les – disons – exploits de son mari lors de leur beuverie de la veille. Le sourire de la nordienne sembla s’agrandir alors que Laurent lui avouait que son mari n’avait pas pu supporter tout l’alcool qui lui avait été donné. Adélina eut un léger rire, alors que son regard se porta sur le sol avant qu’elle ne sente une main la saisir par sa taille avant de recevoir un léger baiser dans son coup. Se doutant de l’origine de cette marque d’affection, la jeune femme leva doucement son visage pour donner un léger baiser sur la joue de son époux, avant d’approuver de sa tête. Passant doucement sa main sur le bras de son mari, le couple sortit rapidement de la chapelle pour ensuite se diriger vers la sortie de la cathédrale, la une petite foule sembla s’être assemblée, acclamant et félicitant les nouveaux mariées.


Adélina salua doucement la foule avant d’embarquer dans le carrosse, suivi de Théodoric. Durant le court trajet entre la Cathédrale et le quartier des Milles-Soleil, la jeune femme ne dit pas un mot, se contentant de déposer sa tête sur l’épaule recouverte d’or de son mari. Un sourire aux lèvres, elle caressa doucement sa main gantée, profitant de ce moment. Ne plus avoir à se cacher pour lui démontrer une quelconque marque d’affection était en quelque sorte libérateur et Adélina ne pouvait cesser de remercier silencieusement la Damedieu d’avoir fait en sorte que ce moment arrive finalement. Au bout de quelques minutes, le nouveau couple arriva finalement à la résidence empruntée par les gens de Lodiaker. Le banquet fut relativement limité, bien entendu les grandes familles alonnaise étaient présentes, ainsi que quelques membres de la famille de Terresang, mais les petits seigneurs qui généralement auraient fait le déplacement pour cet événement manquaient à l’appel. Tout comme deux personnes. En effet, la présence de la baronne ainsi que du régent d’Alonna ne semblait déranger personne. Bien entendu, ils avaient invité, mais personne n’avait insisté pour que ces derniers se présentent. De toute façon personne n’était réellement surpris et la relation quelque peu difficile entre les Broissieux et les Lourbier n’était un secret pour personne.


Le couple entra rapidement dans le manoir, se joignant finalement à la fête. De nombreux convives vinrent rapidement féliciter le couple. Puis, ce fut Ansfild qui s’approcha du nouveau couple. S’inclinant maladroitement devant sa nièce et son nouveau mari, l’alonnaise prit finalement la parole; « Théodoric, permettez-moi de vous présenter mon oncle. Ansfild d’Eskil, seigneur de Chtoll. Ansfild est le frère de ma mère. » Dit-elle, tentant tant bien que mal de lui expliquer le difficile arbre généalogique qu’était sa famille. Ansfild fit un sourire avant de prendre la parole. Son ton était mal assuré, peu confiant, le total opposé des Lourbier. Si on pouvait sentir la confiance dans le ton de Charles, Ansfild, quant à lui transpirait la maladresse, on pouvait aisément voir que ce dernier ne devrait pas avoir la charge d’une des plus anciennes seigneuries d’Alonna. « Votre Excellence. C’est un plaisir de finalement vous rencontrer! Vous… vous me voyez enchanté de savoir que vous faites partie de notre humble famille. » Adélina haussa un sourcil, ce que son oncle venait de dire ne la rassurait point, elle savait combien ce dernier était opportuniste, et se disait qu’il avait probablement un plan pour sécuriser encore plus sa proposition. « Chère nièce, neveu… » se risqua-t-il avant de continuer; « Moi et ma femme, Sidoine, vous souhaitons tous nos vœux de bonheur. » La jeune femme le remercia, avant que ce dernier ne s’éloigne pour aller tenter de joindre la discussion entre Charles et Dunstan d’Azrit. Adélina tira doucement la main de Théodoric, attirant l’attention de son mari avant de murmurer; « Si je peux me permettre, soyez prudent avec Ansfild. C’est un opportuniste, sa femme n’est nulle autre que Sidoine de Broissieux. La mère d’Alanya. » Elle n’avait pas besoin d’en dire plus, il comprendrait assurément. Adélina se doutait bien que ce dernier apprendrait au fur et à mesure les différentes alliances entre les grandes seigneuries alonnaise. En tant que Seigneur de Lodiaker, ce dernier aurait définitivement une grande influence, et on pouvait déjà voir les autres tentés tant bien que mal de faire bonne figure devant le langecin, du moins, tous sauf deux.


Le couple put finalement s’asseoir à table alors que les serviteurs tentaient tant bien que mal de faire le service. Des plats en tout genre étaient déposés devant eux, tentant tant bien que mal de satisfaire les innombrables palais de toutes origines qui se trouvaient à la réception.  Adélina caressa doucement la main de son mari, tentant tant bien que mal de réprimander la fatigue qui l’accablait. Il fallait dire que les dernières nuits avaient particulièrement été courtes et agitées, et l’envie de passer du temps seule avec son mari serait particulièrement appréciée. Soudainement, elle sursauta alors qu’elle sentit une pression sur ses genoux, elle se pencha sur le côté, regardant discrètement sous la table pour apercevoir une paire d’yeux suppliante appuyée sur ses genoux. Elle eut un sourire, avant de lâcher la main de son mari pour caresser discrètement les longues oreilles noires. Pongo, qui par quelques stratagèmes s’était faufilé sous la table des nouveaux mariés, avait déposé doucement sa tête sur ses genoux, quémandant quelques caresses, à moins que cela soit de la nourriture? Qui pouvait réellement savoir! Un sourire aux lèvres, la nordienne se retourna vers son époux, avant de lui adresser de nouveau la parole; « Tu n’es pas trop dépaysé?  »

La veille, peu après l'apparition de la Bienveillante, Clothaire a quitté la même cathédrale pour se rendre chez lui avec pour objectif de préparer ses affaires et de quitter Diantra pour rejoindre les terres où il est né. Mais, même mû par une confiance inébranlable, il reste physiquement limité et n'a pas eu le temps de rejoindre son domicile qu'il est interpellé par la voix puissante et autoritaire d'un homme qu'il ne peut identifier, mais qui a tout d'un seigneur. Et comme tout seigneur, il se présente.

Charles de Lourbier. Le frère du père d'Adelina, seule personne de sa famille qu'il ait rencontré depuis son arrivée dans la capitale il y a une quinzaine d'années. Et l'oncle de la damoiselle de Lodiaker l'informe qu'il est cordialement invité au mariage d'Adélina de Lourbier avec Théodoric de Langehack, héritier du Marquis Griffon de Langehack. Ce mariage aurait dû être l'événement de l'année si, entretemps, n'avaient eu lieu les fêtes royales et l'élévation ayant vu l'apparition de la Bienveillante et son lot de surprises. L'invitation est officielle, ce qui signifie qu'Adélina estime qu'il est temps pour Clothaire de faire sa réapparition dans le monde des nobles et dans l'univers alonnais.

Après avoir remercié son interlocuteur et lui avoir confirmé qu'il serait présent, Clothaire est rentré chez lui, avec de nombreuses questions protocolaires en tête. Son salaire de copiste ne lui permet pas d'acheter les tenues dévolues aux nobles, mais il a des tenues correctes et a toujours été soucieux de son apparence. Clothaire porte beau et a deux tenues plus distinguées qui, il l'espère, pourront faire illusion, histoire de ne pas passer pour un pique-assiette. Après hésitation, il opte pour la noire, moins salissante et plus passe-partout. L'autre question est : Que peut-il bien offrir, lui le noble sans terre, à un fils de Marquis épousant sa noble cousine damoiselle de Lodiaker et du Bransat ? Il pourrait bien voler un livre précieux dans la bibliothèque royale, mais cela finirait par se savoir. Et quelques parchemins vierges ne font pas suffisamment cadeau de noce. Finalement, il renonce à l'idée de leur offrir un cadeau de noce, estimant qu'aux yeux de la Damoiselle, qui sera Dame demain, sa présence seule suffira. Et c'est une fois ces problèmes résolus et après s'être occupé de son chien que Clothaire put trouver le sommeil.

L'absence d'activité liée au sommeil a raidi ses muscles et le réveil est pénible. Mobiliser ses muscles est douloureux et si, certains bons jours, il peut paraître "normal", comme le jour où sa cousine l'a rencontré pour la première fois, aujourd'hui est un mauvais jour. C'est un de ces jours où on préfère s'isoler en espérant que cela passe et que la douleur cesse. Mais il ne peut pas s'isoler. Se vêtir sera compliqué et il ne sortira pas faire une balade avec son chien, qu'il laissera, comme souvent, vaquer à ses occupations durant la journée. Il lui faudra une bonne demi-heure en plus qu'à l'ordinaire pour s'habiller correctement et avoir une présentation soignée et sa démarche sera plus lente qu'à l'ordinaire pour se déplacer jusqu'à la Cathédrale. Mais l'effort en valait la peine, car l'activité physique amoindrit un peu ses raideurs et ses douleurs. Puis la cérémonie est comme la mariée, magnifique et ces deux-là étaient porteurs d'espoir. Il est possible que la nouvelle génération fasse mieux que l'ancienne.

Clothaire est à peu près certain que personne ne l'a remarqué dans cette cathédrale. Déjà, il était à sa place, au fond, et les regards, tout naturellement, étaient tournés vers les mariés, mais en prime, il ne paie pas de mine, avec sa petite taille et son côté rachitique. Puis, il faut dire ce qui est, il n'est pas connu. Il passe plus pour un curieux ayant réussi à s'introduire dans la Cathédrale pour suivre l'événement du jour qu'à un invité. Et au sortir de la cathédrale, s'il était parmi les premiers à se déplacer vers le lieu de la fête au quartier des Mille Soleils, il arriva parmi les derniers, accompagnant les personnes âgées qui avaient fait le déplacement non en carrosse mais à pied.

Les Seigneurs invités et participant au banquet se présentaient déjà au couple marié quand Clothaire rejoint finalement les lieux. Mais hormis Adélina, sa cousine, rencontrée une ennéade plus tôt, l'oncle d'Adélina, Charles de Lourbier, rencontré la veille et qu'il ne repère pas du regard et depuis la cérémonie Theodoric de Langehack, il est incapable de mettre un nom sur les visages qu'il croise. Ce n'est qu'une fois le couple assis à la table du banquet qu'il put les rejoindre :

- Ma Dame. Monsieur. Clothaire de Chtoll, cousin de la Dame de Lodiaker et du Bransat. Je voulais vous remercier en personne pour l'invitation et vous offrir mes meilleurs voeux de santé, fertilité et prospérité. Votre mariage est un symbole d'espoir pour l'ensemble de la Péninsule et me laisse espérer que la nouvelle génération aura appris de la précédente afin d'offrir à la génération suivante un monde apaisé et prospère. Si un jour mes quelques talents peuvent vous servir, je serai fier et honoré de vous servir.

Il dessine une révérence un peu raide et qui pourra paraître maladroite à celui qui ignore qu'il n'a plus le contrôle de son bras, mais son sourire est sincère. Il songe à s'éloigner pour ne plus déranger les jeunes époux et trouver une place où il pourra profiter du banquet. Et pour éviter tout impair protocolaire, il se met simplement en retrait, comptant sur Charles de Lourbier pour le guider vers la place qui lui est dévolue.

Théodoric ne savait pas vraiment comment gérer tout ça. C’était bien la première fois qu’il se trouvait à une fête avec tant d’inconnus, il avait perdu Laurent et Patrice de vue, il en allait de même pour son oncle, et il devait admettre qu’il était un peu intimidé ; ne sachant pas vraiment où se mettre il resta aux côtés de son épouse dont la présence était réconfortante. Il n’eut pas vraiment l’occasion de se préparer à l’avalanche de nordiens, il prit rapidement une inspiration. La première personne qu’on lui présenta étant un nouvel oncle, le langecin se demanda si, finalement, il n’y avait pas un peu de vrai dans ce qu’on disait des nordiens : qu’il s’agissait d’une grande famille, au sens un peu trop littéral au goût des suderons.

« Tout le plaisir est pour moi. » Il hocha la tête pour rendre le salut du châtelain. « Votre humilité vous fait honneur. »

Il s’abstint d’ajouter un commentaire sur la taille de la famille en question et se contenta de jeter un rapide coup d’œil à tout le monde présent avec un sourire pincé.

« Merci beaucoup. » Lorsque le seigneur de Chtoll s’en fut allé il pencha la tête légèrement sur le côté pour tendre un peu mieux l’oreille à ce que son épouse avait à dire. Il hocha à nouveau la tête, se disant qu’on échappe jamais à la politique et que Prudence aurait finalement peut-être sa place dans cette foule. Il fut d’ailleurs reconnaissant à la DameDieu que sa sœur ne tente pas de venir. Après tout qui, mis à part Adélina et ses plus proches gens, auraient pu y trouver quoi que ce soit à redire à propos de sa présence? Il allait répondre quelque chose à propos des diverses allégeances des alonnais mais préféra se taire, il y a avait trop d’oreilles à portées et ce même s’il murmurait. Lorsqu’ils purent s’assoir il se rendit compte que son oncle ne se trouvait à aucune table. Si Gabriel l’avait bien prévenu qu’il ne resterait pas, il s’était tout de même attendu à pouvoir boire une coupe en sa compagnie. Les doigts du jeune homme vinrent trouver le médaillon qui pendait à son cou et il adressa une prière muette à la DameDieu et Tyra. « Non... enfin si mais ça devrait aller. »

A la place d’un soupire un sourire se forma sur ses lèvres. Du coin de l’œil il pu voir Laurent dire quelque chose qui fit rougir la fille d’il ne savait quel seigneur, le père lançant d’ailleurs un regard noir au langecin qui cacha un sourire amusé en buvant une gorgée de vin. Quant à Patrice, il restait debout dans un coin de la pièce, regrettant sans doute le départ du haut temple. Théodoric fut d’ailleurs surpris de le voir encore ici et non dans le temple du manoir à prier. Il sursauta presque lorsqu’un nouveau nordien se présenta devant eux.

« Enchanté. » Se rattrapa-t-il, son indexe dansant sur le bord de la sienne, de coupe, qu’il n’avait d’ailleurs toujours pas touché. « Vos mots doux me touchent et je prierais pour que vous espoirs deviennent réalité, en attendant buvons à ce beau souhait. »

Il leva alors sa coupe avant d’y tremper ses lèvres.

« Vous avez parlé de talents, puis-je vous demander lesquels possédez-vous ? »

Clothaire s'était attendu à beaucoup de choses, mais pas à être retenu par l'héritier des Langehack après s'être présenté et encore moins à être interrogé sur ses talents. Pour tout dire, il ne l'a jamais été. Hormis sa cousine, aucun noble ne s'est intéressé assez à lui que pour l'interroger sur ses capacités. Aussi a-t-il un peu de mal à cacher sa surprise.

- Mes talents ?

Mais il sourit rapidement et répond simplement.

- Je ne trahis aucun secret en vous affirmant que les Cinq ne m'ont pas doté de capacités guerrières exceptionnelles, que du contraire.

Sa petite taille et son côté rachitique sont là pour le rappeler, même s'il fait l'effort de cacher ses autres difficultés physiques, comme ce bras presque paralysé et le fait qu'il doive mobiliser son corps pour éviter qu'il ne s'ankylose. Il a fait le choix d'en sourire, puisqu'il ne peut plus rien changer à cet état de chose.

- Mais, et même si je ne suis pas prêtre et que je m'avance sans doute trop sur ce sujet, je suis convaincu que les Cinq sont justes et que s'ils privent un être d'une capacité, c'est pour en offrir une autre. Ainsi, si épée à la main je ne vous serai d'aucune utilité sur un champ de bataille, il est d'autres lieux où mes habiletés peuvent servir. Je peux passer des heures dans une bibliothèque sans perdre ma concentration. Je peux lire avec plaisir et assiduité des ouvrages complexes. Je mémorise facilement les informations ou sait où les retrouver s'il faut être précis sur un détail. J'ai une belle écriture et mes copies sont considérées comme de qualité. Je pourrai passer des semaines à chercher une information au sein de la bibliothèque royale et vous la trouver si elle existe. Et j'ai la prétention de croire que le savoir est aussi une arme. Ceci est sans doute mon plus grand talent et s'il devait vous servir, j'en serai ravi. Mais, Monsieur, si je puis me permettre...

Il hésite une fraction de secondes mais se laisse emporter par son élan.

- Voilà, j'ai une passion pour l'ingénierie militaire, l'architecture, l'étude du terrain, l'intendance. Dans mes temps libres, j'adore étudier ces sujets et imaginer ce qui pourrait être fait pour faciliter la vie des stratèges militaires, des soldats et du peuple. Comment faciliter le travail des fermiers tout en augmentant les productions ? Comment alléger les armures sans qu'elles ne perdent en solidité ? Que faire pour améliorer la défense d'une cité et lui permettre de soutenir un siège, et à quel coût ? Comment accélérer les guérisons des maladies et des blessures ? Ces questions me passionnent mais je ne suis qu'un théoricien, je n'ai jamais pu en discuter avec les gens de terrain et leurs expertises valent largement plus que mes idées car je sais que confrontées à la réalité et au terrain, plusieurs de mes théories seront inapplicables. Mon rêve, c'est qu'on me fasse assez confiance que pour me laisser étudier mes projets sur le terrain avant d'en lancer un qui pourrait nourrir les autres et servir ainsi les gens. Beaucoup rêvent d'être un conquérant ou un grand seigneur guerrier. J'aimerais être un seigneur ingénieur, quitter mes lieux d'études pour me confronter aux architectes, aux ingénieurs, aux fermiers, aux artisans et voir si de ces échanges, une nouveauté pourrait naître.

Et voilà, il s'est encore laissé emporter. Dans une bibliothèque, les moments où l'on peut échanger sont rares, mais on peut aisément imaginer l'enfant émerveillé qu'il était et qui n'a pas encore abandonné tous ses rêves.

- Ne serait-ce que pour créer un nouvel alcool, un nouveau plat ou un habit pratique. Et de lui donner le nom du seigneur ou du mécène qui aura, par sa confiance et sa patience, permit que cette invention naisse.

Il sait qu'il a trop parlé, mais il espère ne pas avoir lassé le jeune marié avec ses élucubrations d'érudit et que sa cousine lui pardonnera de l'avoir éloigné de son époux durant ses trop longs propos. Il les salue à nouveau tous deux et fait un pas en arrière, indiquant par là qu'il se retire et que quiconque souhaite adresser ses voeux à l'heureux couple peut le faire.

Entendant les mots de son mari, la nordienne attrapa doucement la main de son mari, serrant doucement ses doigts pour le rassurer, ce qui sembla le rassurer d’une certaine façon à voir le sourire qui vint orner ses lèvres. « Ne vous inquiétez pas, cela ne devrait durer bien longtemps. » murmura-t-elle à son époux, le regard azuré se porta sur Charles qui était en grande discussion avec son futur beau-frère. «  Je crois que mon oncle voulait nous laisser un certain temps pour nous remettre des émotions qui nous ont secoués dernièrement. » Sans le vouloir, sa main se porta discrètement sur son ventre, alors que de douloureux souvenir venaient la hanter. La jeune femme secoua la tête, et son regard s’arrêta finalement sur son cousin qui s’approchait du couple seigneurial. Ses vœux touchèrent la jeune femme, qui ne put s’empêcher de faire un léger sourire à son cousin. Définitivement, ce dernier tentait de se rapprocher d’elle après leur conversation dans la bibliothèque, ce qui, en soi, n’était pas une mauvaise idée pour quelqu’un qui voulait reprendre son trône. Discrètement, la jeune femme regarda son oncle Ansfild, qui semblait bien intéressé par la conversation entre les nouveaux mariés et le fils de son prédécesseur, ce qui eut au moins comme effet de faire sourire un peu plus la châtelaine.


Adélina laissa son cousin prendre la parole, alors que l’esprit de ce dernier vagabondait. Bien qu’il avait certaines bonnes idées, la châtelaine ne pouvait s’enlever de l’esprit qu’elle avait failli unir sa vie avec ce dernier. Ils auraient été un couple particulièrement mal assorti. À moins que cela soit les valeurs diantraise qui émanaient un peu trop de son cousin? Plus elle y pensait et plus elle se disait que cela ne devait pas être le cas, puisqu’elle et Théodoric avaient deux mentalités particulièrement différentes. Mais ce qui les rapprochait était leur amour pour la Damedieu ainsi que leurs valeurs. Chose qu’elle n’avait pas l’impression de partager avec son cousin. Adélina sortit finalement de ses pensées alors que son cousin terminait son passionné discours. Un sourire aux lèvres, la jeune femme prit finalement la parole; «  Vous voyez, mon cher époux. Mon cousin doit être l’un des plus passionné copistes de Diantra. Pas une seule bribe d’information ne semble lui échapper. » Elle fit un léger sourire, avant d’incliner doucement la tête à Clothaire; «  Vos vœux me réchauffent le cœur, Clothaire. Il nous fera grand plaisir de vous recevoir au Lodiaker lorsque vous aurez besoin de revoir votre mère patrie. »


Un bruit attira finalement son attention. Adélina se tourna vers son oncle qui, verre à la main, utilisait un ustensile pour acquérir l’attention des nombreux convives. Tous semblèrent s’asseoir à leurs places alors que le Seigneur de Mesnu prenait finalement la parole; « C’est un honneur de vous recevoir en cette occasion plus que spéciale.  Ce n’est pas tous les jours qu’on peut assister à un tel événement et je ne saurais vous dire à quel point je suis heureux pour ma nièce et son nouveau mari. Dire que j'attendais cette journée avec impatience est un euphémisme. Je me souviens d’une conversation que j’ai eue avec Mathieu de Lourbier il y a quelques années. Il me dirait que le lien entre un père et une fille est une chose incroyable. » Charles eut un sourire avant de poser son regard vers sa nièce, qui elle, semblait beaucoup plus émotive. «  Mon frère m'a dit qu'il n'avait jamais autant aimé, que le jour qu’il avait eu sa fille dans ses bras. Il me disait que ce jour-là, son cœur était parti de son corps, que tu lui avais volé. Et je suis sûr qu’aujourd’hui, il aurait éclaté non seulement de joie, mais aussi de fierté devant vous deux. » Il s’arrêta un moment, se raclant la gorge, comme prit par l’émotion à son tour avant de continuer; «   Je peux dire avec certitude que vous serez une épouse extraordinaire et une mère merveilleuse, après tout, vous apprenez des meilleurs. Et Théodoric… » Charles se retourna finalement vers son nouveau neveu, avant de continuer; « Jamais je n’oublierais le jour que tu es entrée dans nos appartements à Langehack pour me demander la main d'Adélina. Je dois l’avouer que je ne m’y attendais aucunement… Mais après avoir vu ma nièce te regarder, j’ai su que tu étais la bonne personne. Ce qui m'a plu le plus chez toi, c’est non seulement ta force de caractère et ton courage, que tu nous as d’ailleurs prouvés à de multiples reprises ces quelques ennéades. Mais ton intégrité. Il est évident que tu es profondément amoureux d’Adélina, et au finale, il n'y a rien de plus important pour nous que cela. » Charles leva finalement son verre vers les nouveaux mariés, imiter par les autres convives, avant de conclure; «  Je propose donc un toast. Aux nouveaux mariés. Au Seigneur et à la Dame de Lodiaker, que Néera bénisse votre union. » Adélina eut un sourire, levant à son tour son verre, non sans essuyer discrètement une larme qui perlait sur le coin de son œil.

A la question, rhétorique à n’en point douter, le langecin hocha la tête, confirmant ce que le nordien avait bel et bien entendu. Il avala une nouvelle gorgée de vin pendant que Clothaire reprenait la parole.

« Les combants sont flamboyantes et mémorables mais seraient impossibles sans tous ceux qui ne mettent pas les pieds sur le champ de bataille. »

Il pouvait entendre d’ici les commentaires que la vieille garde du palais langecin dirait à propos de l’inexistence de lettrés chez les nordiens et qu’ils n’étaient pas plus intelligents que leur bétail. Après ça il resta muet, laissant son interlocuteur répondre à sa question originale. Si Clothaire n’avait pas vraiment l’aisance ou la pratique d’un grand orateur au moins en avait-il la passion. Mais il sembla arriver à bout de ce qu’il avait à dire, ou peut-être se retint-il de poursuivre et y mit un terme.

« C’est… impressionant. » Répondit-il à son épouse avant d’ajouter quelque chose à l’attention de Clothaire. « J’ai l’impression que vous auriez votre place au Collège Langecin ; sans compter que la bibliothèque de Missède n’est pas loin. Quoi qu’il en soit ce serait un plaisir que de vous assister dans vos recerches. »

Il leva à nouveau sa coupe pour saluer son départ lorsqu’il tourna la tête en direction de Charles attirait l’attention des convives. Théodoric déposa sa coupe sur la table, résistant l’envie de boire une nouvelle gorgée. Il ne s’était pas attendu à ce que le discours ne tourne dans sa direction bien qu’il aurait dû s’en douter. Le langecin leva sa coupe avant d’y boire. Il lança un coup d’œil à Adélina, autant pour voir si ça ne la dérangeait pas qu’il prenne la parole à son tour autant que pour rassembler son courage. Comme pour la soirée au palais ce fut son épouse qui lui permit de se lancer.

« Merci. » Il leva sa coupe en direction de Charles avant de se tourner plus généralement vers la foule. « Merci, merci à vous, à vous tous. Je ne suis pas aussi bon pour les grands discours que sir de Mesnu et puis vous m’avez sûrement assez vu et entendu aujourd’hui. »

Il embrassa la pièce du regard, il n’avait rien de préparé et parlait au fur et à mesure que les mots lui venaient ce qui, après sa petite introduction, incluait quelques hésitations.

« Je suis flatté et comme je l’ai déjà fait, je tenais simplement à vous remercier, une fois de plus, d’être venus, cette journée si spéciale pour nous n’aurais pas eu la même saveur sans vous. » Il aurait bien dit qu’elle aurait pu être meilleure si son père et la noblesse langecine était présente mais au moins son oncle était venu, bien que brièvement, ce qui était toujours mieux que rien. « Mais il n’y eut qu’une personne pour illumine cette journée. » Théodoric se retourna alors vers Adélina et tendit ses mains vers elle pour qu’elle se lève pour le rejoindre. Serrant ses mains avec les siennes, le langecin la regarda intensément. « Mon cœur est en repos que quand il est auprès de toi, c’est son état naturel, et le seul qui lui plaise ; je t'aime, Adélina. »

Il termina sa phrase en embrassant son épouse.