Possessions & Equipements : Du bois, de la mousse et des champignons. Les restes d’une carcasse d’un animal fait de feuillages. C’est là tout ce que tu peux appeler « tien ».
Apparence :Deux yeux rouges comme le sang luisant au milieu d’un visage de cendres à la pâleur lunaire. L’ossature agressive d’un crâne à la lourde mâchoire et au nez comme naturellement brisé, d’un poitrail large tant aux côtes qu’aux épaules et de membres longs et lourds aux articulations grossières. Une montagne de muscles tracés et saillants, sans embonpoint aucun, embrassés de près par une peau fine à s’en déchirer. Fine à s’en être plusieurs fois déchirée, seulement pour mieux se zébrer des trophées que sont les cicatrices qui y courent.
Un être dont l’apparence est à l’image de sa vigueur, de sa rage de vivre, de la puissance qui est sienne. Un être dont la chevelure de jais éternel aura cependant rendu coupable les désirs de ceux et surtout de
celles qu’il a pris, témoignage qu’elle est – toi dont le sang est pourtant on ne peut plus pur – de ton imperfection.
- Taille : 2m03
- Couleur des yeux : rouges
Personnalité : Féroce et Obéissant. C’est ce que les autres ont toujours perçu de toi. De questions tu n’en as jamais posé que très peu, car il ne t’en avait jamais fallu que très peu pour comprendre les règles de ton monde. Dévoué à ton clan, dévoué à tes dieux, dévoué à ton peuple, dévoué à vos traditions. Mesuré lorsque le veulent les usages, déchaîné lorsque le demandaient les circonstances, à leurs yeux tu n’avais jamais été que le parfait représentant de ta race.
Seulement rares étaient ceux qui avaient su te reconnaître cérébral. Rares étaient ceux qui savaient quelles réflexions te traversaient l’esprit. De questions tu n’en as jamais posé que très peu, car tu préférais tenter d’y répondre par toi-même. Là est à la fois ta prison et sa clef. Car il est en réalité toujours plus de réponses qu’il n’y a de questions dans le Monde, et des réponses le temps choisit de t’en donner bien plus que tu n’étais prêt à en considérer.
Alors aujourd’hui tu continues aujourd’hui d’agir comme tu l’as toujours fait : féroce et obéissant, à cela près que les questions animant le fond de ta pensées sont aujourd’hui d’un acabit différent.
Capacités magiques :Tout ce qui
vit parle. Tout ce qui
est entend. Tout ce qui
vit répond. Tout ce qui
est obéit. Tout ce qui
vit est, mais tout ce qui
est ne vit pas. Tout ce qui
répond n’obéit pas. Tout ce qui
obéit ne le fait que selon ses propres règles.
Le langage des arcanes est le langage mystique liant ce qui
vit et ce qui
est, permet à ce qui
vit de façonner ce qui
est, à ce qui
est de façonner ce qui
vit et à ce qui
vit de façonner ce qui
vit. Car tout ce qui
vit est, tout ce qui
vit parle, entend et répond. Pour cette raison, il est bien plus aisé d’être obéi par ce qui
vit que d’être obéi de ce qui
est… tant que l’on sait trouver les mots justes.
Les mots justes ne sont pas des mots. Les mots justes ne sont jamais que des pensées. Des prières adressées à un monde que l’on espère complice s’il ne veut pas être fait servile. Penser te suffit à formuler tes prières, mais penser n’est jamais suffisant à être entendu. Simple pensée n’est qu’idée sans convictions, et idée sans convictions n’est que peu persuasive.
Les mots justes sont les pensées valant sacrifice. Alors à tes pensées tu accordes la valeur de ton sang. Au temps d’avant c’était la bague griffue à ton pouce qui venait t’en entailler la paume, aujourd’hui ce sont les épines de ton écorce d’emprunt qui te tailladent volontairement la peau, mais aujourd’hui comme avant, la douleur donne du poids à ta volonté, et te rappelle chaque fois que tu influes ce qui
est que rien en ce monde n’est sans un prix.
- Citation :
- S'il a quelques notion de base en tant que vitaliste ( enseignement du C'nros où les soldats passent leur temps à se blesser oblige ) Xal'Zhaun est avant et surtout un végétaliste. Branche de la magie sous-représentée chez les Drows, elle n'en est pas moins - pour ses quelques pratiquants - énormément alimentée par la science Eldéenne. Après tout, nombre de poisons et autant de remèdes trouvent leur origine dans le monde végétal.
Histoire
Tu es né de vieux sang. Destiné à de grandes choses, car le vieux sang ne tolère pas la médiocrité. Seulement d’entre tous les anciens noms résonnant encore au sein du Vatna, Irl’liel n’était probablement pas le plus lourd à porter. Parmi tes ancêtres, de grands mages, de grands nécromants, de grands prêtres et penseurs, certains qu’Elda avait été jusqu’à appeler fous, mais aucun dont le Vatna n’avait jamais été ni effrayé ni moqueur. Probablement étais-ce là l’avantage d’avoir les bruyants Baenfere pour Mère lignée : aussi pétulants puissiez-vous être, leur ombre vous faisait discrets.
Discret sans l’être, c’est ainsi que tu avais vécu ton enfance. Noirelfe de peu de mots, tenant à honorer la tradition familiale, c’est avec une application toute particulière que tu t’étais dévoué à tes premiers apprentissages. Tu écoutais, tu t’imprégnais, contrairement à d’autres posais peu de questions, car tu comprenais… ou du moins en étais-tu assez convaincu pour en donner l’illusion. Discret sans l’être, la combinaison de ton naturel taciturne et de ton intellect vif avaient plus souvent attiré l’attention de tes pairs que le mur de solitude dans lequel tu vivais ne voulait bien le laisser croire. Cependant cette attention, seuls en étaient témoins les nez brisés de ceux s’étant tentés à te perturber durant tes études, et les contusions ramenées à tes pères.
Souvent, tes mains parlaient avant tes lèvres. Plus souvent encore, tes mains étaient les seules à parler. La compagnie des autres te plaisait peu. Leurs flamboyantes frasques t’ennuyaient. Ils ne comprenaient pas. Ils étaient trop bêtes pour. Trop égocentriques pour. La compagnie des autres te plaisait peu, parce que les autres cherchaient à briller à la place des dieux. Tu le voyais dans leurs yeux. De tes yeux d’enfants dans leurs yeux d’enfants. Alors lorsqu’ils cherchaient à s’élever… tu les rappelais à la terre, de tes poings et de tes pieds. Car tu le pouvais. Car tu le
devais. D’un vieux sang, d’un sang pur, ta floraison avait naturellement commencé avant celle des bâtards. Déjà tu étais plus fort que la majorité d’entre eux. Déjà le fossé entre eux et toi se creusait. Déjà tu faisais honneur à ton statut de Prima Sanguis.
Ils étaient trop peu à encore oser te défier. Trop peu à oser ne serait-ce qu’approcher de toi. À cause de cela, tes maîtres avaient commencé à grandir en inquiétude. Comment assurer que tu ne te complaises pas dans cette nouvelle tranquillité ? Comment entretenir la prime flamme en tes entrailles si les adversaires qu’étaient tes congénères naturels se refusaient à t’obliger à la cultiver ? Ces questions ce seraient certainement posé plus longtemps si tu n’avais pas été un Irl’liel.
Ton
clan, versé dans la prêtrise sut aisément trouver l’oreille de tes professeurs. Le verbe acéré des Irl’liel te gagna de savourer délicieuse solitude. Le Sang saurait te soumettre à épreuve digne de ta stature.
Le Sang avait repris le dessus. En comparaison de l’enseignement des Irl’liel, les Classes te paraissaient d’un mortel ennui. Tes camarades te paraissaient lents, hésitants, perdus face à l’évidence… et pourtant la réalité qui leur était décrite n’était qu’une bouillie trop simplifiée par un clergé que tu savais avoir peur de plonger leurs faibles Flammes dans une confusion plus profonde que celle qu’ils connaissaient déjà. Mais qu’y pouvaient-ils ? La souillure habitant l’esprit des bâtards leur rend l’accès aux Voix des dieux difficile. Il leur faudrait du temps avant qu’elle ne soit entièrement consommée par le Feu d’Uriz, et qu’ils fassent leur renaissance devant Lui. Et qu’y pouvais-tu, sinon gâcher ton temps à les observer s’empêtrer dans leur propre bourbier ? Trop peu. Là n’était de toute façon pas ton combat.
Aux yeux de la majorité des Eldéens, les arcanes du clan Irl’liel sont un bien sombre Art. Après tout, la jungle du Vatna avait beau être une puissante alliée, c’est aux pieds de milles et de milles de désert qu’elle mourait. À quoi pouvait bien servir de cultiver la communion avec un allié si circonstanciel, lorsque toutes les guerres étaient jouées entre être de chairs ? Pour entretenir le savoir. Pour le cultiver, étaient les réponses. Si les Irl’liel étaient connus pour leur fascination pour la mort, l’Elda était bien en peine de remarquer celle plus profonde encore qu’ils avaient pour la vie sous toutes ses formes. Qu’importe. Ils n’avaient pas à comprendre. Le Sang suffisait au Sang. Le clan saurait t’enseigner ce que tu devais de savoir, car au sein de la Chambre Arcanique, le Sang coule déjà.
Tu attends, assis sur la pierre rougeoyante. Ton regard impassible scrute l’obscurité à la recherche d’un mouvement, d’une silhouette. Tu ne vois pas, mais tu entends. Tu entends la chair vivante te chanter sa lascive mélodie. Elle te tente sans se dévoiler, sans jamais se rendre disponible, ni à ton regard ni à ton toucher. Seules les arcanes te chantent son manège, et tu en es convaincu, elle le sait, elle le
sent, elle en joue, cherche à te forcer à trahir ton calme.
Tu expires. Lourdement. Le creux de ton poitrail accueille une goutte échappée à ton front. La surface de ta peau se tend, électrisée. Une griffe jaillit depuis la brume pour te lécher le ventre, redessiner le contour de tes abdominaux saillants, à la recherche de son chemin vers le haut. Elle creuse lascivement un sillon déjà tracé, jusqu’à trouver ce qu’elle cherchait. L’ongle tranchant cueille la goutte et fuit, avant d’être goulument dévoré par de voluptueuses lèvres à la couleur d’ébène.
Un sourire carnassier se dévoile à toi sans réussir à exciter tes frayeurs. Un regard écarlate prend le temps de te dévisager de près, tandis que les mèches d’une chevelure de cuivre essuie la sueur perlant sur ta peau. Une main trouve ton épaule et y presse avec force. Une longue jambe surgit et se glisse dans ton dos. Tu restes péniblement immuable face à ton juge. Las de ses vains efforts, la paume embrasse ton épaule, sa jumelle trouvant place à ton visage. Tes bras lui répondent enserrant le corps du tentateur, tes pognes accrochées l’une à sa taille, l’autre à sa nuque.
Tu te retournes avec violence, plaquant le dos scarifié contre la pierre brûlante. Tu deviens marteau, le pressant contre l’enclume. Tu enfermes l’inquisiteur entre la pierre et toi, te saisissant de sa main pour la guider contre ton torse, les doigts ourlés autour des siens pour les guider contre ton ventre, souriant enfin à ton tour lorsque sa langue lui lustre les dents.
-
Tu as bien choisi.Avec délicatesse, la paume du juge te repousse. Tu le libères, le laisses volontairement s’accrocher à toi. Tu le soulèves comme une plume, pour mieux reprendre ta prime place, lui faisant siège confortable de ta cuisse. De leur propre chef, d’insolents ongles reprennent leur course vers le bas. Le coin de tes lèvres se soulève. Les agiles doigts s’écartent autour de ton vît endormi. Le visage du prêtre se referme.
-
Natha t’a béni avec abondance... Plutôt que de t’offrir satisfaction, la main affriolante remonte à ton visage, et se saisit avec compatissance d’une mèche de tes cheveux.
-
…mais Teiweon t’a refusé sa protection.Les lèvres du prêtre s’écrasent contre les tiennes, avant qu’à la chaleur de son corps se substitue le froid de la brume.
-
Puisse La Belle Dame garder ta Flamme de la corruption. Et puisses-tu en cette faille trouver ton pouvoir... sans quoi il incombera à ceux que pour l'instant tu appelles "Frères" de te détruire.Les mots du prêtre résonnaient avec force en ton cœur, et pour cette raison, tu n’étais plus capable de tolérer de toi-même moins que d’aller par-delà l’excellence. Pour cette même raison, tes maîtres au C’nros te surveillaient de près, craignant parfois que les réflexions inhérentes à la pratique de ton Art -
toi dont la Flamme était exposée au vent - ne viennent t’éloigner du chemin qui t’était déjà tout tracé. Enfin, la réputation des mages Irl’liel avait fini par te rattraper, et toi – le surnommé
Crin d’Onyx – en était le point culminant.
Vous, pratiquant les arcanes singulières de ton clan n’aviez rien à voir avec les autres Nécromants du Puy. Là où les autres marionnettistes donnaient l’apparence de vie à la chair morte, les tissus, plus grossiers, que vous maniiez vous autorisaient à vous approcher bien trop près du miracle de la résurrection. Là où pour les autres marionnettistes, la frontière entre l’avant et l’après était on ne peut plus claire, car ils touchaient à des êtres qui comme eux se meuvent, respirent, sentent, voient, la matière qui vous parlait, même au plus fort de sa vigueur, était proche d’être inerte. Elle était là, la raison pour laquelle les Nécromants de ton clan semblaient à ce point obsédés par la Mort : vous ne portiez simplement pas le même regard que le reste d’Elda sur ce qu’est la Vie.
Vous étiez d'autant plus fascinés par la mort qu'eux, que vous aviez une plus grande révérence pour la Vie sous toutes ses formes.-
Regarde, et apprends.Bientôt centenaire, ce serait bientôt ton tour. Pour l’instant cependant, tu observais, tu apprenais à te satisfaire de voir les tiens faire pleuvoir le feu et l’acier sur ceux qui – ces fous – s’étaient faits vos agresseurs. L’écrasante victoire menée aux pieds du Vatna serait longtemps la seule bataille qu’il t’avait été donné de voir de tes yeux. Car l’Ithri’Vaan était loin, loin de ton regard, loin des préoccupations de tes maîtres, loin des préoccupations de ton clan, et loin des responsabilités qui seraient bientôt les tiennes.
Les arcanes des Url’liel attiraient à nouveau l’œil des grands du volcan. Tes instructeurs avaient redoublé de sévérité dans ton apprentissage. Il fallait que tu sois capable de
plus,
plus tôt et
plus vite.
Il ne fallait pas que ton imperfection te perde avant que ton rôle ait été joué. Les rumeurs de batailles à venir commençaient déjà à circuler au sein du Puy, de batailles au sein desquelles ton clan pourrait avoir un grand rôle à jouer. Des années durant pourtant, l’Elda resta aussi calme qu’Elda en est capable, et les rumeurs ne restèrent que cela. Vous n’étiez pas prêts. Pas encore.
Enfin. Vous avanciez à nouveau vers la réalisation de l’Eda Vengeur. Et tu avais trouvé place de choix dans son accomplissement. Faélia était un environnement passionnant, et le parfait professeur pour un végétaliste partant en guerre. Entretenir votre avant-poste t’était finalement devenu de loin secondaire à la familiarisation avec les essences présentes… pour le plus grand plaisir de tes camarades. Le temps de votre occupation des marais et de la préparation du futur assaut de la forêt de Kerhel fut ta première ( et seule ) occasion de toucher au poids des responsabilités au sein de votre armée. Car en tant que celui d’entre les mages du C’nros qui ouvrait la voie au milieu des buissons ardents, malgré ton jeune âge, il t’avait été donné d’occuper jusqu’à ce que vienne la Grande Bataille le poste de Faern d’Hosse.
Tout était prêt. Votre rage était à son comble. Plus d’un siècle que vous attendiez ce moment. Plus d’un siècle que le Haut-Prêtre d’Uriz assemblait avec attention ses cartes. Vous alliez traverser le lac, et les Anedhels ne pourraient faire autrement qu’accueillir vos lames à bras ouverts. Du moins c’est ce que ton imaginaire, alimenté des récits de vos victoires sur un Empire Nisétien en déclin, de votre victoire sur les faibles Crétoks, et de la seule et unique bataille que tu avais pu voir de tes yeux imaginait.
Déjà la forêt n’était en rien comme tu l’imaginais. Les contes de la luxuriante Anaëh lui faisaient tout sauf justice. Anaëh n’était pas luxuriante. Anaëh était étouffante. L’Anaëh hurlait sa présence à tes sens comme tu n’avais jamais encore entendu hurler une vie. Les premières heures de marche en avaient été atrocement difficile, et sans te l’avouer ni à toi, ni à ceux dont tu avais la responsabilité, tu avais eu peur – faute de pouvoir penser droit – de manquer à ton devoir. Dès lors il n’y avait plus eu que ta promesse devant La Belle Dame pour te permettre de tenir, de continuer d’avancer. Ta volonté s’opposait à celle d’une forêt se comportant comme une gigantesque entité vivante, te haïssant de tout son cœur… mais la volonté de la forêt ne saurait écraser celle d’Isten, et Isten était avec toi. À toi seul s’il le fallait, tes dieux pour alliés, tu étais prêt à vaincre la forêt. Ainsi la couardise de Kerhel serait révélée à nouveau.
La victoire n’était plus qu’un lointain rêve, vous ayant depuis longtemps échappé. Bientôt viendrait la mort, et la douce promesse du Nahali. La mort, tu étais prêt à l’accueillir. Tu mourrais avec honneur. Mais tu étais triste tout de même. Profondément triste d’avoir à abandonner ce monde n’ayant eu qu’une seule fois l’occasion de vivre la guerre. Tu t’étais déjà battu, tu avais déjà joué avec le fin voile entre la vie et la mort, mais jamais tu n’aurais imaginé si exaltant de vivre
la guerre. Jamais tu n’aurais cru un jour pouvoir vivre
si fort.
Des heures durant tu t’étais battu. Des heures durant tu t’étais perdu à toi-même. Ton corps ne t’appartenait plus, tu étais comme mu par des forces te dépassant. Uriz t’avait pris et avait fait de ta main sa lame. Et tu t’étais laissé faire avec la plus grande des joies. Le Monde n’avait jamais autant fait sens, tes gestes n’avaient jamais autant été une évidence. Tu savais
tout. Là où devaient te mener tes pas pour triompher de tes ennemis, où leurs se dirigeraient les leurs durant leur riposte, s’ils te voyaient, s’ils te portaient la moindre attention, s’ils te haïssaient, s’ils te prenaient en pitié, si tu les dégoûtait, si tu les terrifiait… tu savais
tout de tes ennemis. Le Père des Batailles te le susurrait pour mieux t’emmener à la victoire. Au point que malgré la promesse d’une défaite, tu avais cru pouvoir vivre un nouveau jour, vivre une nouvelle bataille, continuer de te délecter Du Monde.
Jusqu’à ce que tu ne t’éteignes
-
Tu entends ?La voix autoritaire te demande pour ce qui te semble être la énième fois. Et comme toutes les autres fois tu te contentes de la regarder du coin de l’œil, et de grogner face à ces mots que tu ne comprends pas. Défier du regard celle que tu ne peux pas fuir, voilà à quoi tu en es réduit, dépossédé que tu es de tes bras et de tes jambes. À l’occasion encore parfois, durant la nuit tu te tentes à heurter ce qu’il reste de tes tendons, et tu essaies de l’emporter dans son sommeil. Mais chaque fois, aussi silencieux sois-tu, elle se réveille avec toi. Chaque fois, tu vois ses yeux se rouvrir à l’exact même moment que les tiens. Chaque fois, elle te redemande.
-
Tu entends ?Plusieurs Lunes que cela dure, et tu ne sais plus quoi en penser. Plus le temps passe et plus tu souhaiterais qu’enfin elle t’offre le repos de la mort, mais plus le temps passe, plus le récent souvenir de tes derniers combats s’écarte, et plus le trépas t’effraie. Lorsque ta ravisseuse te gave, aussi humilié sois-tu, quelque chose en toi la remercie, car aussi cruelle puisse-t-elle être envers toi, elle te maintient en vie. Lorsque ta ravisseuse se plaît à te torturer, qu’elle s’amuse à redessiner à la lame – et bien trop profond dans tes chairs – les tatouages rituels de ton clan, à te taillader les tendons pour s’assurer que jamais tu n’en viennes à guérir, à écraser ses phalanges contre tes tempes pour te dissuader d’à nouveau lui cracher au visage, elle qui dans sa mansuétude te tient loin des P’leiks, quelque chose en toi la remercie. Quelque chose en toi l’admire. Quelque chose en toi voit en elle une sœur, encore emprisonnée par le pouvoir de Kerhel, mais une sœur tout de même, partageant ta férocité, partageant ta naturelle force, partageant ton
Feu. Avec les Lunes qui passent, tu ne peux t’empêcher d’espérer lui survivre, d’espérer qu’elle te survive, d’espérer la comprendre, d’espérer qu’elle te comprenne, d’espérer que de votre rencontre, elle sorte libérée. Après tout, elle en était si proche…
Combien de Lunes exactement ? Tu ne sais plus. Tu te souviens juste t’être plusieurs fois dit le temps t’avoir paru bien long pour ce qui n’avait été qu’une fraction de ce qui autrement t’aurais paru trop court. Quelques mois. Quelques années peut-être ? Moins d’une décennie. Mais combien exactement ? Assez pour qu’elle perde patience.
Elle t’avait traîné vers la frontière, son regard t’observant attentivement chaque jour et chaque nuit. Son regard s’était plongé plus intensément que jamais dans le tien. Des jours durant, elle avait passé des heures à te dévisager, et pour quoi exactement ? Qu’essayait-elle de comprendre à scruter de la sorte son reflet dans tes prunelles ? Pensait-elle réussir à finalement ainsi te percer à jour ? Pensait-elle trouver tes pensées, écrites et traduites sur les contours de tes iris ? Pensait-elle par quelconque charme réussir à te traduire les siennes, à arracher quoi que ce soit à ton être ? À t’arracher
toi à ton être ? Kerhel avait-elle doté ses suppôts d’un quelconque pouvoir sur vous, qui aviez su vous défaire de son influence ? Serait-ce là le jour où ta crinière noire finirait par te trahir ?
Tu n’en savais rien, et en réalité, tu ne voulais rien en savoir. Ce saugrenu manège, et ton impuissance alors qu’il se jouait ne faisait jamais que faire monter ta colère. Chaque nouveau pas vers la frontière t’était une épine de plus dans le pied, une taillade de plus dans la chair, une gerbe d’huile de plus à ton feu. Tu perdais patience encore plus vite qu’elle, au point que parfois la bave t’en monte aux lèvres alors qu’elle te gavait, et que les terreurs nocturnes – galvanisées par de souffreteuses journées – ne réveillent ton corps affaibli.
-
Tu entends ?Contemplant la frontière avec mélancolie, te tirant par les cheveux, elle t’avait levé les yeux vers l’autre côté du rivage. Vers le triste souvenir de ce qu’avait été votre demeure. Elle t’inflige le hurlement de l’Ancien Monde, la source de l’Eda Vengeur, la Prime Colère. Elle t’inflige ce qu’elle te
sait percevoir, car ton corps tremble comme le sien, car tes muscles se tendent comme les siens, car tes larmes coulent comme les siennes ont coulé la première fois. À ce moment, ses soupçons sont confirmés. Depuis le début tu
entendais, et malgré tout tu avais fait ton choix. Ta race était par-delà le salut.
-
J’en était sûre…Une unique fois, il te fut l’occasion de voir ta ravisseuse sous son véritable jour. De voir son corps se déformer mus de craquements immondes. De voir sa peau se couvrir de crin, ses yeux s’enfoncer dans son crâne, ses dents se faire crocs, et ses mains se faire griffes acérées. Puis quelques secondes à peine après avoir que tu aies pris la mesure des horreurs auxquelles Kerhel soumettait ses enfants, à peine après que tu aies compris avoir été des années durant captif d’un Kerkand ayant pris le corps d’une elfe en ôtage, ton corps s’écrasait mollement contre la surface de l’Oliya.
La colère de la Mère te battant aux tempes, tu avais fini par t’y faire. Quoique ceux qui se réclament encore ses enfants en disent, Uriz et Kerhel n’étaient pas bien différents. Aujourd’hui elle s’en cachait. Maintenait vos anciens Frères dans son doux mensonge. Mais maintenant que tu voyais enfin son vrai visage, maintenant que tu entendais sa Voix, les choses te paraissaient plus claires. L’Eda Vengeur tel que l’enseignent vos prêtres n’est pas moins un mythe que celui dans lequel vivent les Anedhels. La Voix que décrivent les
Feux, le Grand Cri qui vous arracha à vos terres, la
Prime Colère, elle n’était pas la voix d’Uriz. La voix qui te battait aux tempes n’était pas la voix d’Uriz. La voix qui te battait aux tempes était plus terrible encore. Et c’était celle de Kerhel.
Le Père des Batailles ne vous a pas délivré. Le Père des Batailles s’est contenté de vous recueillir, de cultiver chez vous une colère qui appartient à votre Mère. À l’époque, c’est votre Mère qui vous a délivré, c’est Kerhel elle-même qui s’est trahi et a attisé votre Feu. Mais pourquoi avoir voulu l’éteindre alors ? Pourquoi s’être trahie
elle-même ? Pourquoi s’être contrainte
elle-même ? Peut-être t’offrirait-elle enfin une réponse, une fois ta Flamme condamnée à geler dans les P’leik, et ton esprit destiné à la dilacération incapable de s’opposer à ses plans.
Tes forces te quittaient. Petit à petit la fatigue te gagnait. En même temps la douleur grandissait. Pourquoi ? Pourquoi même la mort se refusait-elle à te délivrer de la douleur ? Pourquoi ne pas te laisser ne serait-ce qu’un instant de repos avant la Tourmente Eternelle ? Ta mâchoire s’est serrée et tes yeux se sont rouverts sur le triste spectacle qu’était ton existence. Les mouches attendaient déjà le moment où ta chair commencerait à pourrir. Les vers grignotaient déjà tes peaux mortes et les racines faisaient déjà de ta lymphe une rivière de cristal.
Plutôt te détruire que de mourir ainsi.
Tu ne voulais pas mourir. Pour autant avais-tu tenté de t’en convaincre, tu n’étais pas prêt à mourir, et surtout pas pour rejoindre les P’leiks, condamné à la souffrance, et pire encore, à l’ignorance. Il te restait trop de choses à apprendre, trop de choses à comprendre, trop de questions à poser. Il te restait une Mère à découvrir, quitte à ce que tu découvres te pousse à la haïr plus encore. Tu ne voulais pas mourir. Qu’Isten te tende la main, et la forêt qui cherche à t’emporter mourrait à ta place.
Les racines cessèrent leur succion. Ta mâchoire tremblante se serra. L’eau inversa son chemin. Tu offrirais digne vengeance à ton agresseur, retournant sa propre arme contre lui. Au travers de son propre proboscis,
tu lui volerais
ses entrailles, quitte à ce que les tiennes ne soient pas capables de les accueillir. Tu t’autodétruirais si cela te permettait de l’emporter avec toi. Tu ne voulais pas mourir, mais si tu le devais, tu ne mourrais pas seul. Tu donnerais à Kerhel et Uriz une raison de visiter ta geôle.
La douleur devenait de plus en plus indescriptible, mais l’épuisement se transformait en excitation. Ton corps léthargique quelques minutes auparavant te brûlait à t’en rendre l’usage de tes membres. Ce ne furent malgré tout que de pauvres spasmes qui animèrent ton corps à moitié dévoré par les arcanes alors que le cristal glissait lentement de ta lymphe vers les bois de ton feu prédateur, remontant ses propres racines, tes entrailles finirent par abandonner leur combat contre les arcanes.
Inconsistant. Détaché de tout. C’est ainsi que tu te sentais. Etais-ce donc cela la mort ? Point d’exagérées souffrances. Point non plus de liesse. Seulement une mélodie diffuse et omniprésente t’appelant à elle. Le son d’une multitude, hurlant leur être comme craignant qu’il ne vienne à complètement s’éteindre s’ils laissaient s’installer le silence.
Point de chaleur, point de lumière. Seulement la nuit noire. Rythmée par ce fascinant murmure. Et une voix. Une voix se soulevant au-dessus de la multitude. Les autres t’inquiétaient, poussaient au naufrage ce qu’il reste de ton cœur, mais celle-ci était rassurante. Celle-ci répondait aux ersatz de sens qu’étaient les tiens avec un langage bien trop proche du tien. Le reste n’était qu’indicible cacophonie, hurlant à la mort des choses révolues, des histoires te faisant de la peine, mais cette voix, cette voix était une part de toi sans être la tienne, et elle t’encourageait à exister. Dans la nuit, tu t’es laissé guider par cette voix surplombant toutes les autres. Dans la détresse tu l’as laissé te bercer. Te rassurer. Te porter. Tu l’as laissé prendre soin de ton être sans souvenirs en attendant que la lumière soit.
Ainsi la lumière fut. La LongueNuit finit par mourir. Le soleil finit par frapper à nouveau contre ton être. Tu perçus la chaleur à nouveau. Les cris de la Horde en pleurs s’étouffèrent quelques peu. Le Pouvoir qui les excitait s’était atténué, mais leurs Chants s’en étaient retrouvés galvanisés. Galvanisés, mais moins pénibles. La Dissonance ne te paraissait plus qu’un simple agrégat. Tu y percevais une logique. Une logique que tu ne saurais expliquer. Mais une logique qui te fascinait. Tu ne pouvais plus partir. Maintenant la fascination te tenait. Tu ne
voulais plus partir alors même que pour la première fois depuis des siècles, les souvenirs te revenaient.
Après que la Lumière fût, tu te rappelas qui tu étais. Après que la Lumière fût, les sensations de ton corps commencèrent à nouveau à faire sens. Face à tes yeux tu pouvais à nouveau fermer le poing et agiter les orteils. Tu sentais à nouveau ta langue lécher ton palais et l’air courir de tes nasaux à tes poumons. Tu étais à nouveau toi. Mais qu’avais-tu été tout ce temps alors si ce n’est
toi ? Avec peine, tu fouillas tes propres souvenirs à la recherche d’une réponse, mais certains d’entre eux n’étaient pas les tiens. Ils étaient ceux d’un autre. Ils étaient les
siens, ceux de La Voix qui tout ce temps te garda près d’elle.
Tu avais beau ne rien comprendre, sa présence te paraissait une évidence. Tu ne saurais dire ni comment ni pourquoi, mais il était avec toi. Il t’avait sauvé, il te parlait, partageait ta conscience. Lorsque le soleil se leva, tu pleuras abondamment, car tu pris conscience de l’amour qu’Il avait pour toi, et de celui que tu avais pour Lui. Vous étiez Un maintenant, unis pour l’Eternité, rassemblés pour un but qui t’était inconnu. Sans comprendre les mots, tu en comprenais maintenant le sens.
-
Je entends.Tu es né de nouveau dans le chaos de ces bois, et à cause de cela tu te sens redevable. Tu t’es attaché à ces bois et à ceux qui y vivent, malgré la colère, malgré la violence, malgré la profonde tristesse qu’ils t’inspirent. Ton ancienne vie te manque, mais tu ne désires pas y retourner. Avoir un but te manque. Comprendre ton Monde te manque. L’illusion de savoir, l’illusion de
pouvoir, tu donnerais tant pour les retrouver, mais en même temps, rien au monde ne saurait te convaincre de retourner à la place où tu les avais anciennement possédé.
Aujourd’hui tu ne sais plus si tu serais encore capable de comprendre les tiens. Tu ne sais plus si tu serais encore capable de sympathiser avec eux. Et si tes sentiments durant leur assaut de Naélis sont un juste reflet de ta pensée, alors il est de forte chances que non. Tu les plains. Tu les plains autant que tu te plains toi-même, car autant que toi ils sont
prisonniers d'un mensonge. Seulement contrairement à toi, ils ne le savent pas. Ton peuple t’attriste aujourd’hui, car aujourd'hui
tu le sais avoir été arraché à un mensonge pour être soumis à un nouveau ; et si tu ne sais pas plus qu'eux où est la vérité, au moins en es-tu curieux. Si ta haine de Kerhel sera un jour revigorée, seul le temps le dira, mais en attendant, tes entrailles et la conscience qui les partage te tiennent au sein de sa création, le temps de trouver des réponses à tes questions.