Deux Ducs et une Duchesse

8ème jour de la 1ère ennéade de Karfïas
Premier mois du Printemps.
Année XX | XI cycle.

Un mariage. Un mariage ducal, réalisé entre Renaud d’Erac, Duc des terres éponymes se trouvant dans le Médian, se liant avec une jeune femme de basse extraction. Une simple châtelaine, Nordienne, d’une terre inconnue du grand public et de la haute noblesse jusqu’il y’a peu. Jusqu’aux évènements de Langehack. D’où vient cette jeune femme ? Pourquoi un tel mariage ? Par amour, comme ils osent le prétendre ? Ou serait-ce le calcul plus qu’exact d’un esprit machiavélique, profitant de sa célébrité, de son aura, et de sa réputation obtenue après les évènements de Langehack, pour devenir véritablement quelqu’un ?

Adriano, en tant que Pair du Royaume, s’était évidemment rendu à l’évènement, conscient de son importance. Les festivités furent adéquates. D’ailleurs, le Duc le dirait lui-même : la nourriture fut excellente, l’alcool délicat, la compagnie agréable. Seule la pauvre Adélina de Lourbier aurait pu troubler ces instants sympathiques, car la mort récente de son époux était réellement… Tragique. Une mort accidentelle, bien-sûr… Bien-sûr.

L’étonnement fut entier, toutefois, lorsque l’homme de la journée approcha le Suderon. Les mots échangés furent brefs : on ne discute pas politique à un mariage, encore moins lors du banquet destiné à fêter ce dernier. La chose fut convenue : au lendemain des noces et du banquet, la rencontre se tiendrait dans l’hôtel particulier de l’Eraçon, en compagnie de la nouvelle Duchesse.

Le réveil fut des plus difficiles toutefois. L’alcool ayant coulé à flot, l’esprit embrumé du Duc émergea difficilement des draps satinés dans lesquels il s’était enfouit la veille. Un bain chaud, quelques bulles aux odeurs chatoyantes, de la nourriture de qualité et quelques breuvages chauds, eurent tôt fait de réveiller le Duc et d’atténuer la migraine qui l’assaillait pourtant avec violence. Une promenade fraîche, dans ce printemps matinal, et le tour était joué. La matinée passa rapidement, le repas du midi aussi, et tout Diantra semblait vivre au ralenti, à croire que même les petites gens s’étaient empressées de vivre les festivités et qu’assumer les conséquences de celles-ci était difficile pour tout le monde. L’après-midi arriva enfin… Et l’heure du rendez-vous avec elle.

Adriano s’engagea alors dans l’hôtel particulier, la porte ouverte par un domestique qui semblait ravi de faire son travail. On fit attendre le Duc dans un vestibule, que l’hôte de ces lieux daigne venir le chercher.

La veille s'était merveilleusement bien passée, les mariés avaient reçu de magnifiques cadeaux, autant les plus luxueux que les plus humbles, ne disait on pas que c'était l'intention qui compte ? Ils avaient donc été comblé, mais le plus beau aux yeux de Renaud avait été la nuit ou enfin il avait pu s'unir avec Louise charnellement. Tout cela les avait amené bien loin aux tréfonds de la nuit, et même plutôt au petit matin. Ils s'étaient finalement écroulés de fatigue dans le lit conjugal, l'un à côté de l'autre. La matinée est donc bien avancée ce matin la, alors que Renaud est habituellement matinal, et il est heureux lorsqu'il ouvre les yeux sur le visage de sa nouvelle épouse. Il sourit immédiatement en attendant qu'elle se réveille, ce qu'elle ne tarde pas. Malheureusement, la journée n'est pas de tout repos, et il y a un invité de prévu pour l'après midi, et non pas des moindres puisqu'il s'agit du Duc de Soltariel. Il faut donc se préparer et manger afin d'être prêt pour cette rencontre, une deuxième donc, voir même une troisième si l'on prend en compte le couronnement, mais ils ne se sont pas parlé en cette occasion. Lors du repas de la veille, ils se sont à peine adressés la parole, prenant rendez-vous pour ce jour, il faut dire que les mariés ont été fort pris par tout le monde.

La journée avance donc très vite, il semble que les domestiques sont eux aussi au ralentit, ayant fêtés également, et ne pouvant pas se coucher avant que tout le travail ne soit terminé, et Néera sait qu'il y en a eut avec cette réception qui s'est éternisée. Louise et Renaud se préparent pour recevoir leur invité, car la où certains le recevraient seul à seul, c'est bien le couple ducal, ensemble, qui s’apprête à ce moment. Le Duc d'Erac ne compte pas laisser son épouse de côté s'il le peut, souhaitant la mêler autant que faire se peut à la vie politique. Il n'a pas envie de se séparer d'elle, préférant un couple fusionnel, et une direction à deux têtes ne serait-elle pas plus bénéfique ? Louise à démontré son talent en gravissant les marches une à une pour passer de châtelaine d'une petite seigneurie à Ambassadrice Royale et Duchesse. Elle a aussi le titre d'ami des nains, ce qui est des plus rarissime, et il l'a vu à quasiment tous les évènements d'importance ces derniers temps alors qu'elle n'avait encore aucun des titres prestigieux qui sont désormais les siens.

Heureusement, il avait bu avec modération, et cela n'est donc pas un problème pour cette journée. Il est prêt et fringuant, autant qu'il est possible de l'être après la journée et surtout la nuit qu'il a passé la veille, et si la conversation n'est pas ennuyeuse, alors il n'aura aucun signe de fatigue visible. Il se tient donc aux côtés de son épouse quand on leur annonce qu'Adriano est arrivé. Il est d'usage de faire attendre ses invités lorsque l'on a un titre important, mais les deux hommes ayant le même, il ordonne qu'on l'amène sans attendre. Le petit salon du premier étage est assez commun aux autres de cet établissement, un canapé, deux fauteuils, le tout installé autour d'une table basse, elle même face à une cheminée au sein de laquelle ronfle un feu, car le temps n'est pas encore à l'été, il fait un peu frais. Un bureau au fond de la pièce avec trois chaises, une entre le meuble et le mur et deux autres de l'autre côté. Des rafraichissements, vin et eau, et de quoi se sustenter ont été amenés et disposés sur la table basse. La décoration est luxueuse comme l'on peut s'y attendre pour l’Hôtel Particulier d'un Duc, un tapis en peau d'ours au sol et un tableau d'une chasse dans les forêts éraçonnes au mur. Un coup pour annoncer l'arrivée et la porte s'ouvre immédiatement sur un serviteur qui se met sur le côté pour introduire Adriano. Renaud s'avance vers lui, la main tendue

"Entre donc votre Altesse, c'est un plaisir de se rencontrer et de pouvoir discuter plus longuement avec vous."

Il a un sourire de circonstance aux lèvres, car même si ce qu'il dit est sincère, ils ne se connaissent pas. Renaud désire vraiment apprendre à découvrir les autres Hauts Seigneurs, et respecter son serment fait à l'encontre du Roy. Préserver le Royaume est une tâche ardue qui est tombé sur les épaules de ce jeune homme, et s'il peut avoir le concours de ses pairs, plutôt que de les voir s’écharper, ce serait agréable. Il a toujours en lui ce sentiment que si Diantra et Erac sont liés, alors le Royaume est plus fort.

"Prenez place, je vous prie. Je ne vous présente pas mon épouse, Louise d'Erac, j'espère que sa présence ne vous dérange pas ?"

Il lui montre un fauteuil de la main tout en l'emmenant avec lui.

Les goûts du Médian n’étaient pas si discutables que cela, selon la réflexion du Duc de Soltariel. Les peaux étaient belles, les dorures également. Il ne manquerait sans doute que quelques colonnes de marbres et quelques expressions artistiques mais, autrement… Adriano ne se sentait point dépaysé.

Toutefois, il s’était apprêté comme il l’aurait fait s’il devait rencontrer le Roy. Vêtements de soie et de velours, cape aux couleurs chatoyantes, chaîne en or pavée des armoiries du Sud, bagues, couronne sur son crâne, fibules sur sa poitrine afin de maintenir sa cape et ses bijoux pendant au-devant de son torse, l’homme avait fière allure… Et il le savait. Car si cette rencontre s’était décidée lors des festivités du mariage de la veille, il ne fallait point oublier que le Sud et le Médian n’étaient point toujours en bon termes, du moins, point depuis un passé proche. Certes, la venue d’un nouveau Roy, ressuscité par Néera elle-même, héritier de la lignée de Phiiram, devait être la clé de voûte d’une nouvelle unité Péninsulaire… Mais les anciens démons, et les mauvaises habitudes, avaient la vie dur…

Renaud d’Erac avait été marié à deux reprises. Son troisième mariage, en peu de temps, rappelait un peu le cas d’Adriano, lui aussi marié à deux reprises : une première fois par amour, une seconde fois par calcul. Toutefois, ce mariage là semblait… Curieux. Comment une Nordienne de basse extraction avait-elle pu s’enticher d’un Duc, Pair du Royaume ? Tout cela à cause d’un incident diplomatique ? Ou parce qu’elle était bien vue des nabots du Nord ?

Cela était décevant, réellement. Si, en effet, le Sud était une terre de commerce, et donc, prompt à saisir les opportunités diverses et variées, la construction obligatoire des comptoirs Nains, financés par la couronne Péninsulaire, était une véritable insulte. Les Nains vendaient leurs denrées et leurs affaires à prix d’or, tout en bénéficiant de moindres taxes, et en refusant de discuter de quoi que ce soit, rendant l’espionnage ô combien difficile, sans compter le manque de traducteurs… Et tout cela, et plus encore, déplaisait au Duc de Soltariel.

Il était tout à ses considérations, réflexions, dessins cérébraux, lorsqu’enfin le Duc d’Erac daigna se présenter à lui. Une main tendue, Adriano se saisit de celle de son vis-à-vis, et offre ainsi une poignée de main ferme et virile, comme un premier duel pacifique afin de jauger son adversaire. Mené dans une salle de réception, le Duc, de petite stature – typique d’un Suderon – se mesura à la fois à Renaud et à Louise. Plus petit que l’autre Pair du Royaume, mais plus grand que la nouvelle duchesse, Adriano se pavanait comme un coq dans sa bassecour. Si les Suderons se targuaient d’être nettement plus ouverts et raffinés que le restant de leurs frères Nordiens et du Médian, la chose n’était pas tout à fait vraie concernant leur vision des fameux frères. Et donc, des sœurs.

Et pourtant, nombreuses furent les femmes qui élevèrent le Sud et le dirigèrent de mains de maîtres, ou de mains fermes par le passé. Nombreuses furent les femmes qui influèrent sur l’histoire du Duché. D’ailleurs, la plupart de ces femmes, bien que décédées, existent toujours grâce à leurs visages sculptés dans quelques statues dans les cathédrales, ou peints sur de somptueuses toiles, ou gravés dans quelques fresques murales des palais et autres lieux publics de Soltariel.

Alors, pourquoi tant de défiance vers jeune femme ? A cause de tout ce qui s’est passé, bien-sûr. Sa position face aux Nains. Le fait qu’elle ai été de toutes les discussions importantes malgré sa basse extraction, ces derniers temps. La mort de Griffon de Langehack, quand bien même Adriano devrait lui être reconnaissant, lui qui briguait le Marquisat depuis longtemps, désireux de ne faire qu’un seul Sud, et non deux.

Prenant place dans le fauteuil qui lui fut assigné, le Duc joignit ses jambes avec grâce, chose permise par sa petite stature et son agilité notoire. Dans une mimique quelque peu dédaigneuse – bien qu’il tentât de le cacher cette fois – Adriano répondit enfin à ses hôtes.

« Merci, votre Altesse, pour cette assise confortable. » Dit-il, tentant quelque peu de reprendre un visage neutre et de lancer la conversation. « Vous êtes chez vous. Vous étiez demandeur de cette rencontre à laquelle j’ai accédé avec intérêt et curiosité. La présence de votre épouse lors de nos… Discussions, ne relève donc que de votre décision. Dois-je en conclure que Dame… Mes excuses… » Dit-il, feignant l’erreur dans un sourire de circonstance, alors que le Duc reprenait ses habitus calculatrices. « Son Altesse Louise d’Erac, sera partie prenante dans nos discussions ? Point d’attaque de ma part, très chères. Je cherche seulement à savoir comment se dérouleront la suite de nos discussions, car, après tout… Vous et moi, sommes Pairs du Royaume. »

Faisait-il exprès de mettre la jeune femme mal à l’aise ? Oui, totalement. Pourquoi ? Sans doute pour la tester, mais aussi pour comprendre et analyser le duo qui, dorénavant, serait à la tête du Duché du Médian.

La nuit a été courte, bien trop courte au goût de la nouvelle Duchesse. En dépit de cette habitude acquise à Fernel de se lever avant l’aurore afin de pouvoir profiter du calme de l’aube et de s’occuper au mieux de ses affaires, il lui faut bien avouer que la pression des derniers jours conjuguée à une nuit d’amour passionnée ont eu raison de cette habitude matinale. Louise s’était donc étirée comme un petit chat dans son lit, un large sourire béat aux lèvres et la mine encore toute chiffonnée par les plis d’un oreiller doux. Accoudée sur l’épais matelas, au milieu des draps défaits, elle avait suivi du regard les courbes absurdement sphériques du séant de son époux debout au milieu de leur chambre, nu. Un soupir heureux lui avait échappé…et une envie nouvelle lui avait brûlé les entrailles, un désir qu’il avait fallu contenir puisque le Duc de Soltariel se présente ce jour en leur hôtel particulier.

A ce souvenir, assise dans un confortable fauteuil face aux flammes qui dansent dans l’âtre, parée de tous ses atours de duchesse, couronne comprise, l’œil vif et attentif de Louise se pose sur Renaud teinté d’une flamme qui ne peut échapper au Duc. Nul doute que si son Altesse de Soltariel ne se présentait pas ici aujourd’hui, le dernier étage résonnerait encore de turbulents tapages de couple qui s’aime.

Souriant derrière une délicate tasse de porcelaine, Louise suit du regard l’entrée du Suderon, réservant son opinion sur la personne dès qu’elle aura ouvert la bouche. Peu importe les jolis atours et les fanfreluches, l’Emissaire royal sait à quel point l’habit ne fait pas le prêtre tout comme un air ne fait pas une chanson. Le plus misérable habit de chanvre sali par le labeur peut couvrir la pudeur d’un Souffle pur et bienveillant quand des ors et des dentelles inestimables dissimulent parfois un Souffle corrompu et vil. Quoiqu’il en soit, elle n’en attendait pas moins d’un Suderon, dans cet attirail soigné et raffiné. Elle les sait généralement attentifs à leur apparence et souvent désireux de montrer leur puissance par ce biais-là.

Donc non, lorsque le Duc de Soltariel se présente, la duchesse n’a aucun a priori à son propos, il n’est qu’une page vierge, toute blanche, qu’il n’appartient qu’à lui d’écrire en ce grand journal de l’estime de Louise. Digne et parfaitement élégante, Louise effectue une ravissante révérence de cour avant de reprendre sa place, tout comme sa tasse de thé. Chose qu’elle ne fait pas, contrairement à ses habitudes de Fernel, elle ne sert personne. Par contre, fidèle à ses principes, elle écoute avec la plus grande attention ce que disent ces messieurs, jusqu’à ce que le Duc de Soltariel ne s’adresse directement à elle.

Et la page blanche vient de se tâcher d’un seul mot, en à peine quelques secondes.

Méfiance

D’autres demoiselles placées en une telle situation inconfortable provoquée par un inconnu aurait probablement rougi, voire même aurait cherché de l’aide d’un regard désespéré à « l’homme de la maison qui consent à amener épouse » à une discussion « entre hommes ». Peut-être même que d’autres se seraient excusées, auraient même quitté les lieux sur un fallacieux prétexte pour laisser les Pairs entre eux.

Pas Louise. Son visage demeure absolument impassible sous l’affront. Même s’il est dissimulé par une habile excuse et un faux sourire, il n’en demeure pas moins que c’en est un. Elle le reconnait ce sourire-là. Elle l’a déjà vu, ce regard-là. Toujours en des visages suderons, souvent sur tous les autres visages masculins péninsulaires. Toujours en cette ville. Au palais royal. Sur le navire la menant à Kirgan. A chaque occasion réunissant la haute noblesse.

Comment est-il possible d’être à ce point si discourtois et totalement inélégant en se présentant chez des personnes qui vous invitent ? Comment est-il seulement admissible de se comporter de la sorte devant une femme qui devrait être respectée, sinon par son rang, au moins par ses actes qui ont évité une guerre sanglante à toute la Péninsule ?

Deux autres mots viennent de s’ajouter à la page.

Fat personnage

- Je suis précisément là où se trouve ma place, Votre Altesse, répond-t-elle en appuyant fortement son accent du Nord qu’elle sait parfaitement désagréable pour des oreilles suderones, le même sourire doux aux lèvres. Je suis la Duchesse d’Erac, outre mes autres titres diplomatiques, dit-elle en saisissant la jolie tasse de porcelaine entre ses petits doigts blancs. Ne vous en déplaise, je vais assister à toutes les discussions de cette sorte, ainsi que mon époux et moi-même en avons convenu.

Une petite gorgée de boisson chaude, un sourire dissimulé par le petit contenant qu’elle garde ensuite entre ses mains avant de reprendre.

- Comment se porte Demoiselle votre fille ? J’ai fort apprécié ce joli présent apporté de ses mains.

Comme l'on peut s'y attendre dans ce genre de rencontre, le Duc de Soltariel est habillé en grande pompe, avec tous les atours de luxe et de faste que son rang requiert, sans doute pour vouloir en mettre plein la vue à son interlocuteur, ou du moins pour lui montrer les signes de richesse que le sud ne manque pas, et la puissance de son statut. Renaud n'est pas en reste, il a lui même revêtu ceux qui sont les siens. Sa couronne bien entendu, sa bague servant de sceau, des vêtements identiques à ceux de son interlocuteur, outre les couleurs changeantes. Etant chez lui, il n'a pas sa cape sur les épaules, mais il ne l'a pas oublié, elle se trouve posée savamment sur une chaise qui se trouve devant le bureau, bien visible, avec l'héraldique éraçon. A son poignet, il porte fièrement le bracelet en or finement ouvragé que le Roi des nains lui a offert la veille. Les deux chevaux sculptés par Aldir dans une bûche se trouvent sur le bureau, à une place de choix. Il ne porte pas son épée traditionnelle, mais celle qu'Adriano lui a offert lors de la réception, pour montrer son respect.

La poignée de main qu'ils échangent est virile, et Renaud n'est pas en reste, montrant qu'il n'est pas un faible. Une main molle démontre un esprit fragile, et il est hors de question de commencer de cette façon, on lui a même apprit différentes manières de le faire. Renaud est plus grand qu'Adriano, mais cela ne change pas grand chose au caractère des hommes, et c'est cela qu'il faut jauger ce jour, et Adriano compense cela en affichant tout ce que le sud peut offrir. L'entrevue n'est pas encore commencée que déjà les deux hommes se jaugent.

Les premiers mots échangés, et déjà l'air se rafraichit. Renaud l'a interrogé pour savoir si la présence de Louise le dérange, et alors qu'Adriano indique qu'il fixe les règles, étant chez lui, le fait qu'il demande si la Duchesse sera partie prenante de la discussion est étonnante. Une insulte savamment déguisée ? Un signe que les femmes ne sont pas les bienvenues ? Ou juste une constatation ? Ils sont pairs oui, mais Louise est Duchesse maintenant. Et si certains ne voient en elle qu'une petite châtelaine, pour sur que son titre d'ami des nains à lui seul est un sacré avantage, surtout après qu'un accord ait été donné par la Couronne pour des comptoirs nains. La fonction d'Ambassadrice Royale est un plus indéniable également, offrant une seconde porte aux oreilles du Roy, en plus du statut de Pair de Renaud. Cela fait de Louise, outre son amour qu'il a pour elle, une femme de choix. Le Duc d'Erac pourrait répondre immédiatement, mais justement pour prouver qu'elle n'est pas la cruche qu'il peut penser qu'elle soit, et sachant que sa nouvelle épouse sait répondre, il la laisse faire, afin de ne pas passer pour l'homme prenant la défense d'une femme en détresse. Et Néera, comme sa langue peut être acérée quand il le faut. Directe et précise, afin de mettre les points sur les i, tout en finissant élégamment sur des nouvelles sur sa fille. Renaud sourit, il est fier de son épouse, et il prend la parole

"Vous aurez compris que la Duchesse est un atout précieux à mes côtés"

Après que le Duc de Soltariel ait renseigné le couple sur sa fille, il reprend

"C'est en effet moi qui ai demandé cette entrevue, et une fois de plus je vous remercie de l'avoir accepté. C'est que voyez vous, les pairs ont souvent changé ces dernières années, et nous nous connaissons tous si peu. Je trouve cela anormal étant donné notre fonction de pairs du Royaume. J'ai donc décidé de rencontrer tous mes confrères, d'apprendre à les connaitre, et de voir ce que nous pouvons faire pour renforcer nos liens et le Royaume"

Adriano n'était pas Duc depuis bien longtemps, mais même si Renaud dirigeait Erac et Velteroc depuis quelques années maintenant, il y avait eu successivement son père Léandre, puis ses deux frères, morts tous les deux en très peu de temps. Heureusement, Renaud était toujours un descendant direct des premiers duc éraçons, il en était fier, et il avait un héritier. Si la Dame le voulait, Louise lui en donnerait d'autres.

"Dites moi, comment se porte le sud ? avez vous besoin de quelque chose que le médian pourrait vous apporter ?"

Une main tendue, bien entendu dans la limite du raisonnable. C'était une entrevue afin de briser la glace, et s'il avait le pouvoir d'aider un autre pair, ce serait une aubaine. Il devait aussi rencontrer le Comte d'Aretria dans quelques jours.

Le Duc de Soltariel avait beau n’être Duc et Pair du principal Duché Suderon que depuis quelques ennéades, il avait été prince héritier durant bien des années. Ce statut lui avait permit de plaider la cause de son paternel face au conseil royal, dans une diatribe digne d’un orateur de génie, alors que son charisme, son verbe, et sa capacité à captiver son auditoire, lui valut les applaudissements et la fascination des plus hauts seigneurs de Péninsule… Et cela, alors que Soltariel était en proie à une guerre armée entre deux clans.

Peu de temps après, il s’illustra à la tête de la marine Soltaar, en tant qu’Amiral, lors du siège de Merval. Epéiste doué, bretteur sans pitié, tacticien de génie, il s’était montré aussi ingénieux que brutal, aussi fin… Qu’impitoyable. Si, en plus de tout cela, il avait été un homme d’affaire prolifique, profitant des navires de sa famille, et des routes commerciales, pour développer les terres d’Alcacio puis le Duché avec son paternel, l’ancien Amiral reconnaissait bien plus les actes martiaux que les réussites annexes…

Certes, personne ne pouvait retirer à Louise les actes qu’elle avait accompli. Eviter une guerre qui, à n’en point douter, aurait mené les courtes-jambes jusqu’au cœur du Marquisat de Langehack, détruisant absolument tout sur leur passage… Mais, aujourd’hui, Soltariel se retrouvait à devoir financer les comptoirs de ces demi-personnes… Et par Tyra, qu’ils étaient exigeants ! Les coûts mettraient sans doute du temps à être amortis…

Adriano en voulait donc à Louise, à sa manière. Ajoutez à cela le fait qu’elle soit Nordienne, et vous obtenez, évidemment, un cocktail potentiellement détonant. Le Duc regarda donc son vis-à-vis droit dans les yeux et, encaissant les mots, et comprenant les sens, il se renfonça dans son fauteuil, soufflant doucement comme pour prendre la mesure de ce qu’il se passait aujourd’hui dans cet hôtel particulier.

« Ne prenez pas ombrage de mes paroles, très chère. Vous êtes jeune Duchesse, et n’y étiez point destinée. Au lendemain de vos noces, et de vos nouvelles responsabilités, d’aucun profiterait d’un repos bien mérité. » Dit-il, offrant un faux sourire avant de reprendre. « De plus, vos autres titres, bien qu’importants, et résultant d’actes que personne ne peut vous retirer, n'ont rien à voir avec cette rencontre. Du moins, ainsi l’ai-je dessiné en mon esprit lorsque votre époux vint me proposer une rencontre. Lorsqu’il m’indique une discussion de Pair du Royaume, je ne pensais point que votre qualité d’amie du Zagazorn soit d’une quelconque importante. » Dit-il, assommant la vérité qui était la sienne. Il ne désirait pas la blesser… Il exposait seulement sa réflexion. « Mais puisque vous êtes ici… Nous aurons donc de choses à discuter, sans aucun doute. »

Si l’atmosphère pouvait être tendue, Adriano ne cherchait pas réellement le combat. Cela ne lui apporterait absolument rien, ni réussite, ni productivité. Adriano se savait en position de force et de supériorité, position qu’il ne partageait qu’avec les autres Pairs, et donc, avec Renaud. Toutefois, l’information laissée comme quoi le nouveau couple règnerait à deux, et donc, partageraient les discussions, conciliabules et autres débats – et disons-le, complots – qui secoueraient la haute société, n’était point tombée dans l’oreille d’un sourd. Quoi que Renaud apprendrait, Louise, le saurait bientôt. Et sans doute, les Nains. Et peut-être même, les autres Pairs, en d’autres temps. Louise pouvait donc être autant un danger… Qu’un obstacle.

« Ma fille se porte à merveille je vous remercie. Vous offrir son présent fut une grande source de joie pour elle, tant elle passa du temps à superviser la fabrication. Le lui redire sera sans aucun doute une grande félicité pour elle. »

Lorsque Renaud reprit la parole, Adriano esquissa un sourire qu’il parvint en partie à contenir. L’agencement des choses était en effet risible pour le Suderon : la femme pique avec son dard, et l’homme jappe derrière comme un roquet derrière sa porte, bien protégé par son épouse aux dents affutées.

« Certes, en effet. » Répondit-il à Renaud lorsque ce dernier parla de son épouse comme d’un atout. « Et cette ambition est tout à votre honneur, Votre Altesse. En effet, je vois moi aussi en l’avènement de Néera, et le retour du Roy légitime, descendant de la lignée Phiiram, le symbole d’un renouveau. Puissions-nous être partie prenante de cette mouvance bénéfique. » Dit-il, avant de poursuivre. « Et bien, en parlant de mouvance… Le Sud fait face à bien des défis. Comme vous devez le savoir, nous sommes infestés par les sectes draconniques, lesquelles assassinèrent mon père, ma femme, et mes trois enfants. Son Honneur Adélina de Lourbier, Baronne d’Alonna, est venue jusqu’à Soltariel avec quelques soldats et quelques prêtres. Nous avons débusqué et attaqué une troupe de cultistes, et avons fait des prisonniers… Et ces derniers ont parlé… » Expliquait-il, avant de faire une pause. « Qu’en est-il du Médian ? »

Le noble dessein de son époux est ainsi énoncé. Apprendre à connaître les autres, s’organiser afin de perpétuer et assurer la paix au sein du royaume, s’aider, autant qu’il soit possible de le faire. Tendre la main. Soutenir le nouveau roi. Louise a un doux sourire pour Renaud. Elle partage entièrement cette vision optimiste des choses, une vision bienveillante qui nécessite pourtant que la personne qui leur fait face la partage.

L’on dit qu’il suffit de quelques instants pour faire une impression qui sera immuable.

- Je n’en prends pas ombrage le moins du monde, Votre Altesse. Vos propos ont le mérite d’être parfaitement éclairants, au contraire, dit-elle en déposant la tasse dans la délicate coupelle disposée sur la table basse.

Et en ce qui concerne son Altesse de Soltariel, il est fort à craindre que Louise ne change plus d’avis. Cela ne l’empêche pourtant pas de demeurer parfaitement courtoise et aimable, saluant d’un sourire la gentille prévenance de demoiselle sa fille.

Louise demeure attentive, réagissant à peine à l’évocation d’Adélina de Lourbier si ce n’est par un bref sourire, fugace comme une ombre. Ces messieurs du Sud peuvent bien discourir de l’utilité des dames à une entrevue diplomatique, il semble désormais acquis que nul en Péninsule ne puisse s’en sortir convenablement sans l’intervention d’une Dame du Nord. Elle songe d’ailleurs à faire parvenir ses meilleurs souvenirs à Adélina.

- Ce que vous dites est très préoccupant. Qu’ont précisément avoué ces hérétiques, Votre Altesse ?, demande-t-elle simplement sans répondre à la dernière question. Elle laisse le soin à Renaud de répondre sur ce point, les yeux noisette obstinément fixé sur leur invité.

Adirano à beau dire de ne pas prendre ombrage de ses paroles, les mots qui suivent sont tout sauf amicaux, voir même insultant. Renaud se demande bien la raison de cette agressivité, est-ce parce qu'il ne supporte pas toutes les personnes qui lui sont inférieures en titre ? Il n'en sait rien mais cela va devenir compliqué s'il continue sur cette voie à l'encontre de son épouse, et sous son toit

"Votre Altesse, mon épouse est présente en tant que Duchesse d'Erac, et non en tant qu'amie des nains, puisque ce titre, qu'elle est la seule à avoir acquis depuis des lustres, ne concerne en rien la discussion actuelle. A moins que vous n'ayez vous même des choses à lui dire ou à demander aux vus de sa distinction Royale ?"

En effet, Renaud n'avait pas demandé à son épouse d'être à ses côtés parce qu'elle portait un titre Royale, mais bien parce qu'en l'épousant elle était devenue Duchesse, et qu'il comptait bien ne pas la mettre à l'écart. De ce qu'il savait d'elle, Renaud se doutait que s'il la reléguait à un rôle d'épouse, elle dépérirait, et ne serait pas heureuse, alors que justement, lui désirait la rendre heureuse. Heureusement, Louise est déjà très au fait de la politique avec tous ses voyages et la rencontre de gens plus importants les uns que les autres. Elle répond donc avec tact, de manière concise, tout en revenant sur les parties importantes du discours d'Adriano. Renaud voulait tisser des liens avec ses confrères, mais ne disait-on pas qu'il n'était pas possible de s'entendre avec tout le monde ? Il ferait des efforts toutefois pour qu'au moins, cela reste cordial. L'avenir dirait si certains avis changent avec le temps. Il écoute donc le Duc parler des cultistes qui sévissent à Soltariel, ainsi que la terrible épreuve qu'il a traversé avec la perte d'une partie de sa famille. Il est un peu tard pour présenter ses condoléances, cela ferait sans doute plus de tord que de bien, mais une petite pensée ne fait jamais de mal

"La tragédie que vous traversez est horrible et intolérable. Je peine à comprendre comment tous ces cultes peuvent perdurer alors que la Bienveillante est apparue en personne."

Il note que la Baronne d'Alonna est allé le voir, cela en fait du chemin de traverser tout le Royaume, pour quelle raison serait-elle donc allée la bas ? une information à éclaircir. D'autant que les cultes draconiques ne sont pas présent dans le nord, du moins d'après ses sources. Se pourrait-il qu'il ait manqué quelque chose ? Avant de questionner Adriano, il décide de lui fournir des réponses aux siennes

"Le médian à eu son lot aussi avec les infestations de Gobelins. Nombres de villages ont été détruit avant que nous soyons parvenus à les renvoyer dans les profondeurs des montagnes, mais ils sont toujours la, nous le savons, nous ne parvenons pas à les éradiquer totalement. Ils refont toujours surface à un moment ou à un autre malgré nos tentatives, c'est une plaie que nous n'avons pas l'habitude de combattre. Je sais qu'ils sévissent également dans le nord, partout où il y a des montagnes en fait.

Mise à part ce fléau, nous n'avons pas trop à nous plaindre, j'espère que l'avènement de notre Roy sera le début d'une longue période de prospérité pour le Royaume"

Renaud aimerait bien prendre la main de son épouse, mais il évite tout geste à son égard pour le moment, conscient du regard d'Adriano sur eux. Il allait tendre une main, peut-être tardive aux yeux de son homologue, mais peut-être pas. Erac possédait le Grand Temple d'Othar sur ses terres, ayant donc la plus grande population de prêtres du Dieu guerrier, et en les associant avec des prêtres de Nééra, cela peut faire un coktail détonnant

"Vous savez, nous pouvons également vous envoyer des prêtres sur vous le souhaitez, ce sera une joie de vous aider dans votre lutte pour ramener la foi des cinq en écartant les séditieux."

Renaud avait besoin d'en savoir plus, désireux d'assouvir sa curiosité

"Mais comme vous l'a demandé la Duchesse, dites nous donc ce qu'il est ressortit des interrogatoires des prisonniers qui vous avez fait. Avez-vous pu avoir des informations sur d'autres cellules ?"

Il donne son titre quand il parle de Louise et non du "mon épouse" pour accentuer la raison de sa présence en ce lieu.

Les réponses de la jeune Duchesse étaient certes simples, mais ô combien enrobée d’une sourde colère que la bienséance l’obligeait à cacher. Certes, la nouvelle Duchesse était dotée d’un caractère fort, sans doute ô combien répandu parmi les gens du Nord… Est-ce que le fait qu’un Duc du Médian ai été attiré par tel caractère était révélateur d’une psychologie tendant vers une attitude de soumission ? Non, évidemment que non… Il était impensable qu’un Duc se laisse soumettre par qui que ce soit sinon le Roy…

Les propos du Duc, d’ailleurs, font échos à ceux de la Duchesse, à ceci prêt qu’il lui apporte crédit et soutien, laissant la jeune femme réaliser ses propres batailles seule. Intéressant… En effet… Et indicatif de la future relation politique qui liera ces deux êtres. Dorénavant, il apparaît évident : le Duché d’Erac est dirigé par deux personnes, mais le rôle de Pair, le sera également. Si la première réflexion apparaît comme une évidence, la seconde à le mérite d’agacer le Duc de Soltariel.

Toutefois, la chose était entendue pour Adriano. Dorénavant, il aurait à parlementer avec le Duc et la Duchesse, que cela soit pour du commerce, de la politique, ou discutailler de l’avenir du royaume en tant que Pair de ce dernier. Nul doute que Louise se trouverait dorénavant dans toutes les réunions du conseil royal de Péninsule… Et, sa place auprès des courtes-jambes serait un atout précieux pour le Médian… Et une plaie pour le Sud…

Lorsqu’enfin Louise et Renaud terminèrent de répondre, se défendre, et d’expliquer au Suderon les chose qui se déroulèrent par chez eux ces derniers temps, Adriano comprit qu’il était à son tour de parler. Ou plutôt, les questions posées le lui indiquèrent. Expirant longuement et sans tact, Adriano se leva, lia ses mains dans son dos, et se positionna à proximité d’un âtre dans lequel dansait un feu tout à fait agréable.

« Bien. » Dit-il, regardant l’âtre avant de se retourner vers ses vis-à-vis. S’approchant à nouveau de son assise, il reprend place, prenant dans ses mains la tasse de breuvage chaud qui lui fut servie à son arrivée. « Pardonnez mon attitude : je me devais de vous jauger. Votre nom, Louise d’Erac, née de Fernel, est dans les bouches des hautes sphères depuis l’apparition de cet évènement tragique en Langehack. Je me fiche complètement de ce que d’aucun pense de vous : je devais me faire mon propre avis. De vos actes, je ne connais que deux conséquences : la mort du Marquis ayant manqué à ses tâches ; l’apparition de comptoirs des courtes-jambes sur mon territoire… A mes frais. » Dit-il, explicitant soudainement le pourquoi de son attitude et de ses pics empoisonnés. « Vous comprendrez, j’en suis certain, du scepticisme qui fut le mien lorsque cette rencontre qui devait s’opérer entre nous, me fut proposée par votre époux. Je ne devais pas uniquement rencontrer un Duc et un Pair, et sa nouvelle épouse dorénavant jeune Duchesse… Je devais aussi vous rencontrer vous, Louise de Fernel et non d’Erac. Maintenant que c’est chose faite… » Il pause, buvant une gorgée de ce breuvage finement sucré dont le goût absolument délicieux lui fit arquer un sourcil tant cela fut surprenant. « … Nous pouvons discuter, en toute confiance. Et, oui, nous discuterons en temps et en heure de votre rôle auprès des courtes-jambes. »

Il ne laissait gère le choix à Louise, mais cette dernière s’en doutait sûrement. En tant qu’émissaire, et amie des nabots, elle serait l’interlocutrice privilégiée de celles et ceux qui, pour une raison ou une autre, auraient à redire de la présence des nains. Adriano était assurément de ceux-là : s’il appréciait l’opportunité commerciale d’autant de comptoirs, et s’il savait pertinemment l’attrait des Humains pour les fabrications Naines… Il n’appréciait point la main forcée dans la construction d’autant de comptoirs aux frais de la couronne Humaine, et donc, du Duché de Soltariel.

« Je vous remercie de votre sollicitude… Puissent mon père, ma femme, et mes enfants, être en paix auprès de La Mère dorénavant… » Dit-il, baissant la tête. Il avait beau être fier, pieux et ô combien difficile, la mort d’autant d’être aimés était encore difficile… « La venue des Gobelins depuis les territoires Nains n’est donc pas une rumeur… Je ne saurais malheureusement vous proposer une quelconque aide, car… Nous n’en avons pas, et n’en avons jamais eu… Peut-être les courtes-jambes pourraient-ils vous aider ? Après tout, votre épouse pourrait le leur demander sans que cela ne provoque un quelconque incident ? »Demandait-il, réellement curieux cette fois. « Votre aide serait la bienvenue… Le Sud n’est point en reste en matière de présence du culte Pantien… Tyra, notamment, est souvent priée. Nous sommes des marins après tout… »

Il laisse flotter cette information quoi n’était point secrète. Tyra avait en effet la prédominance du culte dans tout le Sud, éclipsant parfois Néera chez les marins qui prient quotidiennement la déesse des flots afin de les laisser revenir en vie. Adriano lui-même avait un petit autel dans sa chambre privée… Prier était une activité importante pour lui.

« Puisque nous voici entre nous, entre dirigeants, je ne vois pas d’inconvénients à vous dire ce que nous avons obtenu… » Dit-il, comme pour se rassurer lui-même. La méfiance étant de mise dans le Sud, tant les cultistes ont infiltré les strates de la société Suderonne, il lui est difficile d’abaisser sa garde, même si loin de chez lui. « Les sectes draconniques ont investis plusieurs strates de la société Suderonne, à Soltariel, mais aussi en Langehack. J’ai fait exécuter plusieurs courtisans et courtisanes il y’a peu, après avoir obtenu suffisamment de preuves de leurs félonies. Dorénavant, je sais de source sûre et certaine qu’une famille noble de Merval est dévouée au culte draconnique… Et les doutes s’épaississent quant au penchant ésotérique de la nouvelle marquise de Langehack… »

Adriano sauterait sur le Marquisat à la première occasion…

Lorsqu'Adriano reprend la parole, il s'excuse, au grand étonnement de Renaud qui n'arrive décidément pas à cerner sa personnalité. Il en avait effectivement après Louise comme cela était visible, à qui il reproche la mort de Griffon et les comptoirs des nains. C'était la deuxième personne, avec Maralina, à faire des reproches sur Louise. Il faudrait qu'il demande à son service d'espionnage d'approfondir ce ressentie à l'encontre de son épouse, et qu'il trouve un moyen de faire comprendre aux gens qu'elle n'avait pas eu voix au chapitre, et qu'elle n'avait décidé de rien du tout

"Vous savez, Griffon était un cousin éloigné, et même s'il y a eu des manquements de sa part, je ne suis pas forcément d'accord avec la sanction qu'il y a eut."

Il n'ira pas plus loin sauf si son interlocuteur lui demande, mais il doit bien avouer qu'il est inquiet de la propension du Conseil de Régence à l'encontre des pairs du Royaume. Il a des contacts cordiaux avec certains, quelques affinités avec d'autres, mais il ne cautionne pas tout. Le Couronnement est arrivé à point nommé, et le regard de Renaud est maintenant tourné sur son nouveau Roy envers lequel il fonde beaucoup d'espoirs, avec autant d'attentes.

La mort de la famille du Duc de Soltariel a sans doute état un choc et une lourde épreuve à traverser, et après avoir expliqué qu'il ne peux pas aider Erac contre les gobelins, ce qui peux se comprendre, il accepte la main que Renaud lui tend. Le Duc du Médian est de nouveau surpris, il s'attendait à un refus poli, les puissants n'aimant souvent pas que l'on vienne mettre son nez dans leurs affaires en venant chez eux. Etonné, mais aussi appréciant, il ne manquera pas à son engagement

"En tant que marin, il est compréhensible de prier Tyra, puisque c'est la déesse protectrice de la mer. A Erac, nous avons une préférence pour Othar, le Grand Temple étant sur nos terres, et notre coutume plutôt martiale, ce qui n'empêche pas de prier les cinq. Je demanderais à ce qu'une délégation de prêtres rejoigne Soltariel pour vous aider, et vous appuyer, comptez sur moi."

Néera est la déesse protectrice de la péninsule, son intervention pour le Roy en est une preuve de plus, mais le Royaume prie en effet les cinq, enfin plutôt les quatre puisqu'Arcam n'était pas le bienvenue. Pourtant chaque territoire a ses spécificités et ses préférences. Renaud demandera à des Prêtres d'Othar tout autant que d'autres de Néera de faire un groupe commun pour se rendre au Duché de son homologue sudiste. Rien n'avait préparé Renaud à la suite, et des accusations à l'encontre de la nouvelle Marquise de Langehack. Un silence s'installe à la suite de ces révélations qui perturbent le Duc. Il regarde Louise avant de revenir sur son interlocuteur

"Nous avons toujours su qu'il y avait des sectes draconniques persistantes, mais je n'ai jamais imaginé l'ampleur que cela a, je pensais que c'était quelques petites cellules insignifiantes. Plus je vous écoute, et plus c'en devient inquiétant, et même vis à vis du Roy. Etes-vous certain que cela remonte jusqu'à la Marquise elle même ? c'est au dessus de l'entendement."

Renaud est abasourdi par ce qu'il apprend à cet instant, et ça se voit sur son visage qui se ferme au fur et à mesure qu'il comprend l'ampleur de tout cela. Ancenis est frontalière avec Langehack, il en arrive à se demander si cela ne touche pas aussi ses propres vassaux, et pourquoi pas ses terres ? Le Roy était-il seulement en sécurité ? autant de questions et d'autres qui se percutent dans sa tête

"Comment comptez-vous vous y prendre pour faire chuter tout cela et éradiquer cette vermine ?"

La réponse du Duc fit arquer un sourcil à Adriano, qui ne s’attendait point à ce que Renaud partage son avis sur la question de l’incident Langecin, et les conséquences de celui-ci. Levant une main, comme pour lui dire de se stopper là, le Suderon reprit :

« La mort de Griffon ne fut point une peine pour moi. Vous n’êtes pas sans savoir que Soltariel et Langehack se sont affrontés lors de la guerre de Merval. De plus, il est inconcevable pour un Pair de ne point pouvoir maîtriser sa propre cour, et de manquer autant à ses propres devoirs. Sa mort nous fragilise sans doute… Mais je crois qu’elle est préférable à une guerre contre les courtes jambes. »

Les discussions amenées ensuite sur la présence des cultistes draconniques au Sud, reprirent ensuite de plus belle. Si, pour Renaud, le fait qu’Adriano accepte l’aide du Médian était étonnant, pour ce dernier, la chose était aussi bénéfique pour lui et son duché, qu’elle était un pari vraisemblablement gagnant. Son but était simple : déclencher une guerre sainte. Une telle guerre requérait non seulement que le Sud tout entier se lie contre les cultistes, mais aussi, que d’autres territoires s’immiscent dans cette entreprise ésotérique, rendant à la chose un caractère unique, qui, tôt ou tard, attirerait l’attention du Haut Clergé Pantien.

En plus, une guerre sainte serait l’occasion pour Adriano de pointer du doigt les fameuses lignées – petites ou puissantes – qui, assurément, rendaient un culte aux sectes et non plus aux cinq. Et si ces fameuses lignées étaient en plus des lignées Langecines… Cela ne ferait qu’un peu plus servir aux volontés d’Adriano. Les machinations, toujours les machinations…

« Je ne suis pour l’instant sûr de rien. Mais la réputation de Prudence, et les zones d’ombres qui l’entourent, s’épaississent de plus en plus depuis la mort de son paternel. D’aucun dirait même qu’elle se trouve derrière la tentative d’assassinat qui eut lieu en présence des nabots… Et, maintenant que nous sommes certains qu’au moins une lignée Mervaloise est impliquée à grande échelle dans le rayonnement du culte draconnique, et que cette dernière sévit sans être inquiétée par la Marquise… Les doutes sont de plus en plus permis… Ne croyez-vous pas ? »

Il esquive volontairement la question du « comment ». Pour le moment, Renaud et Louise semblent bien plus intéressés par les informations, et les nouvelles, plutôt que par les actions. Adriano n’était pas encore sûr de pouvoir les compter parmi ses alliés…

Adriano coupe Renaud dans son élan quand il parle de son cousin, ce qui n'est pas courant. Les deux pairs vont-ils se livrer à un duel de mots pour savoir lequel va prendre l'ascendant sur l'autre ? L'éraçon n'espère pas en arriver la, d'autant que son homologue critique vertement Griffon après que Renaud explique que c'était quelqu'un de sa famille. Pourtant ce qu'il dit n'est pas faux, un Duc doit savoir maitriser sa cour, mais ce qu'il s'est passé la bas est étrange, de l'avis de Renaud. La guerre qu'il y a eu entre Soltariel et Merval n'aide pas à ce qu'Adriano et l'ancien Marquis se soient appréciés, mais il n'y a pas que cela, même si pour la première, cela concerne également le Duché sudiste

"Personne ne voulait de la guerre contre les nains, c'est indéniable, mais de la à mettre à mort un Pair, il y a un monde. L'impression est grande que le Royaume s'est facilement rabaissé pour éviter cette guerre, qui était peut-être du bluff. Les nains y ont été les grands vainqueurs, c'est évident, avec les comptoirs en prime."

Bien que faisant partie de la route d'or, Hautval n'avait pas été impacté par les comptoirs qui ont été uniquement mis sur les ports avec la capitale en plus. Si les nains décident de passer par les terres, nul doute qu'ils seront intéressés par la Baronnie, mais à ce moment, ce ne sera pas sur les deniers humains qu'il faudra compter pour le bâtir.

"Pourtant, il n'y a pas que cela. Sans vouloir remuer le couteau dans la plaie, et sans revenir sur les compétences où non de votre prédécesseure, la régence a aussi retiré son titre de Duchesse à Tibéria. Avec Griffon, cela fait deux fois que la Couronne est intervenue, et deux fois au détriment des Pairs. Peut-être que nous avons plutôt intérêt à nous serrer les coudes. J'espère que le couronnement de Sa Majesté permettra de changer tout cela, et d'avoir une harmonie et une union derrière lui plus forte et saine que nous avons eu jusque la."

Bien qu'ayant des relations amicales, ou neutre selon les conseillers, Renaud était inquiet de la facilité qu'avait le Conseil à sanctionner fortement, voir à retirer des titres à des Pairs sans aucun état d'âme. Le climat était plutôt délétère, et l'espoir que fonde Renaud à l'encontre du Roy est réel et sincère, espérant qu'une page à été tourné.

Le Duc d'Erac réfléchit suite aux accusations d'Adriano à l'encontre de la Marquise de Langehack. Il a apparemment mené une enquête minutieuse et ne s'est pas précipité pour lancer des accusations publique, ce qui est une preuve de sa patience et de son intelligence. Entendre dire que la fille serait responsable de la mort de son père est un aberration aux yeux de Renaud, c'est effrayant

"Je crois que lorsque plusieurs rumeurs différentes sont reliées à une personne, c'est qu'il n'y a plus beaucoup de doutes, mais il faut toutefois parvenir à prouver tout cela, car nous savons tous que les rumeurs sont rapides à fleurir, et pas forcément à bon escient. De plus, nous parlons d'un Pair, ce qui n'est pas rien. J'ai été trop occupé, et je n'ai pas fais attention à ce qu'il se passe au-delà de mon duché depuis un certain temps, il va falloir que je fasse plus attention à l'avenir."

Renaud va devoir de nouveau tendre son oreille plus attentivement à ses espions, et voir ce qu'ils savent, et leur révéler ce qu'il a apprit pour les aiguiller sur les importances du moment. Il est pensif, et son ancienne manie de se méfier de tout commence à refaire surface.

"Je vais envoyer un message sans délai à Erac pour demander la constitution du groupe de prêtres dont je vous ai parlé. J'espère que notre collaboration, avec ces prêtres que je vous enverrais, sera une première marche pour consolider le Royaume, avec un travail collaboratif qui s'avèrera fructueux pour nous deux."

Le début de la conversation a été on ne peut plus mouvementé, et Renaud n'a, pour l'instant, pas l'envie de se faire un ami d'Adriano, mais il sait passer outre ses réflexions pour atteindre un but. L'unité du Royaume, et avec ce qu'il a apprit, la purge de tout ce qui peut nuire au caractère Saint de Sa Majesté, va devenir une priorité.

L’esprit d’Adriano fulminait de pensées diverses et variées. La plupart allaient dans le sens de ses machinations, de ses projets, de ce qu’il était prêt à faire et prévoir pour pouvoir devenir plus puissant encore. Ses buts, jusqu’ici, n’étaient connus de personne, point même de sa douce et tendre fille. Affaiblir Langehack, par un moyen ou un autre, lui serait pour l’instant toujours bénéfique. Que cela soit fait par les courtes-jambes terrés dans leurs trous, ou par la machine judiciaire royale, ou par quelques complots… Qu’importe. Lui gagnait aux changes.

« Personne, en effet. » Renchérit-il, conscient que si la guerre avait dû avoir lieu sur mer, la flotte Soltaar aurait été grandement utilisée. « La mort d’un Pair est un acte puissant… Cela a montré aux courtes-jambes que l’affront fut pris au sérieux… Et aux nôtres, qu’un titre ne suffisait point pour protéger ce qui ne pouvait être protéger… » Dit-il, tentant d’illustrer un propos. « Toutefois, je comprends cette impression, oui. Sans doute suis-je moins emprunt de cette amertume, de par les différents qui nous opposèrent… »

Il admettait donc ne point être le plus objectif des seigneurs et des Pairs, à propos de la mort du Marquis. Et cela, à cause – ou grâce – à l’histoire qui opposa les deux terres. Toutefois, là où il rejoignait Renaud, c’était sur le sortir de cette histoire : les nabots en étaient les grands gagnants, en long, en large, et en travers. Et cela, Adriano ne l’appréciait point.

« Certes… Je suis en effet correctement placé pour souffrir de cela. Les exigences des nabots, maudits soient-ils, et leurs demandes, sont de véritables affronts… » Partage-t-il. « Au moins suis-je heureux de demeurer maître des terres sur lesquels s’élèvent les comptoirs… A défaut d’avoir le droit d’y envoyer mes gardes. »

L’amertume était sincère. Mais elle disparut lorsque le Duc étoffa son propos en discutant de ce qui fut un véritable tremblement de terre en Soltariel, lorsque le trône fut remis entre les mains des Cortès di Alcacio après avoir été retiré des mains des lignées traditionnelles.

« Insinuerez-vous, Altesse, que le conseil de régence ne fut point animé des meilleurs intentions lors des actions prises à l’encontre de Tibéria, puis de Griffon ? » Demandait Adriano, réellement curieux, tout en tentant de déstabiliser son vis-à-vis. « Je ne connais point votre avis sur la question du Soltaar… Ni vos sentiments, vis-à-vis de l’ex duchesse. Mais je puis vous assurer que cette décision ne fut point un abus de pouvoir. Et, d’ailleurs, sans doute ont-elles sauver le duché. Mais, là encore, je suis sans doute mal placé pour en parler objectivement… » Car, après tout… « Sans cela, mon père n'aurait jamais pu accéder aux rênes du duché. Et donc, je n’aurais jamais pu être votre égal. »

Il était d’accord, toutefois, lorsque tout Renaud prononça l’espoir d’une unité et de changement grâce au couronnement du seul et véritable Roy de Péninsule. Acquiesçant de la tête, Adriano prit une nouvelle gorgée de sa tasse au breuvage encore chaud. Il avait beau chercher, Adriano ne parvenait point à reconnaître les herbes utilisées pour réaliser cette concoction. Mais elles étaient délicieuses.

Il arqua un sourcil toutefois, avant de froncer les deux, lorsqu’il écouta les actions que Renaud allait entreprendre face au sujet brûlant de la nouvelle Marquise de Langehack. Encore une fois, le Duc d’Erac semblait touché par le fait que Prudence était Paire du Royaume, ce qui, en son esprit, semblait bloquer certains rouages de ses pensées. Depuis quand être Pair d’un royaume signifiait que vous étiez blanc comme neige, et donc, au-dessus de tout soupçons ? Intéressant…

Adriano n’irait point jusqu’à penser que Renaud manquait d’intelligence, ou de discernement. Après tout, l’on ne pouvait décemment être Duc, et le rester, sans une once d’intelligence, de savoir-faire, et une certaine capacité d’adaptation. Toutefois, le fait que Renaud avoue avoir été trop occupé pour écouter tout ce qui s’était dit dans le royaume, et ses prudentes prises de positions, et les actions citées qu’il compte entreprendre, inquiètent quelque peu le Duc Soltari. S’il semblait emprunt de bonnes attentions, il ne figurait pour l’instant point parmi les mieux taillés pour le rôle, ni parmi les plus pointilleux.

« Je n’écoute jamais totalement les rumeurs, car celles-ci résultent bien souvent des élucubrations douteuses et des regrets ombrageux de quelques individus patentés. » Dit-il. « Toutefois, je dois bien l’avouer : Prudence de Langehack baigne dans des eaux troubles, et cela me pousse à m’inquiéter. »

Avouait-il, appuyant alors ses impressions et témoignages précédents. L’attention du Duc quant à sa promesse d’aide au Sud, obligea Adriano à sourire et à effectuer un petit mouvement de tête. Un signe de respect et de remerciement, qui se voulait très sincère cette fois.

« Et je vous en suis reconnaissant, Altesse. » Dit-il. « Cette entraide, au nom de la Damedieu, est une véritable bénédiction. Il est difficile d’unifier un royaume, lorsqu’un mouvement sectaire sévit en toute impunité. Puissions nous ressortir grandit de cette entraide, et de cette croisade au nom de La Mère.

L'amertume entre Griffon et Adriano n'aide pas ce dernier à prendre en considération l'ampleur que cette décision fait peser sur les Puissants de la Couronne. Maintenant qu'il est Duc et Pair, il doit comprendre que même en ayant atteint le sommet du pouvoir, il n'est pas protégé, mais surtout, le Conseil ne semble même pas avoir d'égard pour eux, ce qui est perturbant et inadmissible. Les conseillers oublient rapidement les conséquences que les révoltes ont eut sur le Royaume, il serait très dommageable qu'une nouvelle voit le jour. Renaud ne désire bien entendu pas se retourner contre eux, au contraire, mais il est très chagriné de la manière dont tout cela s'est passé. Enfin ce sujet est clos du moins entre les deux Ducs, c'est du passé, il y a un nouveau Roy, béni par Nééra en personne, et il y a bien plus important en ce moment vu ce qu'il comprend.

A entendre le Duc de Soltariel, il est évident qu'il est très amer des comptoirs des nains, et c'est logique puisqu'il est le plus impacté par cela. L'éraçon doit finalement remettre une touche finale quand Adriano parle de Tibéria et ramène Griffon sur le tapis concernant la gestion de la Couronne. Pour sur qu'il en a été le grand bénéficiaire, mais c'est toutefois inquiétant

"Je ne dis pas que la Couronne ne devait pas intervenir, mais il y avait bien d'autres manières de le faire. Votre famille en a été bénéficiaire, et je comprends que vous soyez satisfait, mais si vous regardez d'un œil externe, vous comprendrez le malaise de ces décisions vis à vis de nos positions. Le Conseil n'a même pas daigné nous consulter, ni nous demander notre avis, ou quoique ce soit."

Le Duc de Soltariel semble être un homme avisé, c'est ce que ressent Renaud en l'entendant dire qu'il ne prend pas les rumeurs pour argent comptant. Les Ducs et tous les puissants sont souvent sujet à l'attaque de leurs ennemis et détracteurs, et nombre de rumeurs sont lancées pour les déstabiliser, les affaiblir et les faire tomber de leur piédestal, même si elles n'ont aucun fondement. Renaud sait qu'avec le pouvoir vient parfois la corruption, ou le déni, se voilant la face devant certaines choses. Tout Pair qu'ils sont, ils ne sont pas tous irréprochable, loin de la, d'autant qu'il faut batailler pour rester en haut sans trébucher, mais il sait qu'il faut être prudent quand on s'attaque à une personne ayant atteint ce statut. Adriano accuse la Marquise, prouvant sa prudence quand il parlait de rumeurs. En l'entendant, il n'y a pas de doute en faite, juste il faut réussir à le prouver ouvertement.

"Au moment où le Royaume s'unit enfin derrière son Roy, il n'est pas possible d'avoir des brebis galeuses en son sein. Nous devons tout faire pour conserver cette unité, et consolider les fondations du Royaume. Les pairs sont le reflet de la puissance du Roy, je pense que nous sommes les garants de sa grandeur. Trop longtemps, le désordre et les luttes intestines entre puissants ont affaiblit la Couronne, nous devons tout mettre en œuvre pour conserver la paix instaurée et nous développer afin de briller, tout en supprimant ce qui le fragilise.

Les Prêtres que je vous enverrais sous peu seront sous votre direction, voyez cela comme une preuve de ma volonté d'aider à ce que nous soyons uni dans la fondation d'un Royaume fort"

Ceux-ci seront en même son temps ses yeux et ses oreilles bien entendu, mais les mettre sous le commandement d'Adriano montre son engagement à aider ses confrères si ceux-ci en ont besoin. Il faut dire qu'avec Louis, ils sont les plus vieux pairs, et cela fait pourtant seulement quelques années, ce qui prouve la fragilité du Royaume. Les années de paix passées n'ont au final pas rapproché tant que cela les Seigneurs, il est temps que cela change.

La position de Renaud vis-à-vis des décisions du conseil de régence, à propos de l’incident de Langehack, et des incidents divers et variés qui se déroulèrent dans le Duché de Soltariel il y’a maintenant presque dix années, provoquait chez Adriano, une sensation bien étrange. Lui aussi, à l’époque où il n’était qu’un jeune noble, héritier d’une petite seigneurie qui, bien qu’une des principales pourvoyeuses en marins et en navires au sein de l’armada Soltaar, trouvait que les Pairs étaient intouchables. Il les pensait si puissants, si pieux, si forts, si riches, qu’aucune autorité ni aucune force quelconque, ne pourrait les déloger… Ou même seulement leur faire du tort.

Aujourd’hui, bien-sûr, les choses étaient bien différentes. Car Adriano avait eu tout le temps de se préparer à faire face à son rôle de Duc. Et il avait également eu le temps de s’adapter à ses responsabilités. Alors, oui, l’accession au trône de Soltariel s’était faite grâce à la décision du conseil de régence… Et oui, la seconde décision de celui-ci avait fragilisé le Marquisat de Langehack, peut-être même plus que ce que d’aucun pourrait penser. Prudence de Langehack était assurément la malédiction de sa lignée… Et de ses terres.

Mais voilà… Qu’aurait donc fait Renaud, si son avis lui avait été demandé ? Qu’aurait-il dit ? Qu’aurait-il pensé ? Qu’aurait-il ordonné ? Sur quoi aurait-il cédé… Et sur quoi aurait-il été impossible de le faire fléchir ?

« Et qu’auriez-vous fait, Altesse ? » Demanda finalement Adriano, le regard sévère, les yeux plissés, dardant sur Renaud une attitude qui fleurait l’importance des mots qui seraient ensuite prononcés. « Qu’auriez-vous dit, à l’époque, si l’on avait demandé votre avis sur la question Soltaar ? Qu’auriez-vous fait pour éviter la guerre civile qui secoua mon duché, et au travers de laquelle, ma famille fut victorieuse ? » Rajoutait-il à sa première demande. « Et suite aux incidents avec les nabots ? Qu’auriez-vous fait ? Qu’auriez-vous dit ? »

Fort heureusement pour le bien de tout le monde autour de cette tablée, Renaud était de bonne foi et de bonne volonté, concernant les efforts réalisés au nom de la Damedieu. Au nom de la paix également… Et au nom de l’unité. Une unité retrouvée derrière un souverain légitime. Du moins, c’était là l’étendue de la volonté et des aspirations du Duc d’Erac… Et Adriano, pour une fois, en partageait la vision. A sa manière… Mais il la partageait tout de même.

Alors, le Duc de Soltariel offrit un léger signe de tête suivit d’un sourire de circonstance. L’aide pieuse offerte par son homologue était des plus prometteuses et intéressantes. Si, en plus, elle se trouvait d’être d’une qualité similaire à celle apportée par les Alonnais… Alors nul doute que les affaires du Duché s’en trouveraient grandement aidées.

« Je vous en remercie, Altesse. Puisse la Damedieu resplendir sur tous les territoires de Péninsule, et dans tous les cœurs qui battent à l’unisson. »