Une dette à payer [Momo]

3ème ennéade de Karfias
20e année du Onzième Cycle
En Alëandir

Le soleil se levait à peine, ses rayons perçant timidement les frondaisons de la Prime Œuvre. Au milieu des milliers de gazouillements et de chants d’oiseaux en tout genre, du bruit des feuilles bruissant au vent, et des petites pattes des innombrables insectes qui parcouraient le sol, on pouvait entendre le bruit particulier de sabots contre le sol, d’un cheval qui avançait au trot. Vêtue de sa fière armure, Lynn chevauchait Alagosdil, se tenant bien droite, les yeux fermés. Elle était partie près d’une heure auparavant, aux toutes premières lueurs du jour, et se laissait doucement guider par son instinct, ainsi que par les doux murmures de la Symphonie à ses oreilles. Elle savait ce que l’elfe cherchait. Elle savait qui elle cherchait.

Ces dernières ennéades, elle avait passé la majeure partie de ses journées avec l’armée royale. Mais dans ces quelques temps creux où elle n’était pas exténuée, Lynn ne pensait qu’à une chose : partir à la recherche des Min’Nolwë, et de les remercier de l’avoir tirée d’affaire. L’archère sentait qu’elle leur était redevable, et qu’il fallait les voir à tout prix. Malheureusement, sans doute à cause de son absence prolongée, on ne l’avait pas lâchée d’une semelle, et seulement aujourd’hui, l’elfe avait une journée unique de repos. Elle en avait donc profiter pour partir à leur recherche. Pourtant, ce n’était pas vers eux qu’elle se dirigeait tout de suite.

Les Min’Nolwë étaient un petit clan nomade, discret, qui cachait très bien ses traces. Une Taledhelle ne pouvait espérer les traquer et les trouver dans une seule journée. Elle avait tout de même écouté la Symphonie avec une bribe d’espoir, mais ses paroles ne l’avaient pas aidée. Dans sa concentration, toutefois, elle décela un indice, vers la personne qui, sans nul doute, les mènerait sur leur trace. Par chance (était-ce vraiment de la chance ?), sa cible n’était pas loin.

Lynn traversa un énième bosquet avant d’enfin ouvrir les yeux, un sourire aux lèvres. Elle le repéra, niché dans le creux d’un arbre millénaire, endormi profondément. À une distance respectable, l’archère descendit de sa jument avec précaution, et attendit debout qu’il se réveille en caressant l’encolure de Alagosdil. C’était un spectacle paisible, il lui rappelait des souvenirs qui la touchait. Lorsqu’il émergea de son sommeil et qu’il la remarqua, elle lui fit un sourire et un signe de la main.

« Bonjour, vieux campeur. » s’exclama-t-elle d’un ton enjoué.

- Et bien j’ai de la chance que ce soit juste toi et pas un phish oura... je lui souris, être accueilli par un visage connu n’est jamais désagréable ...mais toi tu as de la chance de ne pas avoir fait un pas de plus.

Sans vraiment me presser, parce qu’il n’y a rien qui presse vraiment pour l’heure, je m’étire. Heureusement pour Lynn, je fais partie des gens qui émergent assez vite tout de même, mais ce serait mentir que de dire que lui rendre les salutations n’avait pas été quelques peu laborieux. Mais qu’à cela ne tienne, ce serait de toute façon moins laborieux que la suite.

- Tiens, regarde. je quitte mon douillet petit dortoir et m’avance en direction de la jeune elfe Attention…

Comme prévu, il suffit de quelques pas pour arriver là où j’avais dérangé les flots de Mana, et déclencher la réaction en chaîne qui aura attendu toute la nuit. Voir le sol se fendiller et cracher feu bleu dans le vide est quelque chose dont je ne me laisserai probablement jamais. Au point que j’avoue trouver parfois presque dommage d’avoir à désamorcer mes pièges plutôt que de juste m’amuser à tous les déclencher au petit matin. Malheureusement, désamorcer est l’approche la plus sûre. La moins drôle mais la plus sûre.

- Il y en a d’autres un peu partout autour de l’arbre. Donne-moi juste le temps de m’en débarrasser et je suis tout à toi.

Je remonte un peu le long de l’écorce, pour retourner sur la branche d’où j’avais tout préparé. Le parfait centre de ce qui aura été mon abri d’un soir et…

- ទឹកនៅឡើយ

Je saute de mon perchoir pour arriver à nouveau au niveau de la petite soldate. Je pense savoir pourquoi elle est là. À vrai dire je m’attendais à la voir plus tôt. Mais il faut croire qu’avec les récents événements, sa milice a dû avoir trop besoin d’elle pour lui permettre de s’éclipser plus tôt.

- Retenue dans la Cité plus longtemps que prévu ? ma voix craque encore un peu... Et maintenant on part chercher les Min’Nolwë, c’est bien ça ?

Elle sourit doucement suite à son avertissement, la tête penchée sur le côté. Lynn se souvenait parfaitement des pièges que pouvait poser le druide, pour se protéger des menaces nocturnes. Elle les avait vu à l’œuvre plus d’une fois, et avait toujours été impressionnée par leur efficacité. Pourtant, elle ne se doutait pas qu’elle s’était approchée si près. Avait-il agrandi son cercle, ou sa mémoire lui faisait-elle défaut sur ce point ?

Après tout, l’elfe ne connaissait rien de la Trame, ou des signaux qui pouvaient sans doute indiquer la trace de ces pièges. La magie ne l’avait jamais touchée directement. Elle l’avait pourtant approchée de près, mais son utilisation lui avait toujours échappée. Son père avait essayé de nombreuses fois de lui apprendre les quelques bases, mais il fallait être honnête : ce talent n’était pas le sien. Cela ne l’empêchait pas d’en apprécier toute la beauté. Elle regarda le piège s’activer d’un air tendre, les yeux illuminés. Lynn hésita à tendre la main pour toucher cette flamme bleue, mais se retint. Hochant la tête, l’elfe observa le druide s’affairer tout en sortant une pêche de sa sacoche, avant de la lui lancer quand il revint, et d’en attraper une pour elle.

« Ouich, » dit-elle la bouche pleine. Elle avala avant de continuer. « Il s’en passe des choses en ce moment. La forêt est pleine de caprices. Mais j’imagine que tu le sais déjà. »

Lynn lui fit un nouveau sourire plein de malice et croqua encore dans la pêche. Elle était juteuse et sucrée, parfaitement de saison. C’était un des rares plaisirs qui lui manquaient vraiment quand elle restait en ville. Les citadins savaient souvent ce qu’ils allaient manger, et chaque envie pouvait être assouvie en marchant un peu, soit au marché, soit vers les arbres fruitiers. En forêt, cependant, on ne savait jamais sur quoi on pouvait tomber. La découverte d’un en-cas délicieux lui donnait encore plus de goût.

« Tu te souviens que je les cherchais ! J’espère qu’ils sont toujours dans les parages, je n’ai que la journée pour les retrouver. Pourras-tu m’aider ? »

La cavalière tapota gentiment sur l’encolure d’Alagosdil qui hennit doucement, avant de s’approcher du druide en penchant la tête. Elle semblait ravie de le revoir, elle aussi.

« Si tu n’as pas envie de marcher, on peut la monter tous les deux. Elle n’est pas capricieuse, elle, aujourd’hui. »

- Des caprices ? Ah bon ? rire à gorge déployée n’est pas la chose la plus facile du monde au petit matin Je n’avais pas remarqué !

Heureusement, depuis les événements de la carrière, les bois d’Alëandir avaient été relativement calmes. Mais relativement seulement. Autrement dit, il n’était simplement rien arrivé qui mérite que je m’y attarde plus que de raison. La milice avait suffi à faire le travail. Et c’est qu’il semblerait qu’ils commençaient déjà à devenir bons à ce petit jeu ! Ah ! Rien de plus plaisant que de voir des Taledhels en phase avec l’Œuvre… même s’il ne s’agit que de taper dessus. Puis qui suis-je pour le leur reprocher quand ma mission n’est finalement pas bien différente ?

Qui suis-je exactement ? Je suis un vieil elfe qui a faim. Et soif. Et dont la gourde n’est pas loin d’être vide. Mais je ne suis pas un vieil elfe pressé, alors Alagosdil peut rester tranquille. À la manière dont elle accepte mes caresses sur son cou, je pense d’ailleurs qu’elle est bien contente de constater que je ne compte pas la pousser. Le jour est encore jeune. Rien ne sert de s’embêter.

- Ça ira, me dégourdir les jambes ne peut que me faire du bien. je leur souris Vous me suivez ? vers l’Est. À la recherche du bras de l’Elorëa le plus proche. Il y a quelques arbres fruitiers par là-bas cette année… un délice ! Il faut absolument que tu essaies.

Quelques arbres fruitiers et une sombre mélodie, louvoyant discrètement sous des Chants triomphants. Une sombre mélodie dont la discrétion m’inquiète un peu, parce que je ne pense pas qu’il s’agisse d’une véritable blessure. Ou du moins, je ne pense pas que la Sylve elle-même traite la chose comme une véritable blessure, là où la réalité lui en donne tout l’air. C’est d’ailleurs pour élucider ce cas là plutôt que pour aider la milice à gérer ceux auxquels elle se heurtait que je suis resté si longtemps. Et là où Lynn avait de la chance, c’est que vu qu’ils s’y sont aussi intéressés, cette étrangeté rendrait aussi les Min’Nolwë beaucoup plus faciles à trouver.

Lynn hésita, observant le ciel pour essayer de deviner l’heure. La lumière hésitante perçait à peine la cime des arbres, qui gardaient la fraîcheur matinale, imperturbable. Il devait être encore très tôt, inutile de s’inquiéter. Elle acquiesça donc et lui fit confiance en l’accompagnant au pas vers la direction qu’il indiquait. Derrière eux, la jument suivait en trottinant lentement, silencieuse. Elle profitait de ce temps frais car la journée s’annonçait étouffante de chaleur, comme la veille. Les Anedhels avaient la chance de ne pas être gênés par les écarts de température, mais les chevaux, eux, comme tous les animaux, n’avaient pas ce luxe. Ça n’empêcha pas l’archère de retirer son masque pour profiter pleinement de cette belle nature.

Lentement, ils progressaient vers le fleuve qui traversait paisiblement la forêt. Peu à peu, Lynn remarqua que la Symphonie chantait différemment dans cette direction. Elle en fit part au druide, parlant plus bas que nécessaire, comme si elle ne voulait pas éveiller la Sylve endormie.

« Là où on va, il n’y a pas que des arbres fruitiers, pas vrai ? Je sens quelque chose, un je ne sais quoi qui me dérange... »

Lors de leur long voyage, il l’avait souvent emmenée dans des endroits où la Symphonie sonnait autrement, et à chaque fois, les deux elfes avaient eu des choses à faire. C’était presque à se demander si Mornàndur se servait d’elle. Au fond, Lynn savait bien que non. Bien au contraire, il avait l’air d’éprouver un malin plaisir à la voir découvrir ces incongruités de la Prime Œuvre. Chaque phénomène avait quelque chose d’unique, qui lui amenait une myriade de réflexions qui l’occupaient des jours et des jours. De souvenirs, aussi. Même si son ancien clan n’avait pas vraiment l’occasion d’assister à ces étranges évènements, il leur arrivait parfois de faire l’effort de s’y déplacer, lorsque ce n’était pas trop loin de chez eux. Mais ce n’était qu’une enfant, à l’époque. Elle n’avait pas souvenir d’en avoir vécu.

Avec lui, en revanche, c’était une autre paire de manches. Lynn n’était plus choquée. Après tout, s’occuper des discordances de la Symphonie ne restait-il pas l’occupation principale d’un druide Ornedhel ? Tout de même, elle ne s’attendait pas à devoir s’attarder à ça, puisque son but restait seulement retrouver le clan des Min’Nolwe. Mais sa curiosité reprenait le dessus, et un sourire naquit sur ses lèvres. Chacune des aventures vécues auprès de Mornàndur avait été mémorable, et dans sa tête, elle était certaine que celle-ci le serait tout autant.

- Il n’y a jamais que des arbres fruitiers Lilynn. Il faut bien de la terre pour qu’ils poussent, de l’eau pour qu’ils boivent, et quelques animaux pour profiter de ce qu’ils produisent.

Je ris. Content de mes taquineries, certes, mais surtout surpris qu’elle s’en soit rendu compte. Comme quoi mes leçons de la dernière fois ne sont pas tombées dans l’oreille d’une sourde. Lynn fait chaque jour un peu plus l’effort d’écouter ce que lui susurre la Sylve. Pour ça, sa milice a de la chance de l’avoir. Mais pour le reste…

- Mais un peu de patience ! Tu verras bien ce qu’il en est lorsque l’on sera sur place !

On ne tarderait de toute façon pas beaucoup. C’était le temps de quelques dizaines de minutes, et quelques dizaines de minutes à parler de tout, de rien, et de l’Œuvre, comme on l’avait fait au cours de nos pérégrinations passées, ont vite filé. Mais arrivés sur place, le silence aura vite repris le dessus. D’un coup, les Chants étranges de la Sylve de l’endroit deviennent plus évidents à qui sait les entendre. Seulement, leur étrangeté ne dit pas grand-chose de leur raison d’être.
Liltalaïma ne partage aucune douleur. Aucune peine. Rien de ce que vit la forêt ici n’a l’air d’une cicatrice, ou du souvenir d’une quelconque agression. Rien de ce que vit la forêt ici ne raconte l’histoire de la mort qu’ont trouvé de trop nombreuses créatures dans ce recoin de la forêt. Après plus d’un Cycle de vie, il est habituellement peu de choses en ce monde que je peine réellement à comprendre, mais là… puisse I Mîngely venir à mon aide.

- Tiens ! Regarde !

Des fruits, tout simplement. De beaux fruits, peut-être même plus gros que ce que l’on trouve ailleurs dans le Coeur d’Anaëh. De beaux fruits qui sentent délicieusement bon.
J’abandonne Lynn au sol un instant pour m’élancer dans un arbre à la recherche d’un repas matinal digne de ce nom.

- Lilynn, attrape !

Je lui lance un fruit, et m’en saisis un avec lequel descendre. Puis sans tarder, je la rejoins d’où je suis venu, et croque à pleine dents dans mon butin. À la hauteur de son parfum, le fruit est vraiment délicieux. Juste assez sucré, juste assez acide, et âcre comme je les aime. Un peu plus âcre que d’habitude même. Plus juteux que d’habitude aussi. Cette année le jus a un léger arrière goût amer qui n’est pas désagréable… pour un palais d’elfe. Ce qui explique peut-être pourquoi les oiseaux et les jerboa ne semblent pas y avoir beaucoup touché.

- Alors, qu’est-ce que tu en dis ?

Lynn rit de bon cœur à la plaisanterie de Mornàndur. Elle savourait de l’entendre l’embêter ainsi. Au sein de l’armée, l’heure n’était pas à l’humour, et bien que les soldats essayaient de se détendre en se racontant des histoires drôles, ce n’était pas la même chose. On ne se taquinait pas comme ça. On était tendus et stressés, et on bossait dur. Alors, ce petit moment de détente lui faisait vraiment le plus grand bien.

Elle avait tout de même tiqué sur le « Lilynn », et lui en fit la remontrance.

« C’est Lynn, monsieur le druide, » dit-elle avec une grimace souriante.

Elle écouta les variations de la Symphonie en continuant de discuter avec le vieil elfe. Il lui était plaisant de parcourir la Sylve avec lui de nouveau, même si ce n’était que pour un temps très court. Intérieurement, elle espérait le revoir aussi souvent qu’elle le pouvait. Lynn redoutait le jour où il quitterait les terres d’Alëandir, qui ne saurait sans doute tarder. Elle mit de côté ces pensées tristes alors qu’il la héla avant de grimper sur un arbre. Amusée de le voir toujours si agile, elle a un petit rire en le voyant habilement lui envoyer un fruit dans lequel elle croqua délicieusement en gémissant de plaisir, après avoir superbement ignoré ce second manque à son prénom.

« Des lairë tinyávës ! » s’exclame-t-elle. « J’adore ce fruit. »

L’elfe se lèche puérilement la lèvre inférieure en sentant du jus couler du fruit sur son menton, avant de prendre une deuxième bouchée en faisant un peu plus attention.

« Je n’en ai pas mangé depuis des années ! » reprit-elle rêveusement en regardant le fruit entamé, ses oreilles s’affaissant. « Je me souviens, lors ma tendre enfance, quand je vivais encore au sein de la Noss Neerim… Ces fruits poussaient tout près de notre arbre. J’en mangeais des tonnes, tellement que je m’en rendais malade. Ma mère me grondait si souvent, et mon frère se moquait bien de moi ! » Elle eut un petit rire. « Je me demande ce qu’ils diraient s’ils me voyaient aujourd’hui. »

Une larme unique perla au coin de son œil, qu’elle essuya maladroitement. Lynn avait oublié ces souvenirs qui se perdaient dans un siècle de vie au destin tragique. Certes, elle pensait encore souvent à son clan, mais ces petits détails qui lui revenaient étaient de plus en plus rares. Elle en ressentait du chagrin. Elle croqua une nouvelle fois dans la lairë tinyávës après un long soupir mélancolique.

« C’est vraiment délicieux, merci, » murmura-t-elle d’une voix douce.

La petite discordance du Chant, qui s’était calmée l’espace d’un instant, repris de plus belle. Ils étaient proches.

- Pas la peine de me remercier tout de suite, tu n’as encore rien vu !

Le poison agit rapidement. Quelques bouchées et j’ai déjà la tête qui tourne. Quant à Lynn, les premiers symptômes ne devraient pas tarder à apparaître chez elle. Et elle… elle risque malheureusement de moins bien s’en tirer que moi. Pour cette fois en tout cas. Cela va faire quelques ennéades que je consomme les fruits de cette région. Au début les premiers vertiges étaient complètement assommants, et c’était sans parler des insupportables nausées du fort de la digestion… mais au moins le corps semble s’y habituer rapidement. Le nôtre en tout cas. Les animaux les plus fragiles, eux, n’avaient pas cette chance.

- Viens. je tends ma main à l’archère, pour la guider vers de grandes racines moussues Crois-moi. Vaut mieux que tu t’asseyes maintenant.

Une fois Lynn installée, les doigts à ma bouche, je siffle. Rapidement, les feuillages commencent à bouger, et une poignée d’elfes, affairés non loin, se présentent à nous. Un grand brun à la mine patibulaire et deux jeunes brun-rousses aux visages étrangement semblables pour des elfes qui n’étaient pas jumelles prennent place auprès de nous. Sans ni nous saluer, ni se présenter, bien sûr. Après tout, les Min’Nolwë ne sont pas bien réputés pour leur sympathie.

- Iolrath, Lynn, vous vous connaissez probablement déjà. difficile de passer chez les Min’Nolwë sans croiser le vieux guerrier Mais Lynn tenait à remercier ton clan pour l’aide que vous lui avez apporté après les événements de la carrière.

- Et c’est pour ça que tu es venu faire grossir sa dette ?

- Peut-être bien. je hausse les épaules Si elle n’a aucune raison de vous chercher, je lui suis moins utile d’un coup, et j’aime bien être utile.

- Tu es vraiment un vieux cinglé Mornàndur. il se tourne vers Lynn C’est la première fois que tu manges quelque chose qui vient d’ici j’imagine ? Dans ce cas accroche toi. Et si jamais ça ne va pas, fais le moi savoir. il sort une fiole de sa sacoche Si les symptômes s’aggravent trop, quelques gorgées de ça suffit à les calmer, mais plus ton corps lutte seul, moins tu réagiras mal la prochaine fois. Donc on limite l’usage de l’antidote autant qu’on peut.

- Et ensuite, à toi les meilleurs tinyávës de tout Anaëh.

Je lui offre un clin d’oeil complice… qu’elle n’apprécie probablement pas énormément actuellement. D’accord, c’était peut-être un peu fourbe comme méthode. Mais c’est pour son bien. Anaëh ne semble pas prête à rentrer ses griffes de sitôt, et si les plantes ont décidé de s’adapter à ce nouveau monde, alors il faut qu’on fasse de même. Ni plus ni moins.

Oh, qu’elle s’en voulut ! Lynn se tenait assise au beau milieu de ces racines qui étaient étonnamment confortables. Assise, quand elle n’était pas courbée en deux par le mal qui déchirait son ventre. Elle regardait tour à tour le dénommé Iolrath et le trouble-fête qui lui servait de compagnon. L’elfe les écoutait parler presque tranquillement tandis qu’elle sentait son corps tout entier se battre contre le poison qui se répandait dans ses veines. Elle avait baissé sa garde, mais ne s’était pas attendue à ça. Les manières de faire du vieux druide étaient peut-être efficaces, mais socialement incorrectes.

Son ventre fit un bruit terrible, et elle gémit de douleur. Elle entendit vaguement le grand brun insulter le vieux Mornàndur, avant de s’adresser plus doucement à la malade qui se retenait de rendre son petit déjeuner. Elle opina du chef. Ainsi, le nouveau mal qui touchait la Sylve n’atteignait donc pas seulement les animaux, mais également certains fruits et végétaux. Les rumeurs qui circulaient étaient vraies. Pourtant, ils n'étaient pas aujourd'hui dans la zone touchée. Son inquiétude grandissait : cette maladie progressait, et vite. Peut-être d'autres régions d'Anaëh étaient aussi impactées, il fallait prévenir le Roi. Pourquoi avait-il dû partir dans le Lörn ? Son peuple avait besoin de lui. Intérieurement, elle se promit de le "sermonner" à ce sujet.

De nouveau, Lynn bouge la tête, cette fois pour refuser l’antidote proposé. Il était hors de question que son corps ne soit pas suffisamment fort pour résister à ce poison. Elle croise le regard amusé du druide, qui ne semble pas vouloir s’excuser. Il lui fait même un clin d’œil ! Le fourbe. Elle lui rend une grimace, avant de s’essuyer machinalement le front inondé. D’un signe de la main, elle lui fait signe d’approcher. L’agrippant par la jambe, un sourire maniaque naît sur ses lèvres.

« Mornàndur... je vais te... »

Ses yeux s’écarquillent d’un coup, et elle ne peut empêcher l’horreur qui se déverse d’abord sur les guibolles sales du druide, avant qu’elle ne s’écarte pour l’éviter, un peu trop tard. Rendant donc finalement son petit-déjeuner, Lynn entend autour d’elle les deux jumelles Min’Nolwë ricaner. Iolrath, lui, semble garder tout son sérieux. Il tend de nouveau la fiole, que la malade s’entête à refuser. Au bout d’un petit moment, elle redresse la tête pour regarder le druide dans les yeux, séchant ses propres larmes.

« Regretter. »

Une menace en l’air, évidemment. Au fond d’elle, Lynn savait que son compagnon ne lui voulait aucun mal. Ce n’était qu’une façon bien à lui de prendre soin d’elle. Son mal de ventre semblait s’être calmé, et cette impression terrible qui l’avait transie avait disparu.

« Iolrath » dit-elle difficilement après quelques minutes, la gorge serrée, « j’aimerais retrouver M’rey, et m’adresser à lui personnellement. » Un bruit bizarre s’échappa de son ventre. « Enfin… Quand j’irais mieux. »

Elle regarda avec dégoût son propre bras qui n’avait pas été épargné. À quelle distance pouvait bien se trouver l’Elorëa, déjà ?

Si elle ne survit pas parce qu’elle tient à sa propre vie, peut-être que l’envie de prendre sa vengeance suffira à la motiver un peu plus. Du moins c’est ce que l’on aurait pu se dire si l’affliction était mortelle. Au vu du peu de poison qu’elle a consommé, Lynn serait certainement presque entièrement remise au courant de la nuit. Et si – quoique j’en doute vu la combativité de la petite – son corps décidait de ne pas coopérer, ce ne serait au pire l’affaire que de quelques jours. Ce qui veut dire que je n’ai pas beaucoup de temps devant moi pour échapper à sa revanche. Si elle ne considère pas l’avoir déjà prise en tout cas…

- Si Mornàndur veut bien me remplacer à ton chevet cette nuit, je peux m’arranger pour faire venir M’rey d’ici à demain matin. le guerrier roule des yeux Mais vu le mauvais tour qu’il t’a joué, il n’est pas vraiment en position de refuser, le vieux.

- Même sans ça j’aurais de toute façon accepté.

Mes yeux rejoignent ceux de la militaire pour constater l’ampleur des dégâts. Son pauvre estomac avait à peine reçu les fruits qu’il les lui avait déjà rendu. Pas certain qu’elle remange du tinyávës avant un bon moment.

- Eh bien. C’est que les fruits t’ont tellement plu que tu te les est remis en bouche on dirait.

J’offre à la jeune elfe contrite un sourire taquin. Se retrouver ainsi vulnérable et dépendant d’autres, surtout dans la maladie, peut facilement devenir humiliant. Se retrouver physiquement limité est une chose, mais la maladie a ce petit quelque chose en plus, cette inhabituelle crasse qui nous force à nous montrer sous un angle que l’on apprécie généralement bien peu de dévoiler.

- សម្អាត

L’eau lui lèche d’abord le bras, avant de venir m’entourer la jambe, emportant avec elle bile et nourriture vieillie, sans laisser la moindre goutte derrière elle. Quitte à l’avoir mise dans cette situation, je lui devais bien de l’aider à conserver un peu de sa dignité.

- Je suis désolé de t’avoir infligé ça, mais j’avoue que je craignais qu’autrement tu refuses de consommer des fruits toxiques. je soupire Et j’avais besoin que sentes par toi-même ce que ça fait. Parce que je pense qu’il va falloir que tu arrives à convaincre les tiens de passer par là.

Je m’assieds à côté d’elle, et je soupire à nouveau. L’idée ne me plaît pas le moins du monde, mais elle me semble malheureusement la seule solution durable à ce problème.

- La Sylve n’a pas l’air de souffrir de la situation plus que de raison. Les petits animaux en souffrent pour l’instant, mais ils s’adapteront vite. Quant à nous, je pense que le mieux est que nous fassions de même. Vu que l’on est tout sauf garantis que les choses se calment, habituer nos corps au poison m’a l’air d’être la meilleure solution. je fouille dans ma sacoche pour y prendre un nouveau fruit dans lequel je prends une grande bouchée Que nos corps n’aient pas été faits si malléables pour rien.

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