[Libre] L'Antre des Sept Vouivres

5e ennéade de Favriüs
21e année du Onzième Cycle
Frontière Ouest de Quatrième Saison

L’éther dansant autour de ton sceptre pulsait à tes tympans pour te révéler ce que tes yeux et tes oreilles ne sauraient distinguer d’ici et à cette vitesse. Mais jusque-là, rien. Rien en tout cas qui n’ait attiré ton attention. Quant à tes camarades, les aller et retours réguliers des Silm’Aiwë laissaient facilement comprendre que pour l’heure, ils étaient eux aussi restés bredouille.

Le bruit du vent claquant à chacun des lents battements d’ailes de Sû rythme ton côté des recherches. L’Aigle et toi avalez la distance depuis un long moment déjà, sans que rien ne se dévoile ni à toi, ni à lui. Là est l’une des plus grande force des Ornedhels. Plus que n’importe quelle autre créature, ils savent se fondre dans l’Œuvre au point d’être presque invisibles à qui ne sait pas quoi chercher. Et les Baar’Ane – surtout au vu de l’importance de leur proclamée mission – n’étaient certainement pas bien différents.

D’abord il y avait eu les Change-Peau. Ensuite il y avait eu l’arbre de Rindanim. Et maintenant, des elfes avaient disparu de Quatrième Saison. Partis en forêt, comme ceux de Malereg, seulement, contrairement à ceux de Malereg, ils avaient laissé des traces. En plusieurs endroit de la route menant à la Cité-Aux-Ours, des écailles… des écailles que tous les habitants du Protectorat sauraient reconnaître entre mille. Les Baar’Ane avaient quelque chose à voir avec ces disparitions, et quelque chose te disait que comprendre ce qu’il s’était passé de ce côté d’Anaëh vous aiderait à comprendre les événements de l’Epine Dorée.

Seulement, il fallait maintenant trouver les Baar’Ane. Et ce n’était pas une mince affaire.

Vous aviez décidé de ratisser le Protectorat de Nord en Sud et d’Ouest en Est. Certes, vous étiez peu nombreux. Certes, un tel travail, pour la dizaine de soldats que vous étiez était colossal. Mais dans votre malheur, vous aviez eu de la chance. Grâce à Sû, tu pouvais prendre les airs, et en prenant les airs, tu pouvais épargner à tes camarades les recherches dans toutes les zones que depuis le ciel, tu étais capable de correctement fouiller.

Tu n’avais jamais autant apprécié la végétation clairsemée de Quatrième-Saison.

il ne vous restait plus qu’à suivre le Rhym quelques minutes pour arriver au point de rendez-vous, et ces quelques minutes n’auraient pas pu paraître plus longues. Sû et toi commenciez à ressentir l’appel du repos. Seulement – n’en est-il pas toujours ainsi dans la vie ? – c’est alors que l’opportunité de se reposer était enfin à portée de main que l’Œuvre vous offrit un nouvel espoir… et repoussa par la même occasion votre congé.

Les ailes de l’aigle se rapprochent de son corps, son bec pointe vers le sol, tu te baisses sur tes appuis, et ensemble vous piquez en direction d’un massif rocheux en contrebas. Au moment où la trajectoire de l’aigle s’inverse, tu sautes, atterrissant sur le plateau un genou au sol, tandis que l’animal partait se percher un peu plus haut.

Tu retires masque et heaume, les accrochant à ta ceinture en t’avançant vers ta découverte. Un Elfe. Le premier que tu auras croisé en de longues heures de recherche. Et avec un peu de chance, un Elfe dont la guidance vous épargnera de nouvelles heures de recherches infructueuses.

- Aiya ! tu tu lèves une main droite... Otorno. ...que tu poses ensuite sur ta poitrine avant de te pencher en avant Artiön Laergûl, Seigneur-Protecteur d’Alëandir. tu baisses légèrement les yeux Désolé de m’imposer de cette manière, mais…  tu détailles rapidement ton interlocuteur du regard, et à première vue, il ne te paraît pas être l’un de ceux que tu recherches ...j’aurais besoin de ton aide. Si tu le veux bien.

La tenue du moment:

La Vëtherill était un clan joyeux, en règle générale. Beaucoup de phénomènes naturels, chez eux, étaient prétextes au cérémonies et aux fête pendant lesquelles tout le clan se réunissait avec joie et chaleur.

Pourtant ces derniers temps, une chape de plombs semblait s’être déposé sur les cœurs des ornedhels. Les mines se faisaient soucieuses, les sourcils froncés. Les éclaireurs partaient le cœur plus lourd alors que par plusieurs fois déjà, certains des leurs avaient disparus sans trace. Etait-ce les ombres apparues quelques années auparavant ? Ou bien était-les les effets de cette inquiétante lune qui semblait avoir ragaillardie la forêt à l’extrême ? Nul ne saurait l’affirmer. Les efforts des éclaireurs à trouver une réponse, n’avaient mené à rien.  

Autrefois, il était aussi coutume d’organiser une grande fête en l’honneur des jeunes qui décidaient de partir un temps à travers l’Anaëh, se doutant toujours à demi-mots de leur retour plus ou moins prochain. On leur souhaitait bonne chance et on profitait une dernière fois de leur présence avant le départ au petit matin.
Mais désormais, c’était la tristesse et la peur qui dominaient ces cérémonies pourtant vitale à la survie du petit clan, qui se raréfiaient au fil du temps et des dangers croissant de la prime œuvre. L’on aurait presque dit qu’il s’agissait alors de bien tristes cérémonie pré funéraires. On ne pensait plus à quand, ils reviendraient, mais si ils reviendraient…

Naturellement, lorsque Sërythil fit mine de s’éloigner du camp, comme il avait toujours l’habitude, on eut du mal à ne pas s’inquiéter pour lui. Derrière les lèvres pincées et les regards fuyant, ils savaient ce qu’ils n’osaient pas dire. Un infirme par ces temps ne ferait pas long hors de la protection tranquille de leur camp. Au moins devrait-il s’accompagner d’un éclaireur ou deux… Mais l’herboriste, par fierté personnelle autant que parce qu’il se connaissait, avait refusé de les laisser verbaliser leurs craintes. Il n’était plus un enfant et il se refusait à n’être qu’un fardeau pour les siens.

Alors il était parti, un jour de plus, laissant la symphonie guider ses pas. A vrai dire, de son côté aussi il espérait trouver une réponse.

Et… à défaut de la symphonie, un phénomène étrange l’avait soudain intrigué. D’habitude territoriaux, il avait distingué d’étrange mouvement au sein d’une colonie de Mirguna dont le comportement n’avait pas grand-chose à voir avec ce qu’il connaissait. Plutôt de de se creuser un territoire, ou de s’affronter pour une femelle, quelques-uns semblaient…migrer, ensembles, comme l’aurait fait des oiseaux. Nulle autre créature n’agissait ainsi, alors, Sërithyll s’était décidé de suivre cette piste un moment. Peut-être y avait-il autre chose dérangeant les animaux et les forçant à cet étrange exode ?

Mais arrivé au bas des monts, la jambe de l’herboriste s’était rappelé à lui. Crapahuter dans ce genre d’environnement lui était difficile, et il avait fini par perdre la piste des serpents-félins, dans un claquement de langue agacé.

Quoi que l’agacement fut de courte durée…

Il y eut une ombre qui flotta soudain au-dessus de lui, et en levant les yeux, un aigle géant lui apparut. Perplexe, il observa l’animal foncer en piqué non loin de lui, et encore plus perplexe…L’arrivée d’un immense elfe de métal, sauter directement de son dos…

-Par la Lumineuse... Avait-il laissé échapper dans un sursaut causé par ce brutal atterrissage.

L’autre elfe, retira sa gangue de métal de sa tête, et s’adressa à lui avec une douceur qui surpris presque l’ornedhel. Il se disait "seigneur protecteur’’, et le noss pencha un peu la tête sur le côté, cherchant rapidement dans sa mémoire ce qu’il était, en équivalence chez eux. Il était chef d’un de leur camp de pierre, finit-il par se rappeler. C’était le grand camp de pierre du sud-ouest, que les haedrim considéraient comme leur capitale.
Un peu gauche, il avait pourtant imité son salut, non sans ranger l’arc de bois bleu qu’il avait jusque-là tenu par précaution.

-Je suis Sërythil. Fit-il alors en retour. Du clan Vethërill qui se trouve au sud-est. Il lorgna sur l’immense aigle partit trouver un autre refuge en amont puis revint à l'elfe. Tu ne semble pourtant pas perdu et ton compagnon semble assez fort pour te mener à destination, quelle qu’elle soit. Que t’arrive-t-il ?

- Ce n’est pas que je sois perdu… tu lèves les yeux au ciel ...c’est que je ne sais pas où est « ma destination ».

Après quelques pas en direction de l’Ornedhel, tes yeux s’arrêtent sur un rocher non loin. Tu chasses ta cape d’un geste nonchalant de la main, et tu t’assieds, laissant échapper un sourire qui en disait long sur ton état de lassitude.

- Durant les deux derniers mois, des Elfes ont disparu des Cités de Malereg et Quatrième Saison. Au départ, vu comme l’Œuvre est imprévisible depuis la Lune de Sang, on a pensé à une attaque. ton regard s’assombrit Mais on n’a pas trouvé le moindre signe d’affrontement sur les routes empruntés par les disparus. Par contre… tu déglutis …chaque fois que l’on a exploré les abris proches des routes, on y a retrouvé une nature devenue disons… peu commode, et des signes de la présence d’Elfes du Baar’Ane.

Tu joins les mains devant ton sternum et rassembles tes pensées. Tu n’aimes pas plus que quiconque la tournure qu’ont pris les choses. Tu détestes avoir à pointer le doigt en direction de qui que ce soit dans ce genre d’affaires, mais c’était là tout les indices que vous aviez.

- Au départ on imaginait une coïncidence, mais jusqu’à Rindanim ! tu étouffes un râle Aussi loin de leurs territoires ? On s’est retrouvé forcés de se demander s’ils n’étaient pas liés à tout ça, d’une manière ou d’une autre. ton regard s’ancre dans celui de Sërythil J’aimerais pouvoir rencontrer les Baar’Ane. Pour savoir ce qu’il en est. Donc si tu as une idée d’où les trouver, ou si tu sais où trouver quelqu’un qui saurait… je sais que les Ornedhels tiennent généralement à rester discrets, mais nous ne voyons pas d’autre solution.

Les oreilles de l’elfe s’étaient haussées en même temps que ses yeux jaunes s’étaient agrandis pendant le discours du citadin. Ainsi, ils n'étaient pas les seuls à subir l'ire invisible d'ils ne savaient quoi. Cela touchait aussi les elfes dans leurs camps de pierre. La situation en devenait particulièrement grave si elle impactait autant d'elfes.

-Il faut que tu viennes avec moi. Fit-il, tout affolé. Avant de se reprendre, et de faire un effort pour reprendre un ton plus calme. J’ignore si les raisons sont les mêmes mais la coïncidence est trop grande pour être ignorée. Il soupira. Je ne devrais peut-être pas en parler à un étranger mais nous avons aussi nos disparations que nous n’expliquons pas depuis que la lune à changé. Je ne sais pas où tu trouveras les Baar'Ane. Mais s’ils sont de près ou de loin impliqués là-dedans, mon clan doit savoir.

Par réflexe son regard s’en alla dans la direction de son camp, comme si d’ici, il pouvait les voir. L'elfe était inquiet.

-Notre chef pourra probablement t’en dire davantage par ailleurs.

Et comme pour achever de convaincre le géant de le suivre, il boitilla en arrière, et, après un geste du pouce, fit mine de prendre le chemin du retour jusque chez lui.

Tu te redresses brusquement, surpris par la réaction de ton interlocuteur. De toutes les réponses que tu aurais pu avoir, une invitation dans l’urgence était la dernière à laquelle tu te serais attendu. Bouche-bée, tu te ressaisis en entendant les raisons de son empressement. Alors comme ça, les clans eux aussi avaient connu leur part d’étranges disparitions… ou du moins, étais-ce le cas pour son clan. Et si ce qu’il te dit est à prendre à la lettre, les leurs précédaient même les vôtres. Peut-être donc, n’étiez-vous que les dernières cibles d’un phénomène ayant touché bien d’autres Sylvains. Peut-être d’autres clans encore étaient-ils dans la même position.

- Donne-moi un instant.

Tu te tournes vers la forêt, portes tes doigts à ta bouche et siffles un strident signal. Puis tu attends. Quelques minutes passent dans un silence gênant, puis le faucon fait enfin son apparition. Tu confies à l’oiseau un bout de papier, une note, demandant à tes camarades de continuer la battue sans toi, et leur expliquant que tu avais peut-être trouvé une piste. Tu les retrouverais plus tard. S’ils continuaient selon les plans, ce ne serait pas difficile.

- C’est bon, allons-y.

Tu emboîtes le pas à l’Ornedhel, et le suis à travers le massif rocheux, curieux de voir où il t’emmènerait. Souvent d’ailleurs, tu es forcé de constater que ton guide préfère choisir les passages les plus rapides aux plus sûrs, chose qui ne t’aurait pas particulièrement étonné habituellement, mais qui, au vu de sa condition, n’était pas sans t’impressionner.
Tu te gardes cependant de faire le moindre commentaire, préférant suivre le chemin en silence. Contrairement aux autres clans de ce côté du Rhym, tu ne connais pas les Vethërill. Et s’il y a une chose que tu as appris force de côtoyer les Ornedhels, c’est que se murer dans le silence jusqu’à avoir une idée de la bonne manière de s’adresser à eux était la plupart du temps la meilleure solution. Hors de question de te laisser prendre au même piège qu’avec les Iarin’Dath.

Quelques longues heures, et plusieurs miles de dénivelé plus tard, vous étiez finalement arrivés. Rapidement, les regards s’étaient tournés vers vous, et les murmures avaient commencé à s’élever. Restait juste à espérer que ceux auprès de qui t’emmenait Serythil te fassent aussi bon accueil que lui.

Le citadin fit mine de suivre, alors Sërythil accéléra un peu son pas. Il voulait rentrer en son camps rapidement, quitte à prendre quelques risques sur le chemin inégal. Au bout de quelques temps, lorsqu’ils retrouvèrent le couvert épais des arbres, leur chemin se balisa petit à petit de discrets plateaux de bois gravé et peint de fils d’or. Quelque fois le noss s’arrêta et leva la tête. Les deux mages pouvaient alors sentir la trame vibrer, mais rien n’apparut à leurs yeux. Alors il continuait finallement son chemin, peut-être un peu plus tranquille. Jamais il ne fit mine de chercher à tirer son arc de son dos.

-Reste là s’il te plait. Le guide avait intimé à son nouveau compagnon de route lorsqu’ils avaient enfin gagné ce qui constituait le cœur du camp des Vethërill.

Ce n’était pas bien grand, c’était une simple clairière ni petite ni grande, adossée à une épaisse paroi de pierre de la taille d’un elfe et demi environ, peint de signes or et gris qui s’entrelaçaient en un langage complexe qui brillait en l’observant d’un certain angle. Au centre de la clairière, il y avait les reste d’un grand foyer, qu’on allumait surement chaque nuit tombée.

Dans les branches, à diverses endroits qui semblaient presque aléatoire, étaient accrochés des cercles de bois creux ou pleins, ainsi que d’autres tablettes rectangulaires, le tout peint de multiples couleurs, mais où souvent, les tons froid et chaud se mêlaient en de délicates danses. Par une faible brise, les objets teintaient entre eux. Il y avait quelque chose de doux dans le faible son du bois qui s’entrechoquait doucement.

Partout où l’on posait le regard autour du foyer éteint, des elfes interrompant leurs diverses tâches quotidiennes le rendaient, inquiet, mais, à leur regard et à leurs oreilles qui se haussaient, curieux aussi.
Mais aussi inquiets semblaient-il être, aucun ne se montra agressif. Ce qu’il se chuchotait, plus ou moins discrètement c’était surtout des questions. Qui était-il ? Pourquoi un citadin venait-il jusqu’ici ? Sërythil ne semblait pas avoir peur de lui après tout… Avait-il des nouvelles ? Pourquoi était-il si grand ?

Bientôt, l’herboriste revint, et il fit signe à Artiön de le suivre à nouveau. Ils s’éloignèrent un peu du centre de la clairière et des questions ornedhelles soufflées à travers les branches, et, s’engouffrant à travers un petit couloir d’arbre, atteignirent une grande tente colorée. A l’intérieur attendait un autre elfe, aux cheveux pâles et au visage peint. Ses cheveux et ses vêtement simples étaient rehaussés de plumes et de perles colorés et malgré sa taille plutôt modeste bien dérisoire face au géant citadin, il se dégageait de lui une certaine prestance.



L’elfe s’agenouilla sur le sol, Sërythil fit un signe à son compagnon de voyage, lui indiquant de suivre, alors qu’il batailla seul pour faire de même à son tour. L’autre elfe le regarda faire mais ne dit rien, jusqu’à ce qu’ils soient tous installés.

-Bienvenu Artion Laergûl d’Alëandir. Finit-il par lancer. Voilà un nom que nous n’avons pas entendu depuis bien longtemps mais qui n'est pas inconnu. Il sourit. Ce qui n’est pas sans attirer ma curiosité mais je crois malheureusement que le temps ne soit pas à cela.

Doucement, il saisit un petit récipient devant lui et le tendis au citadin. C’étaient de simples baies mélangée à du miel de falaféor. Des ressources qui sembleraient sans doutes banales au citadin habitué à tellement de confort. Mais pour eux, c’était un geste d'hospitalité symbolique qui avait toute son importance.

-Je suis Orchanar, chef de ce clan au sein du quel tu es bienvenu. Sërythil m’a expliqué que nous n’étions pas les seuls à subir des disparitions inquiétantes. Nous en cherchons les causes avec une franche inquiétude. Tu dis que les Baar’Ane semblent impliqués, malgré eux ou non. C’est une accusation grave. J’aimerais entendre de ta bouche quelques précisions. Quels signes exactement avez-vous réunis vous laissant penser ainsi ?

Genoux au sol à l'image de tes hôtes, tu réponds aux salutations de celui qui se présentera comme chef des Vethërill d'un lent hochement de tête. Aussi inquiétante que soit la situation, à son sourire, tu réponds du tien, et presque machinalement, en l'écoutant, tu te retrouves à piocher parmi les baies qui t'ont été offertes. Un peu de douceur pour faire oublier l'aigreur de votre réalité dira-t-on.

- Depuis les deux derniers mois, les phénomènes liés à la Lune Rouge semblent s'intensifier dans le Nord d'Anaëh. tu annonces, la voix sombre Et depuis les deux derniers mois, chaque fois que nous nous sommes retrouvés face à une singularité, nous avons retrouvé des objets provenant de l'artisanat des Baar'Ane.

Tu plisses le front, réfléchissant à la nature exacte de ce que vous aviez affronté jusque-là. Dans le Nord et ailleurs. Et en y repensant, tu te rends compte qu'en dehors des signes de la présence des Gardiens de l'Hydre, ces dernières manifestations avaient toutes quelque chose en commun. Quelque chose qui les différenciait du reste. Mais avant que tu ne puisses l'exprimer, le temps que tu collectes tes pensées, Orchanar intervint, son ait chaleureux s'effaçant doucement.

- Il semble que tu ais mentionné Malereg, il te répond avec la même gravité si Sërythil m'a rapporté avec justesse votre échange. Je doit avouer que cela me laisse perplexe. Nous connaissons les Baar'Ane et leur...disons dissensions agressives avec votre mode de vie, mais ils ne sont pas connus pour s'éloigner autant. Il pencha la tête. Ni pour attaquer d'autres clans.

- Ce qui nous inquiète le plus, c'est que dans notre cas, nous n'avons retrouvé aucune marque de lutte dans le sillage des disparus. tes sourcils se lèvent Habituellement, les échauffourées avec les Ornedhels, quels qu'ils soient, et les Baar'Ane encore plus, laissent des traces. Surtout que la plupart du temps, il s'agit plus d'intimider que de tuer. ta pensée initiale te revient, et tu te redresses légèrement, tes mâchoires se serrant par la même occasion Et puis, il y a l'empreinte. tu souffles des nasaux, cherchant à nouveau tes mots Tous ces derniers phénomènes avaient une empreinte similaire. Comme si chaque fois, c'était la même rage qui prenait une nouvelle forme.

- Si je peux me permettre. Sërythil s'agite légèrement, son regard allant à son chef à la recherche en attendant son approbation Ce matin, avant que tu ne tombe du ciel Artiön, j'ai aperçu des mouvement anormaux parmi les mirguna. Comme si ils fuyaient, ou migraient je l'ignore. Ce n'est pas un phénomène normal, encore moins en cette saison. D'où ma présence dans les montagnes.

- Pour ce qui est de la..''rage''... Orchanar soupire, l'air indécis Avant que la Lune brille rouge, nous avons vu le retour de créatures impossibles que nous attribuons à Calimenthar. Il lève une main et incante une forme lumineuse dans les airs, qu'il modèle en un loup difforme Il s'agissait d'ombres capables de nous toucher et de nous tuer avec une violence qui nous dépasse. Partout où ils sont passés et où nous avons pu les traquer, la même chose que tu semble appeler empreinte. Il fronce les sourcils De là à trouver un lien avec les Baar'Ane, je n'en suis pas capable. Mais je ne peux m'empêcher de penser à ce phénomène, et prier pour que je me trompe.

Tu lèves les yeux vers le ciel, incapable - ou plutôt, ne le cherchant pas - de dissimuler ta frustration. Rien de tout cela ne faisait de sens. Les pièces du puzzle s'accumulaient autour de toi, mais refusaient encore et toujours de s'emboîter. Il n'y avait simplement pas d'autre solution que de continuer à chercher jusqu'à trouver celles qui manquent.
Tu reprends contenance, et cherches à accrocher l'attention des deux Ornedhels. Peut-être y avait-il moyen de reconstituer quelque chose. De poser une nouvelle hypothèse.

- L'empreinte que laissent les ombres derrière elle, ton sourcil gauche se soulève elle marque durablement la Sylve ?

- Cela dure quelques temps, comme le temps de se remettre d'une frayeur, avant que la sylve ne se laisse aller à l'oubli. Qu'entends-tu par durablement ?

- Plusieurs jours, voire plusieurs ennéades au moins. Peut-être même des mois. tu repenses à l'arbre de Rindanim L'état de certaines des parts de forêt qu'on a croisé avait tout sauf l'air de quelque chose de "neuf".

- Je demanderais à nos éclaireurs de réinspecter les lieux où ils pensent que nos propres frères ont pu disparaitre. Le noss semble particulièrement inquiet Des mois... À nouveau cela me semble particulièrement excessif. Quel que soit le phénomène à l'oeuvre, si nous pensions jusqu'ici en être les seuls victimes, il est évident que nous nous trompions. Un silence passe alors que le chef Ornedhel pèse ses mots et ses réflexions À défaut de pouvoir apporter des réponses, soit assuré que les Vethërills ne resterons pas sourds à ces problèmes. Nous ne savons pas où se trouve le clan des Baar'ane, mais si tu l'accepte Artiön, j'aimerais que quelques uns de nos frères t'aident à les chercher et si les dieux le veulent, peut être obtenir un peu plus.

- Toute aide est la bienvenue. tu opines du chef, ton attention rapidement captée par ton voisin, dont l'esprit fut apparemment traversé d'une fulgurance Une idée ?

- Pas vraiment. son regard oscillant entre son chef et toi, se métamorphose lentement de la contrition à la défiance Cânu, laisse moi l'accompagner. puis il ajoute, insistant, comme craignant que l'autre ne refuse S'il s'agit de nos ombres je les ai déjà combattues. Sinon... un haussement d'épaule Je serais plus utile là bas qu'ici.

Cela semble couter au chef, et sans doute est-il agacé d'autant de défiance en face d'un étranger. Mais quelques dizaines de secondes plus tard, il daigne hocher la tête.

- Qu'il en soit ainsi. il se résigne mais deux autres éclaireurs vous accompagneront aussi.

Tu étends un peu d'empathie à Sërythil, puis te tournes vers son chef, et t'inclines légèrement vers l'avant, en signe de respect. C'est un sourire désolé aux lèvres que tes yeux croisent à nouveau les siens.

- Je vous remercie encore une fois. Votre aide nous est précieuse. tes pupilles fuient vers l'extérieur, pour accueillir le reflet d'un ciel flamboyant Seulement, j'aurais une dernière faveur à vous demander. tu clignes lentement des yeux La nuit est bientôt là. M'accorderiez-vous de la passer parmi les vôtres ?

- Ici tu es un Ettelandil. de nouveau le chef de clan étire un sourire Comme tout elfe venu avant toi, nous les acceptons, à conditions qu’ils respectent nos lois et contribuent à la vie du clan en rendant un peu de l’énergie qui leur est offerte. Sens toi libre de rester autant que tu le souhaites. Il laisse même échapper un bref rire mais je tiens à te prévenir. Nous sommes un peuple curieux et ceux de ton peuple sont rares ici, j’espère que tu ne tiendras pas rigueur des questions dont mes frères risqueront de t’assaillir.

Tu rends son sourire à ton hôte, et pour toute réponse, t'inclines à nouveau. Si seulement il savait... tu ne serais probablement pas plus une curiosité aux yeux des siens que tu ne l'étais déjà à ceux des tiens. Et même s'ils étaient insistants, ils ne le pourraient pas l'être autant que les Lëandrins face à leur Aran.

tradoc:

Le chef de la petite noss s'inclina a son tour et par ce geste silencieux, autorisa les deux elfes à prendre congé.  Alors le duo s'en retourna au sein de la clairière centrale du camps. Et à nouveau, les regard curieux ne manquèrent pas. Le soleil dardant ses rayons dorés au dessus de la canopée, la population qui se retrouvait alors dans l'espace sembla démultipliée.

Les occupations des noss semblaient d'ailleurs légèrement changées pour se rassembler autours de denrées nouvelles, rapportées des quelques chasses et des cueillettes de la journée. Ici on s'attelait à assembler des baies qu'ici on triait, là on  en écrasait d'autres ou bien encore on  les mélangeait à d'autres herbes. Ensuite, les préparations s'accumulaient dans un coin, attendant de pouvoir être distribuées en temps et en heure.

D'un autre coté, un groupe d'hommes aux peintures et aux bijoux similaires dépeçaient méthodiquement un animal, dont le cuir avait déja été confié au soin de deux autres femmes qui la tannaient patiemment. La viande de la bête, serait bientôt mise à cuire au dessus du foyer central, où d'autre gibier crépitaient déja et laissaient dégager un fumet agréable.

Partout en tout les cas, on s'aidait et on se passait instrument et ustensiles dans un léger brouhaha de son et de paroles. Il y avait une chaleureuse convivialité qui planait sur le clan. Peut être les épreuves difficiles qu'ils traversaient accentuaient-elles même d'ailleurs ce phénomènes naturel...

-Nous préparons nos repas de cette manière et nous les partageons toujours ensembles. Expliqua alors Sërythil au citadin. Y a-t-il quelque chose dans lequel tu te sens plus apte à nous aider ?

-Dès que je peux me rendre utile. Le regard du soldat alla d'atelier en atelier à la recherche d'un endroit semblant en mal de mains. J'irai là où quelqu'un en aura besoin.

-Puisque tu le propose ! Lança alors une autre, un peu plus loin mais dont les longues oreilles trainaient visiblement. Viens donc de ce coté.

Et sans remord aucun, ni attente d'une véritable réponse, elle fit mine d'entrainer leur invité avec elle. Sëyrthil le regarda suivre sa camarade à travers la foule, un sourire amusé au lèvres, avant de rejoindre un autre groupe.

Lorsque la nuit fut tombée pour de bon, les préparations étaient terminée. On voyait quelques retardataires s'empresser de s'installer là où ils pouvaient trouver une place. Orchanar était apparu lui aussi, et semblait en grande discussion avec un autre elfe, que les murmures ça et là laissent supposer être leur shaman. Le hasard voulu que l'herboriste se retrouvât de nouveau aux coté du géant citadin, auquel il tendit un bol d'argile contenant un épais morceau de viande aux baies.

-Gladelnerth. et fruit d'Endanàr. Fit-il.

En observant la foule, on pouvait noter que, loin des préoccupations de leurs dirigeants, beaucoup d’elfes jouaient machinalement à illustrer leurs paroles, soit par la magie, soit grâce à leurs simples mains par lesquelles ils créaient des ombres. En passant son regard sur eux tous réunis là, et en observant ces geste qui lui semblaient si familiers, Sëyrthil s’interrogea alors.

-On a dû te poser la question un millier de fois aujourd’hui. Verbalisa-t-il sa pensée, en relevant son regard de sa propre nourriture pour se tourner vers le talhedel. Mais dit-moi. Comment est-ce, d’où tu viens Artiön ? Est-ce que vous aussi vous veillez dans vos camps de pierre ?

-Qu'est-ce que tu entends par "veiller" ?

Le noss haussa les épaules et désigna les alentours.

-Eh bien, lorsque la nuit tombe, plutôt que de se coucher et d'attendre le retour du jour comme le font les bêtes diurnes, nous restons sous la lumières des étoiles et des lunes, comme maintenant. Parfois, on ne fait que profiter de leur éclat, parce que pour nous, il est aussi sacré que le soleil. C'est un temps de partage et de réunion. Et, parfois, nous cérémonions. Ses yeux brillèrent un peu. Lorsque vient l'été et le retour des jours longs, notamment, nous avons une grande fête pendant laquelle toute la nuit durant, nos mages rivalisent de leur talent, en offrande aux dieux. Il souriait, visiblement fier de ce qu'il évoquait. Je te souhaite de les voir un jour, les lumières et les ombres qui dansent ensembles au rythme de nos chants et de nos contes. Je ne connais rien de plus beau.

-C'est vrai que dit comme ça... l'Elfe termine une bouchée de viande, plaisamment surpris par le cortège d'arômes qui l'accompagne ...ça a vraiment l'air tentant. Il sourit. Au sein des Cités, ce genre de choses sont bien moins systématiques. Nous sommes simplement trop nombreux pour tous nous réunir de cette manière. Il jette un oeil vers le ciel s'attendant presque à y voir quelque chose se mouvoir. Quand il commence à se faire tard, la majeure partie d'entre nous rentrons auprès de nos familles pour partager le repas du soir. Ensuite, ce qu'il se passe au sein de chaque foyer dépend des habitudes de ceux qui y vivent. Mais pour ceux qui préfèrent le grand air, il y a toujours des recoins de la Cité qui restent éveillés, et où ceux qui ne trouvent pas le sommeil peuvent se rejoindre pour partager un moment. Alors certes, il n'y a pas de cérémonie récurrente et on ne rassemble pas tout le monde, mais dans l'esprit, ce n'est pas bien différent de vos veillées.

-Mais du coup comment vous faites, pour fonctionner comme un clan, si vous arrivez pas à vous réunir ? Lance du tac au tac un jeune, non loin, qui ne semble pas gêner d'écouter.

-En soi ce n'est pas si compliqué en réalité. J'imagine que dans votre clan, tout le monde a une idée d'où est sa place. Du travail qu'il a à remplir pour que les autres puissent faire le leur, et de ce qu'il peut attendre des autres en retour. l'Aran observe tous ces elfes joyeusement réunis sous le clair de Lune. Chez nous c'est la même chose. Même s'il on n'est jamais tous réunis, on s'entrecroise assez pour savoir où est notre place, et quel est notre devoir envers les nôtres. Ensuite, il suffit de se faire confiance. Il rit doucement, et se sert une nouvelle bouchée de viande, Et pour peu qu'il y ait un souci, en tant qu'Aran... le grand Elfe marque une pause, l'air de repenser ses mots ...en tant que leur Chef, c'est à moi de faire en sorte de diriger les bonnes personnes au bon endroit. C'est une lourde tâche, mais heureusement, j'ai de très sages conseillers pour m'y aider.

-C’est parce que t’es super grand que t’es le Canû chez les haëdrim ?

La question avait fusé, comme le rire nerveux de Sërythil en retour et une expression quelque peu outrée.

-Reinion !

-Quoi ? Mais le regard désapprobateur de son camarade le fait s’assagir. Légèrement seulement. L’effronté compte bien avoir réponses à ses interrogations. Comment ils sont choisis les Aran de votre côté ?  

-De ce que décrit en tout cas, a défaut de la manière d’y accéder, la tâche n’a pas l’air si différente.

-Être grand aide ! l'elfe rit doucement J'aime bien me dire que c'est en partie ce qui fait que les miens se sentent aussi en sécurité auprès de moi... et un sourire taquin se dessine sur ses lèvres ...mais même si ce n'était pas le cas, au moins ça me rend difficile à ignorer ! Il rit à nouveau, à gorge déployée cette fois, Sinon, non, ce n'est pas pour ça que j'ai été choisi. J'ai été un chef de guerre avant d'être Roi. J'ai été choisi parce que quand il a fallu remplacer mon prédécesseur, les temps étaient troubles, et parmi ceux prêts à endosser le rôle j'étais le seul aussi prêt à se faire violence pour prendre à bras le corps les soucis des Cités. Il soupire, repensant aux durs temps récemment traversés par les Taledhels. Et le seul prêt à forcer la main aux Citadins pour qu'ils se fassent eux-mêmes violence. Mais après dix ans, je pense pouvoir déjà dire que c'était pour le mieux. Qu'on a fait un pas en avant.

Le regard de Sërythil s'en vient inévitablement à se poser sur son chef qui écoute patiemment les babillages de quelques enfants un peu plus loins. Il a du mal à imaginer un elfe dévolu à la guerre à sa place. Ils avaient certes une figure d'autorité au sein du corps des éclaireurs, mais même en ayant son mots à dire, ses attributions n'étaient pas les mêmes.

-Qu'entends-tu par faire un pas en avant? Demanda-t-il naturellement.

-Je pense aux blessures du Voile, dont on a fini par arracher le bandage. [/color]les yeux de l'Aran se perdent en direction du lointain, Aux Cités vidées de leurs habitants auxquelles on a fini par arrêter de s'accrocher. À l'Annon que l'on foule à nouveau. Il sourit avec fierté. Et puis... simplement au fait que les miens semblent prêts à se tourner vers l'avenir, au lieu de rester paralysés par les fantômes du passé.

Le sourire du noss se fait léger, quelques peu hésitant. Il n'est pas certain de saisir tout ce qu'il y a entre les mots du citadin. Les avancées des Talehdels sont vues d'un œil hésitant pour des noss ayant tant à cœur leurs traditions. Les Vethërill n'aiment pas les changements.

Mais Sërythill sait que tout n'est pas toujours bon à exprimer alors il se contente de camoufler cela derrière une bouchée de son propre plat.

Tu verses un bol d’eau froide sur le haut de ton crâne, et le contact de tes cheveux trempés contre tes lombaires t’arrache un frisson. Passer le morceau de tissu rêche contre ta peau humide pour y faire pénétrer les huiles offertes par tes hôtes te rappelle qu’entre Taledhels et Ornedhels, la frontière est souvent plus mince qu’on ne l’imagine. L’abri de quatre murs, là était finalement toute la différence entre se laver chez eux ou chez toi.

Le ciel est calme. Le camp s’endort petit à petit. Personne ne t’attend. Alors tu te permets d’allonger un peu ce moment dans le temps. Tu démêles tes cheveux – restés longtemps noués en un chignon serré – du bout des doigts ; puis tu nettoies sommairement le peu de vêtements emporté avec toi. Chasser la poussière, la sueur et la boue de la peau de dragon est facile, mais ta cape aura connu de meilleurs jours, et ne redeviendrait probablement blanche qu’à ton retour entre les pierres…

Ton labeur enfin fini, tu soupires d’aise, et te rinces une ultime fois. Les dernières suées chassées, et l’eau épongée, tu ne peux t’empêcher en enfilant tes sous-collants humides d’en rêver une paire propre, mais ainsi va la vie en dehors des murs. Tu soupires encore une fois, de lassitude cette fois-ci, et puis tu quittes finalement ta bulle presque-privée pour revenir auprès des Vethërill.

Si tu avais attiré l’attention à ton arrivée, ce n’était rien en comparaison de leur réaction à la vue de ta peau nue. La peau de dragon était loin de déguiser ta silhouette comme auraient pu le faire de plus classiques armures, mais malgré tout, derrière le cuir et le métal, il était facile d’oublier que tu étais fait de chair.
Ainsi, voir ta peau entérinait la réalité de ton physique, si singulier parmi les tiens. Sans plus rien qui ne puisse laisser penser à une supercherie, ta gigantesque stature, sur laquelle pesait une lourde musculature, bien éloignée des idéaux et de l’ordinaire de ta race – te comparerait-on même aux puissants montagnards de ton Protectorat natal – ferait presque oublier ta nature Anedhelle. Et ces écailles, ces écailles dorées parsemant ton dos telles des tâches de rousseur, entourant le symbole qu’elles y ont dessiné, elles ne font que te donner l’air plus étrange encore.

Mais tu es un Elfe. Tu es un Elfe et les dessins couvrant ton cou et tes bras le prouvent. Tu es un Elfe dont l’histoire, le destin et les souhaits ont été greffés à même la peau. Greffés contre cette peau épaissie par les combats, que tu t’évertues pourtant à conserver si lisse, si parfaite, un canevas vierge à la surface duquel tu n’acceptais que les marques qui comptent.

- Sërythil ? tu interpelles celui qui t’a accueilli, espérant qu’il soit celui qui briserait le silence qui t’a entouré Je ne vais pas tarder à aller dormir, je pense. tu bâilles J’espère que tu es prêt pour demain ! tu lui offres un sourire chaleureux, d’un visage apaisé par la fatigue Ça risque de ne pas être de tout repos.

-Ne t’inquiète pas pour moi.

Le noss sourit doucement quoi qu’avec la même chaleur alors qu’il se trouvait perché sur une pierre et observait jusque-là les deux lunes, l’air perdu dans ses pensées. Demain serait effectivement une journée particulièrement intense pour l’herboriste. Cependant, il était certain de sa décision quant à vouloir accompagner le citadin dans sa quête. Quoi qu’en diraient ses camarades.
Quoi qu’il en soit, il déplia ses jambes et se releva.

-Viens je vais te montrer où dormir. Fit-il au grand elfe.

Il avait remarqué les étranges tatouages parcourant le corps de son nouveau camarade, bien différents de ceux que portaient les siens, mais surtout, les écailles qui lui tapissaient le dos. Mais si son regard le trahi certainement, Sërythil ne verbalisa pas ses questions, par politesse. A la place il le mena vers une des tentes où quelques elfes dormaient déjà. Rondes, basses et tapissées de tissus et de fourrures confortables, on eut dit des nids géants, dans lesquelles tous dormaient sans réelles couches définies. Bien entendue, celle qu'il désigna au citadin comportait encore suffisamment de place pour lui.

L’aube se levait doucement lorsque le lendemain, ils étaient quatre elfes à faire face à leur chef et à celui que l’on désignait comme le responsable des guerriers de la noss. Tous avaient reçus un trait de peinture blanche sur leurs yeux, leur lèvre inférieure et leurs torses, afin qu’ils portent en eux courage, clairvoyance et force, durant leur futur périple.

Au côté de Sërythil, et d’Artiön, il y avait donc une femme, Nùliel, à l’air fier voir quelque peu farouche et un autre homme, au tempérament plus calme dont le nom était Iannor.

-Il est temps. Fit Orchanar dont la mine semblait difficilement cacher le dilemme entre son devoir naturel de chef et l’inquiétude pour des elfes qui faisaient malgré tout sa famille. Les dieux fassent votre chemin clairs et précis.

En réponse les Vethërill hochèrent la tête, leurs mains venant machinalement se poser sur leurs amulettes qu'on aurait dit identiques à première vue.

Les Éclaireurs:

En prenant le chemin des cieux, tu eus une pensée pour Orchanar. Ta main gantée vient se poser sur ton masque là où est ta bouche, et ton regard se tourne vers les éclaireurs en contrebas. La silhouette des Faïra en pleine course t’arrache un demi-sourire, à la fois plein de fierté et lourd d’une saine inquiétude. D’une certaine manière, ces gens t’ont été confiés, et il y a quelque chose de réconfortant à se dire que du chef d’un clan à celui des Cités, cette forme de confiance puisse exister.

Comme durant les premiers jours, ton regard balaie depuis les airs ce que ceux au sol ne peuvent pas voir. Comme durant les premiers jours, rien de particulier ne te saute aux yeux, et tes réguliers retours auprès des chevaucheurs de félins te laissent entendre qu’il en est de même pour eux. Frustrant, certes, mais aussi réconfortant. Réconfortant parce qu’une forêt restant relativement tranquille était devenu une rareté ces derniers temps. Aussi dangereux que soient les étranges phénomènes ayant – c’est ce que tu assumes – emporté les Souffles des tiens et des Vëtherill, ils n’étaient pas encore prégnants au point d’être inévitables.

Les heures passent et vos recherches ne vont nulle part. Quoique tu ne t’attendais pas à ce qu’elles soient allées où que ce soit avant plusieurs jours. Vous avanciez dans le sillage de tes collègues soldats Taledhels. Toute la zone que vous traverseriez avant de les rattraper, ils l’auraient déjà explorée, et jusqu’ici tu n’avais pas eu de nouvelles d’une découverte. Certes, les Ornedhels verraient peut-être des choses auxquelles vous, Taledhels étiez aveugles, mais il était encore une fois réconfortant de constater que non, votre vue n’était finalement pas si émoussée en comparaison de la leur.

- Mes camarades sont arrivés à Faeldorën. tu sautes de ta monture juste avant que l’oiseau ne se pose Et selon les Ornedhels installés là-bas, les activités des Baar’Ane se concentrent habituellement à l’Est du Protectorat. tu souffles, amusé sans l’être Vu ce qu’il s’est passé à Tad’Sereg après le Voile, on aurait dû s’en douter.

La nuit approchait à grandes enjambées, et le moment de monter le camp serait bientôt là. À l’Est… pourquoi n’aviez-vous pas commencé par l’Est ? Et pourquoi personne au sein de la Cité des Lueurs n’avait la moindre idée d’où chercher ? Tu affiches un visage détendu, mais tu bous intérieurement. Voilà ce que ce schisme vous coûtait. À trop vivre séparés vous en saviez trop peu les uns des autres, et aujourd’hui, voilà qui vous desservait horriblement.

- Ils nous conseillent de les devancer et de directement nous diriger dans ce sens pendant qu’ils s’occupent du reste du territoire. tu cherches les regards de tes trois accompagnateurs Qu’est-ce que vous en dites ?

-Eh bien va pour cette solution.

L’ombromancienne fut la première à répondre, d’un ton impulsif, mais qui malgré tout reflètait l’état d’esprit des deux autres plus calmes. Son tempérament la poussait simplement à exprimer ce que ses frères pensent au fond de leurs souffles. Les trois ornedels étaient inquiets. Sur terre et dans les airs, nulle piste. Nulle piste. Comme si la forêt avait avalé leurs frères, et effacé jusqu’à la moindre trace de leur passage.

Pour des pisteurs, cela était aussi frustrant qu’incroyablement effrayant. Alors si les citadins pensaient avoir trouvé un semblant de nouvelle direction…Le risque était bien peu cher payé.

-Tes frères t'on-t-il précisé de quels clans ils ont put approcher? Demanda Sërythil.

-De mémoire, les ruines sont contrôlées par les Fàn'yarë. Et ils y accueillent quelques Pan'Mera.

De concert, les visages des trois Vethërill se parèrent de sourires amusés. S'il ne connaissent que de loin les Fàn'yarë, le clan d'ombre et de lumière s'entendait assez bien avec les conteurs des alentours de Faeldolen. Sërythil, qui n'avait pas eut l'occassion de les fréquenter depuis longtemps se  surpris à presque ressentir une forme de quasi-deception à l'idée que les taledhel furent ceux qui avaient put leur parler.

-Espérons que la tendance aux sornettes des uns n'aient pas atterré le peu d'information que nous avons. Suggera-t-il avec douceur.

-Nous verrons bien demain de toutes manière. Intervint le troisième éclaireur, dont le regard venait se perdre dans les étoiles qui brillaient à peine au dessus d'eux.

L’espoir d’un « demain » apportant des réponses avait été quelques peu présomptueux, mais au moins vous étiez-vous donné un objectif à court terme. Longeant le Rhym, veillant à rester assez près du fleuve pour votre confort, mais assez loin des routes pour espérer croiser autre chose que des Taledhels, vous aviez pris la direction du Nord-Est. Et tous autant que vous étiez, sembliez avoir une idée exacte des premiers lieux que vous exploreriez.

Il y a une parcelle de forêt, au Nord-Est. Une parcelle de forêt profonde, bien plus dense que tout le reste des territoires – très clairsemés – du reste de la Terre Ancestrale. Encore une fois, tu te dis que tu aurais dû y penser plus tôt. L’endroit était à la fois la plus évidente et la meilleure des cachettes à des centaines de lieues à la ronde. Car les Taledhels ne foulaient quasiment jamais ces bois. Et probablement avec raison.

Est-ce ta propre inquiétude qui t’empoigne soudain le cœur, ou l’effet des Chants ? Tu n’es pas vraiment capable de le dire. Et ce n’est pas en ton habitude. Tu sais habituellement très bien faire la différence entre tes pensées et les Voix de la forêt. Toi qui a connu un monde de murmure avant le Voile, des paroles de confusion après la LongueNuit, et enfin une véritable Symphonie à la sortie du Labyrinthe, tu sais mieux que quiconque la différence entre silence et cacophonie… mais là… là tu n’es pas certain.

L’aigle se rapproche du sol, comme attiré par l’étrangeté. Ton regard suit le sien, à la recherche d’une réponse tombée du ciel. Puis l’évidence s’abat sur vous. Les Chants sont ceux d’Elfes, hurlés par la Sylve qui les entoure. Un appel à l’aide qu’ils n’osent pas formuler, et qu’en te voyant fuir par les cieux, ils se préparent d’avance à taire.

- Je pense les avoir trouvés !

Revenu au niveau des Vethërill, tu désignes d’un bras tendu la direction du groupuscule qui tu venais de repérer. Le galop des Caengal s’accélère, Sû trouve le bon courant d’air, et rapidement, les trois Ornedhels et toi aviez retrouvé la piste du groupe de Baar’Ane.

Ton genou se pose au sol, et la poussière se soulève autour de toi. Les arcs des guerriers du Baar’Ane se bandent dans ta direction, mais prenant le parti de te poster en première ligne, tu avances vers eux. Les mains en l’air, mais le pas confiant, tu mets un pied devant l’autre, alors que le tremblement au sein de la Sylve va crescendo.

- Je ne suis pas là pour me battre, j’ai des question à vous pos…

Le sifflement de deux traits t’interrompt. C’est vrai. Ceux-là n’ont pas la réputation d’être Elfes à être facilement convaincus de négocier. En cela ils n’étaient pas bien différents des Tava’Mëar. Il te faudrait gagner ton droit à la parole à la force de tes bras. Qu’à cela ne tienne. Il n’y a pas de bras plus fort que le tien en cette forêt.
Tu attrapes le trait le plus dangereux d’une main. L’immobilisant juste devant ton visage masqué. L’autre s’écrase contre ta poitrine, là où est ton cœur. Tu te baisses, ramasses la flèche – ou du moins ce qu’il en reste – tombée au sol avec nonchalence, et reprends ton avancée comme si de rien n’était. Nul ne faisait couler le sang du Lòcerain si facilement.

- Je vous l’ai dit, je ne suis pas là pour me battre, j’ai juste besoin de sav…

Une flèche de plus s’écrase contre ton pectoral, et tu en cueilles une autre d’un moulinet de ton gantelet. Ton pas s’accélère, se fait plus autoritaire, et, agacé de ne pas être écouté, influencé par la contradiction entre leurs actes et leurs Voix, tu finis par élever la voix en leur direction.

- ASSEZ ! tu t’arrêtes Des Anedhels sont morts, et d’autres risquent la mort en ce moment même. Je n’ai pas le temps pour jouer à la guéguerre.

- Nous sommes en chasse. une elfe au regard froid se place au devant des archers te tenant toujours en joue Nous n’avons pas le temps de nous embarrasser de vos problèmes d’Headhrims.

Elle ment. Ou presque. Car ces Elfes ne sont pas des chasseurs. Les lourdes épées de cuir diamantin que portent certains, leurs clibanions d’écailles de vouivre, l’odeur du poison – beaucoup trop virulent – dont étaient enduites les pointes de leurs flèches… ils n’étaient pas en chasse. Ils sont en guerre.

-Il ne s’agit pas seulement d’Haedrims, mon frère.

La voix était venue des ombres qui s’étendaient entre les branches épaisses en retrait du grand elfe. Un grand félin en émergea, portant sur son dos souple deux elfes à la peau chaude, et aux peintures criant leur origine clanique. La trame qui vibrait au-dessus de leur tête laissa sans doute aux plus aguerris l’indice de la présence d’une autre ombre parmi eux, qui pourtant n'osa pas encore se montrer.

Si les mouvements de la bête étaient lents et mesurés, la tension qui habitait le corps des elfes était évidente. Celui qui avait parlé avait les mains plongées dans la fourrure de sa monture, dont les oreilles s’agitaient, comme pour le rassurer...ou se rassurer lui même. Son compagnon derrière lui, en revanche, tenait un arc sur son genou. Sans être menaçant, il se tenait près au pire des cas.

-Paix je t’en prie. Au moins un instant Continua le premier. Car le citadin dit vrai, des vies sont en jeu, des leurs, fit il en désignant Artiön, devant lequel il était venu se placer. Il y avait un soupçon de désespoir perçant dans sa voix, des nôtres, sa main revenant sur sa poitrine, et j’ose le penser celles d’autres clans. Nous ne vous demandons rien, si ce n’est des réponses, si tant est les possédez-vous.

- Laissez-nous tranquilles, et vous n’aurez plus de problème à régler.

Delgerenil déclare avec aplomb, comme s’il s’agissait là de la plus élémentaire des vérités, comme s’il suffisait qu’elle en fasse la promesse pour que tout soit soudainement solutionné. Sauf que ni toi, ni les Vethërill ne semblez convaincus. Tout cela dure depuis bien trop longtemps pour bien vouloir croire quelqu’un qui se présente comme la providence.

- Parce que vous pensez vraiment pouvoir régler à vous seuls des soucis qui se sont déclarés à des centaines de miles les uns des autres ? tu réponds, agacé Parce qu’à en croire les traces que vous avez laissé derrière vous, ça n’a…

- l’un des guerriers t’interrompt ...de quel droit est-ce que vous adressez à…

- et tu hausses le ton pour reprendre la parole ...à en croire ce qu’on a pu voir jusqu’ici, vous êtes totalement dépassés par la situation.

Des restes. Des armures d’écailles typiques des elfes de leur clan séparées de leurs porteurs. Des colifichets ensanglantés, marqués de leurs symboles, accrochés aux mâchoires de monstres encore en vie. Des cadavres aussi, parfois, portant des armes ressemblant trait pour trait à celles de leurs guerriers. Rien qui ne laisse à penser qu’ils s’en sortent.

- Ce que vous avez vu, c’est la preuve que notre devoir a été accompli. Delgerenil peste entre ses dents Mais si vous tenez tant que ça à vous mêler de ce qui ne vous regarde pas, suivez-nous. les Baar’Ane se retournent Votre dernier camarade aussi. Mais n’allez pas ensuite vous plaindre.

Tu te tournes en direction des Vethërill, et hoche de la tête, les invitant à contrecoeur à accepter « l’invitation ». S’il n’y avait pas d’autre moyen de comprendre ce qu’il se passe, vous ne pouviez plus que vous résoudre à cela. Essayer de leur arracher quelques mots de plus, c’était risquer de faire face aux stratégies de négociation de leur clan, et tu ne tiens pas à avoir le sang d’autres elfes sur les mains.

Doucement, la trame vibra de nouveau et les ombres laissèrent une dernière silhouette s’en extirper au creux d’une branche, un peu au-dessus du petit groupe.

Elle se savait bien remarquée l'éclaireuse, et son but n’avait de toute façon pas été de rester ainsi camouflée alors que l’autre clan semblait enfin décidé à se laisser approcher. Simplement, lorsque le ton était monté, elle avait craint une explosion de violence. Le clan des lumières et des ombres n'était pas de ces troupes guerrières. Leur magie les protégeaient avant tout. Elle ne les rejoignit pas directement cependant, se contentant de suivre par les hauteurs, sur le dos de son propre faïra. En revanche, elle ne se faufila plus dans ses ombres, de peur que les autres y voient une provocation quelconque.

Sërythil qui rangea son arc dans son dos ne put s’empêcher de penser à un animal blessé, montrant les crocs en une vaine tentative d’intimider qui s’approchait, lorsqu’il constatait le comportement bien aggressif de ces étranges frères. Comme le roi citadin l’avait fait remarquer, ils semblaient dépassés par la situation, mais leur fierté les empêchait de l’admettre totalement.

C’était dans un silence tendu que les trois Vethërill suivirent donc le mouvement, inquiet de comprendre enfin ce qui se tramait, et qui semblait petit à petit les dépasser bien trop eux aussi.

- Faites vous discrets. l’Ornedhelle te dévisage de haut en bas Du moins autant que vous le pouvez.

Les Baar’Ane se mettent en marche, guerrier et archers s’étant répartis en petites cellules avançant en parallèle dans un impressionnant silence. Face à vous, la forêt se faisait de plus en plus dense, les ombres se multipliaient, et avec elles, les cachettes. Les Baar’Anes s’étaient dispersés à travers les branches basses, continuant de se déplacer avec la même désarçonnante discrétion. Comme si les branches ne craquaient pas sous leurs pieds, et que les feuilles ne bruissaient pas dans leur sillage. N’aurais-tu pas été un vitaliste, et l’auraient-ils voulu, qu’ils auraient aisément pu t’échapper. Mais au lieu de ça, ils avaient fait de toi une part intégrale de leur plan de chasse.

Aussi souple sois-tu, toi qui restes un elfe, tu es grand, tu es lourd, et les rayons traversant la canopée se reflètent sur l’or de ton armure et le blanc de ta cape. Aussi compétent sois-tu pour te fondre dans le paysage, et aussi capable sois-tu d’utiliser ce monde qui est le tien à ton avantage, tu ne sauras jamais le faire comme eux le font. Et si tu ne sais pas le faire comme eux le font, alors tu seras incapable de surprendre leur proie comme eux en sont capables.
Seulement, tu n’es pas non plus aisément surpris. Et cela, leur proie ne le sait pas. Tu ne sais pas ce qu’elle est. Ils ne t’en ont pas beaucoup dit. Mais au moins ont-ils laissé entendre que leur proie était elle aussi un puissant prédateur. Que si l’opportunité se présentait, leur proie leur donnerait la chasse comme eux la pourchassaient. Que les rôles, si votre attention se relâchait, seraient rapidement inversés.

L’inversion des rôles, tu étais la cible parfaite pour le leur faire y croire. Une cible voyante, mais stupidement difficile à abattre. Le parfait appât.

Tu avances, suivant approximativement le chemin que semblent te tracer les mouvements de tes alliés de circonstances. Ils ne t’offrent pas grand-chose comme abri. Ils te forcent à t’exposer. Tu sais pourquoi. Mais plus tu mets un pied devant l’autre, et plus tu trouves difficile de conserver les apparences. Jamais tu ne te serais normalement autant mis en danger. Ta petite scène ne faisait absolument aucun sens. Mais peut-être à leurs yeux était-elle naturelle au vu de ta condition. Peut-être étais-ce ainsi qu’ils percevaient les Taledhels. Véritablement ineptes dans leurs déplacements au sein de l’Œuvre.

Une flèche siffle non loin de ton oreille, et se plante dans l’écorce d’une énorme racine proche. Tes yeux se plissent. Elle ne vient pas du carquois de l’un de tes camarades d’infortune. Mais surtout, au vu de sa trajectoire, elle n’était pas destinée à te blesser. Ton regard s’en va au trait fiché dans le bois, et tu constates rapidement sa raison d’être. Un court message. Rédigé dans une écriture vieillie.

« Approche »

Ta curiosité piquée, tu t’exécutes, et te diriges là d’où vient le projectile. Rapidement, des pulsations se dévoilent à toi. Rapidement, tu identifies la présence d’un autre groupe d’Elfes. Mais tout aussi rapidement, tu sens s’arrêter les aiguilles d’une horloge. Le parfum métallique du sang se laisse discrètement porter par la timide brise d’automne. L’un des tireurs est mort. Et ton pas devient une course.

La course reprit. A l’invective de l’ornedhelle, ses frères étrangers incantèrent alors et doucement ils se fondirent à nouveau dans les ombrages de l’épaisse forêt.
Pour une raison qui leur échappe, et qui ne leur plait pourtant pas, le citadin est laissé seul à découvert. Sërythil n’aime pas la situation, mais il n’a pas d’autre choix que de se laisser emporter par le faïra, arc en main.

Soudain une flèche force le citadin à bifurquer, et les deux noss, comme une discrète garde, en font de même.

Le spectacle qui les attend les troubles plus encore que l’agressivité qui régnait jusque-là.

L’herboriste s’ose à une brève tentative. Son arc laisse place à un petit talisman d’os, alors qu’il cherche ce qui ne va pas dans les fils d’énergie du monde. Mais, aussi agités soient les cœurs et les esprits de tous les guerriers réunit en contrebas, prêt semblait-il à faire couler le sang fraternel, rien n’expliquait la teinte monstrueuse que l’un d’entre eux arborait.

La peau verte, l’un des elfes n’était vêtu que de tissus. Sërythil sentait le dos du cavalier se raidir en même temps que le siens, et leurs deux souffles se retenir. Aucun des trois Vethërill n'osait pour l'instant, s'extirper de leurs ombres protectrices. Ils n'étaient pas des guerriers et ils étaient inquiets.

Une fois le premier sang versé, la situation avait vite dégénéré. De ton point de vue du moins. Mais pas du point de vue des Baar’Ane. Leur pulse en dit long sur la réalité des événements. La célérité avec lequel le sang coule à travers leurs artères trahit leur culpabilité. Ce premier meurtre est le leur., et ils ne comptent pas s’en arrêter là.
Tu défourailles ton sceptre et te lances en avant à grandes enjambées, décidé à poser pied sur les lieux du crime, à voir de tes propres yeux se jouer l’affrontement au sein duquel tu venais d’être traîné, car il y a quelque chose qui t’échappe. Tu sais les Gardiens de l’Hydre être farouchement territoriaux. Tu les sais prompts à prendre les armes pour défendre qu’il s’agisse de zone de cueillette, zone de chasse, convictions, ou même honneur. Seulement, qui pouvaient être ces elfes étrangers, oui, ces – elfes – pour qu’ils vous aient pu vous présenter leur élimination comme une banalité.

La canopée s’agite autour de toi, les mouvements des Sylvains s’accordant dans leur habituel chaos organisé. Les oiseaux se taisent et fuient. Une chape de plomb s’abat sur Anaëh. Les Chants eux-mêmes semblent s’être éteints. Votre mystérieuse « proie » quant à elle ne paraît pas le moins du monde satisfaite de sa condition. Une flèche du même bois que celle qui avait servi à t’appeler s’écrase contre ta poitrine, déclaration s’il en est que les mystérieux elfes venaient de te ranger du côté de leurs ennemis. Compréhensible. N’en avais-tu après-tout pas été l’outil ?

Ton attention danse de cœur battant en cœur battant, ton esprit s’essayant à tracer une carte des mouvements des combattants. Et ton pas change de direction, anticipant les déplacements à-venir, dans l’espoir de croiser l’un de vos adversaires. Les croiser… et après quoi ? Prendrais-tu part à l’effort des Baar’Ane maintenant que tu savais leurs cibles être des Frères ? Tu… non… probablement pas… mais au moins, que ton regard croise le leur, être à portée de voix, c’était l’occasion de…

Un grondement retentit à travers la trame. Une masse obscure jaillit dans ton dos, et de justesse tu l’évites. Tu sais de qui il s’agit, mais tu n’es pas sûr de vouloir les rejoindre. Pas tant que tu n’es pas certain que leurs objectifs s’alignent sur les tiens. Devoir t’extirper des Ombres à la force de tes arcanes n’est pas une expérience qui t’enchante le moins du monde.
Les pulses environnantes s’excitent, le monstre fuligineux à tes trousses y compris. Et cette fois, éviter les assauts de la masse ténébreuse devient impossible.

- Par là. tu pointes la direction de l’un des petits groupes adverses J’ai besoin de voir ce qu’il se passe.

Eux ils ont vu. Mais probablement savent-ils que tu aurais du mal à les croire s’ils se contentaient de décrire ce qu’ils ont vu. Non seulement tu aurais du mal à les croire, mais tu ne serais pas beaucoup plus avancé. Dans cette histoire, il n’y avait que les deux groupes se tirant le sang qui avaient la vérité.

Le teint verdâtre, les yeux anormalement perçants, et la peau rongée jusqu’au visage par des écailles comme de la roche. Ce que tu voyais, depuis cet espace entre deux plans, était un elfe sans l’être. Certainement étais-ce lui, pour une quelconque raison, la cible des Baar’Ane, car il n’était jamais seul. Jamais laissé pour compte. Toujours au centre des manœuvres de ce côté de la bataille. Le mystère n’en devenait que plus profond, et la situation plus étrange.

Que pouvait-il bien être, exactement?

- Laissez-moi sortir.

Les éclaireurs Vethërill te regardent, interdits. Leurs yeux refusent. Leurs visages entiers refusent. Leurs arcanes refusent aussi. Alors tu serres son sceptre au point de t’en faire mal à la paume avant d’ordonner à nouveau :

- Laissez-moi sortir !

Et finalement, à contrecœur, ils s’exécutent, et ainsi la masse fuligineuse te crache au cœur de l’affrontement. Des elfes surpris chancellent un instant, mais se ressaisissent immédiatement pour mieux tenter de te cribler de flèches. Ton garde-bras en intercepte plusieurs. La seconde peau qu’est ton plastron en accueille d’autres. Et ce n’est que lorsqu’ils réalisent qu’ils ne se débarrasseront pas de toi si facilement que l’elfe écailleux et ses protecteurs tentent de s’éclipser.
Une écaille pour une écaille. Le présent de l’Or s’illumine. Les arcanes courent à travers les liserais dorés de ta seconde peau, de la même manière qu’elles le font à travers les marques sur ton dos. Ton sceptre tourne, et l’éther s’accroche à l’un des étrangers. La fatigue s’abat soudainement sur lui. Il lutte. Il continue d’essayer de mettre un pied devant l’autre comme si de rien n’était, mais sa cadence ralentit inexorablement. Tu l’as. Tu l’as. Il saura te dire ce que tu veux sav…

Un trait siffle depuis ton dos, en direction de ceux qui courent toujours.

- Non !

Tu tentes d’attraper la flèche, mais tu n’es malheureusement pas assez rapide. Tes doigts caressent à peine le bois. Juste assez pour ralentir – juste un brin – le projectile. La flèche traverse le tissu d’une robe pour se ficher dans le dos de l’elfe aux écailles de pierre. Et le Sylvain… la créature hurle à la mort. Elle hurle à la mort, mais tu n’entends que de la rage. Une rache qui trouve soudain écho à travers la Sylve. Pendant l’espace d’un instant, les Chants te glacent le sang comme jamais rien ne l’a fait auparavant. Et tu es fermement convaincu que cette chose ne devrait pas exister. Alors comme pour te donner satisfaction, comme soudainement guérie de sa douleur, elle reprend sa course. Et fuit.

- Je savais que je n’aurais jamais dû m’embarrasser d’un Haedhrim ! Delgerenil apparaît depuis la canopée, excédée On l’avait ! On l’avait et il a fallu que tu lui donnes une occasion de fuir !

- Assez ! tu tonnes en direction de l’alchimiste Qu’est-ce qui se passe exactement ici ? tu t’en vas ramasser par le col l’elfe que ta magie avait cloué au sol, le réveillant par la même occasion Qu’est-ce qui se passe ici ? Est-ce que quelqu’un peut m’expliquer ce que je viens de voir ?

- Ça ne te concerne pas ! l’alchimiste rétorque du tac-au-tac Tout ce que tu as à faire c’est nous laisser faire notre travail ! Il en va de l’intégrité d’Anaëh !

- Et votre « travail » c’est de mettre à mort vos propres Frères de sang froid ?

- Tu ne comprendrais pas. elle serre les dents Vous ne comprenez jamais !

- Au nom de Voronwë. Le clan renaîtra.

L’elfe encore sonné déclare, un rictus mauvais au visage. Une fois de plus, le silence s’abat sur la forêt. Delgerenil lance au pauvre hère un regard aussi noir que les abysses de la mer du Nord, serrant les dents aussi fort que possible, aussi longtemps que possible, pour ne finalement pas réussir à tenir plus de quelques secondes avant que la colère prenne le meilleur sur elle.

- Traîtres ! Vous avez souillé le Pacte !

Des Baar’Ane. Les ennemis des Baar’Ane sont d’autres Baar’Ane. De stupeur, tu lâches ta prise.

- Car le Pacte a corrompu l’Œuvre.

Tu te baisses, t’apprêtes à le saisir à nouveau, mais l’elfe empoigne un couteau… avec lequel il tranche sa propre gorge. Il ne dira rien. Et au moment où tu te tournes vers Delgerenil, tu comprends qu’elle non plus, car elle considère déjà en avoir trop dit.