[Quais]Fuite pour Nelen [PV Valkayre][TERMINE]

Ydril la bleu, Ydril de son enfance, Ydril la gueuse qui pue le poisson et les relants de guano.... Qui aurait cru que la fille du pays te reverrait si tôt !

Elle ouvrit la calèche prêtée pas ce brave Giovanni d'un coup de pied sec et sans la moindre politesse descendit la première. Ses talons claquèrent sur le pavé tandis qu'elle humait l'odeur nauséabonde de poisson gras, d'eau de mer croupie et de bêtise crasse marinée de la brave Ydril, le cul salé de Diantra la putain ! Derrière elle, Soledad se hissa maladroitement dehors, manquant de se ravager le genoux avec le trépied en féraille sensé l'aider à descendre sa carcasse. La demoiselle poussa un petit soupir de soulagement en arrivant au sol sans encombre. D'un geste hésitant elle rajusta une mèche de ses longs cheveux noirs derrière l'oreille ainsi que la monture de ses lunettes glissant sur son petit nez charmant. Égal à lui même, Moigon, l'assistant - plus mort que vivant - de Térébantine, chuta sur la pierre comme une marionnette à qui on avait brusquement coupé les fils, le sac de sa maitresse toujours coincé sous son bras unique.

- Chuuut , messire moignon, nous ne devons pas faire de bruit !, murmura l'insupportable candide binoclarde.

-Ouais, ferme là le muet... et rentre-moi cet os qui dépasse de ton genou ! Tu vas effrayer les marins durant notre "petite virée", cracha Térébantine dont l'humeur massacrante serait parvenue à concasser n'importe quel cailloux.

Tandis que Moignon s'exécutait gauchement, l'euthanasiste -qui se demandait toujours dans quelle pénible galère elle s'était fourrée - s'alluma une petite mecaninenne pour se défriser les nerfs. Elle tira une bouffée âcre de la cigarette avec un soupir de satisfaction. Fumer, c'était l'unique plaisir de sa vie après son "art".

-Allez les enfants, on se magne le train, le piaf nous attends.

La fine équipe se lança à l'assaut des quais afin de repérer la "Petite Catin", la frégate au nom grivois qui allait mener leur miches jusqu'au repaire secret des Silencieux. Térébantine repéra le rafiot assez vite et c'est avec son culot naturel qu'elle s'avança sur la passerelle à la barbe des matelots en train de charger les dernier sacs - d'épices à l'odeur musquée. Un gros bras lui barra la route à l'entrée du pont :

- Tu veux quoi la gueuse ? grogna-t-il

- Certainement pas une nuit avec ta sale trogne, à moins que tu veuilles que je te la recouse en place... , répliqua Térébantine sur le même ton. Il se trouve que nous somme attendu par mon cher ami, l'Oiseau lumineux... Vous devez sans doute le connaitre?

-Z'êtes la Marchande de Suicide ? Fit-il avec une nuance nouvelle dans la voix que la chirurgienne interpréta comme une sorte de respect révérencieux.

-Tout à fait, et voici mes compagnons : Moignon et...

Térébantine chercha Soledad du regard. La jeune femme plantée gauchement à mis chemin sur la passerelle regardait un point au loin sur le quais , l'air complètement ailleurs. Elle sursauta quand sa chaperonne claqua deux fois dans ses mains pâles pour lui signifier de ramener son auguste derrière sur le pont.

-... Et Lunettes , donc ! cingla Térébantine.

-Bien, je vous mène à lui.

La chirurgienne suivit l'imposant bestiaux avec Moignon sur ses talons. Soledad s'accorda un dernier regard en arrière avant de leur emboiter le pas. Au loin, deux silhouettes marchaient de concert : Une noir, masculine, et une blanche, laiteuse, comme la Lune qui innondait les quais à ce moment là. La jeune fille eut un sourire énigmatique pour elle même avant de rejoindre ses deux étranges compagnons de voyage en grande discutions avec un homme à la peau basanée drapés de plusieurs foulard...

Le voilà le piaf illuminé, enrubanné et pompeux petit leader d'une secte de braves naïfs. Térébantine ne croyait qu'aux vertus de la science et du fait prouvé par A plus B : les adages tels que "Je te plante mon hachoir entre les deux yeux, tu meurs" suivi du non moins essentiel "Je dispose de ton corps et de tes poches comme bon me semble" s'appliquaient d'avantage au monde actuel que de nobles et gracieuses idées de monde meilleure et de croyance en l'humanité.

L'humain, pour l'avoir trifouillé dans le moindre recoin de ses viscères, elle connaissait... Et il n' y' avait point de lumière à l'intérieur de sa carcasse vide.

Ceci étant, Térébantine, pour ce que ça valait aux yeux de beaucoup, était une femme au professionnalisme rigide et imperturbable. Elle était en contrat avec la petite Soledad de Maloven et elle était prête à mener cette affaire à terme avec toutes les options que ça impliquait. Se servir d'une branche de l'Arbre Blanc , en faisait parti.

-Aucune... Je serais revenue avant les deux jours.

Elle jeta un regard rapide à Soledad qui s'approchait et reporta son attention sur Valkayre.

- Et nous ne seront plus que deux.

Elle sortit une petite blague de tabac de facture naine dont elle tira un cigarillo mecannien parfumé. Elle l'alluma avec son briquet et un peu d'amadou et tira une bouffée âcre qui sembla la soulager au plus haut point. Elle se pencha doucement à l'oreille de son guide plus providentiel que spirituel pour lui murmurer ces mots :

- Tu ne souhaites pas être rémunéré. C'est, bien qu'il me paraisse stupide, ton choix. Néanmoins, j'honore toujours mes dettes. Lorsque tu auras besoin d'un service quel qu'il soit , laisse un message à mon cabinet à Meca ou à Giovanni Sciscella, le grand couturier de Diantra... Au nom de Térébantine.

Elle s'écarta de lui et le parfum étrange de sang coagulé, de cigarette froide et de vanille embaumant ses boucles vertes s'éloigna avec elle. Elle observa un instant Moignon un peu plus loin sur le pont qui se faisait picorer la tête sans broncher par une mouette et poussa un soupir à fendre l'âme.

-Que je n'aime pas la mer...

Soledad observa Valkayre avec un air paisible. La demoiselle avait tout l'air d'une adolescente avec sa taille toute ronde, ses manières gauches, ses petits doigts potelés qui se posèrent à l'instant sur le bras de l'assassin. pourtant elle était bien plus agée que lui.

- Moi , j'ai une question... , dit-elle avec sa voix cristalline en rajustant ses gros verres de lunette lui glissant du nez. En fait, c'est plutôt une requête.