Discutions stratégique [PV Ultuant, éventuellement Conrad]

Kamilia était profondément inquiète pour le royaume. Même si elle ne fréquentait pas la cours assidument et que son père n'aimait pas la voir lors des convocations, elle savait tout sur ce qui se tramait. Ne dit-on pas que les murs ont des oreilles? C'était d'autant plus vrai que les rumeurs couraient très rapidement dans un palais via les gardes, les servantes et parfois les conseilllers qui ne savaient tenir leur langue. La princesse avait très mal dormi depuis une semaine, craignait pour la vie de sa famille et son peuple. Elle savait que la couronne reviendrait fort probablement à sa soeur aînée, mais elle tenait tout de même à faire ses preuves et à démontrer que ce n'était pas parce qu'elle n'était pas la première héritière qu'elle demeurait passive. Loin de là! Elle s'était mis à griffoner des plans, à éplucher tous les livres parlant d'armement, d'armées et de tactiques. Elle avait travaillé comme une vraie forcenée et avait observé les soldats à l'entraînement. Vêtue d'une robe vert sombre et noire, elle allait dans le château d'un bon pas. Elle avait donné rendez-vous à son père dans la salle du trône. Il avait dû être surpris premièrement qu'elle lui adresse une lettre plutôt que de l'y inviter de vive voix, deuxièment, que cette missive est été aussi officielle et troisièment du sujet dont elle voulait parler.

Ses documents, présentations et rapports sous le bras, elle était décidée à conseiller son père de son mieux et ce, bien malgré son jeune âge. Elle savait qu'elle n'était pas maître d'arme, mais quand sa soeur sera reine et que Conrad sera décédé, elle comptait bien prendre le rôle de bras droit et commandante des armées. Après tout, on ne pouvait se le cacher : bien malgré son génie, le maître d'arme se faisait vieillissant. Kamilia arriva près des portes de la salle du trône. Elle se tourna vers l'intendant qui approuva sa tenue et sa chevelure d'un bref coup de tête. Les gardes lui ouvrirent la porte et elle entra d'un pas toujours aussi décidé. Les hommes refermèrent la porte derrière elle. Ultuant était assis à son trône et avait installé un fauteuil devant lui, en bas des quelques escaliers qui menaient au trône. Kamilia le salua en s'inclinant légèrement et posa ses affaires sur le siège plutôt que de s'y asseoir.

- Je suis bien contente que vous consentiez à m'accorder du crédit, père, dit-elle avec un sourire.

Ce genre plutôt officiel ne lui ressemblait pas, mais il était de circonstance, il fallait l'avouer. Elle déplia son chevalet et y posa un premier dessin qu'elle avait fait. Kamilia avait beaucoup de talent en art, et elle l'avait mit à l'oeuvre pour rendre sa présentation plus visuelle. Elle montra de la main de dessin qui représentait les effectifs de l'armée.

- Voici notre armée actuelle.

Elle en mit une autre par-dessus. Celle-là était fort différente et beaucoup plus nombreuse.

- Ça, ce sont celle de nos ennemis les drows. Comme vous pouvez le constater, nous sommes en nombre insuffisant face à cette menace qui plane au-dessus de nos têtes. Inutile de mentir, je sais tout. Je rajouterais même que nos soldats se sont ramollis avec le temps et manquent sérieusement de motivation pour leur travail qui est pourtant, primodiale. N'y a-t-il pas une elfe noire qui a réussis à glisser entre nos doigts sans personne n'agissent?

Kamilia prit une pause théâtrale. Elle n'attendait pas de réponse de son père. Elle posa un autre dessin sur le chevalet.

- Je crois que nous devrions donner un coup de fouet à notre armée actuelle et rendre leur travail un peu moins routinier. Au lieu de toujours garder les mêmes soldats au même endroit, il faudrait faire une rotation des rôles et les changer d'équipe par moment, cela augmenterait la camaraderie entre les soldats et donc leur bonheur. Par conséquent, ils seraient beaucoup plus motivés. Une légère augmentation de salaire pourrait également les conforter. Mais c'est une autre histoire.

La princesse fit une pause pour reprendre son souffle et changer de dessin. Il montrait une annonce officielle écrite.

- Nous devrions également organiser une vaste campagne de recrutement. Bien des gens voudraient s'engager si notre armée semblait plus facile d'accès. Si les gens ne viennent pas à nous, allons à eux! Envoyons des soldats faire le tour des maisons pour parler de l'armée aux hommes en âge de se battre! Et s'ils ne désirent pas s'engager comme soldat, il faudrait au moins les encourager à se rendre à la milice question de recevoir un enseignement des armes de base afin de défendre leur famille et leur patrie lorsque besoin il y aura. Ainsi, quand l'armée sera déployer, nous ne laisserons pas le royaume sans défense! Je serais prête à faire campagne moi-même s'il le faut!

Kamilia était enflammée. Elle adorait Diantra plus que sa vie et tenait à conserver l'ordre et la paix. Mais elle savait que bientôt ces sinistres drows viendraient et elle ne voulait absoluement pas qu'ils ravissent aux humains ce qu'ils avaient mis tant de temps à bâtir. La princesse regarda son père droit dans les yeux pendant un moment avant de demander :

- Avez-vous des questions jusqu'à maintenant, père? Ou un commentaire?

Ultuant attendait dans son fauteuil l'arrivée de sa fille Kamilia. Elle lui avait envoyé une lettre, apposée du sceau officiel. Cela avait beaucoup intrigué le roi, toute cette cérémonie pour une simple rencontre. Certe, elle voulait lui parler de l'armée, mais pourquoi tant de manières ?
Il était encore dans ses rêveries lorsque le héraut annonça Kamilia. Ultuant se redressa et regarda sa fille entrer dans la salle du trône, un sourire aux lèvres. Elle avait une allure parfaitement cérémonieuse et cela l'amusa quelque peu.

"Entre ma fille, je t'en pris. Ne fait pas autant de cérémonie avec ton vieux père. Nous avons dépassé ce stade il me semble. Et puis comment ne pas t'accorder du crédit ? Non mais tout de même !"

Il étudia les gestes de Kamilia qui déposa un chevalet alors qu'une table, celle des réunions stratégiques se tenait non loin de là. Et exposer ses plans et ses dessins, magnifiques soit dit en passant.

- N'y a-t-il pas une elfe noire qui a réussis à glisser entre nos doigts sans personne n'agissent?

"Oh, non il y a des personnes qui ont réagit. Moi par exemple, puisque je l'ai arrêté. Tout de même tu dirais que ton père est déjà croulant et enterré alors qu'il se bat encore fort bien ?"

Ultuant s'était levé et approché de sa fille, d'une part pour étudier les plans de plus près, d'autre part pour enlever un peu la cérémonie qu'elle mettait en place. Il adorait la taquiner et ne s'en privait jamais.
Lorsqu'elle plaça le dessin présentant les troupes, il jugea bon d'intervenir avant tout dérapage.

"Tu oublies certains détails. Je souligne tes efforts mais il te manque des détails cruciaux dans tes plans."

Il avait pris un air soucieux, très concentré et montra plusieurs endroits vides sur les dessins de sa fille.

"Nous avons des troupes ici et ici et ici aussi, mais seulement en mission de camouflage secrète pour surveiller les positions ennemis. Cela rajoute bien 300 à 400 hommes dans nos rangs. Aussi tu as oublié les elfes, aussi nombreux que nous, de même que l'armée de réserve. Certes elle est un peu moins entrainée mais peut-être rapellée à tout moment. Dans ce cas nos effectifs sont multipliés par presque deux.
La reine des elfes est venu il y a quelques jours et m'a renouvellé son désir de conserver notre alliance.
Oui les drows sont nombreux et ils ont surement l'armée de votre oncle avec eux. Mais nous avons d'autres alliés et une bonne garde en place. Nos mages sont aussi parmis les plus puissants des peuples."

Il écouta de nouveau les autres propositions de sa fille et ne put s'empêcher d'intervenir.

"Désolé encore une fois, mais tes informations datent un peu. Les rotations ont été mises en place il y a déjà deux mois. Beaucoup de gardes se plaignaient de la monotonie. Bon peut-être qu'ils ne tournent pas assez, mais je n'ai pas vraiment eu le temps de m'y pencher durant le dernier mois. J'avais vraiment autre choses à faire. Et puis, lorsqu'il y a une rotation, cela fragilise le poste qui la subit et les attaques peuvent s'y faire plus fréquentes. Il faudrait faire des rotations aléatoires, et ainsi imprévisibles par nos ennemis. Oui, ça peut-être une très bonne idée, une rotation suivant un code secret totalement aléatoire suivant le temps ou je ne sais quel paramètre.
Félicitations, ce pourrait être très interressant.
Cependant l'augmentation de salaire ne peut pas se faire. Nous ne pouvons pas le faire si la guerre dure trop longtemps, les caisses sont pleines mais s'épuiseront trop vite. Il faut penser à la nourriture à acheter, à l'eau si nous devons partir en campagne hors des murs de la ville. Non je ne peux le permettre, mais je comptais faire une annonce pour leur dire qu'ils seront récompensés en or lorsque nous prendrons les villes des drows. Ca c'est déjà prévu et le moral remonte en flèche généralement après ces annonces. C'est pourquoi je tarde un peu pour ne pas que le moral s'effondre si la guerre n'intervient pas tout de suite. Je veux attendre le bon moment. Tu peux comprendre."

Il écouta ensuite l'idée du recrutement.

"Pourquoi pas, il faudrait monter un chapiteau en plein milieu de la place avec nos meilleurs éléments et ceux qui adorent l'armée aussi, pour pouvoir répondre à toutes les questions de la population. Un héraut pourrait l'annoncer quelques jours avant pour préparer tout ça. Tu veux t'en charger ? Cependant il faudra que tu les entraine en un temps record. Je veux que les nouveaux soient prêt pour dans deux semaines tout au plus. Tu te sens capable de tenir ces délais ?"

Ultuant passa une main dans les cheveux de sa fille. Il était fier d'elle, malgré quelques petites imperfections, mais elle apprendrait vite si elle assistait à toutes les réunions. Oui, il en était certains. Elle apprenait vite.

"Ca te dirait d'assister aux prochaines réunions stratégiques ?"

"Oui les réunions stratégiques pourraient t'éclaircir les idées sur nos derniers placements de force et nos positions. Tes plans sont très bien imaginés, mais il manquait juste les derniers évènements. Ainsi tu pourras m'en proposer de nouveau, si je n'y ai pas déjà pensé !"

Kamilia demanda à continuer son exposé et Ultuant se tut jusqu'à la fin cette fois, sans l'interompre.
C'est vrai que ces "guerriers" avaient l'air très puissants, mais il ne pouvait pas accepter la proposition d'en former dans le château. Il ne pouvait pas sinon la population lui tournerait le dos aussitôt, aussitôt et plus personne ne serait là pour défendre le château. Son visage devint sombre à cette évocation, aussi sombre que la nuit.

"Ma chère, oh ma chère Kamilia. Je suis désolé mais ce sera ton jour de contradiction. Je suis très au courant de ces voltigeurs. Oh, bien plus que tu ne pourrais t'en douter. Je vais te raconter une histoire, une histoire que beaucoup ont oubliés mais que tous se souviennent au plus profond de leur être et il ne faudrait pas beaucoup pour la raviver.
Ces voltigeurs, oui ils sont forts, oui ils pourraient nous être utiles, mais non je n'en entrainerais pas dans ma palais."

Ultuant se gratta le menton tout en se souvenant des détails de cette époque.

"Il y a bien longtemps, mon père et tous les nobles furent littéralement envoutés par les prouesses de ces guerriers, tout comme toi d'ailleurs. La mode fut très vite établie et des camps d'entrainement fleurirent partout sur le territoire. Quand je dis partout, c'était dans presque toutes les villes. Au bout de quelques années, ces fameux voltigeurs, adulés de tous, se sont retournés contre la couronne. Nous leur avions fourni le moyen de recruter à grandes échelles et ils ont disparu, non sans laisser de lourde perte dans nos rangs. Ils se sont enfuis avec toutes les nouvelles recrues dans leurs lointains territoires. Oh, nous en avons bien décimés quelques centaines mais ce n'était rien comparé à ce qu'ils avaient recrutés. Non, je te le dis, ne dévoile jamais cette information à quiconque. Non jamais, ces êtres sont liés à trop de mauvais souvenirs.
Cependant j'ai pris mes mesures pour avoir de nos côtés des personnes aussi doués qu'eux dans leur talents d'archers, de voleurs et de discrétion. Sache seulement que pour ce point, je suis paré."

Que de mauvais souvenirs, mais il devait les transmettre pour ne pas reproduire les erreurs du passé. Les raconter lui était douloureux, mais les emporter dans sa tombe aurait surement été pire pour tout le monde tellement l'attrait de leur capacité était inégalable.

Nous pourrions également recruter des moines. Ils sont excellents au combat à mains nus

"Quoi ?" s'étrangla le roi.
"Tu veux faire combattre les prêtres à mains nues ? Es-tu folle ? C'est une bonne manière de tous les faire exécuter et nous retrouver sans soins au retour du combat. Je ne te permettrais pas. Pour ce qui est de les embaucher, normalement nous réquisitionnons tous ceux présents dans les temples de Diantra. Ils suffisent généralement, mais si tu me prouves qu'il en manqueras vraiment, je pourrais l'envisager. Il me faut cependant des preuves tangibles, en chiffres.
Les archers... moui... mais nous avons des régiments d'archers spécialisés. Pourquoi vouloir rendre les hommes polivalents ? Je ne pense pas que nous ayons le temps pour l'instant. Ma stratégie est établie et il faut que tous les hommes soient au mieux de leur art, pas qu'ils s'éparpillent. Non ça risque d'entrainer plus d'inconvénient que d'avantages. Ne crois-tu pas ? Hum... non je ne céderais pas pour cela...
Deux guérisseurs par régiments ? Il faut vraiment que tu connaisses les dernières stratégeies. Ce n'est pas possible ça."

Ultuant éleva un mur insonorisé autour de la salle du trône pour éviter toutes fuites des informations. Il ne devait pas ébruiter ses plans, mais il devait les montrer rapidement à sa fille pour ne pas qu'elle se sente rejeté. Il fit apparaitre un parchemin sur le chevalet et une plume imbibée d'encre volait au-dessus de lui.

"Bon je te fais un rapide cours de nos stratégies, mais c'est risqué à cause des oreilles indiscrètes. Je t'expliquerais tout en détail lors de notre prochaine réunion, demain matin."

La plume s'agita et commença à tracer des symboles sur le parchemin.

"Non, je ne veux pas séparer mon armée. Il n'en ai pas question. Alors voilà comment nous allons nous y prendre. Les régiments de guerriers seront en première ligne, protégeant les archers étalés sur toute la longueur de l'endroit où se déroulera la bataille. Nous allons les laisser agir et nous montrer leur art. Les prêtres se situeront juste derrière et soigneront à tours de bras au début. De temps en autre, il y aura un espace dans les lignes de nos guerriers pour installer des trébuchets et catapultes.
Je sais, ça ne sers à rien puisque nous n'attaquons pas de château, mais je t'assure que ces bêtes là font de véritables ravages. Normalement ils devraient avoir une armée compacte face à nous. Bien ordonée et tout comme il faut, deux trois tirs bien ajustés et je ne te racontes pas le massacre avant même le début du combat. Cela nous permettra surement d'avoir un bon avantage d'entrée. Puis lors du combat, les guerriers avanceront. Je t'expliquerais plus tard pour les autres, cavaliers et tous. Les prêtres seront juste derrière les hommes des premières lignes, mais groupés. Les sorts de soins pourront ainsi se faire sur le moment et protéger le plus de vie possible de notre côté. Du côté des archers, les mages devraient se tenir en trois ou quatre groupes de cinq et bombarder les archers ennemis, protéger les troupes et les guérisseurs. Voilà en gros notre plan actuel."

Durant tout son exposé, Ultuant n'arrêtait pas de regarder de tout les côté comme s'il avait peur d'être surpris. Il avait parlé vite, trop vite mais il n'avait pas confiance. De nombreux traitres rodaient dans les couloirs, ce n'était pas le moment de perdre toutes les années de dur labeur acquises dans le secret le plus total. Non, vraiment pas le moment.

Kamilia ne prononça pas une seul mot durant tout ce temps. Elle écoutait sagement (oui, oui!). Elle avait fini par repousser tout son matériel et prendre place sur le fauteuil. La princesse inspectait la stratégie de son père et secoua la tête. Il y avait plusieurs faiblesses à ce plan et cela lui faisait craindre le pire. Kam se remit alors à parler :

- Père, les moines ne sont pas des religieux. On les nomme ainsi car il pratique la contemplation et la médititation. Ce sont des hommes de très grande valeur guerrière et ils n'ont nul besoin d'arme. Ils sont assez efficace sans! Nous pourrions avoir besoin d'eux. Surtout que, contrairement à ce que vous pensez, les drows risquent fortement de ne pas se battrent en homme d'honneur! Ils vont lancer des guérillas contre nous et ils faut avouer que nos hommes ne sont pas prêts à cela! Les moines, si! Vous savez tout comme moi que les drows vont nous attaquer de nuit, cas ils ne supportent pas la lumière du soleil!

La princesse frappa le bras du fauteuil de son petit poing vigoureux.

- Ils vont nous attaquer en traîtres! C'est pourquoi il nous faut absolument être sur le pied d'alerte et surtout ne pas les laisser arriver à nos villes! Sinon, ils vont tout tuer sur leur passage!

Kamilia avait un peu de mal à respirer. Son emportement mêlé à son corsage et son coeur qui battait la chamade ne lui rendaient pas la tâche facile. La jeune fille s'adossa au fauteuil en fermant les yeux. Elle appuya son front sur le bout de ses doigts fins. Tout ses mauvais présages ne lui disaient rien qui vaille.

*Pourquoi n'ai-je pas pu naître à une époque plus calme et douce? J'aurais pu avoir vingt ans avant une guerre... mais non! Il faut que je n'ai que dix-sept ans et des poussières. Et aucune expérience.*

Kam adorait Diantra. Elle était prête à mourir pour Diantra. Elle était prête à tuer pour Diantra. Cela la bouleversait énormément de voir tout ce qu'elle chérissait être mis en péril. Lentement, elle se leva en ouvrant les yeux. Elle s'approcha de son père et se blottit encore lui, l'étreingnant. Elle posa la joue contre son torse, car il faisait un peu plus qu'une tête de plus qu'elle. Kamilia ne put retenir ses larmes tandis qu'elle soufflait d'une voix vacillante :

- J'ai si peur pour notre royaume et son peuple. L'inquiétude ne me quitte plus une seconde. Nuit et jour je me demande si je vais encore vivre longtemps. Père...

Elle ne put continuer, car un sanglot coupa sa phrase nette dans sa gorge. Kamilia le serra davantage. Elle était si orgueuilleuse qu'elle avait retenu toutes ses émotions, mais maintenant elle fondait comme glace au soleil.

"Oh, je ne sais trop bien que les drows sont des lâches et nous attaquerons lorsque nous nous y attendrons le moins, c'est-à-dire la nuit. Mais n'as-tu jamais envisagée que nous pourrions les prendre de cours ? Et les devancer dans leur attaque ? Ca pourrait être un superbe avantage pour notre part ! Tu en penses quoi Kamilia ? Mais par contre il faudrait que je double les garnisons espions pour repérer leurs positions avant de se lancer à l'aveuglette. Que me proposes-tu ?"

Ultuant sourit, il voulait introduire sa fille dans la stratégie et quoi de mieux que de lui demander son avis pour qu'elle se sente importante. Ultuant avait déjà quelques idées mais celles d'autres personnes pouvaient toujours être intéressantes sur certains points tout du moins. Sur certains points qu'il aurait laissé passé autrement.

"Mais je n'ai jamais eu l'intention de les laisser arriver jusqu'à nos villes, chérie. Jamais, il ne pénétrerons aussi profondement. Car si cela devait se passer, nous serions impuissants tellement il y a de rues et de détours.
Mais ne crains rien. Tu savais que les paysans étaient de remarquables creuseurs de trou. C'est fou le nombre qu'ils peuvent en faire en un jour, presque pire que des taupes. Bien sur, tu as compris à quoi ils allaient servir ces petits pièges !"

Les lèvres s'étirèrent encore plus. C'était une de ses idées les plus brillantes en temps de guerre et il s'enorgueillissait à chaque fois qu'il exposé cette stratégie. Oh que oui, les elfes noirs ne s'attendaient surement pas à avoir des humains aussi sournois en face d'eux. Ils s'attendaient peut-être à avoir une bataille rangée, mais cela n'allait pas se produire, pas avant un bon nombre de rangées de pièges, tous plus mortels les uns que les autres. Oh que oui, ils seraient surpris et Ultuant ne s'en réjouissait que plus.
Kamilia se leva alors et se blottit tout contre lui. Doucement, il l'enlaça et lui caressa les cheveux tout en la rassurant. Non, elle était trop délicate pour tant de bouleversements.

"Je le sais ma chérie, je le sais. Moi aussi je m'inquiète beaucoup pour notre peuple. Surtout pour lui, le royaume peut être reconstruits après tout. Mais pas notre peuple, pas lui.
Chuuuuttt..."

Il passa un doigt sous ses yeux pour évacuer les larmes qui coulaient à flots dans un sanglot.

"Tu n'es pas seule. Moi aussi je passe des nuits blanches avec des stratégies plein la tête et des doutes, surtout des doutes et de la peur. Tu peux demander à ta mère, elle est ravie que j'allume les bougies six ou sept fois par nuit. Mais nous ne devons pas nous laisser abattre. Non. Nous devons être forts. Comme les sages dirent une fois, chaque épreuve ne nous rend que plus fort. Il faut profiter de cet occasion, oui la cueillir à bras ouverts pour montrer notre détermination et notre union. C'est lui qui nous fera triompher. Oui, notre union sera plus fort que tout, ma douce !
Je ne laisserais jamais personne te faire de mal, alors oui, oui tu vivras longtemps, oui tu perpétueras nos traditions si jamais rien ne se passe comme prévu. Tu reconstruiras ce royaume si jamais il devait m'arriver malheur. Mais pour l'instant tous les hommes et femmes travaillent de leur mieux, tous ensemble, pour la gloire et la victoire de notre nation. Ne t'en fais pas ma chérie. Tout se passeras bien."

Durant qu'il parlait, ses yeux s'embuèrent mais il refoula les larmes qui affluaient. Oui il espérait intimement tout ce qu'il disait. Oui, il le souhaitait, mais il savait aussi que le carnage devrait ne pourrait pas être évité et qu'il faudrait se battre avec autant de panache qu'une bête blessée. Or les drows étaient déjà à l'agonie et ils avaient donc l'avantage sur la détermination. Oui, il ne fallait pas les laisser passer, pour rien au monde. Pour rien au monde.

La scène était émouvante à voir, le roi exposant ses doutes sur la guerre à sa fille larmoyante blottie contre lui. Cependant, le traditionnel grincement que la porte de la salle du trône produisait en s'ouvrant retentit dans toute la dite pièce, laissant apparaître derrière elle Conrad.

Le vieil homme avança de son pas digne vers le roi et la princesse légitime de Diantra, l'air aussi grave qu'à l'habitude. Vêtu de sa cuirasse métallique de maître d'arme et portant sa magnifique épée à la ceinture, il revenait tout droit de la caserne où il avait apparemment passé une mauvaise journée. Il apparaissait qu'un esprit fort du château émettait des rumeurs négatives aux soldats sur l'état de l'armée diantroise. Bien que la plupart soient fausses, il y avait cependant quelques informations véridiques dans tous ces dires, dont le manque de recrutement dans l'armée.

Rendu à quelques trois mètres du roi, le maître d'arme s'inclina respectueusement devant son seigneur et ami, se releva et prit la parole.

- Sire, j'ai de mauvaises nouvelles à vous apprendre. Devant la situation critique du moment, il semble qu'une âme malsaine du château prenne plaisir à décourager les soldats de l'armée en répandant des rumeurs sur l'état des troupes à l'extérieur. Le problème, c'est que certaine de ces dites rumeurs sont vraies.

Conrad remarqua alors la princesse de Diantra assise aux côtés de son père. Déjà qu'il lui était rare de sourire, les nouvelles de la journée avaient complètement assombri l'humeur du maître d'arme, rendant toute expression joyeuse impossible, la plus positive possible étant sa mine sévère habituelle.

- Kamilia, commença-t-il (Il faut savoir que Conrad n'avait jamais vouvoyer les princesses du royaume, sous demande d'Ultuant), je suis heureux de te voir malgré ton air attristé... puis-je connaître la raison d'une telle humeur?

Apercevant Conrad entrer dans la salle du trône, Ultuant sourit. Il était toujours heureux de le voir, il était de si bon conseil et de plus son meilleur ami. Ce n'était pas tous les jours que l'on rencontrait une personne comme lui.
Durant la tirade de Kamilia, il écouta d'une oreille disctraite puis hocha la tête lentement, comme pour l'approuver lorsqu'elle eut fini, mais les décisions avaient été prises, ils n'avaient plus le loisir de discuter des grosses décisions. Il fallait agir maintenant et non commencer à parlementer comme des politiques ou il serait trop tard. De petites décisions pouvaient encore être prises mais pas les grandes lignes de défenses ou de grands bouleversements. Enfin, il le pensait, peut-être avait-il tord, peut-être pas. Son esprit était si embrouillé par les refléxions incessantes qui s'y tenait sans arrêt, à longueur du jour et de la nuit.

"Oui le recrutement, tu pourras le lancer demain, au grand banquet annuel que j'organiserais. J'essaierais aussi de galvaniser le peuple et de balayer les rumeurs d'un geste de main, mais je ne sais pas ce que cela va donner. Non, je ne peux qu'essayer, rien prédire. Malheureusement."

Il s'arrêta tout à coup de parler, entendant une fois de plus le nom de son conseiller à ses oreilles. N'était-ce que le hasard ou non ?

"Matador ? Tu as bien dis Matador Kondor ? Que lui reproches-tu ? L'aurais-tu surpris dans une quelconque affaire louche ? Qu'est-il arrivé ? Est-il vraiment si sournois que cela ?"

Il s'arrêta encore un instant, pour se calmer doucement. Non, sa femme l'avait déjà prévenu, maintenant sa fille. Il savait aussi que Conrad ne l'aimait pas. Devait-il agir immédiatement en le renvoyant ou devait-il le surveiller et le laisser croire qu'il pouvait agir à sa guise ? Tout le problème était là.

"Bon, je crois qu'il est temps de jouer cartes sur table ma fille et cher ami. Je vais me lancer, craignant nénmoins votre réaction... quoique avec ce que tu me proposes Kamilia, je n'ai pas de quoi rougir. Mais je vous tiens au secret le plus absolu."

Ultuant étendit de nouveau son bouclier insonnorisé autour des trois personnes.

"Je ne connais pas cette lignée... de l'arbre blanc ? Mais j'ai déjà contacté la guilde des Silencieux. Les voleurs et assassins les plus efficaces de Diantra. Bien sur, ils ne se joignent à nous qu'avec rémunération, mais je les ait engagé tout de même pour éradiquer tous les elfes noirs de la cité. Les soldats étant incapables de les retrouver ou d'endiguer leur flots, j'avais déjà prévu de faire couler leur sang dans la cité même. Ainsi, ceux en dehors de la ville auraient l'écho de ce massacre et peut-être hésiteront-ils à revenir en force. Oui, je souhaitais déjà leur demander leur aide. Mais je crois qu'il y a une nouvelle guilde d'assassins en compétition. Cependant je ne connais pas son nom, ni rien pour le moment. Elle est toute fraichement créée. Si l'un de vous pouvait me trouver des informations sur eux et les contacter. Cela serait surement utile également.
Ne t'en fais pas ma fille. Les pièges sont déjà creusés tout autour de la ville. Il ne reste que quelques finitions pour terminer. Je pense que je vais faire un décret pour empêcher quiconque de quitter Diantra par un autre endroit que les routes. Il ne faudrait pas qu'un enfant inconscient dévoile nos pièges à loup et autres petites gâteries du genre. Je pense que même s'ils n'avaient pas été creusé, nous n'aurions pas eu le loisir de les faire. Il me semble que nous n'avons plus le temps pour de grand bouleversements dans les stratégies déjà établies, seulement pour de petites alliances ou chagements. Mais il est trop tard pour effectuer de grosses manoeuvres, les espions grouillent partout pour l'instant. Non, il me semble que le temps et arrivé."

Lentement, très lentement, comme s'il devait soulever une charrette complète chargée de foin, le roi releva la tête vers ses deux interlocuteurs. Il les regarda tour à tour pour voir leurs réactions et savoir ce qu'ils avaient fait, eux aussi, en secret.

"Il est temps."