Être froid au coeur de la Beauté

Libre, libre !
Une oiselle au cœur du cyclone.
Elle tournoyait sur elle-même, ses bras étendus de par et d'autre, tiraillés par la force centrifuge. Elle ne riait pas, son visage restait grave. En cela, elle tenait d'atteindre une ivresse dont elle n'avait pas le moindre souvenir. Déjà sa tête lui tournait, par à-coups se soulevait son cœur, et pourtant rien d'agréable, aucune sensation spéciale ne survenait.
La jeune femme stoppa net son mouvement, et son épaule se tordit dans un craquement, absorbant avec le tronc de peuplier ce choc dansant. Elle vomit.

Malgré moi, parfois, je me souviens de certaines choses. Je vois des couleurs et des formes plus ou moins vives, qui valsent, me frappent l'esprit avec hargne. Parfois même des musiques qui me font grincer des dents, de la même manière que lorsque je m'aperçois que je n'ai plus un rond dans ma bourse.
C'est pour ça que je suis venue ici, dans ce comté elfique. J'ai débarqué y a pas si longtemps, en fait, j'ai fait que marcher. Jusqu'à ce que je craque, et hop, j'ai jeté mon argent par la fenêtre – la fenêtre d'une auberge "Des Voyageurs". Quand ce n'est pas "Des Chasseurs" ou "Au Nain Buveur"... M'enfin, bref, j'ai acquis un cheval.
Beau, brun, fringuant, broutant, et il n'a pas cessé tout du long. Au point qu'après m'avoir traînée vers d'un ruisseau, il m'a carrément désarçonnée pour aller manger l'autre rive.
J'ai résisté à l'envie pressante de l'abattre à coups de poing -ce que je n'aurai guère eu de mal à faire, j'ai gardé la forme !- car considère qu'il faut savoir respecter la liberté des autres -arf-, et j'ai donc reprit la marche.
Lorsque j'ai vu cet espèce de "château", sur cette butte de terre pompeuse, je n'ai pas résisté à l'envie d'aller y jeter un œil. Des pans de montagne à faire frémir, qui n'ont pas induit chez moi le moindre frisson, en fait. J'en ai vu et escaladé d'autres. Escalader ? Ça vient avec l'habitude.
Coup de chance, il n'y avait ni sorts ni gardes, je suis parvenue au sommet sans trop d'encombres. Il faut dire que l'autre jour j'ai prit une paire de ciseaux, du gros fil et j'ai transformé ma jupe en pantalon. Pas moyen de ne pas me faire remarquer ici, de toute façon, les humains ne courent pas les rues. Les elfes non plus en fait, donc pas de problème.
Ni même les jardins de comte, dans lesquels je me retrouve actuellement.
Comment concilier mon délire, désir de liesse, souhait de regagner de quoi me remplir l'estomac ?
Pourquoi pas en retrouvant du travail ? Enfin, trouvant, plutôt, vu qu'à ma connaissance je n'ai jamais fait qu'étudier et errer.
Bon eh bien alors il va falloir que je ressorte avant de rentrer à nouveau en annonçant dûement ma venue.

Étrange cette absence vide, ce désert de nature au nord des Terres elfiques... Une vallée immense toute peinte de vert, mille bruissements de vent et d'êtres vivants. Chant des oiseaux et gargouillis de l'eau.
Al était totalement insensible à tout cela. A peine si elle remarquait la beauté du lieu, et elle n'éprouvait rien.
Après quelques instants, elle esquissa quelques pas. Les jardins... Alors elle poussa les larges portes du Grand Hall, qui se trouvaient ne pas être fermées.
Une pièce. Immense !

[As : Je sais qu'il y aura fallu un moment mais mieux vaut tard que jamais comme on dit ^^]


S'il y avait bien un endroit ou Ethelryth n'avait pas passé plus de quelques jours en de nombreuses décades s'était en Eryndolen. Mais depuis la mort de sa femme il trouvait ces lieux tristes. Pourtant ça faisait maintenant quelque semaine qu'il s'y trouvait, obligé de rester dans son petit Comté a cause de sa capture et des tortures qu'il avait subies. Ethelryth serra les dents a ces souvenirs. Puis il les chassa plus vite qu'ils n'étaient venus.

Le Comte marchait dans les couloirs au sommet de son Château végétal, enjambant les racines des arbres qui poussaient par fois a même les remparts. Mais ce qu'un nain aurait trouvé affreux, lui, tout elfe qu'il était, appréciait sa demeure. La première fois qu'il l'avait vue il s'était demandé pourquoi quelqu'un s'était embêter a construire un pareil château si c'était pour le laisser a la forêt. Mais quoi qu'il en fut, Ethelryth n'avait rénové qu'une petite dizaine de pièces sur la bonne soixantaine que comprenait le château.

Passant le temps qu'il n'avait jamais vu s'écouler si lentement, Ethelryth se posait des questions, certaines stupides, d'autres plus importantes. Et au final c'était ces questions stupides qui emplissait son esprit. Ethelryth essayait de savoir s'il devait ou non restaurer telle ou telle chose, quelle couleur de rideaux mettre dans telle ou telle pièce...L'idée d'organiser une grande fête au Château traversa même l'esprit de l'elfe bien qu'il ne l'ait jamais fait auparavant et n'y trouva jamais aucun plaisir.

Continuant son errance a travers couloirs, escaliers et autres corridors, il entendit les grandes portes s'ouvrir alors qu'il marchait le long des balcons qui offraient une vue sur le grand hall. Intrigué, il s'arrêta pour voir de quoi il retournait. Il pensa alors que prendre quelques gardes ne serait pas de trop, surtout en ces temps troublés. Mais Ethelryth avait toujours trouvé que les gardes étaient bons pour les Rois et les Princes, cette intrusion ne changerait certainement rien au fait qu'Eryndolen était laissé sans autre protection que celle fournie par ses occupants, ce qui, si on connaissait le nom des Eldreda, était bien souvent suffisant pour garder les curieux hors de ses murs, ou au moins pour qu'ils s'annoncent avant d'entrer.

Mais ce n'était pas un elfe qui était entré, c'était une humaine. Ethelryth ne put s'empêcher de se demander ce qu'elle pouvait bien faire aussi loin dans le Royaume des Elfes, les hommes étant bien rares dans cette partie de la forêt. Le Comte décida d'aller a sa rencontre. Il descendit les escaliers sur sa droite et se retrouva dans le hall en quelques marches. Restant sur les escaliers pour dominer la situation, il parla d'une voix douce mais qui n'avait aucun mal a se faire entendre.

"Je vous souhaite le bonjour étrangère. Je suis Ethelryth Eldreda, Comte d'Eryndolen. Puis je savoir qui vous êtes et ce qui vous amène en ces lieux ?"

Ethelryth, bien que soldat, pouvait faire preuve de la plus grande délicatesse et de la plus grande diplomatie contrairement a ce qu'on pourrait penser. Mais son imposante stature et sa saillante musculature si peu commune aux elfes lui fournissait en toute situation une gravité et un sérieux que peu viendraient a ne pas respecter.

Al embrassa la pièce du regard. Elle en fut saisie. Ainsi ce château elfique, si majestueux, serait à l'abandon ?
Les portes, qui n'étaient pas fermées, avaient chuinté à m'en percer les tympans, le sol de marbre était parcouru de fêlures et recouvert d'une fine couche de poussière; partout autour, que ce fut le mobilier ou les tapisserie, ça sentait les futures ruines à plein nez. Quant au plafond, n'en parlons pas, les racines de plantes qui l'ont percé se mêlent à de conquérantes toiles d'araignée.

Qu'est-ce donc que ça ? Une bête ? Auquel cas ce doit être un ours, vu la taille.
Tout en haut, dans l'un des balcons qui surplombaient le hall de réception, la jeune femme avait entr'aperçu une forme sombre. Aussi, elle demeura immobile, à l'affut du moindre bruit qui eut pu éclairer ses soupçons. C'est qu'il y avait de l'Antée dans cette créature d'apparence si frêle: pour elle, se trouver ainsi en cet demeure elfique envahie de plantes c'était comme rejoindre la Terre pour le géant, elle y retrouvait sa force et son esprit guerrier, tous ses sens étaient en éveils.
Je sursaute, et manque dégainer mon poignard. Mais ce n'est pas une bête que j'ai failli viser, c'est un Elfe. Avant même que je ne le voie, je l'ai deviné à sa démarche; un pas après l'autre sur le sol de marbre, une allure comme légère, pourtant, il pose son pied à plat, d'un coup. J'ai eu l'impression qu'il était blessé, mais je ne vois rien maintenant que je le scrute.

- Bonjour à vous, Comte.

Réflexe de réponse immédiat, qui l'obligea à marquer une pause avant de reprendre:

- Mes derniers souvenirs remontent à une année passée sur l'île de Meca, aussi je ne pourrais vous dire d'où je viens.. Je me nomme Al. Je ne erre pas, cependant, je cherche du travail.

Tout en parlant, j'ai ôté ma main de la poignée de ma dague. Il comprendra ma surprise, j'espère. D'autant plus que cet elfe ne me semble pas ignorant de ce que les combats amènent les êtres à devenir. Ne serait-ce que cette façon prudente qu'il a eue de m'aborder, s'assurant une supériorité dans l'espace.
J'y pense, soudain; il est comte. Son rang ne voudrait-il pas que j'esquisse une quelconque révérence, ou que sais-je ? Je dois paraître carrément impolie. Mais qu'importe, s'il me chasse, j'aviserai.
Et j'ai l'impression que ni mes paroles ni mes actes ne joueront dans son choix. Ce sera plutôt les conséquences de cette question évidente: Il est seul, souhaite-t-il le demeurer ou rompre cet état ?
Une seconde d'attente, durant laquelle mon regard se pose à nouveau sur le plafond. Quelque chose m'intrigue, m'oppresse, même. Est-ce l'architecture du lieu, ou bien sa fragilité, son aspect éphémère ? Mais si ce dôme à tenu des milliers d'année, rien ne pourra le faire écrouler, et surtout pas quelques racines. Sans m'en rendre compte, j'ai déjà envisagé comment procéder pour le réparer.
Bah, stupide, ça prendrait des semaines.
Et quel en serait l'inconvénient ? Pour combien de temps suis-je ici ? Ou du moins, qu'est-ce que je veux, exactement ?
Retrouver mes souvenirs, réponse bateau qui me rappelle je ne sais pourquoi que je n'ai rien mangé depuis la veille. Pourvu que mon estomac ne prenne pas la parole pour moi.

[Hj: Aucun problème, surtout que moi aussi je tarde a répondre ^^']


Une humaine. Ca faisait bien quelque semaine que Ethelryth n'en avait croisé et ce pour plusieurs raisons. La première, comme dit précédemment, était que le Comté d'Eryndolen était l'un des plus éloignés, l'un des plus a l'Est, et ou a vrai dire, même les Elfes étaient rares. Cet état des choses plaisait a Ethelryth qui bien que Comte, ne se voyait pas comme un réel dirigeant, même s'il savait diriger ses hommes sur les champs de bataille. La seconde raison était que bien qu'il eut été invité plusieurs fois a sortir de son Comté, Ethelryth avait préféré se reposer au calme. Sa fille, sa belle fille et ses petits enfants ayant quitté Eryndolen pour quelques temps, il avait décidé que nul autre lieu ne lui conviendrait mieux. La troisième et dernière était qu'après sa capture, il avait du mal a ne pas se méfier des autres, aussi bien des Elfes que des Hommes ou des Nains en réalité. Et s'il voulait pouvoir reprendre son rôle dans l'Armée, il devait reprendre ses esprits et revenir au sommet de sa santé, physique et mentale.

Ethelryth sortit de ses pensées alors qu'il entendait la voix de celle qui se nommait Al. Comme ça elle était amnésique. Ethelryth ne sut trop qu'en penser car s'il était une chose facile a feinter s'était bien la perte de ses souvenirs. Mais refusant de céder a la paranoïa, il répondit a la jeune femme.

"Et quel genre de travail pouvez vous effectuer ? La mer est a quelques lieues, il n'y a ni bateau ni taverne dans la région."

Ethelryth se demandait ce qu'une fille de Meca pouvait bien faire hors de l'eau mais il préféra laisser ses a priori de côté. Après tout il avait du temps a perdre, et cela était beaucoup plus facile a deux, Ethelryth s'en était rendu compte après ces quelques semaines de solitude. Ce n'était pas comme s'il n'aimait pas être seul, après tout il avait passé des mois sans voir ame qui vive dans sa jeunesse. Mais il n'était plus le jeune elfe d'antant, même si son visage n'accusait pas le poids des siècles.

Le Comte remarqua que son invité avait l'air mal a l'aise. Il descendit les quelques marches qui le séparait du sol du grand hall et invita d'en geste amicale Al a le suivre vers l'arrière du château, ou se trouvait les jardins que sa femme avait aménagés avant de décéder. S'y promener ne le rendait pas triste, bien au contraire. Quand il y marchait ses idées devenait claires et les décisions faciles. Et s'il avait une décision a prendre aujourd'hui, autant faire en sorte qu'elle soit facile a prendre.

Eldreda répondit, d'une voix qui d'ailleurs en disait bien plus long sur lui que les mots qu'il prononçait. Tout en parlant, il descendait les larges marches pour enfin se tourner en direction d'une porte à double battant. D'un geste, il l'invita à le suivre, et elle ne se fit pas prier, déjà lassée de demeurer immobile.
Une fois franchi le seuil, les jardins qu'elle n'avait pu qu'apercevoir se déroulèrent devant ses yeux. Un vent calme les parcourait sous le soleil d'hiver, contrastant avec le chaos ambiant. Les plantes grimpantes conquérantes s'accrochaient aux arbres fruitiers dénudés, tandis que les pousses pourrissantes de fleurs témoignaient de leur tentative ébauchée de conquérir l'allée, qu'elle reprendraient avec le prochain été. Les graviers avaient dégouliné jusque dans l'herbe folle des parterres. Elle esquissa un sourire, avant de reprendre la conversation comme si elle n'avait pas été interrompue.

- Cela n'est pas plus mal, je supporte difficilement de naviguer et suis sobre coté boisson.

Elle n'avait pas pu s'en empêcher, un peu amusée par les compétences que l'elfe lui supposait. Que croyait-il ? Qu'une femme de Meca n'était bonne qu'à naviguer et à tenir une échoppe ? Là-bas comme ailleurs, il était nécessaire de bâtir des maisons, soigner les chevaux et le bétail ou encore labourer les champs. Quoi qu'il en soit, elle n'excellait pas particulièrement dans ces domaines. Elle s'était découvert des aptitudes particulières pour l'épée et le poignard, à savoir le combat franc mais aussi les poisons, ainsi que de bonnes connaissances en architecture. Elle ne mettait bien évidemment pas la première en avant, à moins que les circonstances ne s'y prêtassent.

- En revanche, je sais me rendre utile dans le domaine du bâtiment, sans vouloir me hausser au niveau des architectes elfes. J'ai d'ailleurs remarqué un affaissement partiel de la voûte du hall ainsi que des fissures à son intrados, qui nécessiterait bien quelques réparations. Il ne m'étonnerait pas qu'il en soit de même dans les autres pièces. Si ce n'est indiscret, personne pour vous servir ?

Si tel était le cas, soit le Comte était en disgrâce, soit il avait été particulièrement éprouvé, au point de s'isoler de lui-même... un ancien soldat, peut-être ? Habituellement, les nobles de château ne savaient pas se gérer aux-mêmes, et leurs seuls besoins quotidiens requéraient des hordes de domestiques. Quand bien même, cette situation était étrange. Ou encore, il était menacé et s'était réfugié là sans que personne ne le sache ? C'était un sacré coin perdu, ici...
Mais quoi qu'il en soit, peu m'importe. A chaque fois que je cherche trop loin, je m'égare et me prend les pieds dans ma mémoire emmêlée.

Ethelryth fut quelque peu surpris. Pour lui les habitants de l'île de Meca étaient tous des marins avérés. Encore ces fameux préjugés. Lui même n'était pas particulièrement doué avec un arc contrairement a ce qu'on pouvait dire des Elfes. Le Comte laissa cette partie entre parenthèse, ne voulant en rien entrer dans une discussion concernant les idées reçues qui pouvaient circuler en Miradelphia.

Ethelryth se rendit compte par le langage précis qu'elle utilisa ensuite qu'elle ne mentait pas en parlant d'architecture. Lui même n'y connaissait que très peu de choses, jusqu'à présent il avait laissé les bons soins du château a la Forêt Anaëh. Ce qui avait très bien fonctionné pendant quelques siècles. Mais les plafonds ne tiendraient pas tout seul éternellement, et si la jeune humaine pouvait faire en sorte qu'ils gardent leur position pendant quelques siècles de plus, il aurait tord de refuser ses services.

Le Comte n'eut pas le temps de répondre qu'elle lui demanda s'il n'avait personne pour le servir. Ethelryth ne put s'empêcher de sourire largement. Il était vrai que vu la taille du château il y aurait du y avoir au moins une douzaine de servants ainsi que quelques autre personnes pour prendre soin du château. Mais Ethelryth n'était pas né Noble, il l'était devenu en se mariant et a force de victoires militaires. A vrai dire il avait obtenu Eryndolen sans jamais vraiment chercher a l'avoir. Evidemment il ne se plaignait pas de sa situation.

"Non, il n'y a personne autre que moi et ma famille, même si ces temps ci le reste des Eldreda sont éparpillés a travers tout le Royaume. Je n'ai jamais aimé avoir des servants, quel qu'ils soient. De plus le Comté bien que vaste ne compte pas beaucoup d'individus, je préfère les laisser vivre leur vie tranquillement plutôt que de les forcer a travailler ici."

Ethelryth marqua une légère pause avant de reprendre.

"Mais si vous pensez être capable de remettre un peu en état le château, je serais heureux de vous offrir une chambre pour le temps des travaux ainsi que le salaire qu'il vous plaira, tant que vous serez raisonnable."

Evidemment le Comte ne précisa pas ce qu'il considérait comme raisonnable. A vrai dire lui même n'en avait aucune idée, après tout il n'avait jamais engagé d'architecte ou même de simple charpentier. Les seules fois ou il dépensait vraiment son argent c'était lorsqu'il réunissait des amis et faisait une fête, ou lorsqu'il devait payer l'impot royal.

"A vrai dire je ne serais pas contre un peu de compagnie."

Ses dernières semaines de solitude lui avait suffit, et la dernière lettre qu'il avait reçu de sa belle fille l'avait informé qu'elle allait passé encore quelques temps a la Capitale. Elrandra elle n'avait pas donné de nouvelles ci qui ne surpris pas son père, elle devait sans doute être en train de se préparer au combat. A moins qu'elle n'y soit déjà. Les petits enfants eux vivaient leur vie et ne contactait plus beaucoup leur grand père ce que Ethelryth acceptait sans problème. Il les reverrait surement quand leur mère reviendrait de la Capitale.

A cette dernière question, Eldreda sourit. Ainsi, il n'avait jamais aimé avoir de domestiques. Il n'était donc vraisemblablement pas d'origine noble. Et il avait de la famille, qui d'ailleurs ne semblait pas tenir particulièrement à le voir - du moins pas fréquemment.
Mais pourquoi est-ce que je note ça ? Une curieuse manie, décidément. Je vais finir par croire que j'ai suivit une formation d'espion... En fait, ça ne m'étonnerait pas plus que ça; plus rien ne m'étonne à mon sujet. Bientôt je vais me découvrir une mère, cinq ou six frères et sœurs qu'elle me lâchera dans les bras et je finirais en commère de village.
C'est bien le moment d'être pessimiste.
D'un geste discret, la jeune femme plongea deux doigts dans la poche de son pantalon avant d'avaler la pincée de graines extraite. Ce n'était sûrement qu'un remontant naturel, et, là-dessus, elle se concentra à nouveau sur la configuration des jardins, qui en disaient long sur la personne qui les avait dessinés.

- J'avais remarqué que ces terres étaient demeurées bien sauvages, ce qui, en fin de compte, n'est pas plus mal, je pense.

Elle prit un court temps pour réfléchir à la proposition. En fait, cela lui convenait tout à fait. Après tant d'incertitude, se poser un instant quelque part ne pouvait que lui être favorable, d'autant plus qu'aucun de ses souvenirs n'étaient revenu malgré la diversité des paysages et situations rencontrées.
Elle en venait même à ce qu'elle avait toujours craint, à savoir se reconstruire et s'inventer une mémoire, qui allait se confondre avec d'éventuelles bribes authentiques. Auquel cas, elle le savait, elle ne pourrait supporter que son passé soit fait de mensonges et de fables, et ferait tout pour le perdre à nouveau.
C'était peut-être ce qui s'était passé, déjà.
Le Comte interrompit ses pensées solitaires en lui faisant étrangement écho, ce qui ne manqua pas de la surprendre.

"A vrai dire je ne serais pas contre un peu de compagnie."

Le son léger de ses pas sur le gravier s'interrompit, et elle se frotta la tête d'une main.

- J'accepte votre proposition avec joie, Comte. En ce qui concerne mon salaire, cela ne m'importe pas vraiment; celui d'un page suffira amplement. En revanche, la chambre... Pourrais-je avoir une fenêtre qui donne directement sur l'à-pic ? Si ce n'est trop demander, bien sûr.

Là-dessus, elle le rattrapa en quelques pas. Elle ne se préoccupait guère de se tenir à sa gauche et trois pas derrière lui, comme il semblait bien qu'on lui ait apprit jadis, particulièrement parce que ce comte ne semblait pas s'embarrasser de protocole.
Subitement, un écureuil déboula d'un buisson dénudé. Manquant lui marcher dessus, elle fit un brusque pas de coté. Un réflexe lui avait fait porter la main à la garde de son arme, dans son dos, aussi elle sa hâta de la mettre dans sa poche et s'excusa rapidement.