Les deux visages de la Loyauté [PV Charles]

Sujet: Les deux visages de la Loyauté [PV Charles] Mar 20 Jan 2009 - 11:11

Voilà des heures qu'elle attendait dans l'antichambre royale agitant mollement son éventail, assise sur son divan de taffetas. La matin même elle avait du recourir à plus de poudre que nécessaire pour maquiller ses yeux cernés de fatigue. Elle avait battu la dross et la campagne avec Hadjirah pour prévenir le roi d'une attaque drow imminente. Elles avaient passé la nuit à faire leur rapport au souverain inquiet avec un maximum de détails : évaluation des forces armées, rumeurs de tout poil, tractations alliées et missives...

Elles avaient dormi chez Selma, dans son hôtel particulier payé par l'or de ses cuisses, avec vue sur place de la Dame, épuisées par cette terrible nuit d'insomnie. Mais Lomah s'était vu mandatée au petit matin, par un courrier officiel auprès de son roi. Elle s'était levée de mauvaise grâce et s'était préparée au mieux.

...Pour attendre.

Cela faisait des heures qu'elle poireautait dans cette maudite anti-chambre en attendant que le conseil de Guerre se termine. Parfois , elle entendait un éclat de voix ou du brouhaha derrière les deux battants de bois sombre donnant sur la grande Salle du Trône. La baronne de Fenice, se doutait que la nouvelle avait du valoir son pesant d'angoisse et de stupéfaction.

Spoiler:

Enfin l'on ouvrit les portes, déversant un nombre impressionnant de capitaines, maréchaux et autre conseillers. Elle remarqua parmi eux, et dans les derniers à sortir, Nakor, le préposé aux affaires magiques ou Ailill Mânes, le besogneux Trésorier d'État .
La plupart de ces hommes ne lui adressèrent pas la parole, à peine un salut poli. Pourtant ça n'était pas faute d'avoir partagé le lit de deux ou trois d'entre eux. Mais la cours et ces codes répudient les courtisanes à la réputation aussi désastreuse que celle de la Dame de Fenice. On murmurait qu'elle avait humilié la Reine et que le jeune Roi l'avait peut-être pour Maitresse. Une telle catin attendant une audience royale avec une telle satisfaction de parvenue avait de quoi irriter, mêmes les membres qu'elle avait autrefois couvé.
Seul Nakor s'empressa de lui faire un baise-main égayé d'un sourire malicieux auquel elle répondit d'un gloussement gracieux avant d'échanger quelques salut d'usage et de disparaitre dans le couloir. Elle resta seul un moment, le regardant s'éloigner.

Lorsqu'elle se retourna elle eut un sursaut de surprise.

Là, droit comme un glaive planté dans la pierre se tenait l'austère Charles de Hautval, conseiller de Guerre de Trystan, réputé aussi implacable que dangereusement fidèle. Il dardait sur elle un regard froid à glacer le sang comme si elle représentait un reliquat d'ordure sur un parquet fraichement lustré.
Le silence s'installa entre eux sans qu'aucun d'eux ne cillent ni ne placent un mot. Devait-elle faire montre de courtoisie la première ou allait-il enfin venir à elle le saluer en bonne et due forme ?

Charles abatis son poing sec sur la carte racorni qui se présentait devant lui, à bout. Cela faisait des heures que capitaines et généraux tentaient d'obtenir tel ou tel commandement, se disputaient pour des peccadilles comme savoir qui marcheraient juste derrière le Roi etc...Même lors de ce conseil de guerre, peu de personnes étaient réellement sérieuses, ou alors l'étaient vraiment.

Combien était les imbéciles qui ne connaissaient de la guerre que la vision qu'on leur avait donné à l'Académie Militaire ou dans de vieux livres de stratégie rédigés des siècles de cela ? Le chef du Lys d'Or se contenait depuis le début, froid, mais bouillant intérieurement. Plus d'une fois il avait eu envie de briser les dents de ce grassouillet capitaine pleurnichant sur le ravitaillement, ou tordre le cou de ce jeune chevalier bouffi de belles idées, demandant l'honneur de la première charge pendant que l'on parlait de stratégie sur le long terme...

"-Messieurs !", rugit donc le baron.

Un silence offusqué accueillit ces paroles. Le baron grimaça alors violemment, souriant de toutes ces dents, tendant une main délicate crispée par la colère vers la carte :

"-Si nous parlions réellement de la guerre, et non pas de peccadilles que vous pourrez régler dans les couloirs ?"

Nouveau silence offusqué.

Et le conseil reprit pour encore quelques heures...finalement, quand tout ce joli monde eut enfin réussi à s'accorder sur une ligne globale, la foule s'écoula en dehors de la salle de conseil. Charles sortit parmi les derniers, bouillant. Il avait pour seul envie d'aller seller son cheval, galoper jusqu'à l'horizon, crever sa monture puis courir dans la boue durant des heures. Mais il ne pouvait pas. Pas le temps, trop de boulot, trop de responsabilités, de trop de tout.

Lorsque la vague de courtisans, généraux et conseillers se fut dispersé il vit alors qui attendait dans l'antichambre. Ah. Oui. De Fenice...Disons qu'on avait rarement eu deux personnages aussi opposés dans le même bâtiment. Glace et feu ardent, et autres comparaisons dont on épargnera la liste au lecteur.

Quant à l'opinion qu'il avait de cette femme, eh bien pour tout dire...elle n'était pas excellente pour employer ce doux euphémisme. Très doux. Néanmoins, la tâche de chef du Lys d'Or qui était sur les épaules de Charles lui imposait de savoir pourquoi elle se trouvait là à attendre. Assurément une audience avec le Roi, mais vu qu'il n'en avait pas entendu parler...Aussi, il s'approcha avant de s'incliner sobrement, avant d'entamer d'un ton quelque peu déguisé :

"-Baronne, c'est un véritable plaisir de vous voir en ces lieux, puis-je vous être utile ?"

La cour, le plus grand théâtre du monde connu.

De l'art exquis du mensonge.

Pour qui utilise les parures biseautés de la dissimulation, reconnaitre un menteur n'est qu'une pirouette aisée. Surtout lorsqu'un homme coulé dans une armure de droiture tente de jouer sur les apparences.

-Baronne, c'est un véritable plaisir de vous voir en ces lieux, puis-je vous être utile ?

Simple et au demeurant efficace, quoi qu'un peu sobre pour un habitué des falbalas orales de la cour. Elle reconnut néanmoins son effort maladroit et se décida pour jouer le jeu.

- Pas autant que la joie que me procure votre galanterie.

Elle esquissa un sourire aux charmes largement éprouvés puis d'un geste gracieux cessa d'agiter son éventail pour lui tendre le plat de sa main gantée.

- Votre utilité n'est plus à prouver bien que je n'ai pu jouir encore de ses résultats...

Elle était sur le point d'ajouter quelque chose lorsque le jeune Thibault, valet de pied du roi, vint se faufiler vers eux d'un pas gauche, rougissant à mesure qu'il s'approchait de la flamboyante Dame de Fenice.

- Ma.. madame.

- Thibault chéri ! Comment vous portes-vous ?

Elle passa une main accorte sur la joue de l'adolescent qui prit une teinte plus cramoisie encore.

-B..Bien... Madame. Le Roi.. Le... Il... il me fait dire qu'il vous verra plus tard dans son Cabinet.

Le gamin jeta un regard en coin à Charles.

- En privé...

- Cela va de soit, mon petit. A-t-il dit dans combien de temps il sollicitera ma présence ?

Le garçon baissa la tête un moment, semblant réfléchir puis il la releva avec un sérieux soudain.

- Une Dame ne peut rester à attendre ainsi. Vous n'avez que trop souffert de cette attente. Je viendrais vous chercher dans une heure environ pour vous informer de ce qu'il en est.

- Comme c'est délicat de votre part, jeune homme.

Elle lui sourit à lui en faire cramer la cervelle et c'est l'air proprement béat qu'il repartit vers les appartements de son maitre.

- Adorable n'est-ce pas? Etiez-vous aussi attentionné à son âge ?

Lomah jeta un coup d'œil pétillant à son homologue.

- Toujours est-il que je viens de vous trouver une utilité inattendue : je serais ravie que vous usiez de votre talent inné pour la conversation en cet instant. Une dame est sans doute moins coriace à lire qu'une carte....

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