"-Jarnidieu en v'là une vrai ville, c'est tellement gros qu'on dirait l'cul de la mère Poulard !"
Réplique d'entrée dans la grande comédie. Comme chaque pécore arrivant pour la première fois dans une ville, il avait cette figure mêlant admiration et étonnement stupide face à la vision de la capitale du Royaume Humain. Son (maigre) baluchon jeté négligemment sur l'épaule, un bâton de marche à la main, il était enfin arrivé devant la ville après deux jours de marche sans se presser. Il avait fait une rencontre des plus spéciales dans les faubourgs, s'en tirant à pas trop mauvais compte. Entré dans la ville en ayant payé "un écu par jambe", il avait commencé à gambader à droite et à gauche sans prendre garde, s'émerveillant de la hauteur des immeubles (sur le point de s'écrouler), du nombre de personnes qui circulaient dans les rues et surtout ce cosmopolitisme étonnant ! Il eut l'occasion de voir pour la première fois de sa vie un elfe, et un nain ! Crévin et toutes ces odeurs ! Certes, ça ne fleurait pas bien bon, mais ça changeait du triptyque "bouse de vache, soupe au pois, fleurs des champs".
Comment diable faisais donc les habitants pour se souvenir des noms de l'un et l'autre ? Ça devait être intenable de ne pas connaître toutes les personnes que l'on rencontre, de voir tous le temps des inconnus ! L'inconnu c'était l'évènement au village. Généralement soit on lui jetait des pierres, soit on lui demandait des nouvelles du reste du monde. Mais alors là : des inconnus partout ! Et le marché par les Cinq le marché...Leos était tombé dessus au détour d'une ruelle (un vrai labyrinthe c'te ville). Des épices, des nourritures à foisons, des armes, des animaux ! Une folie que ce marché. Son père avait bien tenté de lui en faire la description un jour mais à ce point là...
Les nouvelles odeurs, les images défilant à vitesse folle, tout cela se bousculait dans l'esprit du jeune paysan, qui avançait à moitié hagard, regardant béatement autour de lui pour se gaver de toute cette nouveauté. Et plus il avançait plus il se rendait compte qu'il devait avoir l'air d'un plouc...jarnidieu sa tenue ne s'accordait vraiment pas avec l'étalage de chemises, pourpoints, veste qu'arborait toutes les bonnes gens de cette ville ! Le nombre de chose qu'il avait à faire devenait hallucinant : goûter à toutes les curiosités de ce marché, aller dans une de ces tavernes où les cris fusaient sans arrêt, aborder ces jeunes femmes si accortes qui avait l'air pour certaines de trouver sa beauté (rustique) à leur goût, trouver de nouveaux vêtements, et surtout un travail ! L'armée s'était rapidement imposée à son esprit. On était nourri, logé, payé et y avait de l'avancement facile en temps de guerre lui avait dit un vétéran rencontré en route.
Mais voilà, à force d'ivresse de pensée, on se perd. Et c'est ce qui arriva à Leos. Il se retrouva finalement dans un quartier des pas plus nets de la ville. Quelques personnes à la mine patibulaire lui jetait des coups d'oeils à son passage. La crasse suintait de tous les murs fissurés.
"-J'aurions p'tet dû point m'égarer...jarnidieu en voilà une qu'à point l'air méchante"
Au détour d'une des inextricables ruelles dans lesquelles il s'était enfoncé, Leos venait d'apercevoir en face de lui une jeune femme extrêmement fine, aux yeux...rouges. Oui mais voilà, on était en ville, et la ville lui avait déjà dévoilé tant de surprises que les yeux rouges, ça n'en était qu'une de plus. Avec toute la classe du paysan paumé, le jeune homme bloqua la route de la danseuse assassine :
"-Scusez moi donc ben mam'zelle mais j'suis pour ainsi dire jarnidieu perdu en c'te grande ville. J'voulions juste savoir par où c'est qu' fallait aller pour trouver l'château, si ça vous gênait point ?"