Où l'on cherche le gite et le couvert

Nous nous trouvions au mois de Barkos et le climat se faisait plus doux, légère brise et feuilles jaunissant voire rougeoyant tombé sur le sentier; formant un tapis aux motifs et aux couleurs agréables, du moins jusqu'à ce que celui-ci devient une bouillasse marron, se mélangeant à la boue qui s'était formée avec les récentes pluies. Puis la configuration du lieu changea, la terre devint plus sec, les arbres devinrent plus tortueux.

Khesma passa l'enceinte qui entourait la ville d'Ancenis, ville principale de la baronnie appartenant au seigneur Aemon. Dans cette région de Darantia, les seigneurs laissé tomber les intrigues de la cour préférant s'adonner à la chasse et à leur guerre privée. Après avoir entendu les histoires qui parcourait quelques tavernes, Khesma opta pour cette contrée où l'on disait que le baron était homme a aimé l'aventure, les querelles et les plaisirs simple de la vie. Ces qualités étaient suffisante pour notre rôdeur afin de s'y voir offrir l'hospice en échange de ses services. Sortant de ses rêveries, Khesma décrivit un arc cercle de droite à gauche afin de voir ce qu'il entourait. La rue principale ressemblait à toutes celles qu'il avait déjà vu : Crasseuse, remplit de villageois s'affairant à vendre leurs produits, chevaux piétinant les pavés de la rue.

Il ne fit pas vraiment attention aux regards suspicieux des quelques villageois qui avaient repéré l'individu; avançant directement jusqu'au château qui pointait vers le ciel. Après une petite marche, il s'arrêta devant les gardes qui était posté à l'entrée et demanda si le maitre des lieu pouvait lui accorder audience.

La demande déclencha des rires gras chez les gardes. Armés d'épées, de hallebardes ou d'épieux, les quatre soldats, sûrs d'eux et du tabard sinople qu'ils portaient tous, scrutèrent le vagabond en essuyant une larme de rire qui coulait sur leurs visages. L'un d'eux déclara qu'ils avaient à faire à un bien drôle de ladre. Les autres rétorquèrent de même, confirmant les propos du premier. Ils avaient l'air d'avoir oublié la présence du voyageur. Lorsqu'ils virent qu'il était encore devant eux, droit comme un i, ils le fixèrent avec un peu plus d'attention.

"Eh bien, étranger ? Allez, çà ! Crois-tu vraiment que notre seigneur reçoit tous les drôles qui demandent audience ? Ouste, l'aveugle ! Ne nous fais pas perdre notre temps," dit l'un d'eux, brandissant son poing ganté d'un cuir fort vieux et fort tanné. La plupart des gardes, se défiant de ce voyageur à la drôle d'allure, grommelèrent un peu et s'éloignèrent, discutant en lui jetant des regards soupçonneux.

"Viens plus tard, vagabond. Notre seigneur est bon avec les déshérités et autres feignasses. Les pique-assiettes sont toujours les bienvenus depuis que le baron a fait une promesse stupide à quelque dieu. Viens ce soir, il y aura peut-être un peu de pain pour toi. Mais ne crois pas faire de l'esclandre ici. Les petits malins finissent souvent par perdre leur langue, sinon plus," conseilla un garde plus conciliant, qui était resté un peu.

Khesma ne comprenait pas tellement cet humour propre aux occidentaux, cependant l'accueil ne lui fut pas des plus chaleureux. Il fixa de ses yeux blanc tour à tour les gardes qui étaient bien moins grand que lui. Engager le combat était une option mais cela aurait pu être interpréter comme un affront pour le baron et avoir fait toute cette route pour se voir priver de son but. Khesma resta calme, il patienterait jusqu'à la nuit. Avant de partir, comme tout travail mérite salaire et sans doute pour essayer de gouter à cette humour si caractéristique dans ces contrées, le sorcier tira 4 écus de sa bourse et les jeta aux pieds des gardes comme pour les remercier d'un service rendu :

" Ce soir ? J'y serai. Ce renseignement mérite récompense, vous n'aurez qu'à vous baisser pour la ramasser."

Puis l'homme se mit en branle, cherchant un endroit où tuer le temps. Lorsque les étoiles commencèrent à apparaitre, le zurthan revint; l'image qu'il renvoyait de nuit était encore plus inquiétante que le jour.

Le garde le toisa d'un air peu amène tout en ramassant ses écus. Ca lui apprendra à aider ces satanés étrangers ! s'écria-t-il en rangeant dans sa bourse l'or que le drôle de type lui avait balancé. Il se jura de lui empêcher l'accès pour l'avoir ainsi outragé. Ce vagabond ne lui disait rien qui vaille. Et puis ce fut la relève, et le soldat alla jouer aux dés ailleurs. La nuit tombée, et malgré l'air peu affable du Zurthan, les gardes le laissèrent passer, s'assurant d'abord qu'il lui remette son cimeterre ainsi que toute arme qu'il pouvait porter. Ceci fait, il suivit un flot de va-nus-pieds qui rejoignirent, sous l'escorte de ce qui semblait être le sénéchal ou quelque chevalier de la maison d'Ancenis, la grand-salle du manoir du baron.

Il n'était pas situé à l'intérieur du donjon, où il ne faisait pas bon vivre et dont l'accès était réservé aux chevaliers de la Chouette d'argent, mais un peu à côté. Grand et luxueux, il était orné de tapisseries d'Aspremont, qui décrivaient les exploits de cette lignée séculaire. Bientôt, on se rapprocha du coeur de la demeure, car la chaleur était de plus en plus présente, apaisante en ces froides nuits d'automne.

Assez grande pour accueillir deux bonnes centaines d'hommes, disposant de trois cheminées, la salle était assez confortable, rehaussés par les divers trophées qui trônaient, majestueux, sur les murs tapissés. On pouvait distinguer de nombreuses bannières élimées, parfois couvertes d'un sang écaillé. Si les barons d'Ancenis ne s'étaient jamais fait construire de palais dignes du duché de Serramire ou bâtir des cités aussi imposantes que Langehack, on pouvait ici constater, dans ces récompenses d'âges passés, que la guerre avait toujours été l'occupation première et le gouffre des coffres pourtant garnis de la baronnie.

On attabla les mendiants loin des tables du baron, qui se trouvaient surélevées. Ce dernier, déjà installé, savourait un vin chaud en arrachant à pleines dents la patte d'un deronay fraichement tué et chaleureusement grillé. Un barde jouait et chantait pour donner de l'entrain à un ours et son maître. Ce dernier excitait l'animal malheureux, tandis que l'un des fils du baron s'amusait à le frapper. L'ours ne disposait certes plus de ses crocs et de ses griffes, mais le jeu était dangereux. Cependant, le chevalier se montrait aussi habile (chanceux ?) que courageux (intrépide ?), au grand amusement de la compagnie d'Aemon d'Ancenis.

Remettre son arme ne lui plaisait pas mais c'était les règles en vigueur dans tous bastions. Il suivit le cortège des mendiants dans les différents endroits du château où l'on les conduisaient. Khesma en profita pour admirer la configuration des lieux : pierres massives, Poutres énormes, tapisseries narrant les exploits de plusieurs générations. Les écrits et les images n'étaient pas dans les mœurs ni dans la culture des zurthans, cependant cela n'était pas désagréables à l'œil.

Puis enfin, ils arrivèrent dans une grande salle chauffée où trôné plats et victuailles. Les pauvres s'attablèrent et Khesma en fit autant sur les grandes tables qui avaient été disposé près d'un feu dans un coin plutôt éloigné des nobles. On leur servit un maigre morceau de viande et une mixture apparemment à base de légumes. Le sorcier commença a manger en observant la pièce, cherchant le baron.

On pouvait voir quelques bouffonneries de saltimbanques jouant de leurs tours afin de gagner leur maigre pitance. Il semblerait que ces numéros se jouaient près de la table des nobles. Un jeune seigneur s'amusait à frapper un pauvre ours fatigué qui cependant aurait pu broyer l'homme par l'une de ses étreintes mortelles.

Puisqu'il était là, autant aller présenter ses respects au Baron; Khesma se leva et se dirigea vers sa table.

"Qu'est ceci ?!", s'écria le sénéchal, qui était debout et tendait, pour une fois, les plats vers son seigneur. Quelques chevaliers qui restaient à proximité du fils à l'ours s'approchèrent du malandrin, peu rassurés par l'allure du Zurthan. Ils avaient la main au niveau de la chance, et leurs visages étaient renfrognés. Aux mouvements de ses hommes, le fils s'écarta un peu de l'ours et se retourna vers l'étranger. Le montreur d'ours ramena à l'aide de la chaîne l'animal trop malheureux et trop docile pour tenter quoi que ce soit.

"Regagne ta place, vagabond," dit le sénéchal, tandis que la musique s'arrêtait. Le Zurthan avait toute l'attention de l'assemblée, à présent. Mais comme le sauvage ne semblait pas très enclin à l'obéissance, le sénéchal lui jeta un regard noir. Nul ne sait ce qui se serait passé si le baron Aemon, qui devait être d'humeur curieuse, dit.

"Bah bah bah ! Laisse-le passer, va. Ce grand-diable a sûrement quelque histoire à nous raconter. Je me demande bien d'où il peut venir, ce drôle d'aveugle." Et l'assemblée d'opiner du chef ou de murmure quelque "il a raison", "c'est vrai, d'où peut bien venir un homme pareil." Le sénéchal s'effaça donc, tout en restant, lui et les chevaliers du fils à l'ours, dans le dos de Khesma.

La tension était retombée, les gardes se décrispaient et quelques conversations recommencèrent. Khesma avait produit son petit effet auprès de la cour du baron. S'avançant de quelques pas, il faisait face au seigneur des lieux qui était assis en hauteur dans un siège massif et ouvragé.
Le personnage le regardait de son œil perçant tel un faucon qui posséderait un sourire carnassier.

" Vous êtes le Baron d'Ancenis, le seigneur Aemon. Je tiens dans un premier temps à remercier l'homme qui me reçois et à le féliciter pour son domaine et son château. On vous dit porté sur les arts de la guerre et à en juger par vos trophées, je pense que la réputation qui est la votre vous précède. Je possède certaines compétences qui pourrait vous être favorable dans l'exécution de vos tâches. "

A la présentation que faisait le barbare, Aemon écoutait avec négligence, levant parfois son verre en l'honneur des paroles élogieuses prononcées. Il n'en restait pas moins sur ses gardes. Un grand gaillard comme ça, si bizarre, ça ne courait pas les rues. Lorsqu'il apprit que le grand-dianble était un mercenaire, cela ne le surprit pas vraiment. Il analysa l'homme avec plus d'attention, et son sourire retomba, devenant plus serein, comme s'il savait où allait mener cette petite entrevue.

"Je vois que le nom de ma famille déborde des frontières de la Péninsule, et crois bien que j'en suis honoré, vagabond. Mais cela ne fait pas tout. Qui es-tu, et d'où viens-tu, l'ami ? Et, surtout ! qu'est-il arrivé à tes yeux : tu sembles voir sans rien regarder."

Le baron avait dû en voir des démarcheurs, de tout poil et lui vantant quelconque talent ou services, près à tout pour entrer dans ses bonnes grâces. Khesma le regarda de ses yeux blanc :

" On me nomme Khesma dit l'aveugle, je suis un zurthan, peuple fier et mystique vivant dans un lieu hostile et remplit de mystère. Si mes yeux sont devenus ainsi, c'est à force d'avoir vu des atrocités défiant l'imagination et d'avoir utilisé une sorcellerie venue d'un âge sans nom. "

Le sorcier dirigea la paume de sa main droite vers le plafond et ses yeux qui étaient d'un blanc opaque devinrent d'un blanc plus vifs. un brise puis un vent vint soufflé dans la pièce s'enroulant autour de Khesma puis refluant en cercle telle une onde soulevant la poussière de la pièce puis quelques chose se forma dans la large paume de Khesma, cela passa de l'étincelle à la flamme en un battement de cil. Le feu se consuma dans la main du sorcier puis changea de forme, prenant l'aspect d'une balle incandescente d'où s'échapper quelques flammèches qui allaient mourir dans l'espace de la pièce.
Puis d'un coup sec le sorcier ferma le poing et tout disparut ne laissant qu'une légère fumée cendrée s'échappant par les phalanges de Khesma.

" Alors Seigneur, êtes-vous intéressé par ma proposition ? "

Le baron leva les yeux d'un air presque étonné. Une sorte de brise l'avait ébouriffé, et une sorte de flammèche l'avait ébloui.

"Magie !", chuchota l'un de ses féaux, situé non loin et complètement fasciné par les paummes encore fumantes du mercenaire. Il avait fallu un instant aux seigneurs et à l'hôte pour saisir de quoi il s'agissait. De la magie, en effet. La surprise était générale, et Aemon, sûrement le plus surpris de tous, partit d'un grand rire.

"Si j'avais su que tu étais un sorcier, l'ami ! Les zortanes ont l'air d'être une bien étrange race. Chez nous, les mages ont le dos courbé, la cagne aux jambes, un corps aussi fragile que celui d'un nouveau-né elfe ! Ici, ils ressemblent à des clercs, pas à des géants !"

Et l'assemblée de rire avec lui. La surprise mourut pour laisser place à l'excitation. La rumeur enflait. Tous parlaient du sauvage, sauf Aemon, qui pensait. Si le mercenaire n'avait pas été un ami, il aurait pu être mort à l'heure qu'il est, carbonisé comme un porc au miel de Karhak. C'était préoccupant. Malgré des années de guerres, à combattre magiciens comme chevaliers, il n'avait jamais pensé qu'un homme normal (si on peut considérer ce grand Zurthan comme normal) pouvait faire usage de sorcellerie sous son toit et sous ses yeux.

"Regagne ta place, étranger. Il n'est pas heure à parler de soldes et d'or." Et sans autre forme de procès, il délaissa le vagabond, échangeant quelques mots avec son compagnon de tablée.

Cependant, une heure plus tard, lorsque le baron se retira, il semblait qu'il était l'heure. Un chevalier de la maisonnée lui demanda de le suivre. Il le mena dans une autre pièce, qui semblait être une petite chapelle dédiée à Othar. Une petite statue représentant le dieu trônait au milieu, sur un piédestal, et sur tous les murs de la chapelle sphérique, il y avait des tapisseries décrivant les hauts faits d'Othar et de ses dignes fils, les chevaliers ancenois. Appuyant son pied sur une chaire sculptée, le baron sirotait un peu de vin en contemplant les tapisseries. Trois hommes se tenaient non loin de lui, le chevalier le fit entrer et ferma la petite porte de la chapelle. Ils étaient tous en armes.

"Parle-moi encore de ton pays, étranger. Tu as été pour le moins évasif à son sujet, alors qu'il faut toujours faire la gloire de la terre qui nous a nourri."

La démonstration qui avait été fait, surpris toute l'assemblée à commencer par le seigneur des lieux mais celui-ci n'avait pas dans l'idée de conclure l'affaire tout de suite. Aucune importance, Khesma attendrai. Finalement à la fin de la soirée on vint le chercher et on le conduisit dans une petite chapelle. Le zurthan suivit son guide avec nonchalance mais resta sur ses gardes.

" La terre qui nous a nourri ? Je viens de régions stériles et arides qui se trouvent à l'ouest du Puy d'Elda. Là-bas, le climat est rude, le soleil brûle votre peau et rend fou les plus faibles d'entre nous. La végétation est inexistante et peu de bêtes arrivent à survivre, n'offrant que peu de nourriture aux hommes. Les zurthans, mon peuple, est constitué de chasseurs défendant chèrement son terrain de chasse face aux clans rivaux. Voila d'où je viens Baron. "

Le baron écoutait avec appréhension ce que racontait le barbare. Quelle drôle d'histoire. Il avait un peu voyagé, dans le temps, mais jamais il n'était allé jusqu'en Zortanie... Une bien étrange contrée, d'après son interlocuteur. Un interlocuteur qui avait l'air d'en avoir vu des vertes et des pas mûres.

"Bien, l'ami. Quels sont tes domaines de prédilection ? As-tu un élément que tu maîtrises mieux que les autres ? Serais-tu limité à la magie du feu ou bien ton école t'a-t-elle formé aux autres Arts ?"

Le sorcier lui fit savoir dans un grognement que le feu seul était son serviteur, et que les autres éléments lui donnaient plus de difficultés. A ces paroles, le borgne proposa au barbare un marché pour le moins acceptable. Son frère cadet était grand prêtre de Néera à Ancenis, dans le temple qui dominait la cité. En tant que haut dignitaire du Panthéon et membre de la famille d'Ancenis, il disposait d'une bibliothèque conséquente (le temple était fort ancien, et certains barons d'Ancenis s'étaient entichés de culture, dans le temps). Aussi le barbare, s'il travaillait pour lui, pourrait jouir de quelques séances au temple, qui était, comme la plupart des temples de Néera, privilégiant la magie du vent.