Juste une danse [Prio Astéride]

Voilà, la cérémonie était terminée, les mariés enfin unis et la mariée ravie. Non, là, j'étais ironique. Pas de chance, elle aurait pu tomber sur un riche héritier séduisant, un jeune noble sans terres mais très riche. Et bien non, elle tombait sur un vieux, respectable et respecté, certes, mais tout de même. Pour ma part, de ce que j'avais vu de Hannibal de Roch, me laissait une bonne impression. C'était un homme courtois et civilisé, mais il me faisait penser à un renard... Rusé... Et calculateur. Il fallait l'être pour se hisser à ce titre et ce prestige.

Quant à la jeune épousée, elle était charmante, et j'espérais que le sieur de Roch était aussi courtois au lit qu'en paroles et serait délicat avec sa jeune épouse. Elle devait être terrifiée par la future nuit de noces, comme toute femme quand l'amour n'est pas présent. Au moins, quand elles brûlaient de désir, les choses se passaient-elles naturellement.

Les tables étaient dressées, prêtes à nous acceuillir et je me retrouvais entre plusieurs nobles que je ne connaissais que de nom. J'aurais du être mal à l'aise, je l'étais même un peu, mais n'en montrais rien, me contentant de la jouer sereine et souriant. En face de moi se tenait une charmante jeune femme aux cheveux noirs. A côté, la Baronne de Merval, dont la laideur était légendaire. Légende qui ne rendait finalement pas honneur à cette laideur. On la disait puissante magicienne, voire sorcière. A côté d'elle, tronait Semoras d'Olyssea et à côté de la jeune fille aux cheveux noirs le Marquis de Sainte Berthilde qui se prenait la laideur de Morgause à chaque fois qu'il regardait devant lui.

Mais surtout, à la table d'à côté, il y avait Astéride d'Erac, plus enceinte que jamais et à mon humble avis, fort prêt du terme. Elle était assise près du roi et de la reine, et du nouveau couple de Scylla.

Le repas fut copieux et festif et quand les premières notes de danse résonnèrent, je dus contenir mon impatience d'enlever Astéride et de retrouver ces moments de complicité que nous avions eu quelques semaines plus tôt. Finalement, je me levai, alors que plusieurs couples dansaient et m'approchai de la table d'honneur avec tout l'aplomb dont j'étais capable. Je m'inclinais avec grâce, saluant leurs Majestés et le comte et la contesse de Scylla, avant de vriller mon regard noir sur Astéride et de lui tendre la main avec un sourire :

- "Accepteriez-vous de m'accompagner pour cette danse?"

Je savais pertinnamment que son état ne devait pas la pousser à danser. Elle devait être fatiguée, avoir les jambes lourdes et semblait désirer être partout sauf ici. Mais le rythme était lent et il était évident que je ne la fatiguerais pas. Je désirais juste avoir un prétexte pour lui parler. Elle accepta et se leva, saisissant ma main. Nous nous éloignâmes alors et je glissai à son oreille dans un murmure :

- "Excuse grossière pour avoir le plaisir de vous retrouver Astéride, mais je n'ai rien trouvé d'autres. Juste quelques pas et je vous accompagnerai volontiers à l'écart..."

Pas de proposition indécente, juste de la sollicitude alors que je lui proposais une échappatoire de quelques temps à l'ambiance pesante de la fête. Elle semblait réellement lasse, plus qu'à Erac.

Vous parlez d'un mariage ! Si il y avait une chose qu'elle ne supportait pas, c'était bien ce genre de simulacre de mariage. On échange un titre contre de l'argent, banal et affligeant. Cela aurait pu être son lot après tout, mais ele était heureuse de ne pas y avoir été obligée. Elle préférait mille fois sa réputation de trainée a un mariage arrangé...Au moins, elle était libre, bien plus que les trois quart des dames présentes...Quoique...si on regardait du coté de sa tante...

Et donc, les voilà a table, Astéride pouffait en silence, se rendant compte que son frère tournait allégrement le dos au reste de la salle...Une injure grossière tout de même, elle était surprise qu'Hannibal ai put faire une faute aussi vulgaire...Enfin ! Ils n'allaient pas en tenir rigueur a leur hote, ils avaient plus de classe que cela, fort heureusement...Elle se dandinait un peu sur sa chaise, elle n'était pas confortablement installé et franchement, tout cela lui paraissait long, si long...Elle n'aurait pas été contre un petit somme d'ailleurs...Elle en était a rêver de s'étendre sur un lit mouelleux lorsqu'une voix famillière lui parvint aux oreilles. Elle leva prestement les yeux ( s'était elle endormie ? Outch ) et sourit largement a la vue de Ciaran lui tendant galamment la main pour aller...danser ?! Ah...euh...Oui, elle n'était pas contre bien sur, mais elle aurait l'air d'une baleine a bosse en dansant avec Ciaran, d'autant plus que le jeune homme possédait une grace qui lui faisait cruellement défaut... Bon, quitte a avoir honte, autant l'avoir avec le sourire.

-Avec plaisir !

Fit elle en glissant sa main dans celle plus large du chevalier, non sans un coup d'oeil amusé a Lilia, et se laissa entrainer sur la piste...Fort heureusement, la musique n'était pas très forte, ni d'un rythme rapide et cela lui convenait...

-Vous etes mon sauveur.

soupira-t-elle en grimaçant légèrement.

-Je n'en pouvais plusn dites moi, etes vous conscient des ragots qui coureront sur vous d'ici quelques minutes ?

ajouta-t-elle mutine et malicieuse.

Alors que j'invitais Astéride à danser, je fis mine de ne pas voir la mine sombre du roi, ni la main apaisante de son épouse sur son bras. J'avais compris : Astéride était protégée par son frère et il ne tolérerait pas qu'on la blesse de nouveau. Pas de soucis, ce n'était pas mon intention. J'adressais un sourire reconnaissant à la reine, comme un moment de complicité échangé et éphémère, avant de revenir à Astéride qui accepta tout naturellement mon invitation. Elle ne sembla même pas hésiter.

Je me mis à rire doucement alors qu'elle me dit que j'étais son sauveur et répondit avec une pointe de malice juvénile :

- "Ma dame, je suis un chevalier, je ne fais que mon devoir!"

Evidemment, ce n'était pas un devoir, mais bien un réel plaisir d'avoir l'occasion de la toucher et de partager un moment avec elle, sous couvert d'une danse innocente.

- "Parfaitement conscient! Allons Astéride, ne devinez-vous pas que m'acoquiner avec vous fait partie de mon plan génial pour faire parler de moi!"

Je ris de nouveau, joyeux, alors que je m'emparais d'Astéride pour la conduire sur la piste de danse. Son ventre ne me dérangeait en rien, pas pour ce genre de danse aux pas compliqués, mais qui laissait assez de liberté. Je levais le bras, alors qu'elle y apposait sa paume et mis l'autre bras derrière mon dos. Certes, j'étais un errant, mais je n'en avais pas moins appris les bonne manières. Et je connaissais les pas de danse. Ma grâce naturelle faisait le reste. Je n'avais aucun mérite, mon sang drow me conférait cet avantage. Je me mouvais avec une aisance que peu d'humains pouvaient avoir.

- "Vous êtes très en beauté Astéride."

Malgré la fatigue, malgré ses kilos en trop. Je ne voyais pas cela, juste ce qu'elle dégageait et qui me plaisait.

- "Et à vrai dire, je ne suis venu à ce mariage que dans l'espoir que vous vous y trouveriez, bien que je craignais que votre grossesse vous en empêche. Ou votre accouchement. C'est pour bientôt, non?"

Je parlais naturellement, sans gêne, sans complaisance. Alors que nos visages se rapprochaient je soufflais :

- "Surtout, n'hésitez pas à me le dire quand vous vous sentirez lasse."

-Dans ce cas, c'est très habilement calculé, je dois bien l'avouer.

répliqua-t-elle en riant légèrement a sa boutade pleine de bonne humeur concernant sa réputation. De toute manière, elle n'était plus a ça prêt. Non décidemment, elle ne valait rien a danser dans son état, il n'y avait plus qu'a prier pour que tout le monde le regarde lui et non elle tant elle se sentait pataude et maladroite. Fort heureusement, la danse lui était connue et même si elle y mettait moins d'entrain qu'avant, elle prenait plaisir a se laisser guider...Depuis combien de temps ne l'avait on pas invitée a danser d'ailleurs ? Même au mariage de son frère, personne n'avait osé par crainte de subir les foudres d'un certain baron. C'était si lointain maintenant...

-Tsss...Ne me mentez pas Ciaran, je sais parfaitement a quoi je ressemble...

fit elle avec une moue résignée, très en beauté...Peuh, elle avait l'air d'une grosse dondon et l'état de ses jambes était désastreux !

-Oh, j'ai bien faillit ne pas venir, mais que voulez vous, Hannibal nous a été d'une grande aide, je ne pouvais pas ignorer son mariage...D'ici quelques semaines selon les medecins de mon frère et croyez moi, il me tarde, je ne supporte plus de me trainer...

Ainsi il était venu juste pour elle ? C'était flatteur et plaisant, c'était un fait qu'elle ne pouvait ignorer.

-Tenez vous tant que cela a encourir les foudres de mon frère ? Non, je plaisante bien sur, mais il nous faut finir tout de même ce tour de danse, question de bienséance parait il...Ensuite, vous pourrez m'emmener dans les jardins et me déposer sur un banc que je puisse ôter ces chaussures qui sont une torture !

- "Merci."

J'inclinais la tête, faussement flatté par son compliment. Moi? Calculateur? C'était mal me connaitre. Je n'avais aucune ambition. Je ne souhaitais ni pouvoir, ni argent. Juste un brin de renommée, c'était mon seul orgueil et je préférais que l'on parle d emoi en tant que chevalier ou jouteur qu'en tant qu'amant ou galant de la soeur du roi. Voilà pourquoi j'en plaisantais si facilement avec Astéride.

Je la complimentais et la vis rejeter mon compliment, me qualifiant de menteur. J'en fus désarçonné un instant et l'étonnement dut se lire dans mon regard, ainsi qu'une pointe de vexation. Je n'étais pas un menteur...

- "Je ne mentais pas Astéride..."

J'étais blessé qu'elle puisse le penser.

- "Vous ressemblez à une jeune femme enceinte, mais cela ne retire en rien mon compliment. Ce n'est pas de porter un enfant qui rend une femme laide."

Elle avait toujours un joli visage au teint de pêche et de magnifiques yeux verts. Cela ne changeait rien.

- "J'imagine oui."

Le temps devait lui sembler long... Je me mis à rire quand elle évoqua le roi. Je jetai un coup d'oeil vers la table du roi et de la reine, avant de revenir à Astéride :

- "Je suis sans peur et sans reproches! Il faut savoir vivre dangereusement!"

Je repris mon sérieux, esquissant un novueau pas de danse, reprenant doucement :

- "Vous n'auriez pas du venir, mais je suis heureux que vous l'ayez fait."

Et bien, elle avait réussit a le vexer apparement...Enfin, ce n'était pas vraiment une insulte, c'était juste qu'elle avait le plus grand mal a se voir...belle...

-Certes, mais tout de même, on ne peut pas dire que je sois une reine de beauté non plus. J'ai les jambes comme des poteaux, j'ai le plus grand mal a me mouvoir correctement et je ne vous parle même pas de l'état de mes pieds.

expliqua-t-elle en faisant la moue. Non, il est clair qu'elle n'avait plus rien de la jeune fille qu'elle était il y a 8 mois. Vraiment plus rien, ces chevilles avaient triplées de volume.

-Vous n'imaginez pas a quel point !

soupira-t-elle en suivant tant bien que mal les pas de la danse sans se tromper ou s'étaler de tout son long sur le sol.

-Sans peur et sans reproche ? N'est ce pas un peu...téméraire ?

Un grand sourire errait sur son visage, de toute façon, elle savait parfaitement que Trystan n'allait pas faire de scandale en public mais par contre, il devait ronger son frein sous l'oeil attendri de sa belle soeur.

-Non, je n'aurais pas dût, mais vous me voyez ravir de l'avoir fait.

J'esquissais un sourire à sa réponse, reprenant mi sérieux, mi amusé :

- "Cette robe cache parfaitement l'état de vos jambes et je n'ai pas l'outrecuidance d'aller voir en dessous pour vérifier vos dire. Mais bon, je retire ce que j'ai dis, vous êtes affreuse. Contente?"

Dommage qu'elle ai une image aussi déplorable d'elle. Mais elle n'avait aucun homme pour lui dire qu'elle était belle. Celui qui aurait du être son mari n'était pas là pour la rassurer. Et aucun homme ne l'approchait vraiment ou ne la regardait avec désir. Chose logique. Moi-même; je n'éprouvais pas de désir pour son corps déformé par la semence d'un autre, mais elle me séduisait d'une toute autre manière. Et une grossesse ne dure que neuf mois... Elle était jeune, elle aurait tout le temps de retrouver sa grâce et de faire tourner les têtes. Je souris quand elle me repris en disant que je n'imaginais pas encore assez.

- "Non, sans doute pas, je ne connaitrais jamais cela et c'est aussi bien."

J'admirais les femmes pour cela. Elles avaient bien du courage de porter la vie.

- "Téméraire? Oui sans doute... Mais je ne suis pas quelqu'un d'aussi lisse qu'il n'y parait. Si je bouge beaucoup, hormis parce que ne n'ai nulle part où aller, c'est aussi parce qu'au hasard des routes, je peux trouver de quoi me donner le frisson. Sincèrement, la vie de noble m'ennuierait... Rester enfermé dans un château, formenter quelques plans pour acquérir plus de pouvoir, gérer des terres, des conflits... Non, ce n'est pas pour moi, je préfère rester indépendant. Et vivre dangereusement pour me rappeler que la vie est loin d'être ennuyeuse."

Mon regard erra sur les nobles autour de moi. Je ne dénotais pas parmi eux, mais je n'étais pas vraiment l'un d'entre eux. Je n'avais pas besoin de regarder Astéride pour continuer à danser naturellement. Je la regardai alors intensément tandis qu'elle se disait ravie d'être là.

- "Votre présence m'a manquée. Et je suis heureux de constater que vous restez la même, que vous soyez tranquille à Erac, ou exposée aux regards ici."

-Très !

Ria-t-elle joyeusement en virevoltant doucement, faisant tout de même attention a ne pas écraser malencontreusement un orteil a son cavalier, se serait du plus mauvais gout...Et très vexant...

-Oh si vous connaitrez un jour, du moins, je vous le souhaite.

Et bien oui, un jour il sera père si les dieux lui sont favorables. C'était une pensée quelque peu dérangeante qui lui fit froncer légèrement les sourcils de contrariété. Elle ne devrait pas être contrariée...

-Ciaran, la vie de noble n'est pas sans danger comme vous semblez l'imaginez..Voyez ma nièce, elle est une cible potentielle, ainsi que sa mère et mon frère. Les complots comme vous le dites si bien pousse les hommes a des actes inconsidérés, certes, ce n'est pas voyant, ce n'est pas flagrant et pourtant, c'est là, dans l'ombre...Alors croyez moi, la vie de noble n'est pas si ennuyeuse que cela.

Ah certe que non. Et de toute façon, elle n'aimait pas l'ennui et sa vie en était un exemple parfait, non pas qu'elle ait une position importante méritant que l'on se penche sur sa vie avec un oeil malveillant, mais elle ne pouvait pas dire que sa vie était poussièreuse. Un sourire lumineux accueillit les paroles du jeune homme...

-Etes vous tant que cela entouré d'hypocrisie pour apprécié ma franchise parfois malvenue ?

Je souris alors que son rire cascadait dans l'air, cristallin et léger. S'il n'y avait que cela pour lui faire plaisir... Enfin, là, oui, je mentais, mais c'était pour la bonne cause, puisqu'elle semblait mieux prendre ce genre de remarque que les compliments. Cependant, mon sourire se figea quelque peu alors qu'elle me répondait qu'elle espérait bien que je connaitrais un jour cela. Je n'en étais pas si certain et de fait, m'attacher à quelqu'un me posait quelques problèmes. Je ne pourrais pas entrainer une femme avec moi et maintenant que j'avais pris goût à cette existence de vagabond, je doutais de pouvoir m'en passer. Alors avec un enfant... De plus, j'étais demi-drow, ce qui rendait les choses un peu plus compliquées encore.

- "Peut-être."

Il y a quelques années, oui, cela me semblait davantage envisageable. Mais maintenant... Non, vraiment, je n'étais pas convaincu et cela devait se sentir dans ma voix.

Elle me corrigea alors sur ma vision de la noblesse et je pris une mine pensive. Je savais tout cela, mais justement, il n'y avait pas cette liberté de pouvoir faire à peu près n'importe quoi sans rendre de comptes à personne.

- "Ce ne sont que basses machinations et calculs. Et cela n'est pas pour moi. Je ne suis pas un cérébral, j'ai tendance à régler un conflit avec mes poings, plutôt qu'avec ma langue ou mon cerveau. Rien ne vaut la force brute, parce que je sais que là, j'ai toutes mes chances."

Je dépeignais un tableau assez peu flatteur de moi... J'allais être catalogué dans les grosses brutes stupides. Je me permis un sourire et repris, plus légèrement :

- "Je peux donner le change en me montrant courtois et en ayant un phrasé délicat, mais je suis comme beaucoup de monde : j'arbore un masque."

Et justement, les paroles d'Astéride faisaient écho à ma réponse.

- "Vous êtes sans masque Astéride, tout simplement."