[Palais] L'Esclave et la Reine | Aetherya [Terminé]

HRP : Je poste ici, car même si ça commence dans la rue, ça risque de se terminer dans les appartements royaux x) Au besoin, il suffit de déplacer ^^

Une nouvelle journée commençait pour la jeune esclave. Alors que le crépuscule de son premier siècle s’achevait en silence, l’aube de son second augurait aussi l’aube d’une nouvelle vie qui, si elle n’était pas si différente de la précédente, possédait tout de même des différences notoires. La plus importante était surement que, depuis qu’elle avait été achetée, Sissthylias n’avait plus été prêtée. Elle s’était contentée d’exécuter, une après une et sans se plaindre, les tâches qu’il lui avait distribué. L’une des plus ardues avait été, paradoxalement, une des moins pénibles. Soucieux de pouvoir communiquer en silence avec son esclave, le Karliik Glenn avait entrepris de lui enseigner son langage gestuel, une tâche ardue autant pour l’élève que le maître. Ce que la sombre avait du apprendre n’avait rien d’intellectuel, et l’apprentissage d’une nouvelle langue, fut-elle muette, n’avait pas été aisée.

Une autre nouveauté d’importance était qu’elle découvrait désormais le Puy. Enfermée jusqu’alors dans la maison de son père, n’en sortant que quand il la prêtait, elle n’avait jamais eu l’occasion de connaître les secrets du volcan. Elle avait eu l’occasion de se rendre à chaque niveau, avec chaque fois une tâche la plus part du temps simple à faire. Souvent ingrate, parfois difficile, mais toujours importante pour le confort de son Maître, elle ne s’en plaignait jamais et se contentait de s’appliquer à les réaliser au mieux. Et c’était dans cette optique qu’elle était sortie, ce matin là, aux aurores, et avait rejoint le premier sous-sol, le niveau des mages et des artisans, et ce n’était pas les suppôts de la sombre Reine des Drows qu’elle était venue rencontrer.

Les ordres qu’elle avait reçu n’avaient en eux-mêmes que peu d’intérêt. Il suffit de savoir qu’elle mena à bien chacune des missions qu’on avait pu lui donner, avec l’efficacité qui la caractérisait. Car si Sissthylias ne possédait aucun esprit d’initiative et aucune volonté de s’élever dans l’échelle sociale - chose qu’elle savait de toute façon impossible - elle était habituée par une inébranlable volonté de plaire, comme une enfant cherchant une reconnaissance qu’on lui avait toujours refusée. Et, pour cette soumission sans faille, cet oubli de soi, elle représentait tout ce que la société drow exécrait. Elle était docilité là où beaucoup étaient la violence, elle était l’obéissance là où tous criaient révolte. Elle était une esclave, éduquée d’une main de fer dans l’unique but de permettre à d’autres de jouir de ses efforts.

Et c’est ignorante de sa propre misère, pressée de retrouver la sureté des Murs d’une Prison qu’elle aimait comme le foyer qu’elle était et réjouie à l’idée d’annoncer son succès à son Maître qu’elle se dirigeant désormais vers les tunnels ascendants. Pour une raison obscure, elle portait ce jour là non pas la jupe qui avait constituée son unique garde robe mais une robe d’esclave d’un beige délavé, un simple morceau de tissu coupé trop grand pour elle, ne servant qu’à cacher sa nudité aux yeux du monde. Et, pour que tous sachent qui était son propriétaire, une chaîne d’or soutenant le symbole de Brylyan Naerth, d’une facture aussi bonne que pouvait l’être celle de la ceinture.

Elle n’avait qu’une envie, se saisir de sa harpe et entendre les notes chanter à son oreille absolue. Elle avait le sentiment d’avoir perdu quelque chose, depuis que son Maître avait appris son secret. Jouer pour lui était à la fois un plaisir et un supplice, car si elle se réjouissait quand elle le voyait se détendre au gré de sa mélodie, elle ne pouvait pas y trouver le plaisir de jadis. Avant, la qualité de ses performances n’avaient aucune importance, car la musique sonnait toujours juste à ses oreilles. Mais il semblait qu’il n’en allait pas toujours de même pour ses semblables, qui ne semblaient apprécier les sons chaotiques et stridents qu’elle arrachait parfois à sa lyre.

Nul ne pourrait imaginer ce qu’avait pu ressentir l’esclave quand les mages avaient fondu sur elle tels des vautours sur une charogne putride. Elle avait bien senti, la pauvre, les regards qui pesaient sur sa personne, et avait cru être de retour à la case départ, quand son père gouvernait encore sa vie. Depuis qu’elle était protégée par Brylyan, beaucoup évitait de la regarder, cherchant sans doute à lutter contre la tentation de s’emparer de ce corps offert à leurs yeux gourmands. Mais il semblait que son influence ne s’étendait pas sur ce niveau, au vu des réactions qu’elle avait provoqué. Pour beaucoup, le viol était une horreur, une abomination et l’expression d’une violence primaire. Pour Sissthylias aussi, mais pas pour les mêmes raisons. Elle ne voyait qu’une trahison envers son Maître, et c’était peut-être plus douloureux encore que de se sentir fouillée sans avoir eu la volonté de l’être. Avait-elle jamais désiré subir les assauts répétés des militaires choisis par son père ? Non, mais elle s’était tout de même laissée faire, parce que c’était ce qu’on lui avait ordonné.

« Sevir uns’aa ! Dos inbal nau ditronw ! »
Laissez-moi ! Vous n’avez pas le droit !

Elle comprenait d’un seul coup le pourquoi de sa tenue. Nul doute que ses agresseurs n’auraient pas attendu aussi longtemps s’ils avaient pu voir plus en détail l’objet de leur convoitise. Mais il semblait que cela n’avait pas été suffisant, à voir comment certaines mains baladeuses tentaient désormais de la débarrasser de sa tenue. Elle luttait, cherchait à s’extirper du chaos qui l’entourait, sans succès. Elle sentait son cœur s’emballait, alors qu’une main se posait, autoritaire, sur son intimité. Elle tenta de mordre l’impudent, mais n’en eut pas le temps. Avant qu’elle comprenne comment, avant qu’elle ne comprenne pourquoi, elle était agenouillée au sol, cherchant à remettre un peu d’ordre dans sa robe déchirée par endroit, retenant les larmes de honte qui lui montaient aux yeux. Elle tenta de se débattre quand une main se saisit de son bras et la tira pour se remettre debout.

« Dos inbal naut l’ditronw ulu xta’rl uns’aa ! »
Vous n’avez pas le droit de me toucher !

Ses protestations furent vaines. Fut-elle seulement écoutée ? On la traîna sans ménagement hors du niveau des Mages et des Artisans, et elle ne se laissa faire que quand elle se rendit compte qu’on l’amenait dans les niveaux supérieurs. Animée par l’espoir qu’on la reconduisait simplement chez son Maître, elle prit sur elle de supporter la façon dont elle était « escortée ». Elle parvint à faire passer son collier sous sa robe, dans l’unique but de ne pas attirer la honte sur Brylyan Naerth. L’idée de jeter l’opprobre sur son nom lui faisait horreur. Mais cela ne semblait pas déranger les gardes qui continuaient leur chemin sans mot dire. Finalement, ce ne fut pas dans les Appartements du Karliik Glenn qu’elle fut amenée mais dans ceux de la Prime Sorcière… et accessoirement, de la Reine des Drow. Pourquoi ? Elle n’en avait aucune idée mais ne prit pas la peine d’y réfléchir. Quand elle fut introduite en sa présence, elle se laissa tomber à genoux et posa son front au sol. Elle se trouvait dans les appartements d’une Reine, elle devait faire honneur à son Maître, et ne commettre aucun impair. Elle n’avait aucune idée du pourquoi de tout ceci, mais cette évidence ne souffrait aucune discussion.

« Nindel dosst Lgos vaene whol rin’ov, Valsharess d’l’Olath. »
Que votre Règne dure à jamais, Reine des Sombres.

Dans quelle galère s’était-elle embarquée malgré elle… ?

Lorsque la porte s'ouvrit, Aetherya mit quelques secondes avant de réagir. Ce fut un raclement de gorge d'Alrunee qui lui fit lever la tête du berceau où se tenait son fils, jouant avec un hochet fait d'un crâne humain monté sur un tibia. La Prime Sorcière reprit bien vite sa posture hautaine qui était son port habituel et baissa les yeux vers l'esclave qui s'était agenouillée au sol.

"Vel'bol zhah il xunin ghil ?" Demanda-t-elle à son âme damnée.
"Que fait-elle ici ?"

Elle n'avait pas pu voir le symbole de Brylyan puisque l'esclave l'avait caché sous sa robe. La Seconde de la sorcière s'approcha de l'esclave pour la relever avec fermeté, mais sans brutalité. Puis elle sortit le médaillon caché afin que la Reine puisse le voir.
Aetherya sembla surprise, mais bien vite les cris de son enfant prirent le pas sur sa curiosité. Elle se tourna vers le berceau et prit son fils dans ses bras. Il se calma aussitôt. Revenant au sujet qui l'avait interrompue dans ses réjouissances maternelles, elle posa un regard interrogateur sur Alrunee, qui s'expliqua.

"Usstan muth ilta wun l' c'nrosen k'lar. Il zhahus lorith whol foluss."
"Je l'ai trouvée dans le quartier des mages. Elle cherchait quelqu'un."

Aetherya attendit la suite... Qui ne vint pas. Elle haussa un sourcil, ne comprenant pas vraiment pourquoi sa fidèle suivante lui avait amené l'esclave du Karliik Glenn. Elle se promenait sans son maître dans les quartiers des sorciers ? Oui, et alors ?
Comprenant qu'Alrunee attendait une quelconque reconnaissance, la sorcière hocha la tête.

"Dos xunus al ulu sila ilta ulu uns'aa, nin ori'gato uns'aa maglust xuil ilta."
"Tu as bien fait de me l'amener, maintenant laisse-moi seule avec elle."

La Drow s'inclina, puis obéit à sa Reine, les gardes la suivant alors qu'elle sortait des appartements royaux. Suite au départ d'Alrunee, la Prime Sorcière s'approcha de la Drow, son fils toujours dans ses bras. Elle jaugea l'esclave de la tête aux pieds, évaluant là les goûts de Brylyan, ainsi que le prix qu'elle avait pu lui coûter. Peu lui importait en réalité, mais elle voulait comprendre ce que faisait une esclave de Chef hors de chez son maître. Elle-même n'envoyait jamais ses esclaves nulle part, elle avait bien trop peur qu'ils ne fuient... Au bout de ce qui put sembler une éternité, elle adressa enfin la parole à Sissthylias.

"Vel'bol's dosst kaas ?"
"Comment t'appelles-tu ?"

Le bébé s'était endormi, elle alla le poser dans le berceau avant de poursuivre.

"Tesso uns'aa, vel'bol zhahen dos xunin wun l' c'nrosen k'lar ? Xunus Brylyan fris dos gaer ? Lu' ka siyo, ele ?"
"Dis moi, que faisais-tu au quartier des mages ? Brylyan t'a-t-il envoyé là-bas ? Si oui, pourquoi ?"

La Reine avait posé des questions, et maintenant elle attendait les réponses. Si elle n'en était pas satisfaite, esclave de Brylyan ou pas la jeune Drow pourrait bien le regretter...

En d’autres lieux, d’autres circonstances, la question de sa Reine aurait pu arracher un sourire à Sissthylias. Que faisait-elle ici, en effet ? Elle n’en avait aucune idée, et se contentait donc de rester parfaitement immobile, le front plaqué au sol. Aurait-elle pu creuser un trou dans la roche dure du Puy qu’elle aurait agi telle l’autruche cherchant à fuir le danger. Malheureusement pour elle, cela était impossible, aussi ne pouvait-elle qu’attendre que celle qui l’avait amenée devant la drow la plus puissante du Puy explique la raison de son geste. Elle sentit alors qu’on lui passait une main sous le menton et qu’on tentait de la relever. Elle se laissa aller à cette poigne autoritaire, se redressant autant qu’on lui demandait. Le symbole trônant sur son collier sembla attiser la curiosité de la Souveraine. Devait-elle s’en réjouir ?

Les pleurs d’un bébé ne lui laissèrent pas le temps de répondre à cette interrogation, attirant son attention et par la même occasion celle d’Aetherya. Elle n’en évita pas moins de porter directement son regard sur la sombre ou sur sa progéniture, tout simplement parce qu’elle n’en avait pas le droit. Elle ne tenta pas non plus de se dégager, véritable marionnette entre les mains de la suivante de la Reine, qui pouvait en faire exactement ce qu’elle voulait. Finalement, elle l’entendit répondre à la question posée quelques instants plus tôt. Ainsi, son seul tord avait été de pénétrer dans le « Territoire » de la Reine. Elle ne put s’empêcher de maudire ceux qui avaient eu l’étrange idée de placer les Artisans au même niveau que les Sorciers.

Aetherya donna un ordre et Sissthylias sentit qu’on la lâchait. Sans hésiter, elle se laissa de nouveau tomber au sol, le collier teintant doucement, son clair et agréable à son oreille. Retenant avec peine les tremblements légèrement apeurés qui secouaient son échine, elle en était réduite à attendre en retenant pratiquement son souffle qu’on daigne l’aider à comprendre ce qu’elle faisait ici. Afin d’apaiser son esprit, elle tenta de calmer sa respiration, chose de plus en plus difficile à mesure que les secondes s’écoulaient et que le silence perdurait. Les pleurs s’étaient tus, tout comme les voix. Seule résonnait aux oreilles de la jeune esclave le son assourdissant, impérieux et imprévisible de son propre souffle. Et puis finalement, on eut pitié d’elle et une question lui fut posée.

« Sissthylias Saeth’lyss, trelao Valsharess. »
Sissthylias Saeth’lyss, divine Reine.

Elle avait répondu sans une hésitation, sans une once de réflexion, seulement désireuse de satisfaire la curiosité de la Prime Sorcière. Attiser la curiosité d’un Puissant n’était jamais une chose à faire, mais il semblait que c’était quelque chose d’inévitable. Sissthylias n’avait qu’une envie, c’était la satisfaire le plus rapidement possible, et s’enfuir de ce lieu hostile. Mais apparemment, répondre aux questions ne semblaient qu’en faire naître de nouvelles. Malheureusement pour l’esclave, c’était les pires possibles. Elle ne put retenir un gémissement terrorisé.

« Usstan tlun taudl, jhal l'daewle d'ussta Jabbuk wund'akh ulu ukta lu'er'griff ulu ukta. Usstan eit'jae dosst brou lu'ann dos naut ulu joros uns'aa ulu chi'ukta... »
Je suis désolée, mais les ordres de mon Maître lui appartiennent, à lui et seulement à lui. J'implore votre pitié et vous supplie de ne pas me demander de le trahir...

Et, comme Aetherya ne devait pas avoir manqué de le remarquer, Sissthylias avait fait tout sauf répondre à sa question. A peine avait-elle laissé échapper qu’elle ne se trouvait bien dans le Quartier des Sorciers par hasard. Elle en avait bien conscience et sentait la peur peu à peu altérer ses réflexions. Car elle savait qui elle était et qu’elle était sa place, celle d’une esclave sans plus de valeur qu’une main d’œuvre corvéable à souhait et remplaçable si le besoin s’en faisait sentir.

Aetherya nota le nom de l'esclave dans un coin de sa tête avant de revenir à la réponse suivante qui lui fut donnée. Ainsi elle refusait de lui dire ce qu'elle faisait là. Était-ce donc secret ? Elle détestait les secrets ! Se dirigeant d'un pas rapide vers l'esclave, elle lui prit le menton entre les mains pour la forcer à se relever et chercha son regard pour y ancrer ses iris qui viraient au rouge. D'une voix plus impérieuse, elle lança à Sissthylias :

"Dos ph' loyal ulu Brylyan, nindel's natha bwael klez. Drill usstan phlith tluin plynnet whol natha wael."
"Tu es fidèle à Brylyan, c'est bien. Mais je déteste être prise pour une imbécile."

Sa poigne autour du menton de l'esclave se resserra. Elle lui faisait très certainement mal, maintenant. Son regard inquisiteur ne quittait pas celui de Siss, qui n'avait pourtant pas le droit de regarder un dirigeant dans les yeux. Elle eut un regard mauvais avant de poursuivre.

"Xun dos inbal folbol ulu veldri ulu uns'aa ? Tesso uns'aa rilbol lu' dorn tlu yugho. Xuat lu' dos orn tlu punished."
"Tu as quelque chose à me cacher ? Dis moi tout et je ferai preuve de clémence. Si tu ne le fais pas, tu seras punie."

Elle désigna du menton le symbole de Brylyan sur le collier de l'esclave.

"Xuat satiir protected a nindol symbol, ol's naubol whol uns'aa."
"Ne te sens pas protégée par ce symbole, il n'est rien pour moi."

Oui, Aetherya avait une très haute estime d'elle-même. Trop haute sans doute. Mais depuis qu'elle avait eu son enfant, elle se sentait plus Reine que Membre du Triumvirat. Et puis de toute façon, Tebryn lui avait laissé le trône à sa mort, et un jour il reviendrait à leur héritier, Triumvirat ou pas.
C'était pour cette raison que la sorcière était gorgée d'orgueil, péché qui était son pire défaut. Elle se sentait prête à bafouer l'autorité de Brylyan sous prétexte qu'elle était dirigeante. Mais si elle avait oublié qu'elle n'avait de Reine que le titre officiel, la jeune esclave ne devait pas le savoir non plus...

Peut-on imaginer situation plus délicate pour une esclave ? La douleur qui naissait dans son menton et se déplaçait le long de sa mâchoire, impérieuse et redoutable, n’était pas le pire. Elle avait connu bien pire, et si elle ne put retenir un gémissement surpris sur les premiers instants, elle n’émit aucune protestation et ne fit rien pour s’arracher à l’emprise de la Reine des Sombres. Non, le pire restait le regard inquisiteur et haineux d’Aetherya. Son cœur battant la chamade, sa respiration saccadée, elle tentait avec l’énergie du désespoir de fuir ces deux iris qui ne la lâchaient pas. Elle observait tout, ses bras, ses épaules, ses cheveux, le mur derrière elle… A chaque fois que, paniquée, elle laissait son regard changer de direction, elle s’attendait à croiser les deux larmes de sang qui dominaient le visage presque haineux de sa souveraine.

« Brou... Brou... Usstan ann dos... »
Pitié… Pitié… Je vous en supplie…

Elle n’avait qu’une envie, hurler de terreur, se débattre jusqu'à retrouver sa liberté de mouvement et courir, courir jusqu’à retrouver la demeure familière et rassurante de son Maître. Qu’importe ce qui arriverait ensuite, il serait là, et elle n’aurait plus à choisir. Peut-être répondrait-il à la Reine, peut-être pas. Sissthylias elle ne le pouvait pas, et cette simple vérité mettait, semble-t-il, sa vie en danger. Peut-être la livrerait-elle à la Reine, la laissant décider de sa punition. Si c’était le cas, elle se soumettrait à sa décision sans hésiter. Mais là, dans la position inconfortable qui était la sienne, elle était paralysée. Elle n’avait aucune marge de manœuvre, devant jouer en permanence entre la fidélité inconditionnelle qu’elle devait au Karliik Glenn et le respect naturel qui était dévolu à une membre du Conseil des Trois, le très redouté Triumvirat.

« Brou... Usstan tlun naubol, Usstan zhaun naubol... Usstan tlun er'griff natha jahk rothe vel'uss morfethe whol vel'bol udos joros ilta... »
Pitié… Je ne suis rien, je ne sais rien... Je ne suis qu'une simple esclave qui fait ce qu'on lui demande...

Elle tremblait désormais, et ne faisait plus rien pour empêcher son corps de trahir sa peur. A quoi bon, puisque sa voix brisée le faisait tout autant. On lui demandait l’impossible, sans le savoir peut-être mais cela ne changeait pas grand-chose, au final. Rester fidèle à son Maître sans attirer la honte sur son nom en insultant la Prime Sorcière, voilà qu’elle était désormais la tâche à laquelle elle devait se soustraire. Et elle ne voyait qu’une solution pour s’en sortir. Tâchant de se calmer, fuyant toujours le regard d’Aetherya, sa mâchoire lui faisant de plus en plus mal, elle tentait de trouver une autre solution, mais rien ne vint.

« Morfeth nindel dos ssinssrin d'uns'aa, ussta Valsharess, lu'nindel l'kaas d'ussta Jabbuk zhah wun dro. »
Faites ce que vous voulez de moi, ma Reine, et que le nom de mon Maître soit épargné.

Oui… Qu’il en aille ainsi. C’était de toute façon la seule voie qui lui restait. Subir ce qu’on lui avait promis, sans broncher. Elle avait peur, qui n’aurait pas eu peur à sa place ? Elle savait que de terribles souffrances l’attendaient, elle savait aussi qu’elle ne survivrait peut-être pas. Tout cela était clair dans son esprit. Mais agir différemment, c’était aller contre un siècle d’enseignements et d’endoctrinement, c’était renié ce qu’elle était : une esclave, soumise et dévouée corps et âme. Elle avait cru, l’espace des quelques semaines qui avait suivies sa vente, qu’elle avait trouvé le Maître parfait, assez puissant pour la protéger de la violence de ses semblables. Il semblait que la Reine, elle, ne se souciait pas de la possible ire de Brylyan Naerth… Ainsi, le collier venait d’atteindre ses limites.

Elle ne regrettait qu’une chose : sa lyre. Qu’il aurait été plaisant, en cet instant, de laisser la musique s’emparer de sa peur, de sa douleur et de sa colère. Car on avait insulté devant elle ce nom qu’elle chérissait tant. Nul doute que la mélodie qui serait née d’émotions aussi conflictuelles aurait été tumultueuse, vibrante et puissante. Un chef d’œuvre que personne n’entendra jamais. Remuant les lèvres, elle murmura une prière, sa prière, pour se donner du courage. Aetherya était proche d’elle, bien trop, mais il n’était même pas sure qu’elle ait saisit chaque mot, le souffle manquant parfois à l’esclave.

« Usstan orn'la naut skrel l'suldaim dos... Jabbuk... Neitar... »
Je ne vous ferais pas honte… Maître… Jamais…

La peur de l'esclave, son regard angoissé qui fuyait celui de la Prime Sorcière, et ses prières incessantes eurent tôt fait d'agacer profondément Aetherya. Elle lâcha le menton de Sisstylias et la gifla brusquement, ses ongles acérés lui laissant quatre balafres ensanglantées sur la joue. Dans son berceau, le Prince s'était réveillé et riait de cette situation. Ses gazouillis ne retinrent pas l'attention de la Reine, qui à présent voyait rouge.

"Mal'ai !"
"Idiote !"

Elle tenta de se contenir, mais sa fureur grandissante faisait trembler sa main droite, comme si elle s'apprêtait à frapper de nouveau. Pourtant, aucun nouveau coup ne fut porté. Elle respira un grand coup et cessa de trembler.

"Ph' dos waele z'lonzic talinth nindel dosst venorsh orn'la naut tlu sarn'elgg ?"
"Es-tu assez sotte pour penser que ton silence resterait impuni ?"

Elle se dirigea vers un secrétaire un peu plus loin, laissant là l'esclave tremblante, et s'empara d'un petit couteau qui servait habituellement à ouvrir le courrier, puis revint vers la pauvre Drow, menaçante.

"Iz dos nauxahuu ulu telanth ulu uns'aa, dos wo naut telanth ulu jaluss dal nin."
"Puisque tu refuses de me parler, tu ne parleras plus jamais à personne à partir de maintenant."

Elle s'avança vers l'esclave, le couteau dans sa main droite, et tendit l'autre main pour lui saisir de nouveau le menton.

"Doer pholor, pahntar dosst norrs... Ol orn tlu zolarix, drill fridj natha lotha leza..."
"Allez, ouvre la bouche. Ce sera douloureux, mais juste un moment..."

[HJ : Aeth s'apprête à couper la langue de Siss, à toi de voir si tu préfères parler ou si tu m'autorises à lui couper la langue, te rendant ainsi muette. Si tu m'y autorises, j'accepte les répercutions de mon geste, bien entendu... XD]

Ce qui suivit son vœu de silence ne la surprit guère. C’était prévisible, incroyablement prévisible… douloureusement prévisible. Les ongles quittèrent son menton, et elle n’eut même pas besoin de lever le regard vers eux pour comprendre ce qui allait suivre. Pour autant, elle ne se déroba pas, et si elle se laissa tomber au sol quand quatre sillons sanglants se dessinèrent sur sa joue, elle ne fit pas un geste pour éviter qu’ils n’apparaissent. Se réceptionnant sur ses coudes, elle refoula les larmes qui venaient troubler son regard, et se redressa lentement, tremblante mais déterminée.

« Usstan ja'hai l'umbrenen d'ussta onhir, ussta Valsharess... Morfeth vel'bol dos ssinssrin d'uns'aa, Usstan zhal naut telanth. »
J’accepte les conséquences de ma fidélité, ma Reine… Faites de moi ce que vous voulez, je ne parlerai pas.

La voix faible ne manquait pour autant pas d’assurance, sans toute fois être provocante. Elle s’abandonnait totalement à son sort, sans regret, car tel était le meilleur moyen d’honorer son Maître. En vérité, son entêtement pouvait paraître stupide, quand on connaissait la véritable nature de la tâche qu’on lui avait confiée. Elle allait souffrir l’ire d’Aetherya pour une broutille, un secret qui n’en était pas un. Mais elle n’avait pas le choix, il ne lui appartenait pas de divulguer les paroles de Brylyan Naerth. Si elle parlait maintenant, comment pourrait-il lui faire confiance ensuite ? Finalement, aucun coup ne vint succéder au premier. La Prime Sorcière sembla se calmer, au prix d’un effort de volonté que beaucoup qualifierait surement plus tard de titanesque. Au loin, les oreilles de Sissthylias perçurent le rire clair mais déjà ô combien moqueur du petit prince. Il avait raison de se moquer, la situation était pitoyable. Tout ça pour une simple course, sans importance aucune sinon pour l’esclave elle-même, au vu des conséquences désastreuses qui semblaient en découler.

Etait-elle assez sotte pour imaginer s’en sortir indemne ? Non, bien sur que non. Chaque muscle de son corps, chaque fibre de ses muscles étaient tendus, attendant le prochain coup, la prochaine douleur. Vieille compagne, elle lui faisait moins peur que l’ire de son Maître. Elle n’espérait qu’une chose, pouvoir entendre transparaître la fierté dans sa voix, quand ses oreilles auraient de nouveau le privilège de l’entendre. La Reine des Sombres se détourna finalement d’elle mais elle ne s’autorisa aucun soulagement. Le regard toujours vide, fixant un point qui n’existait pas droit devant elle, elle attendait… et fut récompensée de sa patience quand Aetherya la fixa sur son sort.

« Naut mzild... Telanth... »
Ne plus… parler…

Malgré elle, elle chercha du regard ce qu’elle devinait déjà. Dans les mains de la souveraine trônait fièrement une dague dont l’utilisation ne faisait plus aucun doute aux yeux de Sissthylias. Elle voulait lui couper la langue, pour ne pas avoir parlé. Dire que c’était le châtiment qu’elle pensait recevoir des mains de Brylyan si elle s’égarait à parler. Le monde, parfois, pouvait être réellement injuste. Tout son être, désormais, ne lui commandait qu’une seule chose : fuir. Elle aurait pu, elle avait compris assez vite pour se lever et courir. Mais elle ne bougea pas, le sang continuant de couler librement le long de sa joue. Et si elle n’obéit pas à l’ordre qui lui était donné et n’ouvrit pas la bouche, elle n’en demeura pas moins immobile quand la main autoritaire retrouva sa place sur son menton. Son corps fut pris de tremblements incontrôlables et elle crut qu’elle allait s’effondrer. Mais elle tint bon, affrontant son châtiment aussi courageusement qu’elle le pouvait.

L’image de son Maître était la seule chose qui la faisait encore tenir debout, malgré tout.

[HJ : Désolée pour l'attente, trop de boulot u_u']

Etait-elle donc folle ? La Reine, dans son extrême générosité, lui avait offert une dernière chance de s'éviter une douleur atroce, mais cette sotte d'esclave avait préféré la punition. Et bien soit, il en serait donc ainsi. Ses doigts aux ongles effilés eurent tôt fait de retrouver le menton de la pauvre Sissthylias, et devant son refus d'obtempérer Aetherya n'eut d'autre choix que d'ouvrir de force la bouche de la Drow.

"Jihard doeb dosst ooble' !"
"Tire la langue !"

Il était normal que la jeune femme s'y refuse, aussi la sorcière prit-elle soin d'enfoncer ses ongles dans les joues déjà meutries de Siss, pour la faire hurler de douleur. Profitant de l'opportunité ainsi offerte, elle lui tailla un morceau de langue avec une précision effrayante avant de lacher le visage de l'esclave. Aetherya était en sueur, sous le coup des nerfs et de l'excitation dûe à la vue du sang qui maculait à présent le visage de Sissthylias. Dans son berceau, Ramoth riait à gorge déployée. L'odeur du sang le rendait fou, encore bébé il l'adorait déjà. Tels parents, tel enfant.

La sorcière tourna le dos à Siss pour nettoyer la lame de son couteau, l'essuyant sur un tissu qui recouvrait une table proche. Puis son attention revint sur l'esclave, qui souffrait à présent le martyr sans pouvoir l'exprimer. Bien sûr, elle pouvait toujours émettre des sons, mais articuler lui serait désormais impossible.
Après avoir reposé le couteau à sa place première, la reine revint vers l'esclave.

"Usstan kestal ol orn tlu natha lesson ulu dos. Xuat hasstn uns'aa 'sohna."
"Que ça te serve de leçon. Ne me mets plus jamais en colère."

Elle se désintéressa ensuite de Sissthylias quelques minutes pour retourner vers le secrétaire et y prendre de quoi écrire une rapide missive au maître de la Drow. Puis elle revint vers l'esclave, récupéra le morceau de langue sanguinolent qui traînait devant elle et se dirigea vers son bureau. Prenant un encrier, elle pressa le bout de langue au-dessus pour y déverser le sang de l'esclave, qui lui servirait à écrire à Brylyan. Elle souriait à présent.

Prenant une plume, elle la trempa dans le sang frais et écrivit sur un parchemin vierge :

Citation :

"Dosst rothe uriu tlus myar ulu uns'aa. Il kat ssinssrin ulu an'yuil ussta erg'lesen, ji usstan sarn'elgg ilta. Zao alur dosst rothen dal nin, usstan xuat saph szeoussen."
"Ton esclave a été désagréable avec moi. Elle a refusé de répondre à mes questions, je l'ai donc punie. Dresse mieux tes esclaves dorénavant, je déteste les secrets."

Citation :

Elle apposa au bas du parchemin sa signature, de son écriture élégante malgré la dureté du langage Drow, et cacheta la missive avant d'aller la donner à Sissthylias.

"Belbau ol ulu dosst jabbuk. Usstan xuat treemma thalack rath."
"Donne la à ton maître. Je ne crains pas les représailles."

Ensuite, elle frappa dans ses mains, appelant par la même sa fidèle Alrunee. Lorsque celle-ci arriva, Aetherya lui désigna l'esclave pleine de sang d'un geste négligeant.

"Sila ilta ulu Brylyan. Xuat bath ilta, il uriu ulu zexen'uma saph nindel. Udos xuat joke xuil szeoussen."
"Accompagne-la chez Brylyan. Ne la nettoie pas, elle doit rester ainsi. On ne plaisante pas avec les secrets."

Un hochement de tête, aucun mot échangé. Alrunee attrappa l'esclave par le bras, sans la moindre douceur, et la sortit de la pièce avec brutalité pour la reconduire devant la porte de Brylyan, où elle la laissa au sol, couverte de sang et désormais muette.

[HJ : Fini pour moi. Ca serait sympa que tu répondes avant qu'on clôture le topic pour de bon, histoire de voir les réactions de Siss à tout ça. Brybry va me tuer !!! XD]

[RP Terminé. Ce fut un plaisir de rp avec toi. ^^]