>. La balade des fleurs écloses [ Merwyn ]

Neïla regardait les nuages, attentive à leurs mouvements. Le pâle soleil de printemps était si faible qu'on se serait à cru à la tombée du jour. A une telle époque de l'année, le temps changeait à une allure folle. Soleil et pluie se succédaient, chacun redoublant d'intensité à chaque fois. La jeune musicienne laissa errer ses pensées quelque part dans les champs vert qui s'étendaient sous ses yeux d'émeraude. Le printemps était rude, et Soltariel lui manquait. Une lettre récente de sa mère lui était parvenue, la priant de passer par le domaine dans les mois à venir. Neïla savait qu'ils seraient tous heureux de sa visite et, par ailleurs, elle éprouvait le besoin de passer un peu de temps sur sa terre natale. Malgré ce désir insistant, la jeune musicienne savait qu'on envoyait souvent des hommes au domaine familiale en espérant que l'un d'eux séduirait les De la Semone et obtiendrait la main de leur héritière, soi Neïla. Cette dernière fuyait le mariage arrangé comme la peste, et n'appréciait guère l'idée de rencontrer ses soupirants. Mais aussi réticente soit-elle, la jeune femme avait encore assez de lucidité pour savoir que ce destin tout tracé la rattrapait chaque jour un peu plus, et qu'il allait falloir réagir très prochainement.

Elle soupira et ferma les yeux. C'est ce moment-là que choisit un homme portant les couleurs de Serramire pour s'approcher.

" Dame Neïla ? "

L'intéressée, surprise, acquiesça.



Une dizaine de minutes plus tard, Neïla détaillait la cour du somptueux palais de Serramire. Que lui voulait-on donc ? Il y avait longtemps qu'elle n'avait pas pénétré dans un château aussi haut et aussi impressionnant que celui-ci, et même si il appartenait à la jeune musicienne de se tenir, elle ne put s'empêcher de détailler le lieu avec minutie. Du moins elle aurait aimé le faire, mais son petit messager ne lui en laissa pas le loisir, et elle dû le suivre jusque dans un hall lumineux, où il la pria de s'asseoir et de patienter. Elle s'exécuta en silence. La pièce où Neïla se trouvait était de généreuse dimension, et on y trouvait peu de meubles. Des chaises sagement alignées, une secrétaire en bois lustré, et une haute armoire close. Rien de plus. Chaque son se répercutait donc dans tout le hall : les pas pressés des gardes au seuil de la porte prenaient vite de proportion démesurées et mettaient un bon moment avant de ne plus être. Neïla, contrairement à eux, était aussi silencieuse que la nuit, car ses pieds étaient nus. Il était absolument impoli de se présenter sans chaussure, mais la jeune harpiste n'en avait pas. Dès lors que la neige fondait, cela lui semblait inutile. Elle avait toutefois conscience de n'être pas très présentable, et espérant que sa longue robe rehaussée de fils d'or dissimulerait ce petit ... détail.

Quoiqu'il en soit, Neïla ignorait la raison de sa présence ici. Surement était-ce un diplomate quelconque qui souhaitait lui transmettre une importante missive destinée aux De la Semone. La jeune femme serait alors chargée d'endosser la pénible rôle de messagère, ce qui présentait au moins l'avantage de la ramener à Soltariel, où ses parents et sa soeur l'attendaient. Elle espérait néanmoins de pas attendre trop longtemps ici, dans ce large hall. Il y avait, dehors, des rues pleines de passants profitant des premiers rayons. C'était le moment idéal pour aller jouer. On avait beau dire, mais Neïla, trop fière pour dépendre de quelqu'un sur le plan financier, se faisait un honneur de gagner sa vie seule, ce qui, mine de rien, n'était pas toujours tâche facile.

Ce fut finalement bien après que son petit messager aux cheveux grisonnants vint annoncer d'une voix des plus cérémonieuse :

" Merwyn va vous recevoir. Si vous voulez bien me suivre ... "

Sur ce, il disparut dans un long couloir aux murs recouverts de tableaux. Neïla lui emboîta le pas, abasourdie. Merwyn !?