Fiche de l'Abysse Yclette [Capitaine de la Walkyrie & navigatrice]

Avez-vous déjà contemplé la lumière matinale du soleil se refléter dans les brumes de la mer nordique ? Avez-vous déjà senti le vent froid du nord caresser votre peau au réveil ?
Si vous n’avez jamais connu cela, alors vous ne pourrez jamais prétendre avoir vécu pleinement. On raconte que les terres du Nord furent le berceau des divinités. On raconte qu’elles naquirent en ce lieu et c’est de la mer glaciale qu’elles ont fait surgir les différentes races qui peuplent ce monde. Du moins, c'est ce que contaient les anciens de mon village. Ils contaient aussi que les peuples du Nord étaient les plus nobles et les plus puissants de cette terre.
Moi aussi, je suis née en ces terres froides et emplie de mystères.

Je suis donc née dans les terres du Nord dans la cité marchande la plus grande des terres d'Arétria. J’étais la cadette d’une petite fratrie composée de deux frères ainés, ils étaient jumeaux. Je n’ai jamais connu ma mère, elle est décédée peu après m’avoir donné naissance. J’ai longtemps cru qu’elle avait disparu par ma faute et pendant longtemps je m’en suis voulu de mon existence. J’ai voulu lui donner un sens afin d’honorer la triste destinée de ma mère. Mon père, lui, a été complètement atterré lorsque ma mère décéda. Il mit un certain temps à reprendre ses esprits et à s’occuper de notre famille désormais boiteuse. Il était forgeron, fils de forgeron dont le père était lui-même forgeron. Mes frères, eux aussi, étaient destinés à devenir forgeron. Quant à moi, on ne savait que faire de mon existence. Généralement, c’était au rôle de la mère, dans notre famille, de s’occuper d’une fille et de lui donner une destinée et une éducation. Malgré tout, mon père ne pouvait se résoudre à m’abandonner à mon sort et m’a élevé comme mes frères avec tout l’amour d’un père, comme un garçon.

C’est ainsi que le temps passa et que j’évoluais parmi cet univers composé d’hommes et de "mâles". Comme un garçon, je me traînais dans des endroits peu fréquentables et je me battais avec les autres enfants, qu’ils aient mon âge, ma force ou non. J’étais l’ombre de mes frères. Je les admirais et me jurais de devenir comme eux, un jour. Aux côtés de Boris et Thor ainsi que de mon père, j’appris l’art de forger une bonne épée ou un fer à cheval. J’appris aussi à me battre à l’épée sous le regard désapprobateur mais fier de mon père. Je manquais, certes, de force mais je me trouvais être une bonne bretteuse et une redoutable fine-lame pour mon âge. Je comblais ma faiblesse dotée par mon sexe par une agilité et une vitesse fort surprenante. Mon père était fier de moi malgré l’idée reçue qu’une jeune fille n’était pas faite pour se battre. Lorsqu’ils recevaient des remontrances à propos de mon éducation manquée, il se laissait emporter dans une colère à peine refoulée et me défendait avec vigueur. Il ne supportait pas vraiment l’idée de savoir qu’il n’avait pu donner une éducation correcte et normale à sa fille. C’était devenu un sujet tabou pour ses proches.

Moi, je m’en fichais. J’aimais me battre, flanquer une bonne correction aux garçons qui se moquaient de moi et montrer à mes frères qu’ils pouvaient être dignes de leur petite sœur. J’étais fière de qui j’étais et pour rien au monde je n’enviais les petites filles bien dressée dans leur robe de mousseline et de soie. Je ne voulais rien de cela. Moi je voulais vivre comme bon me semblait et prouver que j’avais une place en ce monde et une destinée bien tracée. Je ne voulais pas ressembler aux autres. Je souhaitais me démarquer et montrer que la mort de ma mère n’avait point été vaine. Je ne voulais pas que l’on me reproche son décès, et surtout, je voulais qu’elle soit fière de moi.

Hélas, il arrive un âge où toute illusion ternie et voit sa fin s’annoncer. J’avais quatorze ans et aucun prétendant pour m’épouser. C’était une honte pour une jeune fille comme moi. Je sentais les regards lourds de reproches des vieilles du village. Au départ, je les ignorais et continuais de vivre comme un garçon manqué. Cependant, la réalité vous rattrape toujours. Mes frères étaient devenus forgeron et s’était marié tout deux. Ils n’avaient pas de temps à m’accorder. J’étais seule et les autres garçons ne mon âge ne voulait plus me traiter comme leur égal. Mon père, lui aussi, commençait à goûter amèrement le fruit de son éducation. Il s’en voulait terriblement et n’osait plus me regarder en face. De mon côté, je ne supportais pas les changements qui s’opéraient en moi. Je commençais à détester ce que je devenais. Je ne voulais pas devenir une jeune femme, je ne voulais pas me marier et fonder sagement un foyer. Moi je voulais de l’aventure et des combats. J’étais persuadée qu’une autre destinée m’attendait.

A l’aube de mes quinze ans, le marquis de notre Comté vint rendre visite à mon père, dans sa forge. Son excellent travail avait su courir jusqu’aux oreilles d’un des nobles les plus influents de notre ville. Il demanda à mon père, de forger une épée unique, une épée capable de tuer les dragons.
J’ignore dans quel but ce noble a imposé cette tâche à mon père. Toujours étant, que ce dernier a été complètement consterné de recevoir une telle tâche à accomplir. Il n’avait jamais vu de dragons de sa vie. Comment était-il possible de créer une épée capable d’occire une créature légendaire aussi terrifiante et puissante. Lui qui n’était qu’un simple humain ne pouvait comprendre comment forger une telle lame. Hélas, il y était obligé.

Mes frères et moi, nous voulûmes aider notre père dans le dur labeur qui l’attendait. Hélas, il refusa mon aide en fuyant à nouveau mon regard. Je savais pertinemment ce que cela voulait signifier. Je n’avais pas ma place dans cette forge. Il n’était pas mon devoir d’aider mon père dans cette tâche. Moi, je devais devenir une femme et sans son aide.
Ce fut très dur d’accepter cela pour moi. Pendant longtemps, je ne compris par le regard qu’il m’avait jeté ce jour là. Je ne comprenais pas pourquoi on me mettait à l’écart de la sorte, n’avais-je pas fait mes preuves ? N’étais-je pas aussi bonne forgeron que mes aînés ? Cette décision me paraissait bien trop injuste.
Mon père et mes frères mirent plus de deux mois à forger l’épée pour le marquis. A chaque fois que je mettais un pied dans la forge, j’apercevais le sol jonché de débris de lame. J’ignore combien ils en ont forgés pour arriver à forger l’épée, l’unique, la Pourfendeuse de Dragons. Au prix de nombreux sacrifices et d’heures interminables de travail, ils parvinrent à forger une épée digne de rivaliser avec la force des dragons. Mon père ne voulut me révéler la lame qu’il avait mis autant de temps à forger. A chaque fois que je lui posais la question et que j’insistais, je voyais luire dans son regard une étincelle de tristesse et de mélancolie. Alors j’arrêtais de me montrer insistante et je m’en allais, déçue.

Lorsque le marquis vint visiter à nouveau la forge lorsqu’il eut vent que le travail avait été terminé, mon père lui dévoila l’arme qu’il avait forgé. Il s’agissait d’une lame à double tranchant aux proportions inhumaines. Elle avoisinait le mètre soixante dix de longueur et était large de plus de trente centimètre. C’était une lame titanesque. En découvrant la Pourfendeuse, le marquis fut pris d’une irritation soudaine. Une telle arme ne pouvait être maniée par un seul homme. Il prétendit alors que mon père s’était joué de lui. Il le condamna alors au pénitencier pour s’être moqué d’un noble. Mes frères voulurent alors défendre mon père qui avait sacrifié tant de temps et d’acharnement à la fabrication de cette lame. Ils furent sauvagement assassinés par les hommes du marquis. Mon père, quant à lui, eu les mains clouée à son enclume tandis que les soldats mirent feu à la forge en prenant soin auparavant de subtiliser la Pourfendeuse de Dragons qui avait signé sa perte.
Quant à moi, je n’étais pas là lorsque le meurtre de ma famille fut commis. Je me trouvais chez la vieille du village, sous les recommandations de mon père, afin d’y recevoir une éducation de jeune femme. Je n’aimais pas cette vieille et ces manies de bonne femme. Je n’aimais pas ce qu’elle voulait m’apprendre. Tout cela me paraissait si superficiel et inutile. Je n’avais pas la langue pendue à cette époque et j’eu tôt fait de lui faire partager mes idées. C’est ainsi que je quittai précipitamment la demeure de la vieille pour aller voir mon père et lui faire partager mes idées sur la question.

Lorsque je fus à une centaine de mètre de la forge, j'aperçus un panache de fumée qui semblait s’en dégager. Évidemment, tout cela me paraissait bien anormal. Alertée, je me précipitais vers la forge qui se faisait dévorée par les flammes. Depuis ce jour, je déteste le feu et tout ce qui peut s’y apparenter. Une fois parvenue à hauteur de la forge et de notre petite demeure, je vis un attroupement de vilains autour de celle-ci. Ils tentaient tant bien que mal d’endiguer le feu qui se propageait, en vain. Un homme m’appris alors que le marquis était venu et qu’il avait mis le feu à la forge. Dans un élan de désespoir, je me précipitai à l’intérieur. J’aperçus à l’entrée, les corps à moitié consumé de mes frères. Un élan de profonde rage et tristesse m’emplit alors. Hélas, je n’avais guère le temps de les pleurer. En moins d’une minute, j’aperçus mon père près de l’enclume. Il était encore vivant mais semblait bien mal en point. Je me souviens encore de ses paroles lorsqu’il me reconnu. Je me souviens de l’amour qui brûlait dans ses yeux malgré son état de faiblesse. Je n’oublierai jamais son regard et ses propos. Ce jour là, avant de mourir, mon père me confia une lame qui avait appartenu à la famille de génération en génération. Il m’en avait souvent parlé. Son grand père aimait à lui racontait qu’elle avait été offerte à la famille par des forgerons nains. La lame s’appelait Dejarin, comme notre ancêtre qui avait été disciple des forges naines. Il s’agissait d’une belle rapière. Jamais les hommes de ma famille n’en avaient eu besoin et mon père, au crépuscule de sa vie, me la confia.
Avant de quitter définitivement la forge qui tombait en lambeaux, j’eu le temps de récupérer un rouleau qui contenait les plans de la Pourfendeuse ainsi que quelques pièces d’armures que j’avais forgé avec mon père.

Ce soir là, je suis restée immobile, plantée devant la forge et je la regardais se consumer. Je voyais les flammes lécher ses pourtours et détruire tout ce qui représentait ma vie jusque là. Je voyais la fumée monter et s’élever depuis la forge avant de se disperser dans les yeux. J’imaginais alors qu’il s’agissait de l’âme de mon père et des mes frères. Ils rejoignaient le royaume céleste. Comme j’aurai aimé faire de même, ce soir là. Hélas, ma destinée n’était pas la leur. J’avais perdu ma famille, tous mes biens et tout ce qui me rattachait à cette vie, mais ce jour là, j’acquis la plus grande des forces : celle d’affronter ma destinée et de trouver le courage de venger ma famille.
Un jour, je retrouverai ce marquis et je lui reprendrais ce qu’il m’avait ôté.

La Vendetta était en route.

Ainsi donc, par cette fatale et tragique nuit, je perdis ma famille et mon ancienne vie. J’étais condamnée à errer, dépossédée de tous mes biens. Heureusement pour moi, mon père était un homme bon et généreux et il pouvait compter sur ses amis. C’est l’un d’eux qui me recueilli chez lui. Il s’appelait Ulrik. Il vint me chercher par une matinée où j'errais désespérément dans les rues de ma ville natale. Je n'avais plus d'attache à mon existence. Ce fut Ulrik qui parvint à m'en trouver une nouvelle. Il me proposa de le suivre et d'habiter avec lui. Il accepta de m'adopter et de me considérer comme son enfant pour le simple salut et souvenir de mon père, son ancien ami. Ulrik m'offrit une autre vie, un nouvel espoir. Il habitait des terres plus au nord, à la limite du territoires des farouches nains. Il était descendu en Arétria à l'annonce de la mort de son ami et avait appris qu'il avait laissé derrière lui une orpheline. Il me recueillit chez lui et m'accepta comme sa propre fille. Ulrik était un homme dont le visage trahissait la douleur et la dureté que la vie lui avait réservé. Il était un ancien marin. Tout le monde racontait qu’il était même un ancien capitaine pirate. Il était arrivé sur l’île des Terres de Glace il y a une quinzaine d’année et s’y était installé en montant son commerce de pêche. Ulrik possédait d’ailleurs deux navires de pêche.

Ulrik était un vieil homme marqué par la dureté et n’était guère d’un tempérament facile. Heureusement, j’avais été élevée dans un environnement légèrement hostile et il ne fut donc pas dur pour moi de m’adapter à ma nouvelle vie. Bien que le vieux marin ne paraissait guère sympathique et avenant au premier abord, c’était un homme généreux et empli de sagesse. Il m’apprit l’art et la manière de comprendre le vent et les caprices de la mer. A ses côtés, j’appris aussi à naviguer et entretenir un bateau. Le soir il me racontait des histoires de créatures marines, de tempêtes et de pirates. Ulrik était un homme sage et bon, à ses côtés, j’appris tout ce qu’il y avait à savoir pour naviguer sur les océans qui recouvraient cette terre.
Ce fut lui qui attisa mon désir d’aventure et d’exploration. C’est grâce à cet homme que je pris goût à la vie trépidante que promettait la mer. Je voulais partir à l’aventure et trancher les flots en explorant les terres nouvelles. C’est ainsi que naquit en moi l’amour pour la mer, l’aventure et que j’en vins à désirer quitter mes terres natales.

A chaque fois que je faisais part de ce rêve à Ulrik, il se mettait à rire et ignorait mes arguments. Il me répétait alors inlassablement qu’il existait un temps pour chaque chose et qu’en premier lieu, je devais apprendre. Pour ma part, je me sentais prête à affronter les caprices de la mer.
Ainsi passèrent encore cinq années aux côtés du vieux marin. Hélas, la maladie commençait à le ronger et il se faisait de plus en plus faible. Il vint alors le moment où il ne pouvait plus prendre la mer et aller pêcher. Tout ce que je pus lire lorsqu’il réalisa cela c’était une profonde mélancolie dans son regard. Ulrik me confia alors qu’il avait pleinement vécu. Il avait vu tant de choses, combattu tant d’adversaires et vécu tant d’aventure. Il me confiait alors qu’il ne regrettait rien et que son plus grand souhait avait été de pouvoir trouver la paix et le repos ici, en ces terres du Nord. Avec un grand sérieux, il me révéla que la vraie liberté était celle de pouvoir accomplir ce que l’on souhaitait et de pouvoir choisir l’instant et le lieu de sa mort. Lorsqu’il me dit cela, une terrible peur m’envahit. Il semblait prêt à mourir et j’avais peur qu’il parte, qu’il m’abandonne et que je me retrouve seule à nouveau. A nouveau, avec son rire tonitruant malgré sa faiblesse, il se moqua de ma crainte. Non, il n’était pas encore l’heure pour lui de rejoindre les limbes. Il avait encore une dernière chose à m’apprendre.

La dernière chose qu’eu a m’apprendre le vieux marin fut une des choses les plus précieuses qui font les véritables capacités d’un navigateur. Il m’apprit à écouter les vents et à les faire plier sous ma volonté. Du moins, c’est ce qu’Ulrik avait souhaité m’enseigner. Le destin ne lui permis jamais de terminer son enseignement. Il décéda bien avant de finir de m’inculquer l’art d’influencer les vents. Je ne maîtrise donc qu’une partie de son savoir. A sa mort, Ulrik me fit don d’une partie de sa sagesse et de ses modiques biens. En vendant la demeure où nous avions vécu et un de ses bateaux de pêche, je pus lui payer les sépultures qu’il méritait. Pour le reste, il s’agissait d’une bonne petite somme, d’un bateau et d’instruments de navigation. Cela me suffisait largement pour débuter ma nouvelle vie de marin et navigateur.