[Coulisses] Les apparences sont souvent trompeuses [Astéride]

Ciaran avait quitté la Lice, un goût amer dans la bouche suite à cette victoire qui ne le satisfaisait pas tout à fait. De retour sous sa tente, il laissa le page vérifier que tout était en ordre et but un broc d'eau. Il faisait chaud sous le soleil de printemps et davantage encore dans une armure de 30 kilos. Et après un effort. Les prochains concurrents étaient entrés en lice, mais il n'y faisait déjà plus attention, perdu dans ses pensées. Il tenait l'étoffe d'Astéride entre ses doigts, un léger sourire aux lèvres. Quand le rabat de la tente s'ouvrit sur une silhouette féminine, il se leva tout sourire... avant de se figer, sous le choc.


Ce n'était pas une jolie blonde pétillante aux yeux verts qui se tenait maintenant devant lui, mais une jeune femme brune aux yeux gris. Très belle et distinguée dans sa robe ivoire. La bouche soudain sèche, il la regarda de haut en bas, se demandant s'il n'était pas en train d'halluciner.

- "Bonjour Ciaran."

Anaïs... C'était bien elle qui était là... Son premier amour, celle pour qui il avait tout risqué et tout perdu, sauf la vie. Il n'avait jamais violé le jardin de son intimité, mais leurs caresses et leurs baisers avaient été brûlants et passionnés. il se reprit pourtant et son visage se ferma en une attitude neutre et polie. Il n'avait que trop souffert pour elle.

- "Madame de Monjeau, que me vaut le plaisir?"

Le sourire d'Anaïs vacilla alors qu'il la reprenait durement, mettant une certaine distance entre eux. Piquée au vif, elle rectifié d'une voix froide :

- "C'est Madame de Bailly maintenant."

Il tressaillit. Elle était donc mariée. Il s'y était attendu, mais cela ne diminuait pas la violence du choc.

- "Et je suis venu rendre visite à un ami."

Elle s'avança vers Ciaran, qui fit un pas en arrière.

- "Félicitations pour votre mariage."

- "Merci. Gregoire est un homme doux et attentionné. J'aurais pu tomber plus mal..."

Son beau visage se tordit soudain de chagrin.

- "Tu m'as manqué... Chaque jour... Chaque heure..."

- "Anaïs, s'il te plait, tu as ta vie et j'ai la mienne maintenant."

Il l'avait appelé par son prénom. Il était perdu. La revoir remuait des choses en lui... Des souvenirs. De l'amour? Non, il n'était pas inconstant. Il aimait sincèrement Astéride et nulle femme ne saurait le détourner d'elle. Pas même Anaïs.

- "Ah oui... Il parait que tu t'es entichée de la soeur du roi. Tu ne voulais pas de moi à cause de mon rang et voilà que tu fricottes avec cette catin."

Lz visage de Ciaran se durcit et il attrapa vivement la jeune femme par le bra,s le regard soudain dur.

- "Tiens ta langue Anaïs, je t'interdis de parler d'elle ainsi en ma présence."

Elle se mordit la lèvre, consciente de la colère du chevalier et hocha la tête.

- "Je suis désolée. La jalousie me fait perdre la tête..."

Il la relâcha, mais elle se rapprocha, portant une main sur le visage du demi drow.

- "Reviens moi Ciaran..."

- "Tu es mariée."

- "Soyons amants..."

- "Non, je pensais que tu me connaissais mieux que ça."

Elle soupira et son regard s'embua.

- "J'aurais au moins essayé."

Elle saisit la nuque puissante de Ciaran entre ses mains et l'attira à elle en un baiser d'adieu.

Mais la vie jouait bien des tours et la scène qui se jouait là prêtait à confusion... Surtout quand une fiancée radieuse voyait son amant embrasser une autre...

-Dérangerais je ?

Susurra la dite fiancée tout a fait radieuse...de colère. Dire qu'elle était venue dans l'idée de féliciter le vainqueur et le trouvait en position délicate, très délicate au vu de la colère qui animait les prunelles d'eau de la jeune femme. Le regard d'Astéride engloba d'un seul coup la...petite...garce ? Pouffiasse ? Pétasse ? Catin ? Elle épingla sans peine l'anneau qui ornait son annulaire et son sourire se fit sournois.

-Il serait dommage que le nom de votre mari ne soit entaché par votre légèreté, ne pensez vous pas ?

Siffla-t-elle d'un ton presque badin alors qu'elle mourrait d'envie d'étaler sa main sur la joue de cette petite grue.

-Les rumeurs vont si vite de nos jours et nulle n'est mieux placée que moi pour en comprendre les rouages.

Oh que oui elle menaçait et nul doute qu'elle mettrait sa menace a exécution dans la minute...Enfin, dès qu'elle aurait trouvé le prénom de cette pimbêche.

-Maintenant, si pouviez avoir l'extrême courtoisie de dégager prestement avant que je ne perde définitivement mon sang froid, je vous en serait reconnaissante.

Elle se tenait droite et fière, son visage pouvait presque paraître avenant, mais c'était sans compter l'étincelle sauvage qui errait dans ses yeux, il valait mieux pour la petite dinde qu'elle parte avant qu'elle ne la tue sur place. Ensuite, elle dirait deux mots a son cher fiancé et que Néera lui soit témoin, il allait certainement le sentir passer.

Combien de fois avait-il rêvé de pouvoir de nouveau sentir ses lèvres contre les siennes, son corps épousant le sien? D'innombrables fois... Mais c'était avant. Avant Astéride. Alors quel petit diablotin s'était amusé à le laisser profiter de ce baiser, au lieu de le laisser la repousser? Il s'écarta, mais trop tard, beaucoup trop tard et une voix douloureusement familière résonna à ses oreilles, alors que ses yeux se posaient sur Astéride. Son expression se figea et son corps se tendit alors que ses yeux sombres se faisaient tourmentés. Trop tard...

Est-ce qu'elle dérangeait? Non, jamais... Mais sa langue semblait collée à son palais, les mots refusant de sortir.

Anaïs, en revanche, gardait tout son aplomb, alors même qu'Astéride la menaçait à demis mots.

- "Il semblerait justement que n'importe quelle rumeur lancée par vous ne jette le discrédit sur votre personne... Excusez-moi, mais je trouve risible que vous ayez le culot de me menacer."

Ciaran découvrait un trait de caractère qu'il ne connaissait pas à son ancienne maitresse. Elle gardait un sang froid assez incroyable, même prise en faute et son regard était hautain... A quel point avait-elle changé?

- "Mais naturellement ma Dame. J'en ai terminé avec le seigneur de Valis."

Anaïs jeta un regard à Ciaran, lourd de sous entendus et il se raidit.

- "A bientôt Ciaran, n'oublie pas mon offre."

Là dessus, elle sortit, non sans un sourire en coin à l'adresse d'Astéride, laissant les deux fiancés seuls... Laissant Ciaran s'expliquer avec sa maîtresse en colère. Las, il alla s'asseoir, ça allait être long...

- "Bon, et bien tu as rencontré Anaïs, la jeune femme dont je t'ai parlé il y a quelques mois..."

Il semblait tout couillon. Il se passa une main dans ses boucles humides.

- "Ce n'est pas ce que tu crois..."

La gifle le cueillit par surprise et il écarquilla les yeux de surprise devant cette soudaine montée de violence. Il porta lentement sa main à sa joue, cillé par cette gifle qu'il n'avait pas vu venir. Ébahi, il regarda Astéride qui était livide de rage. Il baissa la tête alors qu'elle se moquait de lui. Elle avait raison, il était bien en train de l'embrasser.

- "Tu veux bien m'écouter avant de juger?"

Il se leva, soudain en proie à l'agitation. Comment la convaincre vite, sans qu'elle ne cherche à s'enfuir ou ne le haïsse définitivement? Il n'allait quand même pas la perdre à cause de cet incident? De ce terrible malentendu? Mais il comprenait qu'elle s'énerve ainsi... Il aurait sans doute démoli la tronche du mec qu'il aurait surpris en train de l'embrasser.

- "Anaïs est venue me rejoindre il y a 5 minutes à peine, je te le jure. Je pensais que c'était toi... C'était toi que j'attendais mais elle m'a prise de cour... Ca faisait presque 4 ans que je l'avais pas vue..."

Il se passa de nouveau une main dans les cheveux, signe d'agitation chez lui. Agitation assez rare chez lui, mais la situation était délicate.

- "Elle est mariée. Et je suis à toi, totalement. Je venais de la repousser quand elle m'a embrassée. Il faut vraiment que tu me crois. Si j'éprouve encore quelque chose pour elle, c'est simplement de la nostalgie des moments passés ensemble. Rien à voir avec ce que j'éprouve pour toi... j'ai toujours été honnête avec toi! Tu ne peux pas le nier."

Un feu semblait couver dans son regard noir, se teintant de carmin alors que la rage se mêlait à la panique de la perdre. Il la connaissait suffisamment pour savoir qu'elle pouvait très bien le quitter, son jugement obscurci par son passé avec Veldrin. Son regard était sincère, il ne mentait pas.

- "Je n'aime que toi Astéride. Jamais je n'aurais accepté nos fiançailles et un futur mariage si ce n'était pas le cas. Tu me connais non?"

- "S'il te plait."

Oui, les actes parlaient d'eux même et étaient d'une accablante culpabilité. Comment allait-il se sortir de ce merdier? Bonne question, il n'en avait aucune idée. Être sincère semblait la meilleure solution, mais plus il s'expliquait, plus il avait l'impression de se couler tout seul. Désagréable impression, en vérité. Son visage se contracta de colère quand elle parla de son sang drow et se moquait de sa vue. Évidemment qu'il avait vu que ce n'était pas elle. Mais il avait été pris par surprise... Tout s'était enchainé un peu trop vite et l'émotion de retrouvailles qu'il avait tant de fois espérer lui avaient fait perdre toute logique et tout raisonnement.

C'est vrai, il ne l'avait pas repoussé... Il n'en avait pas eu la présence d'esprit. C'était pitoyable. Il n'avait aucune excuse... Difficile de faire avaler à Astéride qu'il s'était fait embrasser de force par une jeune femme toute menue... c'était pourtant un peu le cas.

- "Si, j'y accorde de l'importance... Si les rôles avaient été inversés, j'aurais écrasé mon poing sur la face de l'homme qui t'aurait embrassé. Mais je t'assure que j'ai été tellement saisi par ce retour dans mon présent que je n'ai pas su réagir intelligemment comme j'aurais du..."

Il s'approcha d'Astéride et leva une main vers sa joue, s'arrêtant à quelques centimètres de sa peau, soudain timide. Il avait peur qu'elle le rejette.

- "Je suis désolé. Sincèrement désolé. Je ne peux que te demander de me pardonner... Et juste t'assurer que je ne l'aime plus. Si j'en doutais encore avant, me demandant ce que je ressentirais en la revoyant, j'en suis maintenant certain : je n'aime que toi et personne d'autre."

Est-ce que sa sincérité et sa demande de pardon suffirait à effacer de la mémoire le souvenir cuisant du baiser de son fiancé avec une rivale? Il avait un doute, mais il ferait tout pour lui ôter cette vision et la rassurer quant à son amour.

-S'il te plait quoi ?! Tu veux que j'arrête ?

Et bien non ! Elle ne pouvait rien faire contre la vague de colère qui la submergeait, ne se rendant même pas compte de l'aveuglement qui en découlait. Il l'avait profondément blessée et elle ne voyait plus que l'abysse douloureux qui avait été le sien pendant de long mois, elle ne voulait plus revivre ça. Alors il se prit a creuser sa propre tombe en usant de mot qu'elle comprenait dans un autre sens. Ils pouvaient aller loin comme ça tiens ! Surtout qu'elle n'était pas du tout encline a l'écouter ou même a lui pardonner.

-Tu n'as clairement pas réfléchis avec ce que tu as dans le crâne !

Et elle ? Comment réagirait elle si Veldrin venait a réapparaitre soudainement ? Mais cela n'arriverait pas et elle le savait et quand bien même ! Elle avait tiré une croix sur son passé, elle n'y pensait même plus avec nostalgie. Par contre, elle crut s'étouffer de rage a l'entendre.

-Comment ça tu en doutais !? Ah parce que tu avais besoin de la revoir pour savoir ça ?!

Elle hurlait presque et seule la présence de tiers autour de la tente l'empêchait réellement de crier. Elle tint Incanus a l'écart, qui, alerté par sa soudaine colère accourait. Elle n'avait pas besoin en plus de ses commentaires ! Alors comme ça, malgré le mariage prévu, malgré ce qu'ils avaient vécu, il s'était toujours demandé si il aimait toujours cette...pouffiasse ?!

Bon, d'accord, elle prenait tout de travers et il n'allait arriver à rien comme ça. Finalement, il prit Astéride par les épaules, mettant son visage à hauteur du sien avant de parler, détachant soigneusement chaque syllabe :

- "Est-ce que tu vas cesser de tout interpréter de travers? Non, je ne m'interrogeais pas concernant notre amour, par les dieux!"

Il prit une ample inspiration, essayant de se calmer pour ne pas hurler sur Astéride, ce qui ne ferait qu'envenimer les choses entre eux. Comment se faire entendre? Comment la persuader qu'il n'aimait vraiment qu'elle?

- "Ce n'était qu'un exemple Astéride. Tu ne t'es jamais demandée comment tu réagirais si tu te retrouvais face à Veldrin? Et bien moi, si, des milliers de fois, mais je n'avais aucun doute concernant mes sentiments pour toi! Je n'ai aucun doute! Je m'engage à passer ma vie avec toi, tu crois que ça ne signifie rien pour moi? Que je fais cette promesse pour mieux la bafouer ensuite? JE NE SUIS PAS VELDRIN! Je n'ai pas à payer pour ses erreurs... Tu n'as pas à te défier de moi parce qu'il t'a fait souffrir. Je suis conscient que je viens de te blesser par mon attitude..."

Il se tut un instant, avant de reprendre doucement, presque douloureusement :

- "Dis moi ce que je peux faire pour me faire pardonner? Je ferai ce que tu voudras... Je ferai n'importe quoi pour te garder."

Sa voix était devenue un murmure alors que son regard se faisait suppliant. Comment résister? Alors que son odeur enveloppait la jeune fille, que son regard se faisait miroir de son âme repentante? Impossible... Sauf quand les fantômes du passé dansaient dans la mémoire et qu'un sale petit dragon vicieux soufflait de mauvaises pensées à sa maîtresse...

- "Non, je disais : SI j'avais encore eu un doute, maintenant, je n'en aurais plus. Mais je n'en avais pas avant, si c'est à cela que tu attaches toute ton attention."

Elle semblait prendre toutes ses paroles de la plus mauvaise manière possible. C'était à se taper la tête contre le mur! Plus elle s'énervait, plus il sentait le désespoir l'envahir.

- "Si c'est pareil. Pas tout à fait la même situation, je te l'accorde, mais ce sont des ombres de notre passé... Qui suscitent des interrogations et ne peuvent nous laisser indifférents... Que ce soit de la tendresse, de la colère, du mépris..."

Il se doutait que si elle retrouvait Veldrin, elle lui battrait froid. Soit elle lui hurlerait au visage... Soit elle jouerait l'indifférente, mais ce ne serait qu'une impression qu'elle donnerait, il le savait. Il fit la moue alors qu'elle terminait en disant qu'elle pourrait faire bien du mal à Anaïs. Ça oui, elle pourrait, mais cela serait se rabaisser à un niveau qui déplaisait au chevalier.

- "Mais tu ne le feras pas."

Vaincue, elle se laissa tomber sur une chaise. Il regrettait d'avoir son armure, il n'était pas libre de ses mouvements comme à son accoutumée et ne pouvait donc pas prendre Astéride dans ses bras alors qu'il en mourrait d'envie. Il se contenta de s'approcher d'elle et de porter une main jusqu'à sa joue, l'effleurant du dos des doigts...

- "Je t'aime Astéride, c'est la seule vérité qui compte."

Si les grands yeux verts étaient tourmentés, le regard noir de son compagnon était douloureux alors que la déclaration de la jeune femme le faisait frissonner d'horreur et de malaise. Il était peiné d'avoir ainsi été l'objet de son tourment, d'avoir assombri son beau regard. Il ne savait pas comment effacé sa faute, lui faire oublier ce qu'elle avait vu et surtout qu'elle lui fasse confiance de nouveau. Il ne s'était rien passé avec Anaïs, ce n'était qu'un baiser qui ne voulait rien dire, si ce n'est un adieu définitif à son passé.

Son cœur fondit comme neige au soleil alors qu'elle pleurait en silence, sans même s'en apercevoir et que ses paroles lui transperçaient l'âme tant elles étaient douloureuses, voire résignées. Il ne l'avait jamais vu aussi abattue. Et cela le perturbait plus qu'il ne voulait l'admettre. Il aimait la force de caractère d'Astéride, cette indépendance qui n'appartenait qu'à elle.

Il venait de tout balayer par son inconséquence et sa faiblesse face au souvenir. Ses pouces essuyèrent les larmes, bientôt remplacés par ses lèvres qui goûtaient au nectar salé.

- "Jamais tu ne seras un souvenir. Tu es mon présent et mon avenir. Si tu savais comme je suis désolé de ce qui vient de se passer... j'aimerai effacer cela de ta mémoire, ou te faire comprendre que ça n'a aucune espèce d'importance. Je ne reverrai jamais Anaïs. Elle appartient à mon passé. Aux souvenirs."

Il déposa un baiser sur le front de la jeune femme, avec tendresse... Avant de se diriger vers ses lèvres et de l'embrasser avec toute la passion et l'amour qu'elle lui inspirait en cet instant... Et en temps normal.