[Temple d'Isten] Sous les charmes d'Isten... Ou pas | Kul'Ssinssrin

[Chronologiquement après Quelques pas pour quelques mots ]

Isten…

Visiter la nouvelle Haute Prêtresse était dans les préoccupations premières depuis qu’il était revenu en Elda… Depuis cette rencontre, si on peut dire, où il n’avait pas manqué de l’ignorer, ne sachant rien de ce changement, et ne s’y intéressant à cet instant guère plus qu’un nain se soucierait de son hygiène, il avait eu comme souci premier, au-delà de remettre les choses au point quant à sa présence, de se protéger et de prévenir un éventuel danger avant de retourner voir cette Haute Prêtresse… Ce qui était arrivé au Barra de la Dothka avait servi d’avertissement.
C’est ainsi qu’il avait attendu d’avoir vu la Haute Prêtresse d’Uriz, Alyryne, et obtenir d’elle la protection du Père contre un éventuel mauvais sort, la marque présente désormais sur son avant bras droit, avant de se décider à se rendre au Temple de la Luxure. Et c’est tout ceci qui l’amena au présent, où il permettait à ses hommes de se retirer après qu’ils l’eurent escorté jusque là, et où il pénétrait le Temple dont il avait eu bien des échos qui en temps normal l’aurait poussé à ne pas y pénétrer.

Et c’est avec surprise qu’il découvrit une ambiance bien différente de ce qu’on avait pu lui décrire… Point de cages avec des esclaves de toutes races accrochés au plafond, dansant vulgairement sur un rythme imaginaire et désorganisé… Non, vraiment… Il n’y avait rien de véritablement vulgaire et dégradant dans ce qu’il voyait… L’ancien Haut Prêtre… Ce Dathlyn, une larve indescriptible dont on ne se souviendra, espérons le, jamais, un queutard dégoutant et médiocre jusqu’au plus profond de son esprit réduit, abusant de son rang pour tenter d’assouvir ses fantasmes, entachant le Temple de la Luxure, était bel et bien tombé… Oui, on lui succédait et bien des choses avaient semble t’il changé… Un bon point pour la nouvelle, mais il en faudrait plus pour le convaincre que ce Culte n’était pas encore irrécupérable… Et pour rattraper les gaffes de l’imbéciles, il y aurait du boulot, à n’en pas douter.

Il se rendit devant le grand statut de marbre noir à l’effigie de la Déesse, vêtu d’une tunique sans manche élégante et simple au couleur des rubis d’Uriz, et un pantalon assorti… Son habituel gantelet de cuir couvrant main et avant-bras gauche… Il semblait attendre, n’adressant pas une prière, se contentant d’observer les lieux.
Il espérait que sa présence ait été remarqué, et avoir bientôt de la compagnie sans avoir à la demander.

Les ombres s'enlacent lentement. Spectacle enivrant dédié a l'Incomprise. Elle adore les chants qui s'échappent des lèvres craquelées des prêtres. Ils encensent et louent, étalent leur servitude et leur dévouement. Ssinssrin admire et charme alors qu'elle est amputée. Aujourd'hui est le sien, le reflet divin de son coeur est encore, languissante, endormie au creux des voiles écarlates de leur couche. Aujourd'hui est le jour de l'Indomptable, le Jeu entame un nouveau pas, une nouvelle danse et l'ombre de l'Insoumise s'étends sur le Temple.

L'encens déverse son parfum envoutant, entêtant sur les sols ténébreux du temple. La décadence a quitté la maison d'Isten, Ssinssrin est satisfaite. Les voiles prunes qui enveloppe l'exquise silhouette soulignent mais ne dévoilent pas, seule la Belle sur son lit d'épine peut admirer son Oeuvre, cela sera toujours, a son cou, entrelats argentés, le signe d'Isten. Anneau au reflets lunaires qui enserre la vie de Ssinssrin, sublimant l'éclate sombre de sa peau, exaltant la courbure parfaite. Le Miroir Insoumis est maitresse en ce jour délicat. Les pieds sont nus alors qu'ils foulent, presque extatiques, le marbre magnifique, reflet de ses songes. Elle a murmuré et rit a son oreille, et Ssinssrin s'est inclinée, servante dévouée et complice avérée. Dans la nuit, le chant envoutant de sa soeur s'est déversé au creux de son oreille. Elle sait tout et jubile. La chaine d'airain attachée a la cheville de la Divine s'est étendue, mais son pouvoir doit être partagé. La colère rampe toujours au creux de l'écarlate, sombre divin qui se love dans les prunelles cramoisies.

-La Divine Isten s'engorneuillit de la visite d'un Fils d'Uriz.

Melopée languissante et puissante qui se répercute contre les piliers de marbre. Un gémissement et un cri habilement mêlés pour se répandre lentement dans l'air. La Belle sourit, promesse languissante de désirs exaussés. L'onde miroitante de sa chevelure reste indomptée, répandu sur les épaules presque frêle et qui, pourtant, supporte avec delectation la caresse d'Isten.

-Senger Zaurahel...

L'écarlate de ses iris s'illumine d'ombre insondables. Elle sait. Elle voit. Elle sent la main du Père des Batailles. Elle connait l'affront alors même que ce fils de la Guerre n'était le désir de Ssinssrin. Les murmures sont arrivés jusqu'à elle. Fébrilité devoilée des prêtres, chuchottements extatiques des prêtresses. La puissance s'est invitée au coeur de son monde et Ssinssrin sourit.

-Bon retour au coeur des Sombres.

Subtile jeu de regard qui ne laisse rien voir des dessins de l'Insoumise, respect affecté ou feint, la vérité se perds dans les limbes des Règles Intemporelles. Que le jeu commence.

La Demeure de la Luxure se découvrait au regard du Sombre Fils d’Uriz, ses splendeurs et ses voluptés récentes appréciables aux yeux de celui qui avaient tant craint de rencontrer là la vulgarité et la bestialité des simplets et des animaux qui pullulaient dans les cavernes, découvrant tout ou presque, ne suggérant rien, dévoilant tout en prétendant à la beauté… Pour les bêtes qui s’agitent dans la Cité Sombre, il est certain que cela devait apparaître beau… Mais c’est dans le mystère et la suggestion que résidait à son sens les vraies manifestations de ce terme, à son sens tout du moins.

Quand apparait la responsable d’un tel changement, qu’un habitué n’aurait pas su reconnaître les lieux si il n’y avait pas eu l’imposante statue, le Senger s’inclina légèrement avec respect, il valait mieux jouer cette carte ci, il avait un « incident » à rattraper, il était inutile d’en créer un second. A ce geste, il ajouta avec courtoisie et politesse.

« Haute Prêtresse Ssinssrin. »

L’insondable dame ne laissait rien paraître alors qu’elle lui souhaitait bon retour… au cœur des Sombres ? Il ignorait ce qu’elle désignait ainsi… Et il préféra en déduire la peut-être faussée hypothèse qu’elle suggérait le Puy d’Elda, la Cité des Sombres, mais peut-être qu’elle considérait son Temple comme le cœur des sombres, que pouvait-il savoir de ce qui évoluait dans l’esprit de celle qui ne laissait rien apparaître, qu’un respect réciproque envers sa personne.

« C’est un plaisir que de rencontrer celle qui succède à l’infâme, et pardonnez moi le terme, exécrable qui vous à précéder, et de voir déjà les changements de ces lieux… Je nourris l’espoir qu’Isten ait trouvé en vous la digne Fille et Voix qu’elle mérite, dont les Sombres ont besoin après le passage du vulgaire et de l’obscène. »

Oui, il se permettait quelques abus de langages, et offrait à la Fille d’Isten l’opinion qu’il avait de Dathlyn… Mais il mettait aussi sa confiance et ses espoirs en elle de redresser le Culte de la Luxure, qu’un jour en cette sombre cité, on ait plus de son Temple l’image d’une maison de passe glauque et dégoutante. Non… Ce lieu, ce culte pouvait avoir une toute autre image, sensuel et envoutante tout en demeurant respectable, ne tombant pas dans le répugnant et le dégoutant… Cultivant les pires traits et faisant des sombres des bêtes, les avilissant sans cesse.

Et sans plus de préambule, afin que sa « conscience » soit allégée d’un poids certain, et qu’une discussion tout autre, amenant à l’entente peut-être, et la réconciliation du Senger avec un Culte qui n’avait jamais été très présent dans son cœur, et dont il n’offrait jamais de visite…

« Je sais mes visites bien rares, et me voila devant vous sans présent, n’amenant que des excuses à vos oreilles, humbles et sincères de vous avoir ignoré et n’avoir pas eu la courtoisie de vous saluer comme il se doit. Au-delà du dédain certain, je le confesse, que j’adresse à votre Temple depuis ces derniers siècles, à vos prédécesseurs de la trempe de ce Dathlyn, il y avait là l’ignorance de la succession…
Je vous prie donc d’accepter mes plates excuses devant ce manquement à mes manières. »

-Nul pardon ne peut être accordé, Senger Zaurahel. Le vulgaire et l'obscène sont des souffles de l'Exquise, je suis son Cri. Dathlyn n'était qu'une marionnette qui lassa la Divine par trop d'écart, avilissant sa Parole et son Chant. Il reçu le chatiment mérité et il me revient aujourd'hui de dévoiler les immenses charmes d'Isten. Croyez vous que son choix fut juste ?

Eclat malicieux qui se meurt sur les mots susurrés. L'écarlate de ses lèvres s'incurve pour laisser naitre les promesses ambitieuses des désirs refoulés. Elle sait chercher, trouver et dévoiler l'ombre qui habite chaque coeur sombre, chaque regard cramoisi.

Elle s'approche, envoutant avatar de la Belle, elle regarde, observe. Aime-t-elle ce qu'elle voit ? L'Insoumise se complet dans la valse des vérités étouffées, elle renait dans l'aveu presque tremblant des avidités chuchotés. Cherche-t-elle la faille ou admire-t-elle simplement ? Le sourire qu'elle vous offre ne saura jamais éclairer vos questions. Ssinssrin est le Jeu offert par Isten et elle se complet a s'amuser des règles établies.

-Le Regard du Père couvre vos actes, Senger. Serais je l'Ingrate d'ignorer votre repentir ? Le Murmure d'Isten a été oublié dans les bassesses de mon prédécesseur, je ne peux qu''espérer vous offrir l'éclatant renouveau de la Luxure. Sous tout ses visages. Mais venez Senger, ce lieu s'enivre de votre présence mais mes prêtres tremblent devant votre regard. Les Voiles d'Isten se soulèveront pour vous.

Habilité dissimulée des mots, sens méandriques jetés avec l'assurance des Chants d'Isten. L'Indomptable étends déjà sa main, invitation dangereuse et étrange.Elle cache ses dessins, ne dévoile qu'un chuchotement obsédant.

-Je vous offre le Sourire d'Isten et l'agréable compagnie de son image, digne Fils d'Uriz. La connaissance du monde extérieur et des gloires apportées a mon peuple me fait défaut, sauriez vous me combler ?

Ssinssrin sait la protection apportée par la Fille du Père et s'en amuse. Osera-t-elle susurrer les mots qui souligneront la crainte d'Isten ? L'Insoumise garde pour elle ses filets, la toile d'Isten se tisse déjà dans l'ombre. L'Antichambre de Ssinssrin s'ouvre aux regards invités. Nuance de sombre et de sang, sensualité a peine dévoilé des tissus qui couvrent les meubles. Le regard d'Isten demeure et sur son visage de pierre, il semble danser un sourire.

« Croyez-vous qu’il me soit offert le droit de juger de la justesse d’un choix divin ? Je ne saurais me faire devin et prétendre voir l’avenir, le votre… Il est de mon droit néanmoins de juger Dathlyn tant il est évident qu’il fut mauvais.»

Il n’était point de ces charlatans qui se targuent de lire l’avenir dans les astres, les cartes où même dans les entrailles de leurs diners. Non… Vraiment pas. Et quant à juger du choix d’une Divinité… Et bien, au-delà de l’arrogance dont il aurait du faire part en y répondant vraiment, se montrant capable de juger les paris et les projets à venir des Dieux, il n’avait aucune connaissance de celle qui se tenait là, devant lui… Aussi ne lui offrirait-il pas le plaisir d’une telle réponse…
Elle s’approche et l’observe, les pas légers… Que cherche-t-elle finalement ? Il ne se laisse pas charmer, pas même envoûter par les troublants parfums enivrant, par la démarche et les manières de son hôte. Imperturbable, il doit le demeurer, n’offrant aucune faiblesse qu’elle ne sache trouver et exploiter… Il sait… Il a vu ce qu’elle était prête à faire pour augmenter son influence et il ne lui offrirait pas aisément les faveurs d’un homme de son rang.

Il eut presque le désir de sourire en entendant d’elle la confirmation de sa rassurante pensée… Père était là… Elle pouvait donc sentir et percevoir la protection du Culte du Père, mais l’ignorerait-elle plus tard au risque de défier l’autorité sacrée ? Il espérait bien que non. Puis vint une bien curieuse invitation, sous prétexte de peur envahissant les cœurs des prêtres. Un regard se porta aux alentours, quelques autres s’évadèrent quand ils se sentirent épiés, mais de la peur ? Simple prétexte à l’isolement ou vérité soigneusement utilisé…
Son hôte pensait pouvoir l’animer comme une marionnette, dans les deux cas… Car il n’était pas dupe et savait que derrière les entretiens plus intimes se cachaient l’intérêt et d’obscurs desseins secrets. Vigilance donc, alors qu’il acceptait l’invitation, sans un mot.

Il laisse en suspend la curieuse demande faite par son hôte alors que se découvre l’antichambre dans laquelle elle l’amène… C’est donc ici, sur cette scène intimiste que se jouerait cette partie ? Qu’ils danseraient tout deux parmi les ombres ?
Il ne se laissa pas impressionner, et calmement il entreprit d’offrir réponse à sa demande… Mais peut-être pas celle qu’elle attendrait de sa part.

« Vaste est le monde, Fille d’Isten… Sans commune mesure avec ce que l’on pourrait connaître ici, dans la Sombre Cité… Longue est notre histoire et il m’appartient de la connaître, de savoir ses gloires et ses revers... Non que je refuse, quoiqu’il soit bien des écrits, des parchemins pour vous conter cette histoire et que je ne sois capable de me prétendre professeur, il serait bien long de vous combler, ne pensez-vous pas ? »

-Quelle diplomatie, Senger ! J'en suis admirative...

Les lèvres de la Belle sanglante s'incurvent en prenant le voile de l'ironie. La première pièce est en place, habilement poussée du doigt. Nul ne juge Isten la rouge et pourtant, le droit en avait été donné. Sage est l'homme qui évite les regards de la Cruelle. Impudent et perdu est celui qui attire les regards de Ssinssrin. Un souffle passe ses lèvres. Jeu et entremise. Ssinssrin se complet dans les brumes de l'insondable et elle sait, elle sent que l'adversaire est a sa mesure.

Elle invite, sait que l'instant n'est pas encore. Méfiance brille avec force dans les prunelles du Fils d'Uriz. Offre lui une résistance digne de ton rang. Est ce que ce soupir ses lèvres ? Ou ce que veulent dire l'ombre écarlate de son regard ? Seule Son reflet pourrait dévoiler le jeu caché et entamé avec elle l'enchantement de Ssinssrin. Le rire valse un instant au creux du carmin. Miroitant de reflets ténébreux. Elle attira dans l'antre d'Isten, elle sait l'hésitation et la méfiance qui guident les pas du Senger et s'en amuse. Ssinssrin est folle, Ssinssrin est radieuse mais surtout Ssinssrin est l'Indomptable en ce jour.

Une couche étreinte de satin accueille la Fille de la Luxure, sa main ornée de la lame d'argent désigne une jumelle. Ssinssrin déjoue l'évidence avec une aisance née du Jeu aux Règles folles. Elle s'étends lascivité sauvage qui observe, insatiable la proie qui se défait de ses chaines. L'ombre d'un éclat danse sur ses lèvres.

-Les écrits, les parchemins ne sauraient m'apprendre les sensations, l'odeur, la peau qui se hérisse d'excitation ou de peur. On vous dis Invincible, Senger Zaurahel, on murmure beaucoup et Isten s'éveille a la curiosité.

Les cils s'abaissent, seul éclaire le regard qu'un fin rayon écarlate. Insondable et intraitable nuance.Paresse s'invite alors dans ses mots, langueur savamment distillée non pour éveiller le désir charnel, pas encore...Non pas encore...Peut être jamais qui sait...Isten est versatile et sa Servante encore plus.

-Craignez vous l'interêt d'Isten, Senger ?

Nulle importance n’est offerte aux mots qui ne sont qu’apparences et illusions, voiles orales à la duperie qui voudrait voir apparaître une fierté devant le compliment, aveuglant l’imprudent qui s’y perd. Mais le Senger n’est pas homme à se laisser tenter par ces mots, à se laisser aller à l’orgueil tant désiré.
Et ses pas la poursuivent alors qu’elle le guidait dans les profondeurs du Domaine de Luxure, dans l’antre même de celle dont il se méfie, appelant à la prudence, ses sens confrontés les uns aux autres… Certains sensibles aux effluves et senteurs de ces lieux, à l’atmosphère chargé des arômes même du désir, les autres indifférents, se gardant bien de céder aux tentations qui se dégagent de l’endroit, des artifices propres à faire sombrer dans la folie des sens éveillés.
Bien étrange est alors la demande de la Fille d’Isten, voulant s’abreuver aux sources d’un savoir millénaire et antique, gardé et transmis par les plus anciens à ceux qui désirent goûter à ces flots, bien trop vague est sa question, aussi répondit-il franchement, ne voulant pas la laisser le perdre dans le flou de ses interrogations.

Réponse est faite, plus mystérieuse encore, s’égarant encore sur les chemins de la satisfaction de l’égo de son hôte, espérant sans doute qu’il se gonfle d’une fierté idiote et baisse sa garde. Non… Il n’était pas invincible, et bien faible doivent être les êtres qui ont répandus cette rumeur peut-être fictive, il se savait vulnérable, sinon, à quoi bon la prudence, à quoi bon les défenses s’élevant autour de l’esprit subissant le siège d’un ennemi sans forme autre que l’appétit et le désir ?

« Ainsi, c’est cela que vous recherchez… Mais les mots prononcés pourraient être aussi vide que ceux déposés en écriture, et votre soif d’apprendre et de comprendre ne serait alors pas même apaiser… En êtes-vous consciente ? »

La réponse ne faisait aucun doute… Il était là, s’aventurant en ce jeu dont la Voix d’Isten se gardait bien d’énoncer les règles, se plaisant à tenter de le perdre. Il lui fallait lui-même poser des questions, demeurez obscur et vague.

« Sots et faibles sont ceux qui me pensent invincible, Ssivah del Isten*, mais vous devez entendre et écouter sans croire ces mots, n’est-ce pas ? Pourtant, vous voila curieuse… Doutez-vous ?»

Le Fils d’Uriz savait que non, son interlocutrice n’était pas sotte, ni faible… Quelque soit les visages qu’elle se plaisait à arborer, il serait malsain pour lui de la sous-estimer, de même penser à une quelconque faiblesse dans ses mots, ses gestes, car celle qui charme sait offrir à celui qu’elle désire ce qu’il voudrait voir et entendre.

« Je ne crains pas l’intérêt que me porte Isten, Yathrin**, je m’interroge sur la forme qu’il choisira de prendre… »

* Voix d'Isten
** Prêtresse

-La conscience est un voile qui ne quitte jamais mes pas, Senger Zaurahel.

L'ombre dansante d'un sourire au reflet amusé.

-Mais vous n'êtes pas creux et vide, ce que je recherche vous êtes parfaitement capable de me l'offrir. Douteriez vous de vous ?

L'ombre s'étend jusqu'aux prunelles sang, enlaçant l'écarlate dans une orgie démoniaque et sensuelle. La toile se tisse doucement, si lascivement qu'elle n'est encore qu'un prémice, qu'une matrice vide de l'enfantement. Ssinssrin s'amuse. Ssinssrin joue. Ssinssrin est née pour cela.

-J'entends, je goute et j'apprécie. Seule moi décide de démêler le vrai du faux et, tombe, toujours mon jugement. Je ne doute jamais des Chants d'Isten et la mélopée qui vous entoure demeure d'un attrait certain pour la femelle frêle que je suis.

Paroles et mélodie s'entrechoquent habilement. Elle n'est pas l'onde sensuelle et aguicheuse, l'étincelle ombrageuse de ses prunelles dévoile un instant la force qui l'habite. Ssinssrin sait qu'il ne trébuchera pas, elle sait qu'il esquivera et c'est parfait. Si parfait. La Belle s'ennuie, la Douleur veut s'enchanter et s'amuser. Sa Servante ne peut que la satisfaire et Isten rit.

La silhouette craintive, fluette d'une Prêtresse s'invite. Soumise au bon vouloir de l'Indomptable, n'attendant qu'un regard d'elle pour jouir enfin, elle rampe presque alors qu'elle dépose le breuvage qui arrosera le Jeu. Ssinssrin renvoi l'ombre tremblante et se fait, un instant seulement, servante adorable.

-Quelle forme aimeriez vous ? Elles sont aussi multiples que les faces d'un diamant brut.

Aucune crainte ? Vraiment ? Ssinssrin sourit doucement en posant presque tendrement ses yeux sur la marque. Empreinte du Père des Batailles. Lui qui a déjà ses faveurs, pourquoi quémander cette protection ? Crainte, interet ? Ssinssrin jubile car le Jeu est d'importance.

Les mots le font sourire, et la partie continue, dans cette danse où les paroles font les pas, et où nul encore ne mène l’autre sur sa propre volonté, sur la chorégraphie qu’il souhaite voir se dessiner. Il faut parfois surprendre par des réponses audacieuses et inattendues, et alors que la conversation continuait… Que les mots contaient le vide qu’ils portaient, tant oraux qu’écrits, et que la Voix d’Isten se laissait aller à l’amalgame des paroles et de l’être, le Senger choisit comme seule réponse au doute qu’elle supposait l’envahir, l’évidence à ses yeux, peut-être pas à l’oreille de celle qui l’écoute.

« Je ne suis pas mes mots, Ssivah del Isten. »

Il ne doutait pas de lui, non… Mais il fallait mériter ce qu’elle voulait obtenir, et pour lui, céder trop facilement eut été une faiblesse qu’elle aurait décelée. Dans le ballet des mots, il ne fallait concéder que le nécessaire, c’était une règle d’or, une loi inévitable pour celui qui souhaite survivre libre de ses actes et paroles, soumis qu’à ses valeurs et principes.

« Est-ce bien là les Chants d’Isten que vous écoutez, où n’est-ce pas plutôt des chants plus personnels, plus intimes ? »

Question légitime, sans arrière penser que celle de s’interroger quant à l’implication dans ses actes de la sombre. Agit-elle vraiment sous les aspirations de la Déesse, où n’est-ce là qu’une couverture, un voile dont elle use et abuse pour ses propres désirs, pour les mélodies retentissant en son être ? Il ignorait la poursuite de sa question, et la nature, le contenu de la réponse… Oserait-elle répondre avec franchise, ou prolongerait-elle son chemin, encore.
Une prêtresse apparait, soumise comme le serait un esclave… Rampant presque jusqu’à déposer un breuvage. Nouvelle carte entre les mains de sa partenaire de jeu… Mélodie différente pour l’avenir si proche… Elle savait sans doute déjà sa réaction, et la préparait avec soin afin de la savourer.

« Ce que j’aimerais n’a pas d’importance… Seule compte celle qu’il choisira de prendre. »

Offrir à ses sens ce qu’il désire, c’était ce qu’elle voulait, mais le sombre ne lui cède rien, elle devra choisir, elle devra décider, prenant le risque de se tromper, de s’égarer et de perdre la main, l’avantage de ce jeu… Car se dévoilerait alors ses propres envies.

-C'est ce que je voulais entendre. Faites moi vibrer au gré de nos victoires, Senger...

Nouveau déplacement, nouveau pas de l'envoutée d'Isten. Elle obtiendra ce qu'elle désire. Mais elle ne l'aura qu'au prix de nuances et de subtiles murmures. Elle le sait et elle en rit. Ssinssrin jouit du moment et l'étincelle écarlate s'anime de satisfaction. L'erreur de voir la fragrance de la victoire a la portée de son souffle ne sera pas la sienne. Il reste tellement de pas a entamer...

Ssinssrin se délecte du breuvage des mots qui coulent dans l'air. Ils sont enivrants et ensorcelants. Elle rit doucement. Cascade étrange et ronde qui s'étale aux pieds d'Isten.

-Aimeriez vous attirer a vous Sa Voix ? Non, Senger, vous n'êtes pas de ceux qui s'enivre impunément n'est ce pas ? Et je ne suis pas de celle qui se complaisent dans l'ombre jouissive d'une éphemère conquête. Les Dessins d'Isten sont les miens.

Elle joue de franchise mais ne peut que mêler le voile du mystère a ses mots. Elle n'est qu'un Dessin si grand qu'il ne sera jamais couché sur papier. Elle n'est qu'une Voix si forte que seul un sourd pourrait entendre. Ses lèvres s'ensorcellent du breuvage auquel, elle le sait, le mâle ne touchera pas. Prudence semble enlacer son prestigieux visiteur. Pourtant, Ssinssrin n'a pas besoin d'herbes, d'onguents et d'ajouts pour se délecter des fruits de ses désirs.

-Croyez vous qu'Elle choisira la facilité d'un extrait végétal ?

Ssinssrin sourit, l'assurance en voile sensuel sur son corps, l'iris habilement posé sur la surface éclatante de carmin d'une coupelle d'or.

-Rien ne sera fait a l'encontre de vos désirs, Senger, bien au contraire, ils ne peuvent qu'être sublimés et exaussés. Buvez sans crainte car il n'est pas dans les desseins de l'Aveugle de facher son Père.

L’Histoire avait-elle une réelle importance dans cette discussion, ou bien n’y avait-il là qu’un sujet à diversion, afin de le troubler ou le déconcentrer ? Il ne saurait finalement vers quoi trancher, aussi revint-il à l’une de ses réponses précédentes, toujours valable dans sa forme et son contenu, offrant un répit supplémentaire pour éclaircir le mystère de l’intérêt qu’elle présentait pour ce récit.

« Quand bien même il me tenait à cœur de vous enseigner et vous conter nos victoires, c’est là un vaste et long récit qu’il vous faudrait écouter, et pour moi, raconter… Je suis certaine que vous avez bien d’autres choses en tête, et il serait fort dommage de les perdre pour une histoire, non ? »

Oui, bien d’autre chose en tête, de piège du verbe de son interlocutrice… Piège qu’il lui faudrait déjouer, encore et encore, par quelques malices dans ses propre propos… Jusqu’à ce que l’un cède à l’autre, et que ce termine le Jeu qui s’installe et prend ses aises entre les deux.
Ses mots bientôt l’amusent, elle se plait à tenter de tourner ses paroles dans un tout autre sens, cherche t’elle continuellement à le perdre ? Mais il n’est pas l’un de ceux qui s’égare, et si il ne sait pas encore où il va, il sait les chemins à éviter, et les pièges se cachant sous ses pieds, et sait les éviter.
Il s’interrogeait et la questionnait, supposant que les désirs d’Isten était en fait les siens, et la voila retournant son interrogation à son encontre… Croit-elle qu’il la désire ? Non, elle sait qu’il n’est pas de ceux qui se laissent aller aux charmes avec facilité.

« Ai-je exprimé le moindre souhait en ce sens ? Voyons, je n’ai point besoin de répondre, ni vous de le faire, vous semblez tant me connaître, alors je vous laisse vous-même répondre à cette question. »

Elle le connait, oui… Et le confirme en lisant sa réserve à boire la boisson qu’on vient à servir… Qui sait quel autre extrait végétal s’y trouve… Aphrodisiaque, poison ? Quel tour pourrait bien inventer la Déesse mais surtout sa Voix pour l’emporter ? Il n’est pas homme à boire ce qu’on met dans sa coupe, à moins que cela ne soit à son initiative, et ses propres boissons, servis par les plus fervents serviteurs. Il craint la fourberie et la malveillance de sa race.

« C’est à vous de me le dire… Vous êtes l’instrument de son Dessein… Quoiqu’elle n’aurait d’intérêt à vous permettre de me le révéler si la facilité est son choix, car alors, je ne pourrais tomber dans le piège qu’elle me tend. »

Et s’il était vrai qu’il avait la protection du Père, il n’était pas à l’abri des ruses naturelles, simplement sous la protection de la magie du Père, contre les sortilèges des autres dieux. Rien ne saurait lui affirmer qu’une malice ne saurait être tolérée tant qu’elle n’amoindrissait pas ses capacités à servir le plan d’Uriz…

« Et si je ne désire ni les voir sublimer, ni les voir s’exaucer, dois-je tout de même boire, ou ferais-je mieux de m’abstenir ? »

Sa force résidait en le contrôle des émotions, désirs et pulsions… Ainsi se détachait-il des sombres, ainsi obtenait-il le mental pour préserver la pureté du sang, la grandeur par l’abstinence à toute forme de comportement qu’il jugerait impropre et décadent. Les désirs enfouis étaient un grand ennemi, et quand bien même la Haute Prêtresse n’allait pas à leur encontre, peut-être avait-elle l’intention de le pousser au-delà des limites qu’il s’imposait…

-Qui sait ce qui se trame entre les voiles de mes songes et je n'ai pas pour habitude de perdre...

Ssinssrin sourit. Elargit le dessin irréel de ses lèvres, étire la chair pulpeuse en quelque chose d'insondable et presque félin. Oui, qui sait ce que chantonne la Belle lorsque la nuit étale son manteau de soie sur la terre des hommes ? Qui sait quels sont les ouvrages, les toiles que tissent Ssinssrin dans les méandres endormis des songes ? Elles seules le savent. Miroir parfait. Coeur écorché dont chaque moitié dort dans le regard de l'autre.

-Cela serait trop facile non ? Devinez ce qui sommeille en chaques coeurs est la raison de vivre d'Isten. La chair n'est qu'un reflet bien pâle de ce qu'Elle est. La nuance prends bien souvent l'insolent dans son piège.

Ssinssrin rit. Doucement. Lentement. Comme la descente suave du soleil derrière l'ombre grandissante de la nuit. Délicat trémolo qui semble envahir le temps et l'espace. Quel piège fonctionnera ? Quelle pièce avancer encore...Jouons, dansons et gagnons.

-Je n'ai nul besoin de philtre pour obtenir ce que je veux. Serais je décevante si je m'abaissais a cela et grande serait la colère d'Isten. Non Senger, nul piège vous ai tendu dans la saveur épicé de ce vin. Mais...Il existera toujours un doute n'est ce pas ?

La méfiance, l'hésitation. Tant de mot qui danse dans les ténèbres des voiles qui les entourent. Ils savent, l'un comme l'autre. Ils semblent avancer de concert mêlant danse et combat sous couvert de mots. Ssinssrin s'amuse. La Belle Sanglante s'émoustille et son regard aveugle couve sa Fille d'un murmure langoureux.

-Le désir...Entendez comme ce mot glisse sur les langues. Chaques désirs, chaques envies, chaques ambitions, ils sont autant de charme envoutant, nul ne leur échappe bien longtemps car la satisfaction n'est jamais entière. Vous désirez Senger...Mais la nature me reste un mystère bien agréable.

Chuchotement presque expiré, presque soupiré alors que l'éclat carmin des prunelles ensorcelantes irradie, comme possédé. Oh non, Ssinssrin ne jouera pas la partition des sorts divins. Le Père veille. Et même si il n'était Sa marque, Ssinssrin aime a vaincre...Seule.

Il n’était pas le Joueur qui sait sonder les Chants et les Songes de celle qui lui fait face, il savait toutefois qu’elle ne souhaitait pas qu’un récit de l’histoire, qu’elle attendait plus de son partenaire dans cette danse des mots, bien qu’il ne sache même imaginer la nature de ses envies et désirs… Il sourit à ces mots, elle n’avait pas l’habitude de perdre, et lui non plus… Pourtant l’un devait forcément être perdant dans le Jeu… Quoique…

« Deviner, c’est là la raison de vivre d’Isten ? Ainsi ne s’accorde t’elle pas le droit de souffler à l’oreille de l’intéressé quelques mots éveillant les sens et les désirs ? Je sais, n’ignore pas qu’elle n’est pas que la chair, qu’elle touche à l’âme et le cœur, mais ne cherche t’elle pas davantage que quelques devinettes ? »

Il avait peine à penser qu’elle se contentait de deviner, non… Oh, sa Voix peut-être, incapable ou ne désirant pas souffler des mots, du fait de la marque et la protection qui le liait au Père, ou bien même ne voulait-elle pas user d’une telle facilité pour l’emporter. La dernière possibilité était celle qui plaisait le plus au Senger, car il savait et se plaisait à ce Jeu, ne voulant pas voir quelques sorts entachés une partie si agréable et disputé.
Et les mots ensuite, s’échangeant au sujet du vin, et du possible piège qu’elle pouvait lui tendre tendait à espérer le troisième choix, et dans la folie qu’est sienne, il choisit le Jeu à la prudence, car il savait devoir concéder parfois du terrain pour mieux l’emporter.

« Et que voulez-vous obtenir ? Outre cela, l’image qui prendrait naissance de ce choix varierait, certains approuveraient, d’autres non, mais vous avez raison, il existera toujours un doute, et il faut parfois faire fi de toute prudence et prendre un risque déraisonnable, n’est-ce pas ? »

Et sans plus attendre, il prit la coupe et en bu quelques gorgées avec lenteur, priant tout de même les dieux que l’imprudence ne coûte pas trop à sa vie cette fois ci, qu’il n’ait pas fait d’erreur irréparable en prenant le risque. Reposant ensuite la coupe, il écouta les mots parlant du désir…

Il y avait tant de visages qu’il pouvait arborer sans pour autant être dénaturé… Il savait être l’ambition du conquérant, la gourmandise aussi bien que le plaisir de la chair… Oui, tant de traits, le moteur de tous les actes… Mais Isten ne pouvait toucher à tout… Le conquérant se tournait vers Uriz, il était souverain en ce domaine, il était le Père des Guerres, guidant l’ambitieux en soif de pouvoir.

« Désirer est naturel, nous le faisons chaque jour, à chacun de nos actes, à chacun de nos pas, servant un but, une tâche précise obéissant à un désir, une envie, une ambition quelconque… Je le sais, et je ne cherche pas à échapper à ces choses, sinon, je ne serais pas ici, pas à ma place ou bien devant vous.
Pourtant, il en est qu’on ne peut que refuser, qu’on ne peut que faire taire à défaut de pouvoir les éradiquer… »

Il marqua un temps d’arrêt avant de reprendre, par une question à nouveau, au sujet du vin.

« Maintenant que j’ai bu… Dites-moi, Ssivah del Isten… Avez-vous triché, ou bien êtes vous demeurée droite envers moi ? »

-Voyez au delà de cela Senger...De simples devinettes...

Ssinssrin rit. Doucement. Presque tendrement mais l'éclat indomptable de ses iris écarlate ne trompe pas.

-Son regard vide aime a se poser là où il n'est rien. Chaque âmes est martelées de désir avant d'aimer Teiweon la Divine. Isten aime entendre leur murmures, et, par dessus tout, elle aime s'en faire l'écho.

Reprit la voix aux rêves éveillés. La lueur carmine frémit d'amusement et Ssinssrin laisse l'arc sensuel de ses lèvres s'étirer, révélant moquerie et vices, quelque chose d'impalpable et insondable. Isten se gausse dans l'ombre de ses voiles. L'orbite vide de son regard jette sur le monde des Sombres une avidité sans limite.

L'éclat est surprenant tant il résonne avec surprise dans le silence suivant les mots du Senger. Ssinssrin contemple avec les traits d'une guerrière victorieuse les lèvres du mâle se refermer sur la coupe.

-Vous m'honorez Senger. Relevant le défi quoiqu'il vous en coute.

Susurre Ssinssrin sous l'ombre suave du rire. La ligne de son épaule se meut, alors qu'elle cherche la douceur de la couche qui l'accueille. Sa tête s'incline doucement et ses lèvres s'incurvent.

-Le désir de victoire..Senger...Tel est le chant d'un guerrier. Le désir de satisfaire le Père. Le désir de siéger aux cotés de ses généraux immortels. Le désir d'une femme sera sensuel, maternel...Nul désir ne peut être repoussé bien longtemps, on ne peut nier son chant sans en perdre la raison parfois. L'ambition de les assouvir étrangle parfois la raison. Clairvoyant est celui qui sait ce qu'ils sont, fou est l'esprit qui croit pouvoir y échapper. Etes vous fou Senger ?

L'iris sanguine scintille, avidité dissimulée d'un regret expiré. La main de Ssinssrin s'évade dans l'air chaud et au loin s'éveille les prières des prêtres.

-La tricherie est un art qui demande du doigtée. Le mensonge doit être savament distillé pour être cru, l'instant habilement choisis. Non Senger, je n'ai pas triché.

Saisir les moindres subtilités de celle qui se plaisait à vouloir le perdre étaient vains, et il ne serait pas celui qui s’égarerait dans ses méandres, se noyant sous la pression du courant des mystères qu’elle pose, sans offrir d’indice, juste pour faire éclater le rire d’un semblant de triomphe face à la perdition de celui qui l’écoute, se débat encore et encore contre les vagues le repoussant loin des rivages bienveillants et salvateurs. Aussi préféra t-il ne pas même poser un pied dans l’eau, ne fut pas même tenté par une baignade, se risquant à entendre le chant des sirènes, murmures d’Isten a son intention, et se contenta d’un regard à la surface de cette océan vicieux.
Ainsi n’offrit-il d’abord aucune réponse à l’envoûteuse qui cherchait à le tenter, à le perdre dans ses fils, mais il n’était de ces mouches imbéciles, se laissant prendre avec aisance, non… Il était pareil au serpent flanqué jadis sur les armes de son père, attentif et furtif, patient et rusé.

« Peut-être ai-je davantage à gagner qu’à perdre pour ces quelques gorgées, qu’il me vient l’audace de tenter le pire. »

Honorer son hôte, mais peut-être le surprendre, ne répondant à son habituel méfiance des nectars qu’on servait en les lieux de cultes, souvent, si souvent, contenant quelques drogues aux effets pervers, parfois même du poison pour celui qui le considère ennemi, problématique. Que le résultat y soit, il ne pourrait le savoir, car celle qui partage ces instants ne dévoileraient jamais ses véritables pensées, tentant de se jouer de lui, de le conduire dans les profondeurs, les abysses dépravées où résonne son chant.
Des mots, réponses aux siens, paroles suggérant sa folie, pourtant, il ne l’était pas… Non, il était autre chose, être que son raisonnement ne semblait considérer, pourtant, il était réponse qu’il pouvait offrir, et ce n’est point la folie qu’elle entendrait…

« Si celui qui rejette et repousse les plus bas désirs, mus par l’instinct, la sauvagerie primitive et profonde des êtres qui pullulent et s’épanouissent au gré des ans, ne s’y pliant guère à chaque fois qu’ils germent comme les mauvaise herbe en un splendide jardin, alors oui, je suis fou… »

Avouer d’abord, pour ensuite bouleverser les cartes à nouveau…

« Car il me plait d’être maître de mes ambitions, de mes désirs, que d’être soumis à leur existence et à leur voix, comme le ferait le commun des êtres, le commun des sombres… Et si l’on ne peut nier son existence, on peut choisir de ne pas écouter les murmures des chants profonds, ainsi, l’on ne saurait souffrir d’y plier. »

Un léger silence avant de conclure.

« Il n’est aucune folie pour celui qui fut éduqué à gouverner, à user des désirs des autres… Ne le pensez-vous pas ? »

-Ssinssrin aime l'audace.Tous goûtent a la victoire sous les regards aveugles d'Isten, Senger.

Mensonge, vérité. Mot habilement jetés qui peuvent laisser entrevoir les sombres desseins de l'Indomptable comme ils dévoilent suavement les désirs enfouis dans les profondeurs de son temple. Gagner ou perdre. Des notions qui s'inclinent depuis toujours sous les murmures de la Terrible.

-La mauvaise herbe peut être magnifique dans sa perversion, savez vous ? Un désir quelqu'il soit est superbe dans son envie primitive. Il est celui qui insufle la vie. Voyez plus loin qu'une banale rose flétrie.

Ssinssrin plisse les paupières. Amusée, divertie, joueuse aussi, car le Jeu est sa vie. Le Jeu dont les règles sont celles que lui a soufflé la Belle Ecorchée. Amputée de son âme, elle soupire soudainement et rêve un instant des bras chaud de son Reflet. Un instant seulement, l'âme présente recèle force et puissance. L'enjeu est délicat mais les chants d'Isten aiment a ébranler les plus purs.

-Seriez vous indomptable Senger ? Faites attention le désir de vous controler parfaitement pourrait un jour être votre perte.

Réplique suave et moqueuse. Drole de mot, drole de ton. Mais Ssinssrin aime jouer sur les contraires. Sur la balance immémoriale des ambitions venimeuses. Elle n'est pas seule dans la valse qui s'ensuit.

-User du désir des autres....Dites moi, Senger...Useriez vous de mes désirs ?

L'éclat écarlate scintille avec quelque chose que seule Isten pourrait comprendre de sa Servante. Une étrange impression. Un étrange chant que celui qui s'échappe lentement des lèvres carmines de l'Indomptable.

Tous goûtent à la victoire ? Ces seuls mots firent naître un sourire amusé sur les lèvres du Senger… Il était toujours des vainqueurs et des perdants, dans toutes histoires, et puisqu’elle était celle qui semblait se laisser aller à jouer des désirs de chacun, elle était vainqueur à chaque fois, sans jamais souffrir de faillir. Quant à l’audace, la trouvait-elle à son goût parce qu’elle offrait à son regard une bien charmante tentative de réussir quand elle acquiert la certitude de l’échec, tout du moins, sans jamais s’en trouver léser.

« Tous… Vraiment ? Il en est toujours qui échouent, qui n’obtiennent jamais le fruit de leurs convoitises, la source des désirs qui les animent. »

Disait celui qui pourtant n’avait jamais trouvé désir qu’il ne puisse satisfaire, tout du moins, dans ceux qu’il laissait s’exprimer, non les primitifs cris étouffés d’instinct qu’il se refusait même à écouter, et qui ne trouvait jamais récompense à leurs maigres efforts.

« Je vous crois, mais elle n’est magnifique que pour ceux qui attachent une importance réelle à la perversion la plus primitive… Croyez-vous, pensez-vous que je percoive les choses ainsi, Ssivah del Isten ? »

Oh, il n’était pas un de ces elfes attachés aux sentiments, mais il n’était pas non plus la bête primaire qui évoluait si aisément en ces lieux, adorant sans doute la Déesse de Luxure. Il était entre les deux, sachant ressentir du plaisir dans une perversion existante, certes, mais modérée, contrôlée, ne prêtant sa voix que lorsqu’on la lui demandait.

« Il n’est personne sur ce continent pour faire de moi un chien dressé, donnant la patte quand on l’ordonne, si c’est ce que vous entendez par indomptable… Réellement personne, car même Uriz, le Père, n’exige pas cela de moi. Croyez-vous pouvoir me prouver que j'ai tord ?»

Du moins, voyait-il les choses ainsi… Il était seigneur de guerre, conduisait et faisait germer et s’épanouir l’œuvre… Il n’était plus un Sargtlin qui obéissait aux ordres, sans réfléchir jamais, s’exécutant… A supposer qu’il l’ait été un jour, bien sûr. Même les plus hautes instances d’Elda ne pouvaient prétendre le contrôler… Un Roi qui ne préservait son trône que tant qu’il n’y trouvait aucun obstacle à ses desseins, et une Haute Prêtresse d’Uriz qui ne pourrait jamais lui nuire sans contredire sa position, puisque sa seule vocation était la guerre, et qu’elle ne pouvait ordonner que les Obok Senger d’Thalack soit de profonds idiots dénués de volonté propre sans démontrer un désir de les contrôler, pour ses propres intentions, non celle du Dieu.
Quant à la question qui l’amusa plus encore, à savoir si il jouait de ses désirs pour la manipuler, il n’offrit qu’une réponse sur un ton des plus mystérieux, laissant sans véritable conclusion cette interrogation.

« Interrogée la, vous saurez… Mais même si je le faisais, pensez-vous que je vous le dirais ? Ce serait offrir une saveur bien médiocre au Jeu, ne croyez-vous pas ? »

-Le désir de maitrise est impérieux.

Murmure innatendu, presque lascif qui s'échauffe sur les lèvres de Ssinssrin. Souffle intense qui s'étiole dans l'air avec un amusement a peine dissimulé.

-Loin de moi l'idée de vous voir tel un toutou, Senger, là serait une insulte que je ne pourrais retirer n'est ce pas ? Seule l'âme guide l'esprit, mais l'envie reste et demeure, ne serait ce que dans l'ambition de n'avoir point de mord aux dents.

L'étincelle carmine rougoie doucement, presque paresseusement tandis que la Servante porte son verre a ses lèvres. L'or cache le sourire qui anime Ssinssrin. Moquerie ? Non bien sur, Ssinssrin est prudente, suave et habile.

-C'est ainsi, personne ne peut se prévaloir d'échapper a ses désirs. Qu'ils soient primitifs ou élégants.

Conclut Ssinssrin, son doigt d'argent négligement posé au creux de sa gorge. Oh l'illusion des vertues viciées...Combien se sont perdu dans les bras d'une chimérique ambition de ne point en avoir ?

-Bien au contraire, Senger, bien au contraire. Savoir mais etre impuissant, sentir lentement les éclats de l'envie s'intensifier tout en étant conscient. Cela ajoute des pions non négligeables pour qui sait les déplacer bien sur.

Un léger rire traverse l'alcove et, durant une minute, les chants se taisent face a l'éclat indolent.

-Encore faudrait il savoir ce que désire Ssinssrin...Oseriez vous susurrer vos déductions ?

Il est des mots, souvent, qui se confondent et se mêlent, tâtant à la même source sans pour autant en avoir la même approche… Les mots dansent, virevoltent ensemble, tandis qu’on voit se mélanger le désir, l’envie et l’ambition. Les paroles perdent une part de leur sens tandis que les uns et les autres tendent à se convaincre que leur manière de comprendre est le bon, et bientôt, les discours n’ont plus la moindre saveur, n’ont plus une once de ce petit quelque chose qui fait la compréhension… Là, dans la Demeure d’Isten, la confusion peut-être règne, est-ce volontaire ou accidentel, l’on ne saurait le dire, mais qui sait…

« Je n’ai pas cette ambition, Ssivah… Habile que vous êtes, vous n’êtes pas à l’abri des tromperies et des mauvais tours que peuvent jouer les mots… Mon ambition est autre, militaire principalement… J’ai le désir, quoique… Ce n’est sans doute pas le bon mot, car il n’est finalement nulle recherche quand finalement, l’on possède déjà. Enfin… »

Il fit une pause dans ses paroles teintées d’une petite plaisanterie des plus curieuses dans la bouche du Senger, tentant lui-même de retrouver ses mots et ses pensées, perdus dans un fil, une brume posée par une situation, un instant en ce lieu. Se laisserait-il pleinement prendre au Jeu ?

« L’envie… Quand bien même demeure t’elle présente, nous sommes libre de l’écouter, abdiquer et le satisfaire ou bien résister et ne plus y penser… Le corps a ses besoins qu’il doit parfois satisfaire, c’est naturel, mais doit-on s’y soumettre et plier à chaque fois qu’il fait montre de sa présence ? Ma réponse, vous l’avez déjà, je ne m’en cache pas. »

Il n’avait pas prit la peine d’achever son explication précédente, la jugeant suffisamment claire. Là-dessus, il reprit son sérieux, mais avec un petit sourire, il continua tout de même, ajoutant simplement.

« Mais il arrive bien entendu que j’y réponde, si bien sûr l’appel me convient…»

Et il eut un petit sourire entendu à l’adresse de sa partenaire de jeu… Feinte ou petit message discret, à elle d’en définir la nature, dans l’un ou dans l’autre des cas, le geste était des plus clairs et conscients. Ssinssrin devrait jouer à son jeu préféré, les devinettes.
Quand elle en vint à parler de l’impuissance face à l’envie, à la conscience sans pouvoir prétendre à y résister, il l’interrogea alors, continuation succincte à ses mots précédents.

« Pensez-vous que ceux qui sont conscient, savent la force de l’appel mais y cèdent toutefois ne sont que pions malléable que vous pouvez déplacer à votre guise ? »

Et il se permit de continuer le raisonnement avec un sourire, l’amusement, prenant forme plus concrète par l’exemple, message des plus explicites à l’adresse de la Haute Prêtresse.

« Serais-je un pion au combien manipulable si d’aventure, pleinement conscient, j’y cédais ? »

C’était une question sérieuse pour laquelle il s’était penché vers elle, la lui susurrant sans ne jamais cesser de poser son regard sur elle… Commençait-il à faillir ?
Enfin, il répondit à sa dernière question, et là où elle tentait sans doute d’invoquer son audace, par le choix des mots, il répondit d’une façon qui put paraître lâche dans le fond, puisque finalement, il n’osait pas.

« Apprécierez-vous toujours autant l’instant si toutes les cartes vous apparaissaient ? Qu’il n’y ait plus de doutes, plus de devinettes ? Peut-être ai-je connaissance de vos désirs, peut-être n’y a-t-il là que du vent, dans les deux cas, pourquoi vous le dirais-je quand je peux me délecter de vous voir vous interroger ? »

-Tout posséder emmène l'ennui, ne trouvez vous pas ? Vous avez le désir de servir le Père.

Le Père...Visage terrifiant, abominable qui régentait l'existence des Sombres. Père cruel qui, raconte on, asservit un jour la Belle Isten. Ssinssrin sourit dans l'ombe, laissant l'illusion des voiles viciés entourer sa conscience.

-Opposer la raison a l'envie...Défi alléchant. Continuer de résister Senger, vous n'en êtes que plus intriguant.

Cascade ténébreuse qui celle qui se deverse des lèvres ourlées d'interdit de la servante. Princesse d'une Mère aux orbites vides. L'éveil du défi est délicieux, tant il ravit les sens, tant il donne un nouveau goût a l'interêt. Acide et amère, particulièrement savoureux. L'onde écarlate des prunelles de Ssinssrin s'anime soudain, vagues oppréssantes et envoutante pour celui qui s'y laisse prendre. Ssinssrnin est difficile, Ssinssrin n'exige que la perfection, l'absolu, Ssinssrin cauchemarde peut être entre les bras lancinants de sa Mère.

-Vous seriez un roi sur l'échiquier, Senger.

Flattait elle ? A lui d'en définir la nature, car l'importance du pion n'est rien face a ses possibilités. Ssinssrin s'amuse, rit et se fait suave, presque enivrante dans ses mots. Ssinssrin bouge lentement, les voiles qui la couvre caresse sa peau. L'interet est éveillé. Elle ne le niera pas et son sourire, intense de vices cachés éclaire l'imprudent. Elle tente et admire l'esquive, habile, maline. Elle soupire presque et la Mère se gausse dans l'ombre.

-Vous êtes admirable Senger, l'Antre d'Isten n'a que rarement l'occasion d'acceuillir tel esprit...

Puis, elle se penche, darde l'éclat carmin de son regard, oppose fierté et audace mais sait reconnaître l'habilité esquissée.

-La question est...désirez vous les découvrir ? Les entendre s'échapper de ma gorge dans un souffle ? Telle est véritablement l'essence du premier mouvement.

« J’approuve. » répondit-il tout simplement à la première question.

Il ne pouvait pas la contredire sans se mentir, après tout, que devient l’être qui à tout obtenu ? Qui n’aspire plus à obtenir quoique ce soit ? Une pauvre âme aux richesses sans doute sans commune mesure, mais pourrait-il pleinement en profiter ? Lui ne le pensait pas… Sa vie était une succession d’étapes, et son désir véritable était d’une ampleur telle qu’il n’imaginait pas un jour y parvenir.

« Souhaiteriez-vous me voir échouer, ou bien préféreriez-vous que je tienne bon, sans jamais devenir esclave de mes envies ? »

Il ne trouvait rien qui puisse le briser et en faire un drow comme il en est tant dans le Puy, à céder presque systématiquement à la moindre pulsion, à baver devant la moindre femelle bellement bâti, et ne vouloir et tout faire pour en faire sa compagne, tout au moins d’une nuit. Non… Il avait été éduqué d’une certaine façon, et seule le plus noble sang et le plus haut rang pouvait espérer avoir le Zaurahel dans sa couche…

« Mais considérez-vous que concéder la place à l’une d’elle, parce qu’elle plait et répond à mes attentes seraient échouer ? Une seule… Pas toute, juste une qui m’apparait judicieuse et des plus attrayantes, sans défier et s’opposer à ce qui fait mes principes ? »

Et à nouveau, il avait prit le ton complice… La question demeurait, était-il en train de jouer avec, passant dans un chemin qu’il n’avait jusqu’alors pas même daigner penser arpenter, ou bien cédait-il au charme existant, il fallait l’admettre, de la belle envouteuse qui se tenait face à lui ? Qui sait… Peut-être, si la Haute Prêtresse le permettait, pourrait-il gagner sur tous les plans, sur tous les fronts.
Elle répondit à l’une de ses interrogations, et il en sourit… Le roi, vraiment ? Ou un ? Mais il n’est que deux rois sur un échiquier… L’allié et l’ennemi. Usait-elle simplement de flatterie ou bien avait-elle un autre message à lui faire passer ? Mais après tout…

« Et qui serait la reine de cet échiquier, Ssivah ? »

C’était sa façon d’y répondre, car après tout… Le Roi avait beau être au cœur de tout… La Reine demeurait l’une des pièces les plus importantes, et surtout, l’une des plus puissantes de l’échiquier… Alors qui ? Qui était-elle dans le jeu de la Ssinssrin ?
Et au compliment, il choisit de répondre du même ton, et surtout, de la même manière. Sans pour autant approuver, il voulait lui offrir le change, pour esquiver encore et ne pas prétendre à autant de choses… Elle n’aurait pas son homme gonflé d’un orgueil qui l’aveugle, non…

« C’est bien dommage… Ils trouveraient là une voix pour répondre avec autant d’habilité et d’esprit qu’eux… »

Et finalement… Il était sincère. Se tenait devant lui une femme aux ressources et aux qualités qui s’en trouvaient être bien rare au Puy, et il ne pouvait que l’admettre. Si elle ne faisait que tenter de le manipuler, lui était franc à cet instant… Dommage qu’elle ne fut pas une héritière des Prima, sans quoi… Oh, elle aurait fait une compagne sans conteste remarquable.
A cette pensée, il eut un sourire, mi amusé, mi déçu.
Il se reprit afin de répondre ensuite…

« D’après vous, est-ce que je veux les découvrir ? Mais surtout… Qu’est-ce que je ferais, une fois que je les saurais de votre bouche ? Après tout… Savez-vous vous-même ce que je désire ? Pourquoi je suis venu vers vous, à vous ? »

« Je souhaites les deux, Ssinssrin ne saurait se contenter de l'un ou l'autre. »

Amusement versatile qui est le sien en cet instant. Le voir lutter ou céder. Le voir céder en luttant. Qu'importe en vérité, la spectatrice avide sera comblée.

« Echouer ? Non, Senger. Dangereux. Délicieusement dangereux même. Alors le défi prend une autre tournure, mais jamais l'envie ne s'éteint totalement. »

L'onde carmin des prunelles de Ssinssrin s'enflamme, s'agitant paresseusement, révélant ce que peu être le regard d'Isten, son regard et son sourire. La Servante se fait malicieuse, adorablement joueuse, mais personne n'oublie jamais la morsure de ses ongles. Atroce ou languissante. Telle sera la question posée.

Le rire de Ssinsrin devient torrent et fige les prêtres. Son regard se fait perçant, sa bouche se plisse, relent de sournoiserie ou...d'interet.

« La Reine...Allons Senger, Je suis la main, du moins me plairais je a l'être mais il n'est nul plaisir plus intense que de flirter avec l'illusion qu'un jour, je ne serais peut être qu'un simple pion. »

Car jamais Ssinssrin ne sera pion. Elle sera bien plus, Reine, Roi, mais le fade ne saurait être l'apanage de sa parure.

« Ma voix n'est peut être pas ce qui les interesse en premier lieux. Le Sombre n'est que vice et perdition, mais il est invincible lorsqu'il se pare de spiritualité, la nature a voulu qu'ils soient rares. »

Allanguie, Ssinssrin l'est. Elle braque les ombres d'Isten sur son illustre vis à vis, le sourire qui est le sien flirte avec les voiles inconscients du sang versé sur la terre. Sa nuque ploie un instant, et les ombres jouent sur son visage.

« Bien sur que vous le voulez, Senger, parce que l'homme s'attend au pitoyable et découvre l'intriguant. »

Arrogance dévoilée que la sienne, mais elle n'est pas dupe. Ssinssrin sait ce qu'elle est, incomplète mais hautaine parfois. Mentirait elle ou jouait elle de franchise ? Elle seule pourrait répondre, elle et cette mère qui la berce de ses bras écorchés.

« C'est autant de questions que je pourrais vous retourner Senger. Mes réponses vous importent elles réellement ? Ne souhaitez vous, au contraire, les trouver vous même ? »

Mutine dans ses perversions, Ssinssrin laisse ses lèvres sourire, s'enivrer, s'enjoler...Son souffle est si proche qu'il en devient caresse sur la peau et, au dehors, les prêtres prient avec ferveur.

« Comme le vin, peut-être devrais-je prendre le risque d’y céder, affronter le danger et voir ce qui en découle… »

Ses mots étaient comme une réflexion personnelle qui lui aurait échappé, glissant hors de ses lèvres pour devenir accessible à son interlocutrice. Il ne croyait guère en sa naïveté à croire que cela ne soit pas désiré, non… Bien sûr que non.
Mais il était prêt… Du moins, une partie estimait vouloir céder, non pas ici, où tous pourrait les voir, mais en d’autres lieux peut-être, là où l’intimité les garderait des yeux curieux. Car elle était femme de qualité, femme à son goût… Quel mal alors y aurait-il à se laisser aller et tenter de la faire sienne ? Aucun, c’était sûr.

« Mais pas ici… Non, pas ici. » ajouta t-il sur le même ton, peut-être pour inviter Ssinssrin à repenser ce point là, si bien sûr, elle se trouvait être intéressée.

Il sourit tandis qu’ils parlaient d’échiquier, et alors qu’elle le désignait comme le roi, il demanda simplement, esquivant la flatterie, qui était la reine, à la réponse de la Voix d’Isten. Avait-il quelque part supposé qu’elle l’était ? Pas à sa connaissance en tout cas. Mais soit, ça n’était rien.

« Oh, mais je n’en ai pas douté, Ssivah, vous êtes la main… Mais je m’étonne que vous me considériez déjà pièce alors que nous ne nous connaissions pas jusqu’alors… Comment pouvez-vous être certaine de pouvoir me manipuler ? »

Car c’était ce dont il était question, finalement… Car pour la main, même le roi est manipulable, alors comment pouvait-elle déjà le prétendre ? Après tout, peut-être était-il finalement l’autre main, celui qui se tiendra face à elle… Quoique… Non. Sans être pièce, il n’avait l’envie d’être rival, mais plutôt l’allié, plus encore même, de cette femme.

« Alors ils ne sont pas esprits digne de vous… Oh… Je comprends qu’il s’intéresse à autre chose, mais négliger la voix et les mots qui lui appartiennent dans votre cas… C’est un vrai gâchis. »

Comment pouvait-on laisser de côté ce qu’elle était ? Les drows… Vraiment, parfois, il désespérait de les voir si superficiels, si idiots, ne pensant qu’aux corps, aux vices et à tout ce qui s’y associait… Mais se tenait face à lui une sombre bien différente, si supérieure finalement à toutes ces bêtes.

« Qu’est-ce qui vous fait croire que c’est ce que je veux… ? »

Et tandis qu’elle se rapprochait, son souffle parcourant sa peau, il se prit à murmurer, plus intime, penchant la tête, ses lèvres à proximité de son oreille, doux et amusé.

« Un mystère qui trouve ses réponses perd de sa saveur… Celui que vous êtes est trop enivrant, délicieux, pour que je me permette la folie d’en atténuer le goût… »

Un instant, ses lèvres effleurèrent la peau, alors qu’il ajoutait.

« Non, Ssinssrin… Gardez vos secrets, sublimez les par vos talents à les cacher que je puisse toujours les apprécier… Que vous demeuriez ce que déjà vous m’inspirez à cet instant… »

Il se redressa alors, regardant les prêtres autour, tout à leurs prières, du moins, c’était ce qu’il montrait, avant d’en revenir à la Haute Prêtresse… Si belle, tant par la chair que par ce qui s’y cache… Il cèderait, désormais il le savait… Mais il fallait qu’elle en fasse autant… Il pouvait gagner et perdre à la fois… Il suffisait qu’elle cède autant que lui.

« La demeure de Ssinssrin réside dans tout les esprits, Senger. »

répondit la fille d'Isten. Ses lèvres ourlées s'étirant sur un reste de vélocité étrange. Son regard flamboit un instant, sublimant l'écarlate de l'iris. Un instant seulement car Ssinssrin ne s'oublie jamais réellement. Sauf lorsque les voiles indécentes de son reflets recouvre sa peau affamée.

« La certitude n'est pas au contraire. La main peut faillir mais dans sa chute, elle entrainera ses pions. La flatterie me dicterait mes mots en vous qualifiant d'indompable, mais la réalité reste que tous, sans exception, valse sur la corde qui sépare liberté de joug. Je n'échappe pas a cette règle. La différence étant que j'en suis consciente. »

Ssinssrin rit, aveu de faiblesse ? Bien au contraire, elle sait les pièges, les pose même. Ils s'ouvrent sous ses pieds et la valse des âmes s'entame. L'ennui n'est plus, il n'a jamais été réellement. L'Antre d'Isten peut s'engorneuillir. Oui, il le peu. Ssinssrin veut soudain. Et entend les chants d'Isten répendre son venin sur sa propre fille. Lorsque le voile tombera sur sa couche. Le dé roulera bientôt et se révèlera la puissance de son reflet.

« Se perdre dans les bras de la vénéneuse Isten n'est jamais gachis mais elle n'offre sa fille qu'a ce qu'elle juge digne d'elle. L'êtes vous ? »

L'Indomptable est arrogance, intouchable, elle est ce qu'elle décide d'accorder. La médiocrité n'est pas. Le sourire qui orne son visage fier n'est que complicité inabordable. La question ne méritait pas de réponse. Isten se gausse dans l'ombre carmine de ses iris. Elle sait. Elle a vu dans les mots, les gestes. Elle sent le souffle improbable et priera sa Mère. Elle rit doucement. Caresse épineuse d'Isten. Son regard aveugle enlace la silhouette de sa fille. Le Jeu prend d'autre tournure, d'autre murmure et sa voix se déversera dans l'oreille aimé lorsque la nuit étendra son joug.

« Seule Isten connait les secrets de sa fille. Ainsi Ssinssrin restera ce que vous espérez qu'elle soit. Indomptable et Soumise. »

« Au moins trouverez-vous toujours toit pour vous abritez. »

Petit trait d’esprit qu’il s’autorisa avec un petit sourire.
Par la suite, il ne put qu’adhérer à certains des mots de Ssinssrin… Les êtres valsent entre le joug et la liberté, tout du moins, parmi les puissants, mais certains le font bien volontairement, par intérêt plus que par obligation… Etait-il un être, autre qu’un dieu, pour le dompter, lui ? Non… Les plus hautes instances, même les plus influentes, n’avaient ce pouvoir que parce qu’il consentait à leur accorder, n’y voyant pas là un tord à son propre dessein… Qu’adviendrait-il du souverain si par malheur il venait à lui nuire ? Il tomberait, cela ne faisait aucun doute.

« Et si la main faillit, qu’adviendra t-il du Roi ? Que les pions s’écroulent et se perdent, cela je n’en ai cure… Mais croyez-vous qu’une faiblesse de votre part puisse me faire chuter, Ssinssrin ? »

Toujours souriant, amusé, sa question n’en demeurait pas moins sérieuse… Prétendrait-elle à tant d’influence ou accepterait-elle d’y concéder… Elle ne ferait ni l’un, ni l’autre, c’était presque certain, mais la question n’avait qu’une importance moindre… Lui savait, cela suffisait.
L’on parla ensuite d’esprit et de corps… De faiblesse et de force… Des compliments échangés… Lui voyait comme un gâchis qu’un esprit plus affuté se contente de chair alors qu’il y avait sous ses yeux une créature qui était bien plus que cela… Oh, il savait, admettait bien volontiers qu’on pouvait y céder… Lui-même le ferait, il en était certain… Mais c’est tant à la chair qu’à ce qu’elle cache qu’il concéderait cette « défaite », c’est au deux qu’il unirait, ou à aucun.

« Le suis-je… L’égo trouverait sa propre réponse, mais serait-elle correcte ? Vous seule savez ce qui est jugé digne, ce qui ne l’est pas… Alors… En suis-je digne ? »

Toujours cette précaution… Déjà plus tôt, il n’avait voulu supposer la pensée du divin… A nouveau, il se refusait à le faire… Par crainte ? Peut-être pas. Mais il aurait été prétention de croire pouvoir imiter et deviner le jugement divin, n’est-ce pas ? Cette réponse en tout cas, si la Ssinssrin consentait à la lui offrir, déterminerait sûrement la suite mais également l’aboutissement de ce jour, peut-être même de bien davantage…
Une réponse entre ces lèvres, promesse d’un avenir inattendu… Il était venu en ce lieu voir la succession du pitoyable Dathlyn, et voici ce qu’il avait trouvé… Jamais il n’aurait pensé trouver pareille femme, pareille charme, encore moins y céder, s’éprendre et désirer ardemment. Car il la voulait, et l’aurait, il n’en doutait plus… Elle serait sienne, il serait sien… Et ils s’uniraient sous les regards des deux divins parents.

« Indomptable et Soumise… Non, ce n’est pas ainsi que je la vois… Ce n’est pas ainsi qu’elle m’apparait, mais qu’importe finalement, puisqu’elle restera ce qu’elle est. »

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