[Temple de Natha] Le berceau d'une civilisation

Sujet: [Temple de Natha] Le berceau d'une civilisation Dim 22 Jan 2017 - 0:38

Automne - début 3e ennéade de Barkios
An 9 du XIe Cycle
Départ de Thaar

La large litière tanguait pesamment au rythme des pas du païm qui la soutenait. Ce gros tas princier avait beau être incroyablement insupportable, il y avait pas a dire, il savait se faire pardonner... Et elle ne parlait même pas de cette monture. Près d'elle, dans le cadre en bois aux bords hauts qui servaient à délimiter son royaume du moment, une petite boule de crocs, de griffes et de plaques semblables à de fines planches de bois, dormait paisiblement... pour une fois.

La petite créature lui servait de passe temps lorsqu'elle ne passait pas de longues heures plongée dans des livres tous plus complexes et pratiques les uns que les autres concernant l'art de la magie de l'esprit et de la nécromancie. L'animal avait déjà un caractère bien à elle et tout a apprendre en ce qui concernait la douceur et l'obéissance. Un véritablement diamant brute qu'elle dessinait encore et encore au fusain sur un calepin et qui avait su frapper au cœur sa maîtresse... En voyant l'état des bras de la drows, on pouvait même dire qu'elle avait su la frapper tout court...

Un écart du lourd animal produisit un léger à coup du couchage pourtant rembourré à l'excès. Krish serra les dents et souffla lentement. Rien de grave. Rien du tout...

De l'autre côté des voilages diaphanes, une voix mortellement menaçante se fit pourtant entendre. Ekmir, comme toujours. C'est qu'elle tenait réellement à voir la femme sur laquelle elle veillait arrivée entière au Puy et la marche forcée qu'ils avaient entrepris à travers le désert ne changeait pas le fait que la future mère était en mauvais état... Et qu'elle entreprenait ce périple contre l'avis de sa sage femme.

Pour éviter que le moindre incident ne vienne perturbé la traversé et faire en sorte d'arriver le plus vite possible, seuls des cavaliers, lourdement armés avaient étés pris pour protéger le cortège, un renfort de mages mercenaires avait été loué rubis sur l'ongle et des montures avaient été fournies, même aux esclaves. Quel cortège...

Étrangement, ni les brigands du IVe, ni les zurthans n'avaient tenté de s'en prendre sérieusement à eux. Quelques téméraires avaient été rapidement repoussés... Bon ils avaient bien perdu un garde dans une rixe mais rien de bien grave.

A ce train d'enfer, avançant à la fraîche le matin et la soir durant plus de 5h à chaque fois et guidés par deux nomades et deux sol'dorniens, les plus optimistes avaient calculé qu'il leur faudrait deux ennéades pour toucher au but... Les moins optimistes spéculaient sur plus de trois. Et quelque soit le calcule, au moins quinze jour dans le désert et les terres stériles. Mais tous espéraient franchement que les optimistes avaient raison car pas un n'avait spécialement envie de devoir supporter un accouchement sur la route en plein désert et (pour plus de charme) en pleine tempête de sable.

-Elle a beau jeu c'te noiraude, lança Kassim, fer de la compagnie thaarie qui avait été engagée au débotté, à son plus proche frère d'arme, c'est pas elle qui se se prend ses rafales de sable dans la mouille !
-Arrête de râlé. On est grassement payé et suffisamment nombreux pour s'en prendre à la Péninsule alors moins de chance de se faire embroché.
-Mouais...
-Allé ! Courage ! Penses aux femmes que tu te paiera en rentrant ! Enfin aux petits garçons dans ton cas...
-Rah la ferme !

Heureusement, pour l'instant, le voyage allait bon train. Un peu de vent avant renfrogné tous ceux qui n'avaient pas prévu assez de voilage pour se couvrir la tête et le visage, mais dans l'ensemble, cela restait assez calme... excepté lorsque les réserves d'eau commençaient à baisser.

A la sortie de zurthanie, les esprits étaient déjà tendus. L'environnement était la principale cause de malaise. Des bêtes étranges apparaissaient comme des créatures mystique au milieu d'étendues stériles dépourvues de toute végétation. Au moins, l'avancée était plus facile que dans le sable... Mais cela ne durerait pas indéfiniment... Les bêtes, poussées sous la chaleurs et le rationnement en eau, s'affaiblissaient rapidement... Puis elles commencèrent à s'écrouler. Ceux qui ne pouvaient suivre étaient laissés en arrière. Krish restait étrangement silencieuse et le félin qui l'accompagnaient avait été retiré de sa couche pour voyagé dans une cage entre deux esclaves elfes particulièrement imposants pour leur race. La moitié de la garde mercenaire fit défection à mi chemin. On tenta de garder la moitié de leurs chevaux. Une bataille rangée aurait sûrement éclatée s'ils n'avaient pas été rondement payés et qu'un arrangement n'avait pas été trouvé rapidement. Plusieurs esclaves furent tués ou laissés sur place. Mais en fin de compte, le convoie continuait sans trop ralentir.

Autour du Puy, une zone fertile, sauvage et dense était soigneusement entretenue comme terrain de chasse, aussi avaient ils décidé de passer plutôt par la Faille, plus semblable au reste des terres stériles. Les derniers mercenaires humains furent congédiés tandis que les restes du convoie s'aventuraient prudemment dans les entrailles de la terre sous les yeux suspicieux et attentif de Wydrin et Ekmir.

fin de l'Automne - mi sixième ennéade de Barkios
An 9 du XIe Cycle
Arrivée à la Cité d'Elda

Aux portes les plus hautes de la Cité le païm du être remplacé par un palanquin. L'escorte armée jusqu'au dent fut à peine regardée. Car elle était affiliée à la Maîtresse des Forges ? Car la rumeur de son ultime disgrâce n'avait pas encore circulé ? Car elle était accompagnée d'une Grande-Prêtresse de Natha ? Car la Cité semblait fourmiller de soldat plus que dans les souvenir de la forgeronne ? Toujours est-il que gagner la demeure que Krish avait occupée pendant deux siècle et qu'elle avait toujours fait entretenir pour les divers voyages qu'elle avait fait au Puy depuis ce temps fut extrêmement simple.

Les esclaves de toutes ethnies qui avaient été emmenés jusque là se mirent immédiatement au travail avec l'intendant et les quelques esclaves déjà présent sur les lieux pour que tout soit rapidement remis en état. Le voyage avait été si précipité, que la lettre annonçant le retour de la maîtresse des lieux ne l'avait précédée que de deux jours.

Les porteurs déposèrent directement la Maîtresse des forges, endormie, dans son ancienne chambre.

Lorsque la porte se refera et que l'esclave assignée s'assit en tailleur au pied du lit, Ekmir poussa un soupire de lassitude. Elle e rêvait que d'un bain et de plusieurs jours de repos. Seule, elle pouvait enfin laisser ses muscles tremblés de fatigue. Elle se laissa tombé, pleine de poussière, sur le lit à côté de sa patiente qui gardait les yeux obstinément clos et la respiration à peine perceptible.

- Voilà, tu es arrivée, tête d'enclume. Et on est bien avancé hein ? Ce que tu ne m'auras pas obligé a faire...

Elle dégagea une mèche de cheveux du visage de la comateuse et expira lentement, cessant de maintenir la gangue de stase dans laquelle elle avait placé son corps la plupart du temps pendant la seconde moitié du voyage. La tension perpétuelle disparue, la faisant vacillé. Elle porta une main à son front. Krish fronça le nez. Un léger gémissement de douleur glissa de ses lèvres.

Si elle avait put procédé de suite... Mais ni elle ni la mère n'était en l'état. Si elle l'amenait au temple maintenant, l'une et l'autre risquaient leurs vies, sans même parler du bébé... ou de la chose qui grandissait en elle... Durant ces derniers jours, elle avait pus que jamais senti cette... chose qui se nourrissait de toute la magie qu'elle ou l'adepte de Valas infusait dans le corps de sa mère.

Après quelques secondes de pause pour éviter de perdre connaissance en se remettant sur pied, la prêtresse tira sur la paterne installé pour prévenir la chambre voisine d'une urgence... mais rien ne vint.

La boule de crocs de teinte grisâtre, dans sa cage à côté du lit, feula en croisant le regard absent d'Ekmir qui tombait sans un bruit sur l'oreiller.

En quelques heures, Wydrin avant déjà eu le temps de se confronter deux fois à l'intendant Zaïch'ker pour mettre en place rapidement des tours de gardes aléatoires et une surveillance de la demeure avec les hommes portant le glyphe de la Forge-Lame. Et même avec ces prises de becs, il faudrait au bas mot quelques jours avant que le périmètre soit réellement effectif. Le temps que tout ce beau monde se repère. Et plus encore le temps qu'elle identifie toutes les failles potentielles qui lui auraient échappées. Ce qu'elle pouvait détester cet endroit... Mal éclairé, tortueux, sinueux, des dizaines d'accès discrets. Et tous ces gens qui la regardaient de travers lorsqu'ils la voyaient armée et sans fers aux poignets...

Mais tout travail mérite repos... et la petite pause lecture ne fait jamais de mal. Contrairement au palais Thaari, elle n'aurait pas d'appartement confortable, mais une chambre dissimulée derrière celle de la maîtresse des lieux. Cette même chambre que tous ses prédécesseurs avaient du occupé au fil des siècles...

Avant la tournée des grands ducs, elle n'avait eu le temps que de poser son maigre bardas sur le matelas. En rentrant de nouveau pour se reposer quelques heures, le fixa comme s'il allait se déplier seul et se répandre en ordre dans la petite pièce. Mais rien a faire. Sa maîtrise de la Force n'était pas encore suffisante pour faire les tâches ménagères de cette façon...

Elle ne soupira pas, pas plus que son visage n'exprima autre chose qu'une neutralité quelque peu lasse. Une sorte de distance désabusé de ceux qui ont déjà tout vu et plus encore. Avec un large geste, elle posa tout ça a terre et chercha avec avidité le petit livre relié de cuir qu'elle avait déjà bien entamé malgré le peu de relâche qu'elle avait eu pendant le voyage. Avec un sourire en coin, concentré sur l'ouvrage, elle cherchait avidement la page cent-trente-deux tout en s'asseyant sur le lit... Lorsqu'un détail lui fit de l’œil. La paterne relié à celle de l'autre côté du mur était décalée.

Elle fronça le nez. Normalement c'était un signe d'urgence, mais la Vieille était sensé dormir à poing fermé... alors qu'est-ce que c'étaient que ces conneries ?

A regret, et par pure conscience professionnelle, elle referma son livre.

Quelle ne fut pas sa surprise quand elle vit Ekmir, inconsciente aux côté de Krish qui dormait toujours profondément, bien qu'un peu plus agitée que précédemment.

Elle avisa également la jeune femme à la peau sombre qui était assise au pied du lit. Tête baissée, sans bougée. Une statue avec un collier de chien délicatement travaillé.

- Et toi t'aurai pas put prévenir quelqu'un ?
- Maîtresse Ekmir m'a donné comme consigne de rester là et de ne quitter ma Maîtresse sous aucun prétexte... répondit-elle, hésitante, le regard obstinément baissé.

Pff... Ces esclaves... Et Pfff ces mages aussi ! Bon, c'était le moment ou jamais de tester la réactivité de la garde.

Ouvrant la porte à la volé, elle appela d'une voix forte. Une minute et vingt seconde. Nulle. Peu mieux faire. Après une courte réprimande, elle envoya plusieurs de ses hommes étendre la Garnde-Prêtresse dans les appartements des invités, posa deux plantons à la porte de Krish... et retourna lire juste après avoir remis la paterne en place, réprimant une légère crispation en voyant l'état de délabrement de la Vieille.

Vivement qu'elle arrête toutes ces conneries et qu'elle le ponde ce môme !

Durant les journées suivantes, Krish sortie peu à peu du sommeil. Dans un état de faiblesse extrême qui lui interdisait même de rester assise plus de quelques minutes, elle n'acceptait que de rares visites, parlait peu et passait le plus clair de son temps d'éveil à jouer mollement avec la créature agressive et dangereuse pour laquelle elle s'était prise d'affection, récoltant toujours plus de griffures, morsures et et autres plaies.

La nouvelle de son retour et de son accouchement imminent s'était fait à bas bruits dans les milieux intéressés et encore moins nombreux étaient ceux qui avaient donné signe de vie, que ce soit par messager pour accueillir cette ancienne sommité (et la garder en bon terme pour peut-être y gagner quelque chose) ou encore plus extraordinaire : en personne. Et cela lui allait très bien ainsi. Elle n'était pas là en visite d'affaire et son état ne lui permettait ni la concentration ni même la cohérence nécessaire à des délibérations.

Après tout, qu'était une Maîtresse des forges passant une fois ou deux par siècles à côté des problèmes et révolutions quotidiennes de ce terreau ancestrale qu'était le Puy d'Elda.

Automne – nuit du 3e au 4e jour de la 7e ennéade de Barkios
9e année du XIe Cycle
Cité d'Elda

Sortie de son lit en courant, Ekmir tentait de soutenir la cadence pour rester auprès du palanquin qui transportait la Maîtresse des Forges de sa demeures au temple de Natha, sa capitaine de la garde sur les talons. Les dents serrées, Krish faisait son possible pour retenir les gémissements qui lui venaient aux lèvres. Le visage couvert de sueur, son teint grisâtre et ses yeux ternes donnaient l'impression qu'elle n'était déjà plus qu'à demi consciente. Pour la Grand Prêtresse, c'était le moment de prier, car ce qu'elle craignait s'était bel et bien produit... Les médecins chargés de la surveillés jour et nuit venaient de diagnostiquer une hémorragie interne à la future mère...

Les hurlements de douleurs avaient cessé depuis deux heures déjà. Bien après que Wydrin se soit jurer de ne jamais JAMAIS avoir d'enfants. Et dire que cette folle n'en était pas à son coup d'essai... Elle se serait bien demandé si chacune de ses progénitures l'avait mise dans un état comparable mais elle était bien trop occupé à lire un étrange petit volume vert écrit par un barde eldéen et récupéré dans la bibliothèque de la demeure de cette Vieille Peau pour éviter de laisser les images qu'elle venait de voir la hanté jusqu'à la fin de ses jours.

Car non content de tuer sa mère à petit feu et de lui crever la panse de l'intérieur, l'adorable bout de chou que la patronne portait s'était présenté par le siège et malgré tous les efforts des prêtres de Natha, il refusait de sortir par les voies naturelles. Après plus d'une vingtaine d'heures de travail, c'était quand Ekmir avait commencé à jouer du couteau à vif que la Capitaine était sortie de la pièce sous les psalmodies fanatiques des assistants et les cris suraiguës qui faisaient dérailler les cordes vocales de la parturiente du jour.

Les eldéens étaient de grands malades...

« Cette chose est maudite... Pourquoi ne la sacrifient-elles pas tout de suite ? »

Une voix basse fit dresser l'oreille d'Ekmir, entrain de se débarrasser du sang qui la couvrait dans le bassin d'eau clair mis à sa disposition. L'odeur lourde et cuivrée flottait jusque dans la petite pièce ou s'étaient repliés les officiants tandis qu'une prêtresse et une initiés restaient auprès de la mère et de... l'enfant dans la chambre voisine.

Ekmir sentait le regard des deux suppléants sur sa nuque. Deux clercs relativement jeunes. Un homme et une femme au regard accusateur.

« Elle ne passera pas la nuit, détend-toi. » sourit le prêtre en reposant le linge légèrement bruni sur l’étendoir que les esclaves ne tarderaient pas à venir décharger.

Pur moquerie... Comment elle, une Grande Prêtresse, n'avait-elle pas put identifier ce qui se produisait alors qu'elle suivait cette grossesse depuis des mois ?! Elle se mordit l'intérieur de la joue. Un goût acre se répandit dans sa bouche mais elle ne se retourna pas, se contentant de se saisir d'un linge propre pour sécher ses bras.

« La mère ne le devrait pas non plus survivre a une abomination pareille... » jeta de nouveau la femme, véhémente, tout en ouvrant la porte pour retourner à dieux savaient quels occupations.

« Que j'entende encore un mot à propos de cet enfant et je vous fait trancher la langue. »

Un silence de mort s'insinua jusque dans le cœur des deux mauvaises langues alors qu'un léger sourire venait étirer les lèvres de la Grande Prêtresse. Ici, on la prenait pour une simple doeben, une pariât malgré le fait qu'elle avait été initié à Elda et malgré les liens des temples de Natha entre le Puy et l'Ithri'Vaan. Mais voilà qui changeait la donne. Si la base grouillante ignorait bien des subtilités, les hautes sphères voyaient bien plus de choses...

« Laissez. Ils sont encore jeune...
- Et doivent apprendre le respect visiblement... »

Les deux prêtres se tortillaient sur place, n'osant prononcer un mot alors que le visage de leur supérieure absolue restaient braqué sur eux, froide. Heureusement, le culte de Natha n'était ni celui de Teiweon, ni celui de Kiel...

« Ekmir est une éminente consœur et son jugement n'a jamais été faussé jusque là. Vous serez avisé de lui témoigner le respect du a son rang ou je devrais user du mien.... »
- Oui, Haute-Mère... »

Ils se plièrent en deux devant la Haute-Prêtresse et quittèrent la pièce le plus rapidement et humblement possible sans se mettre à ramper. Ekmir allait prendre le même chemin après avoir saluer respectueusement sa supérieur, mais sa voix retentit une fois de plus, sa petite stature suffisant à empêcher sa consœur de sortir.

« Ekmir.
- Oui, Haute-Mère ?
- Elle a fait le bon choix en risquant sa vie pour venir jusqu'ici... Les rites ont été accomplis comme il convient et j'en témoignerai moi-même si besoin. Tu lui diras que malgré les résultats, j'ai put voir que sa foi est aussi grande que sa folie... enfin si elle reprend un jour conscience.
- … Je n'y manquerai pas.
- Oh et encore une chose. Tu as interdiction d'entrer dans cette pièce jusqu'à la Bénédiction. Tu ne voudrais pas qu'on te suspecte de les avoir maintenu en vie, n'est-ce pas ?
- C'est une évidence... »

Courant sous les rayons de la lunes, leurs pieds foulants à longues enjambés les étendues arides et stériles qui séparaient les austères jungles du volcans des sables du zurthan, elle entendait la respiration sifflante de Zetch au bord de la rupture et l'emplir d'une vigueur renouvelée. Dans cette course mortelle, elle se savait déjà gagnante. Le fuyard faiblissait. Avec la fatigue viendrait la lenteur.

Enfin, il chuta. Sans pitié, elle le plaqua au sol de sa haute stature. L'air sec tendait ses poumons et gonflait sa poitrine d'une envie malsaine. Cela ne faisait pas partit de la mission... Mais il le lui devait... D'un geste vif, ses yeux profondément encrés dans ses iris de sang, elle lui passa les fers. Les lèvres fines du lâches se délièrent. Il allait supplier. Elle le savait. Alors...

Elle se redressa d'un bon, éjectant plus loin dans le couloir le petit live vert qui lui était retombé sur le visage lorsqu'elle s'était endormie. Ses yeux papillonnèrent un instant avant de retrouver un semblant de cohérence dans le monde qui l'entourait.

Devant elle, la main encore à demi tendue comme si elle venait de la secouer, Ekmir était à demie penchée dans le recoin de couloir ou la semi-drow avait élu domicile pour ne pas déranger les officiants. Ses yeux étaient, comme d'habitudes, indéchiffrables...

D'ordinaire, la prêtresse montrait un dédain sans borne à cette erreur de la nature qu'était Wydrin. Cependant, pour une fois, elle ne se détourna pas aussi sec.

« Alors ? Demanda la jeune femme, plus fébrile qu'elle ne l'aurait crue à propos de tout ce qui se déroulait ici.
- Elle est inconsciente et extrêmement faible. Nous l'avons maintenue en vie en insufflant de l'énergie dans son corps pendant le travail, mais même la magie a ses limites. Au point ou nous en sommes, même la Haute-prêtresse ne sait pas si elle passera la nuit...
- … et l'enfant ?
- C'est... compliqué... »

Le visage de la prêtresse s'était soudainement tendu, un air de dégoût gagnant peu à peu ses traits sans qu'elle ne puisse s'en empêcher. Les flammes des portes torches le long du couloir faisaient danser l'ombre de son mépris sur les crevasses de ses rides d'expression. Elle secoua la tête, se détournant déjà.

« Vous pouvez entrer si vous le désirez... jeta-t-elle en tournant à l'angle d'un couloir.
- Mais... »

Ekmir ne s'arrêta pas un instant.

« C'est ça... prend moi pour une conne... »

D'un pas décidé, Wydrin se dirigea aussitôt vers la chambre pour présenter ses félicitation et un peu de réconfort à la ''jeune'' maman... Mais resta figée sur le seuil.

Blême, la main tremblante, les tripes retournées malgré elle, elle recula lentement, laissant le battant obstruer de nouveau la scène et affaiblir le parfum de viande qui lui agressait les naseaux. Les ronde-bosses du mur ouvragé de milles bas reliefs incompréhensibles l'aidèrent a rester en équilibre sur ses jambes chancelantes.

Elle n'était pas croyante... Mais pour une fois elle aurait aimé l'être...

Billet à Wik matin du 5e jour de la 7e ennéade de Barkios a écrit:

L'accouchement est terminé.
La Patronne est dans un état critique.
Fais passé au Chacal.
Wydrin

A quelques jours plus tard, les doigts du jeune trésorier de la Corporation d'Argent froissaient le billet déposé par le Qeslac à s'en faire blanchir les phalanges. Son visage d'obsidienne ne montra pas la moindre émotion.

Lentement, il avait pris le temps de fermer le livre de compte et de le verrouiller avant de se lever de son bureau pour faire les quelques pas qui le séparaient de la fenêtre. D'un geste, il avait congédié l'assistant qu'il s'était lui-même choisi. Il aurait bien le temps de faire suivre l'information... A l'extérieur, les chaleurs étouffantes de l'été avaient disparues mais les quelques ondées n'avaient pas encore réellement commencées. L'Atrium était toujours du même vert émeraude. En son centre, la fontaine d'Isten semblaient rire des regards que les mortels tentaient de poser sur son corps habilement habillé de voile d'eau. Et pourtant il la voyait à peine, trop absorbé par les irrégularité du métal qui ornait son cou et glissait sous ses doigts.

La langue s’étant tapie profondément dans la prison de ses dents, le magnat de la guerre pansait pieusement l’une de ses fraîches rainures à l’un de ses gigots. Les minutes s’enchaînaient prestement où esseulé dans son écritoire personnel, il s’était laissé voguer en de profondes réflexions. Certes il avait retrouvé ses chausses de Haut-Prêtre ainsi que ses ouailles, mais il se devait de redonner un renouveau à tout ce qu’il avait des années au paravent, laissé dans le sillage de son départ pour le front. Heureusement pour lui, l’Elda n’avait rien en commun avec son rejeton malformé et pestiféré qu’était Thaar, puisque la foi pour le Créateur du peuple sombre se faisait les fondations de l’hégémonie Drow. Une foi qui jamais ne pouvait trouver l’extinction, mais qui en revanche pouvait sans cesse se nourrir ; car sans elle les Drow n’auraient plus raison alors d’exister, car les mots violence, cruauté, vengeance, ambition et spiritisme seraient vide de sens.

Alors il acheva son bandage en y faisant un franc nœud, duquel il en masqua par la suite l’existence en remontant ses braies convenablement. Entre-temps, une estafette pénétra le secrétariat en brisant l’éphémère sérénité qui planait dans l’endroit, en ployant l’échine devant son supérieur. Contrarié et rembruni, Velkyn grimaça d’agacement à la vue du coursier, mais lui autorisa tout de même la parole en l’incitant d’une main à procéder.

« Quoi ? » Lança le héraut, visiblement impatient qu’il déboule la raison de son impromptue venue.

« J’ai … Enfin, non, pas moi, nous avons su par l’entremise de l’un de nos informateurs, que votre femme, enfin … Oui? » Avait-il déblatéré de manière incertaine, une gouttelette solitaire de sueur angoissée au front. « Krish, votre femme. Elle est à Eld… »

Existait-il une nouvelle en ce monde qui pouvait d’avantage le faire sortir de ses gonds? Aussi bien exciter une copieuse pièce de barbaque bien dodue et sanguinolente devant un requin affamé, un coup parti. Une poigne inquisitrice s’empara du col du commissionnaire, tordant violement du poignet tout en le secouant avec frénésie, les yeux grands ouverts et avide de détails.

« DEPUIS QUAND ?! » Postillonna le vaisseau d’Uriz de manière furibonde.

« Nous pensons qu’elle a foulé le cœur du volcan depuis plus de deux journées, approximativement… » Lui répondit-il, cette fois l’air mal au faciès, les yeux mi-clos, comme s’il appréhendait de se faire d’avantage molester. « Et ce n’est pas tout …On dit qu’un nouveau rejeton d’Uriz a vu le jour … »

La nouvelle était lourde de conséquences. De même que l’était la manière à laquelle on lui avait annoncé la terrible histoire. En punition, ou en laissant s’exprimer une pure impulsivité rageuse, Velkyn fracassa sans ménagement son front contre celui de sa pauvre victime. Ses genoux lâchèrent d’emblée, s’écroulant sur les lattes du plancher comme une feuille meurtrie, se tortillant comme un asticot qu’on aurait piqué d’une aiguille. Pour sa part, Velkyn essuya du revers de sa paume de main l’estafilade à son front, puis piqua du nez en direction du temple de Natha, où fort probablement, il se doutait, reposait en convalescence la nouvellement mère.

À peine arrivait-il à l’entrée du temple, que quelque chose lui mit la puce à l’oreille. La taciturnité de l’endroit avait quelque chose à effrayer le noirelfe avisé, car d’ordre normal, de diverses liturgies en ce lieu de recueillement fusaient de parts et d’autres, mélangés aux séances de narration de bréviaire et autres hymnes sacrées. Le sommeil ne gagnait jamais le sanctuaire de la naissance car jamais ne prévenaient de leur arrivée les nouveaux initiés d’Uriz, Mais cette fois-ci différait, toutes genses se tut à l’unisson pour souligner l’arrivée d’un être qui d’entre tous, avait subi maintes épreuves et ce, bien avant son intronisation dans l’Elda. Une situation qui avait ses raisons de mettre en doutance le prêtre de la guerre. « Et si elle s’était tapie ailleurs … »

Puis, son œil fut attiré vers un portail devant lequel une créature dont le sang puait l’impureté. Une œillade suffit pour

Une cible qui se serait montrée forte opportun pour une démonstration de racisme en règle. L’heure ne s’y prêta point pourtant, car l’écartant de de son avant-bras, il omit sa présence pour mettre le pied dans la pièce de la récente boucherie. Et l’expression était réductrice. Le nourrisson ne devait pas même avoir une prime journée dans le corps, parce qu’encore flottait l’odeur de charcuterie, mêlé aux efforts et au laborieux travail d’une flopée d’assistant. Une scène à laquelle l’un des plus sadiques fervents de la cruauté ne démontrait nulles misères à s’imaginer le déroulement. Il démêla en sa tête les méandres de cette scène d’horreur, sachant l’extrême indélicatesse que pouvait démontrer les sages-femmes du temple, lorsqu’il était question de l’intronisation d’une nouvelle ouaille. Et elle gisait là, elle, le cœur de ses tourments, emmitouflée sous une épaisse et étouffante couverture de poil, assoupie et inerte, presque laissée au pied du gouffre du décès.

Alors il s’approcha, sagement, presque pieusement. Il couvrit sa femme de son ombre, de même que le faisait Wydrin de la sienne, dirigeant ses mires volcanique vers l’inconsciente. Sa mâchoire se crispa de manière intermittente, comme s’il défilait devant ses iris rougeâtres une pléiade de souvenirs, aussi soulageant que toxique. Et lorsqu’il rattacha à la réalité, il constata. Cet enfant l’avait dévoré, il ne la reconnaissait qu’à peine. S’était-il laissé si longtemps depuis leur départ d’Ithri’Vaan ? Son faciès s’était émacié, du lustre de son immaculée crinière il ne lui restait plus rien, ses pommettes étaient creuses et comme jamais, elle semblait ravagée par la fatigue. À un point tel, qu’il se demandait si la nuit saurait la préserver de la mort.

« Tu es venue mettre bas ta progéniture à l’endroit où tu as vu le jour… » Souffla-t-il, toujours aussi dubitatif. Il gonfla du thorax en une intense inspiration, comme s’il hésitait en toutes actions qu’il pouvait entreprendre en ce moment précis. Lui faire pousser son ultime souffle, fomenter ses souffrances d’une manière ou d’une autre, ou encore veiller à son prompt rétablissement ?

Pour l’heure, il patienterait. Bien des questionnements bourdonnaient et l’agaçaient, des questionnements qu’elle se devra de répondre une foi éveillée. Parce qu’ici, elle n’était plus princesse, pas plus qu’elle n’était Eldéenne. Le héraut d'Uriz se montrerait patient.

Depuis qu'il avait franchis le seuil de la chambre, elle ne le quittait pas des yeux. Le visage marqué de sang, armé jusqu'aux dents, le regard du drow ne lui disait rien qui vaille... aussi, malgré les heures qui s'égrainaient, elle était toujours aussi tendue. Si elle avait totalement conscience qu'elle ne survivrait pas à un assaut, que ce soit de la main de cet homme ou de celles des adeptes qui n'hésiterait pas un instant à le venger ou à le protéger, elle ne le laisserait pas toucher à un cheveux de sa poule aux œufs d'or.

Elle était restée là, debout dans l'encadrement de la porte, légèrement en retrait. Son impressionnante armure de plate noire semblant davantage absorber la lumière que la redistribuer alentours, jetant une courte ombre dans le couloir aux flammes dansantes. La lourde odeur de parfum et d'encens utilisé pour purifier l'air et couvrir celle du sang constamment versé en ses murs lui révulsait de plus en plus le cœur... mais elle ne bougea pas.

Plusieurs fois, alors qu'une prêtresse passait, elle demandait des nouvelles du petit, mais on ne lui répondait qu'au grand maximum par un regard de dégoût et un froncement de nez méprisable. « Nous ne devons rien dire avant la Bénédiction. » lui cracha la seule et unique qui daigna desserrer les lèvres.

La journée s'écoulait très lentement. Pourtant, le Prêtre ne bougea pas. Les annonceurs crièrent la venue du soir. En silence, d'un pied sur l'autre pour soulager ses jambes lasses, la nuit fut encore plus difficile a passer que la nuit. La fatigue gagnait la guerrière et elle commençait à remercier son cruel apprentissage à Sol'Dorn car elle connaissait parfaitement ses limites qui, malgré tout, était encore loin.

Le deuxième jour s'engagea alors, avec en point de mire la présentation de la nouvelle vie à l'assemblé des témoins de la Bénédiction. Et toujours La respiration de Krish restait à peine perceptible. Ses yeux restaient immanquablement clos et paisibles.

A l'extérieur de la cité, la nuit tombait presque lorsque deux prêtresses vinrent prendre connaissance de l'état de la mère avant le début de la cérémonie. Devant le manque de changement, elles quittèrent rapidement les les lieux en saluant profondément le Haut-Prêtre.

Une rumeur courue bientôt dans le temple. Wydrin ne pouvait empêcher une certaine agitation de croître...

« la Bénédiction va commencer... Monsieur... » lança-t-elle en se redressant. « Vous ne voulez pas y assister ? »

Depuis le temps qu’il poireautait dans la zone privée où pouponnière et hécatombe se croisaient souventefois, le Haut-Prêtre s’était avachi sur un sobre fauteuil, où de cette position il pouvait continuer sa garde. Les heures s’enchaînèrent et bien que fastidieuses, ne trouvaient moyen d’effriter la patience du guerrier. Ses yeux dévoraient avidement et sans repos la pauvre Krish qui gisait, presque laissée pour morte, en sa couche chaudement tapissée de fourrures. Depuis, il eut le luxe de ressasser tous les souvenirs qui les concernaient, bons comme mauvais, allant même jusqu’à remettre en question les fondements de leurs derniers affrontements. Était-ce par fierté, ou par orgueil qu’il s’était montré t inflexible envers elle lorsqu’elle lui lança au visage les remontrances de son abject comportement ? Et ses voix, qui lui dictèrent comment se tenir, comment agir et même comment penser, était-ce possible qu’elles aient été mises en déroute par ses « sentiments » nouveaux envers la grisonne? Tout à coup, il se sentit petit. Bien petit d’avoir été mit à genoux par ce que pouvait provoquer l’ivresse de l’amour, si tant était-ce à cela qu’il devait ses étranges et récents agissements en Ithri’Vaan. Au final, peut-être aurait-il dû s’en tenir à ses fidèles croyances, ainsi qu’à son instinct qui à Yutar encore, lui dicta d’entretenir son alliance avec la Maître Forgeronne.

Aujourd’hui, lorsqu’il devait faire la part des choses et constater la réalité ; Shynrae s’était montrée forte décevante. Et absente, de surcroît. Tous les enseignements qu’elle reçut ne lui avaient pas offert la clairvoyance qu’il eut espéré, car lorsqu’elle sut pour l’être qui poussait en elle, elle s’était refermée sèchement comme un fleur à la tombée du jour. S’apitoyant sur un future qui la dépassait, dont elle ne connaissait ni la certitude ni les détails, ses récents apprentissages se firent surplomber par sa nature véritable. Il n’était pas trop tard pour changer et réparer les dommages qu’elle avait causés, mais pour cela, elle devait voyager. Loin, loin de chez elle.

Quant à Krish ? Rien n’était moins sûr. Ils s’étaient laissés en très mauvais terme, et à ce jour, constatant le piteux état de la pauvre mère, ainsi que de l’état de l’endroit et de l’importance que portait le temple à ce nouveau rejeton, Velkyn vint à se demander s’il connaissait moindrement sa femme. Qu’avait-elle bien pu faire pour provoquer un tel émoi au berceau de Natha ? Quels sacrifices avait-elle pu commettre pour le bien de son enfant et en quel nom ? Celui de sa propre gloire, de son aliénation ou œuvrait-elle depuis le tout départ, pour ses profondes et intenses croyances religieuses? C’était vrai, tout de même, qu’elle aussi vouait son existence non seulement à une seule déité, mais à l’ensemble du Panthéon Sombre, tout comme le fit son mari.

Bien des morceaux manquaient à l’ensemble du casse-tête qu’était devenue la princesse de lave au fil des années. Et il était bien décidé d’aller au fond des choses ; peut-être avait-il eut faux sur toute la ligne … Ou qu’il avait raison et que tôt, son poignard irait se nicher chaudement dans les entrailles de la pauvresse, qui sait. Sa lame était froide, depuis le temps qu’elle n’avait goûté le sang, elle avait soif, tout comme son maître qui s’était abstenu de tuer depuis un moment déjà.

« La bénédiction va commencer... Monsieur... Vous ne voulez pas y assister ? »

Des mots se liguant ensembles pour sortir le noirelfe de ses profondes réflexions. Tournant la tête sans considération, il jugeât son interlocutrice et ne daigna pas même y répondre, bien que l’expression de dégoût sur son faciès en dit long. L’idée d’assister aux sacrements de sa possible progéniture ne le laissa certes point indifférent, mais l’état de Krish primait. Car sans elle, sans pouvoir discuter calmement avec elle, il ne pouvait démêler les démons qui harcelaient sa psyché.

Le dos de Wydrin se tendit au moment même ou les yeux du drow se posèrent sur elle. Le réflexe d'un être élever à coup de fouet. Et pourtant elle ne baissa pas les yeux. Le dilemme était de taille... Elle n'avait absolument aucune confiance en cet homme qu'elle devait laisser seul avec la Vieille... mais Krish lui avait demandé de veiller sur sa progéniture, et après ce qu'elle avait aperçu, elle ne pouvait pas refuser d'assister à la cérémonie qui s'annonçait...

Pesamment, sur un dernier regard envers le prêtre, elle tourna les talons et glissa silencieusement dans les ombres du couloir.

>> Bénédiction de Natha <<

Dans la chambre, le corps immobile qui gisait sous les couvertures restait de glace. Un masque, voilà tout ce qu'il semblait encore existé. Un coquille vide. Les lampes à huiles jetaient leurs ombres sur les visages fermés des deux occupants de la chambre. Une tension imperceptible trônait en maître dans l'atmosphère, surplombant même les senteurs entêtantes qui diapraient l'endroit. Dans un parfait silence, même la répétition de deux respirations ténues semblaient exploser en une symphonie prometteuse.

Pourtant, cette fois il ne fallut qu'une poignée de minutes pour que le fard de quiétude vole en éclat sous le mouvement que fit la porte pour laisser passer un être de haute taille vêtu de l'habit des initiés du Haut-Temple de Natha. Un tout jeune homme frais émoulu de son adolescence. Les épaules encore peu marquées par l'effort, sa carrure sèche et son port droit témoignaient cependant de son cursus honorable. Dans les bras du garçon, paquet de linge rouge semblait tenir enfermé un être ridiculement petit. Si son visage, tourné pour reposer avec précaution contre le poitrail de son gardien, restait entièrement caché, une petite main était maladroitement sortie des langes.

Une petite main d'un noir de jais.

Aussi immobiles et pesante que le reste du petit être emmailloté.

Les yeux rouges de l'initié s'agrandirent quelque peu en voyant l'hôte de la chambre qu'il croyait vide de monde si ce n'était la mère elle-même.

« Pardonnez-moi ! » s'empressa-t-il de dire tout en se pliant en deux, les deux bras rabattus sur le trésor dont il avait la charge. « Je ne savais pas que vous étiez présent, Feu! On m'a demandé de procéder aux derniers rites d'accompagnements pour que cette braise rejoigne paisiblement Natha et Teiweon pendant que la Haute-Mère termine la Bénédiction. »

Enfin! Au travers les vapeurs d’encens et des lumignons éparpillés ci et là dans la chambre de régénérescence, volait depuis son introduction dans cette lugubre salle des miracles un diptère fort bien agaçant. En son ombre, la mouche faisait du surplace en guettant on-sait-trop-quoi du Haut-Prêtre qui, non seulement de titre, de sa position ainsi que de par son nom, avait plein droit de présence. Pourtant, la mouche virevoltait silencieusement toujours dans l’attente d’un mouvement quelconque du héraut. Du moins, jusqu’à ce qu’elle soit sollicitée ailleurs et qu’elle s’en aille, aussi silencieusement qu’elle était venue.

Elle ne pouvait pas l’entendre, croyait-il. Aussi lui adressa-t-il quelques mots, des mots qu’il n’aurait pas su lui dire en personne, de plein calme, sans contourner sa fâcheuse manie colérique.

« Parfois, je viens à croire que les voix qui me hantent ne sont pas d’origines Divine. Elles se contredisent, elles me poussent à des actions qui me semblent complètement déraisonnes, me font prendre des décisions qui à tête reposée, me semblent parfois tirées par les cheveux … Non Krish je te le dis, je cultive bien des doutes à leur propos … Mais voilà, je suis acculé au pied du mur ; elles m’ont servies par le passé, non ? Je dois me rendre à l’évidence, elles m’ont causées plus de bien que de mal, si j’en vois la position que j’occupe aujourd’hui. Conseillères, lorsqu’un conflit éclatait, elles me disaient la voix à suivre, le parti à prendre, c’était simple. Pourtant, maintenant que je vois où nous en sommes rendus tous deux, je souhaiterais qu’elles ne m’aient jamais soufflées les conseils qui m’aiguillèrent de la sorte. » Il resta un moment silencieux, pianotant distraitement sur sa cuisse du bout des doigts. Était-ce une prime manifestation de lâcheté qui l’incitait à déblatérer de la sorte sur ses imminents soucis ? Elle ne pouvait pas l’entendre ni répondre et ça l’arrangeait, parce que malgré les différents qu’ils avaient l’un l’autre, elle était sa confidente depuis plus de cinq siècle …

« J’ai remis en doute l’intégrité de tes croyances. Mais comment voulais-tu que j’en fasse autrement, alors que ton cœur volage s’accointait avec nos pires ennemis ? Notre civilisation n’est-elle pas basée sur la haine que nous leur portons ? Sur la Vengence d’Uriz sur ceux qui nous ont trahis ? Comment alors peux-tu alors entretenir de la sorte ta foi pour les Dieux, alors qu’iceux depuis toujours nous léguèrent leur haine indéfectible pour ces erreurs de la nature ? » Avait-il affirmé en se choquant pratiquement, les dents resserrés, vraisemblablement plongé dans l’incompréhension la plus totale.

« Qu’as-tu fait pour qu’on accorde autant d’importance à ton enfant, dis-moi ? Se peut-il que tu lui aies réservé un court avenir, en le sacrifiant dès la naissance ? Ou alors que cet enfant n’est pas normal ? Et toi, l’une des plus robustes femmes que l’Elda ait connue, se retrouve alitée et pratiquement laissée pour morte ? Non, je n’y crois pas. C’est de la foutaise. J’ai besoin de sav… »

Le craquement du portail de bois à son ouverture coupa la parole du Haut-Prêtre qui derechef, tourna la tête vers l’inconnu. Si de prime abord le faciès du Drow retrouva sa naturelle dureté, ses traits s’adoucirent à la vue de la petite créature qu’il portait en ses bras protecteurs. Silencieux, Velkyn ne se montra en rien rassurant face aux houleuses paroles de l’initié et porta plutôt l’entièreté de son attention sur le petiot. Son menu et fragile petit bras teinté de charbon coupa net le souffle du Haut-Prêtre. Cet enfant n’était pas celui de cet enculé d’elfe ?! Restant pantois quelques interminables secondes, il acquiesça vers l’initié en le questionnant :

« Procèdes. Mais dis-moi, en quoi consistent ces rites, grossièrement ? Et que peut attendre cet enfant de cette bénédiction ? » Le questionna-t-il, non seulement pour satisfaire sa propre curiosité, mais aussi pour mesurer l’expérience et les connaissances du jeune drow.

L'initié se courba de re-chef lorsque le Haut-Prêtre lui permis d'accomplir ce pourquoi il était venu. S'il eut du mal à se détourner du visage du grand homme, il réussit pourtant à le faire pour s'approcher à pas comptés du profil endormit de la jeune mère qui reposait en ces lieux, le petit immobile, toujours pressé contre lui avec cette sorte de tendresse cruelle et implacable qu'avaient les prêtres envers les coquilles impures.

Pourtant, il se retourna à demi en entendant la question de l'hôte... N'était-il pas Prima Sanguis? Le fait que les hommes portent si peu d'attention à Natha restait toujours un mystère pour lui, surtout pour les descendant des premiers sangs... Mais il n'avait pas a juger un si grand personnage. Il inclina humblement la tête vers lui, comme pour lui demander un bref instant, avant de se présenter avec un respect similaire devant la femme inconsciente.

A voix basse, il commença a psalmodier, gardant l'enfant d'un seul bras contre lui, une lame fine glissa dans sa main libre. Il piqua le pouce droit de la comateuse, puis, s'en emparant avec précaution, traça le cercle de Natha sur le front du bambin, puis recouvrit entièrement son corps étrangement court du doux voile glacé de Teiweon.

Ses suppliques se tarirent. Les derniers sacrements étaient fait et la fin de sa mission aurait lieue ailleurs, sa tâche ici s'achevait et la Braise était sauvée. Aussi pouvait-il prendre le temps de répondre aux questions du visiteur.

" Vous n'êtes pas sans savoir qu'un nouveau né doit passé l'Acceptation, l'obtention de l'aval d'un prêtre de Natha pour pouvoir être considéré comme Drow et Eldéen. Notre déesse préside à la puissance du peuple en veillant à ce que nos enveloppes ne soient pas affaiblis par les manigances de la Traitresse. C'est elle qui nous a rendu la possibilité de transmettre la vie malgré la Malédiction. C'est grâce à sa vigilance et à son implacable tendresse que nous nous sommes si rapidement défait du sang impur qui entachait nos corps lors de la Révélation. Et aujourd'hui encore, c'est elle qui veille à ce que les trois Primes Présents ne nous soient point retirés : Lil Reik, Lil Oloth, Lil Xar'zith."

Il avait compter sur ses doigts pour ponctuer sa phrase. La Braise, L'Ombre, La Glace. Une fois leurs yeux ouverts sur les méfaits de la Traîtresse, les elfes qui avaient quitté les frondaisons de leur bourreau et reçu sa malédiction avaient été bénis par les Vrais Dieux. débarrasser des brumes du contrôle malsain de la déesse, leurs iris avaient retrouvés la flamboyance de la Braise d'Uriz.

Pour contrer la malédiction, sur la demande de Teiweon, Natha leur avait offert une part de son pouvoir, remodelant leurs corps pour qu'ils gagnent en force et puissent de nouveau enfanter. Leur peau se couvrit alors des ombres dans lesquelles régnaient la Mort à la fois pour en faire ses messagers mais également pour les prémunir de ce destin funeste auquel la Traîtresse souhaitait les voir succomber. Puisqu'elle faisait déjà parti d'eux, ils ne craindraient plus les Ténèbres de l'Après-Vie.

Puis, pour protéger leurs esprits de l'influence néfaste de la Première Déesse, les dieux prirent un peu de la Glace du début du monde, celle là même qui avait enfermé Uriz et qui avait été conçu pour bloquer ses pouvoirs divins. De cette glace, ils couvrirent la tête des nouveaux drow pour que jamais plus ils ne soient contrôlés par qui que ce soit. Ainsi leurs cheveux devinrent aussi blanc que le sommet des montagnes.

Tous les drows connaissaient cette histoire, mais ne sachant pas ou l'inculture de son hôte commençait, il préférait dérouler les faits dans leurs entiers, toujours avec la même humilité craintive qu'il avait face à ce représentant d'Uriz.

" Les Rites ont été dictés par les Dieux aux premiers d'entre nous pour laisser derrière eux leur sang d'elfe. Les premières générations les respectaient scrupuleusement et c'est grâce à eux que notre race se renforça si rapidement, garantissant la bénédiction des dieux à chaque enfant voyant le jour et punissant toute faiblesse par la mort de la mère et de l'enfant.
Les générations passèrent et, pour le rayonnement de notre peuple, nous devions quitter Elda et croitre en nombre. Mais le nombre de mort était si élevé que les Guides de ce temps, dans leur sagesse, ont décrété que les rites n'étaient plus nécessaire pour honorer les dieux et que nous leur rendrions plus grand hommage en écrasant leurs ennemis.
Seules quelques lignées de Prima Sanguis refusèrent d'abandonner ces pratiques pour garantir leur sang. L'une d'elle s'est éteinte malgré sa grande ferveur... "

Il sacrifia à un signe de bénédiction en parlant de cette lignée défunte. Non qu'il porte particulièrement les Prima dans son cœur, mais il n'aurait pas oser dire un mot contre eux en la présence de celui qui lui faisait face.

" Ils sont alors peu à peu tombé dans l'oublie, n'étant conservé pour nous que par les archives du Haut-Temple où vous vous trouvez. Les prêtresses de Natha et quelques suivent des rituels descendant de ceux-ci, ne pratiquant que les épreuves de leur choix pour garantir des progénitures vigoureuses. Seules les prêtresses les plus ferventes se risquent à s'engager sur la voie des véritables Rites pour attirer l'attention des dieux sur leur progéniture, renforcer leur corps, leur esprit et empêcher la Traîtresse d'y apposer la poindre influence néfaste. "

Tout en parlant, le regard de l'initié avait commencer à glisser sur le paquet qu'il tenait sans pouvoir cacher un léger signe de pitié avant de replonger son attention sur son auditeur.

" Il n'y a rien d'anormale à ce que vous n'en ayez pas entendu parler. Cela fait plus de deux Cycle qu'aucune eldéenne n'appartenant ni au Clergé, ni aux Premiers Sangs n'avait survécu aux Rites et même les prêtresse qui s'y risquent une une chance réduite de s'en sortir... Nous célébrons donc généralement cela en privé pour éviter que la question d'alors se pose une nouvelle fois... "

L'histoire avait prouvé que les drows avaient eu besoin de ce nombre de braise, même si toutes n'étaient pas d'exception. Il aurait été fou de vouloir remuer le passé en révélant que les Rites pouvaient être pratiqué par tous... Et lui-même craignait que la décision de la Grand-Prêtresse Ekmir ne fasse de malheureuses émules dans les années à venir...

Et pourtant...

Pourtant il ne pouvait s'empêcher d'éprouver un grand respect pour cette femme qui était allé jusqu'à traversé le désert malgré son état de santé pour que les Rites soient accomplis jusqu'au bout. Ce qui était sortit de son ventre ne changeait rien à la ferveur qu'il lui avait fallu pour suivre de tels épreuves jusqu'au bout.

Il se tourna à demi pour poser un instant les yeux sur son profile morbide. La Divine Mère ait pitié de la ferveur de cette fille d'Elda...

" Passer les Rites avec succès est non seulement un honneur mais une marque d'approbation divine. Si l'enfant voit le jour, l'Acceptation lui est acquise car les dieux eux même l'ont mis à l'épreuve, lui ainsi que sa mère. Il est Eldéen et aucun des notre ne serait lui renier ce que les dieux lui ont accordé. Mais cela lui assure aussi une attention toute particulière de la part de chaque dieu invoqué pendant les Douze épreuves. Certains en restent marqués à jamais... "

Les yeux du jeune homme rencontrèrent de nouveau ceux du prêtre d'Uriz, s'ébrouant comme pour sortir d'une réflexion profonde. Il se plia une fois de plus en deux, inquiet de n'avoir point indisposer le haut personnage.

"Veuillez me pardonner, Feu. Je me suis égaré... J'espère que mes digressions ne vous ont pas indisposées..."

Plus que jamais hésitant, il lui fallait tout de même demander...

" Mon devoir m'attend... Puis-je ? "

Tout le long de la narration, Velkyn s’était interdit tout droit de parole de sorte à ne pas altérer le court de son récit. Il vivait pour ces moments, cet instant où il constatait qu’au Puy, en Elda, la foi de ses semblables n’était pas vaine et qu’elle était étroitement entretenue. Une chose qui n’était pas pour déplaire au héraut d’Uriz, lui qui constata quelques ennéades plus tôt l’étendue de la déchéance Thaarie. Aussi devait-il se l’avouer, le jeune initié avait fait ses devoirs, ne s’enfargeant sur nulles doutances et peignant brillamment un aperçu de la cosmogonie à son interlocuteur. Avait-il fauté, ou s’était-il fourvoyer sur quelques détails ? Cela avait peu d’importance, du moment qu’il était mesurable et tangible la portée de sa croyance envers cette histoire. Après tout, en bon fanatique qu'était Velkyn, toutes ces histoires ne lui était pas chose méconnue, elles étaient pour lui une part entière de lui-même, y croyant dur comme fer.

« Tes digressions ? Cette histoire, l’on me la raconte depuis ma prime enfance et jamais je ne me suis lassé de l’odir. Chaque déité possède son histoire propre et c’est à nous, leurs serviteurs, de les faire connaître. Au-delà de ton propre devoir envers ta déesse, tu te dois en permanence œuvrer pour que de nouveaux sujets s’agenouillent devant elle et la serve, chose que t’es évertué de faire envers moi, en dépit de mon titre. » Il marqua une pause après s’être exprimé, puis lançait une œillade vers Krish qui, toujours souffrante et alitée, venait de confirmer les pouvoirs de Natha en mettant à bas un nouveau rejetons.

« Quant à moi, il vrai que je n’ai pas toujours servi la généreuse Natha. Bien que jamais je n’eus omis de reconnaître son importance … Je lui dois aujourd’hui beaucoup, pour ma négligence. » Lui qui s’était obligé à tous les servir, à tous les reconnaître et faire valoir leur importance, s’était effectivement négligé lorsqu’il s’agissait de la fille d’Uriz, celle qui permit à tout un monde de procréer afin d’assurer leur avenir. « Nous aurons à nous revoir très bientôt, j'y veillerai. »

Puis sans trop savoir comment se tenir en ses bottillons face à une telle requête, le jeune Drow hocha simplement du chef en ajoutant, tout hésitant qu’il se montrait s’il pouvait prendre congé. Chose à laquelle, naturellement, après un discours de la sorte, ne pouvait qu’accepter Velkyn. « Tu peux y aller. »

L'initié quitta la chambre avec soulagement. Être en présence d'un si grand nom… être même compliment par lui était impressionnant… Et les rumeurs qui le disaient lunatiques n'arrangeaient rien à tout cela. Les rumeurs le disaient lunatique ce qui n'avait en rien arranger l'état de tension du jeune homme.

Mais tout cela était derrière lui a présent. Dans les entrailles du Temple, il put procéder aux rites funéraires avec le concours d'un prêtre de l'ombre. L'eau du corps pour Teiweon. Le charbon restant brûlé en l'honneur d'Uriz. Et que Natha prenne soin de l'esprit de Nos'sta Al'Serat.

Pendant ce temps, la chambre avait retrouvée une fois de plus sa quiétude. Près d'une heure s'écoula avant que les hurlements stridents d'un bambin ne se répandent en échos plaintifs depuis les profondeurs du bâtiment. Il ne fallu pas beaucoup plus longtemps pour le le visage blafard orné de symboles sacrés d'Ekmir, accompagné d'une initiée et de l'hybride qui servait de garde à la Princesse marchande n'apparaissent dans l'encadrement de la porte. Le pas de tout ce beau monde avait été couvert par les pleures de l'enfant qui se débattait contre le sein de la Grande-Prêtresse don la robe noire laisse apparaitre un ventre plat marqué du cercle de Natha.

Nu comme un verre, à moitié caché par les replis de la toge noire de la femme qui le gardait, ses petits poings et ses petits pieds battaient férocement l'air, faisant preuve d'une vigueur exceptionnelle... malgré leur pâleur morbide. Deux bras. Deux jambes. Des poumons vigoureux. Des yeux d'un rouge sang remplis de larmes. Pas la moindre trace de pigmentation n'était visible entre les replis de tissus, que ce soit sur son corps, ses cils ou ses rares cheveux.

Apercevant le l'homme, les trois femmes marquèrent un arrêt. Si l'initié ploya tout de suite en signe de déférence, Ekmir et Wydrin esquissèrent un salut de la tête bien moins humble... sans le perdre une seconde des yeux.

Tendue comme si elles craignait une réaction incontrôlable, Ekmir prit la parole avant même d'entrer dans la pièce.

"Nous venons présenter ce fils d'Elda à sa mère... "

Et les pleurnichements de nouveaux nés recommencèrent, encore, encore et encore. Bouclant leur « malheurs » et leurs « maux », les jeunes poupons hurlaient les uns sur les autres de sorte à faire vibrer les fondations du temple. Une cacophonie qui commençait à harasser les oreilles pointues du prêtre. Lui qui avait pourtant l’oreille musicale aux complaintes de ses victimes, s’était acclimaté à odir de plus graves lamentations. Mais les lamentations infantiles était tout autre, leurs aboiements stridents et perçant n’avait rien d’agréable et pour en témoigner, Velkyn croyait ses oreilles bientôt saigner. Pourtant, cette géhenne interminable ne trouva point encore le bout de la patience du Haut-Prêtre qui, le grand dorsal arc-bouté en amont, accoudé contre ses deux genoux, fixait éternellement sa femme agonisante.

Sa précédente affaire avec l’initié de la plantureuse féconde fit germer en la conscience du Drow nombres d’interrogations et de questionnements, quant à sa relation avec ladite Déesse. Il n’était pas mensonge d’affirmer que le Haut-Prêtre délaissa l’importance de Natha durant ces innombrables années à guerroyer en l’Anaëh. À l’époque, elle lui fût favorable, pourtant, du temps où il l’honorait quotidiennement … Plus d’une décennie dut s’écouler pour que la maîtresse des forges puisse enfanter. Tous louèrent la plantureuse pour ses bonnes grâces car dix années suffirent pour faire rêver n’importe quel Drow qui aspirait à la pérennité de leur lignage. Et aujourd’hui, il ne lui offrait rien, pas le moindre remerciement, alors qu’elle venait d’accomplir en ce bas monde rien de moins qu’un miracle. N’avait-elle pas honoré de son pouvoir deux femmes en qui Velkyn avait planté ses armoiries, ceci du premier coup de lance? Il devait remédier à sa faute, expier son laxisme envers celle qui permettait à l’Elda d’exister …

Son pif se dressa légèrement pour pouvoir mettre en joug sa femme du regard, qu’il admirait d’une ferveur renouvelé, depuis qu’il avait su approximativement les épreuves qu’elle s’était elle-même faite subir. Une auto flagellation qui laissait envisager un fanatisme qui ne lui connaissait pas, ou qu’il avait mis en doute au fil du temps.

« Teiweon, entends-moi ; je garderai ici dans les profondeurs du Vatna l’âme de Krish, car icelle ne t’es pas destinée. Pas encore. Repais-toi d’autres âmes moins dévouées, des esprits auxquels tu peux aspirer aux plus délicieuses souffrances. Abreuves-toi de leur calvaire, amuses-toi d’elles et disposes en à ton bon vouloir ; mais laisses-moi d’abord m’entretenir avec l’une de tes plus fidèles enfants avant de me la prendre. » Avait-il pieusement chuchoté, bien qu’impératif dans le ton, comme il le faisait lorsqu’il exigeait d’Uriz lors de ses prières.

Ébaubi par l’entrée bruyante des personnes qui l’extirpèrent de ses songes, il bondit en déposant dare-dare sa paluche contre le pinacle de son pommeau d’épée, près à dégainer aux moindres faux mouvements. Son nez se froissa à la vue d’Ekmir et de sa compagne, leur lançant naturellement un regard dédaigneux et presque dégoûté. Mais la vue de l’initié, ainsi que du poupon, naturellement, lui fit relaxer les muscles tendus de son bras alerte. « Faites, mais elle n’est toujours pas éveillée. » C'était-il contenté de leur signaler, le ton évidemment fort bien peu avenant et coopératif.

" Cela importe peu. " répondit Ekmir avant d'entrer à petit pas.

La Grande prêtresse fini par le lâcher des yeux pour s'approcher de la comateuse. Apercevant le sang séché sur le bout de son doigt, elle prononça quelques mots pour l'enfant qui était désormais au côté de Natha avant de tirer la couverture qui cachait sa poitrine pour y poser précautionneusement le nouveau né, à plat ventre.

Comme une ombre, l'initiée l'observait en silence. Wydrin, elle n'était pas entrée, restant, comme elle l'avait fait durant les deux derniers jours. Sur sa peau de cendre, l'encre de ses cernes commençaient à creuser son visage de façon plus que visible mais son regard n'en était pas moins vif. Un être sauvages qui tenait sur les nerfs...

Ekmir, s'assit au côté de la Maîtresse des Forges, vérifiant que l'enfant ne risquait ni de tomber, ni de s'étouffer par un mauvais placement de sa lourde tête alors qu'elle le plaçait plus correctement contre le sein de sa mère, caressant doucement son dos en attendant qu'il se calme et puisse prendre son premier repas.

Sans lâcher des yeux le petit, la langue de la prêtresse se délia une fois de plus.

" Puis-je savoir combien de temps vous comptez rester, Feu? "

Six cent soixante-dix-huit années s’étaient écoulées, pratiquement sept longs et interminables siècles, et bien malgré ça, ces choses aussi rudimentaires et essentielles à la vie, telle que donner le sein, ou l’amour que pouvait avoir une mère à son rejeton, lui étaient inconnues. La mère du Haut-Prêtre l’avait-elle mit au monde au milieu d’un champ de bataille, pour qu’il soit aussi indifférent et ignare à ces pratiques ? Impassible, ses bras vinrent se lier contre lui-même, un brin renfrogné. Se sentait-il agacé par la présence du nourrisson, son enfant à lui? À dire vrai, c’était possible ; son impuissance le dégoûtait. Dépendants, incapable de rien sauf de respirer et déféquer, les bébés lui donnait la nausée, même lorsque ceux-ci étaient aussi spéciaux et uniques que ce petit prodige …

Une scène adorable se présentait sous ses yeux, un des rares actes de tendresse que pouvait se targuer toutes les femmes Drow d’apprécier et pourtant, lui, regardait ceci de manière impassible. Son regard était vide d’émotions, ses yeux faiblissaient sous la pesanteur de la fatigue et de l’inconfort de l’endroit. Son dos commençait à le tirailler de douleur, gigotant du séant pour se trouver une position plus adéquate. Krish était mourante et il se pouvait qu’elle n’ouvre plus jamais les yeux, alors, il ne pourrait jamais savoir le fond de cette histoire, jamais s’assurer de la profondeur et de la rigidité de sa ferveur. Il ne pourrait jamais jouir d’entendre les sacrifices qu’elle a fait pour son enfant, au nom des Dieux … Sa la maîtresse de lave devait pousser son dernier souffle, il serait là pour le voir et le constater de ses propres yeux.

Elle vivrait. Il en était sûr.

Et à cette question qu’Ekmir poussa, Velkyn ne trouva plus même la force d’être désagréable. Il l’aurait voulu, vraiment, il aurait voulu se montrer courroucé d’une telle question, aussi anodine eusse-t-elle été, mais la fatigue lui pesait trop. Alors il répondit, simplement, sur un ton de voix monocorde et sans vigueur. « Aussi longtemps qu’elle ne s’éveillera pas. » Il inspira profondément, frottant l’une de ses paupières d’un poing refermé, puis redressa le nez vers Ekmir. À défaut de pouvoir l’entendre de Krish, peut-être pouvait-il aller à la pêche aux informations, une activité qui pourrait bien l’aider à garder l’œil ouvert. « Je sais que tu t’es occupée d’elle du début jusqu’à la fin. Tu as su être son ombre et la guider au travers de toutes les épreuves qu’elle s’est affligée … Je veux savoir, je veux connaître tous les sacrifices qu’elle a commise et pour quels Dieux, es-tu en mesure de me le dire, Ekmir ? » Quoi? Le Haut-Prêtre se montrait presque poli ? Ou bien un Voile allait se lever sur Miradelphia plus tôt que prévu, ou bien Velkyn était possédé d’une fatigue qui dépense l’entendement!

Toute sa maternelle attention ne changeais pas de cible.

" Vous ne pourrez pas les comprendre tous. Pour ça vous auriez du naître femme. " répondit-elle du tac au tac. " Les détails des rites sont réservés à celles qui les passent et c'est à elle seule qu'il revient le choix d'en parler ou non car ce sont des épreuves qui touche la personne dans ce qu'elle a de plus intime. Les conséquences et les apprentissages sont différents pour chacune. "

La gorge de l'inconscience émis un feulement rauque à peine perceptible alors que sa poitrine se surélevait légèrement. Ekmir la fixa quelques instants, attentive au moindre détail... mais rien de plus. A peine la preuve qu'un soupçon de vie habitait encore une coquille vide... Après un bref soupire déçu, la prêtresse repris, comme si l'intervention de son amie l'avait décidée à livrer un peu de ses secrets.

" Sachez cependant que contrairement à d'autres, elle a dévoué son corps et sa Flamme à chacun de nos dieux sans exception. Qu'elle a été testée, marquée et changée par chacun d'entre eux, de Tesso à Leetha en passant par Teiweon, tout comme son fils. Voulez vous savoir autre chose? "

Suivant Krish, elle savait parfaitement ce qui s'était déroulé entre eux. Aussi bien avant que pendant les célébrations de son anniversaire. Pourtant elle n'avait nul envie d’affronter frontalement un tel homme...

Qu’elle décevante réponse … Mais au fin fond de lui, s’attendait-il à ce que ses politesses soient exaucées de la manière similaire ? C’est au visage qu’Ekmir venait de lui cracher, rien de moins. Elle savait à qui elle avait à faire, mais le savait-elle réellement ? Avait-elle seulement conscience de tout le savoir spirituel qui l’habitait, de toutes les connaissances relatives au Panthéon Sombre ? Du fond de sa gorge, Velkyn gronda d’agacement, inconsciemment. Ses yeux fixaient désormais non plus la mère, ni plus que son fils ou le sien, mais l’effrontée d’Ekmir, qui semblait oublier qu’en Elda, la voix d’Uriz portait fort bien plus que celle de son confrère d’Ithri’vaan. Qu’Uriz et Teiweon avaient au volcan, bien plus de pouvoirs et de droits que nuls autres représentants divins. « Ne … Pas les comprendre? Moi? » Avait-il lancé, dans un préambule d’énervement, alors qu’il se redressait mollement de son assise, l’air très sérieux. Sa langue pourléchait ses lèvres sèches, tandis qu’il s’approchait dangereusement, d’un pas incroyablement lent –peut-être à cause de la fatigue, ou du fait qu’il se retenait pour ne pas bondir sur elle… -, ajoutant ensuite sur un ton menaçant ; « Depuis combien de temps n’avais-tu pas piéter au Vatna, Ekmir ? Peut-être t’es-tu éloignée trop longtemps, après tout … On dirait que tu as oublié à qui tu t’adresses … » Si près d’elle, son ombre couvrait désormais la « dépouille » de Krish et laissait envisager à Ekmir ce qui pouvait alors se passer, si d’avantage elle le courrouçait. Mais il n’ajouta rien, pour une fois, tâchant d’analyser pourquoi s’était-elle refermée à sa requête, plutôt que de mordre dès que quelque chose lui déplaisait. Peut-être avait-elle assisté aux déboires amoureuses du célèbre couple … Alors, plutôt que se poursuivre ses menaces, il se posta à la senestre d’Ekmir, pour mieux observer comme le nourrisson avait faim …

« Nous nous sommes pas toujours entendus. À dire vrai, les moments où nous avons été d’accords sont si rares, que je peine à savoir si je peux les compter sur mes dix doigts. Son caractère bouillant et imprévisible va de pair avec le mien, nous sommes sur ces points identiques … Ce qui nous a séparé, au tout départ, c’est sa phobie de l’ennui, de la monotonie et de la routine … Thaar l’a accueillie à bras ouverts lorsqu’elle a déserté le Puy et de là, ses horizons se sont ouverts et ses mœurs ont changés, alors que les miennes sont restées intactes, soigneusement entretenues dans les profondeurs de l’Elda. À la côtoyer dans son élément désormais naturel qu’est Thaar, je crois … m’être trompé à son sujet. Elle a changée, elle n’est plus la femme que j’ai connue, c’est un fait … Mais son fanatisme, son dévouement pour les Dieux Sombres, cette ferveur démesurée à laquelle elle me fit le partage lors de nos vieux de mariages, ceux-là, sont restés intactes. Et ça, je n’ai pas su le voir. Ma haine pour les elfes, mon dégoût pour les doebens et mon désir d’être entendu aussi fortement et fidèlement qu’on le fait au Puy, m’ont aveuglé et m’ont fait dire les pires horreurs. Aujourd’hui, j’aimerais la voir ouvrir les yeux, que nous puissions comme avant nous défier du regard. J’aimerais boire ses paroles, lorsqu’elle m’expliquera tout ce qu’elle a fait pour sa progéniture … »

Sa mâchoire se crispa le temps qu’il livrait le fond de sa pensée vers Krish. S’expliquait-il à Ekmir, ou se délivrait-il de ses démons les plus récents? Peu importe ce qu’Ekmir en dirait, il voulait le dire et c’était chose faite. Qu’elle le croit, ou non.

Ekmir ne répliqua rien, baissant humblement la tête pour contenter le bouillant représentant du temple d'Uriz. Il n'y avait rien de plus à dire. rien de plus à juger. Il semblait étrangement attentif à cette femme... Mais elle préféra se taire que de commettre un impair. Elle resta le temps qu'il fallu pour que le petit mange ce qu'il, toujours en lui caressant le dos, avant de le reprendre dans ses bras pour l’emmailloter et le déposer dans un berceau non loin.

" Tant qu'il seront ici, ils sont sous la protection du temple... Je repasserai dans deux heures. Appelez quelqu'un au moindre problème. "

Alors que ses pas s'éloignaient dans le couloir, Wydrin restait dans l'ombre de la porte, sachant qu'elle ne pourrait plus tenir bien longtemps... mais qu'elle pouvait bien encore le faire quelques heures...

Mais trois heures plus tard, elle du finalement se rendre à l'évidence... Elle n'arrivait plus à tenir. Assise, en boule sur elle même par terre dans le couloir, sa tête s’affaissa sur ses genoux...

Velkyn commençait lui aussi à ne savoir plus comment se tenir. La chaise, devenue aussi inconfortable qu’une poire d’angoisse, n’était désormais plus endurable. Debout, depuis quelques jours, ses jambes commençaient à lui picoter d’envie d’aller se faire aller en d’autres endroits et son estomac, oh, son pauvre ventre vide hurlait son envie d’être sustenté. Et encore, ça, c’était sans parler que le héraut d’Uriz ne s’était pas battu avec quiconque depuis quelques interminables journées. Sa soif d’adrénaline, d’efforts physiques et de sang commençait à le faire craquer et en ces besoins, le tout était visible en son regard. Ses yeux qui autrefois étaient portés vers Krish ou vers l’infinit, là où il déversait ses plus profonds songes, se fermaient lourdement sous les assauts tenaces de la fatigue.

Sans défenses, le Haut-Prêtre s’était assoupi, au pied du mur qui juxtaposait le berceau, mais aussi la couche de sa femme. Ses jambes étaient repliées sur lui-même et sa tête, de même que l’était ses deux bras, étaient appuyés contre ses genoux. Son souffle régulier et profond, prouvait qu’il venait enfin, lui aussi, de sombrer dans un sommeil réparateur. ..

Personne n'osa troubler le repos du Haut-prêtre. Lorsqu'Ekmir repassa pour s'occuper de l'enfant, elle l'emmena dans une pièce latérale pour épargner les oreilles du drow. Secouée par la prêtresse, Wydrin évita une terreur abject en découvrant le berceau vide et s'étira pesamment. Elle ne reçu cependant pas la grâce d'entendre sa voix... mais depuis le temps le racisme était un peu comme une seconde nature. Elle la regarda s'éloigner dans le couloir avec le poupon, les yeux encore voilés de sommeil, avant de se lever le plus silencieusement du monde et faire rouler son épaule ankylosée en grinçant.

Elle rouvrait les yeux lorsque la silhouette de Velkyn assoupit, recroquevillé sur lui-même, lui attira l’œil. Surprise, elle s'appuya un moment contre le chambranle, constatant le calme qui régnait dans cette petite pièce avec un soupire léger. La scène avait quelque chose de... brodée, de volontairement parfaite. Cela lui rappelait les derniers chapitres du Lys et le Bouclier.

Un filet de voix échappa de la gorge du drow, la ramenant à la réalité. Elle se secoua, et tourna les talons, suivant les traces d'Ekmir un peu plus tôt, fidèle à la promesse qu'elle avait faite à la Patrone.

Dans la salle, le petit était endormi, Ekmir en train de s'affairer sur un plant de travail juste à côté, concoctant... quelque chose...

Penchée au-dessus du berceau, Wydrin regardait le bambin avec introspection. D'un côté, ce... truc, avait quelque chose d'attendrissant avec sa frimousse et les bruits rigollots qu'il faisait en dormant... D'un autre, même si elle tentait d'oublier l'horreur informe que ce bambin trognon avait été à la naissance, dès qu'il ouvrait un œil, il n'avait pas son pareil pour mettre la Capitaine dans un état d'angoisse si intense qu'il n'avait d'égale que la haine qu'elle éprouvait à son égare... Elle en était désemparée à chaque fois et elle ne restait que bien peu souvent dans le secteur tant le simple fait de le tenir dans ses bras lui était insurmontable. Il était au moins aussi horripilant pour les autres maintenant qu'il pouvait respiré de l'air qu'il avait été cruel pour sa mère durant cette laborieuse gestation. Il était... braillard. A peine un œil ouvert et jusqu'à ce qu'il se rendorme, terrassé par la fatigue. A peine s'arrêtait-il pour téter... Une seule chose semblait le calmer à peu près, c'était le contact de sa mère. Heureusement... il dormait beaucoup.

« Tu n'es qu'une infâme crevette bruyante et puante, tu le sais, hein ? » murmura-t-elle au poupons endormi qui ne lui répondit que par un sourire bienheureux. « Et vous faites quoi, vous ? »

« Je prépare une pommade pour sa hanche.
-Ah... »

Le silence...

« Il fallait aussi que je vous dise que je repart à Thaar après-demain. »

Mais...

Le regard de la gardienne se fixa le profile de la Vieille glissant malgré elle sous ses yeux. Les joues émaciées. La peau terne. Les yeux clos. Son visage semblait couvert d'un masque mortellement immobile, taillé dans une pierre lisse et froide. Un morceau de charbon là ou aurait du danser la flamme...

« Elle n'est pas remise...
-Mais le temple ne la gardera pas plus longtemps. Son ventre a été cicatrisé. Elle devra se remettre de ses autres séquelles dans sa propre demeure.
-Ekmir... »

La prêtresse s'occupa de l'enfant sans le moindre mot avant de se redresser pour quitter l'endroit comme si la sang mêlée n'existait pas. Wydrin lui barra le passage, retenant à peine la menace dans sa voix.

« Ekmir vous ne pouvez pas nous laisser comme ça. Vous ne pouvez pas laisser ce gamin comme ça !
- Mon devoir en tant que prêtresse se termine ici, femme. Mes offices à Thaar n'attendront pas indéfiniment.
- ... Mais comment je vais faire... ?!

La colère et la menace s'étaient faites peur et doute. Ekmir scruta la jeune hérétique des pieds à la tête, jaugeant chacun de ses gestes, chacune de ses inspirations incertaines. Après quelques instants, elle lâcha, glaciale :

« Vous prierez. »

En un souffle, elle se retrouva dos au mur, l'index et le majeur à un cheveux du front de la guerrière. Elle ne l'avait pas toucher… Et pourtant sa peau grise commençait à suppurer d'un sang rouge sombre, glissant en fin filet sur son nez, capturé par l'un de ses sourcils.

« Salope ! Vous vous êtes bien marrée et maintenant que le boulet est là vous laissez tomber !
- Prend garde à ta langue, Infidèle ! Que personne ne t'entende blasphémer en ces lieux.
- Je m'en fout. Vous laissez ce petit crever... »

Les deux femmes s'affrontèrent du regard quelques instants.

Les doigts frappèrent, fulgurants.

Wydrin poussa un cri de douleur en sautant en arrière, portant ses mains à son visage. Le poupon, réveillé en sursaut lui fit échos de toute la force de ses petits poumons. Une souffrance indescriptible s'était emparée de tout son crâne, comme des milliers d'aiguille perçant sa chair et ses os, s'insinuant dans ses yeux et crevant ses tympans. Elle tomba à genoux, vidant le contenu de son estomac sur le sol… ou tu du moins cracha-t-elle la bile qui lui monta aux lèvres.

« Demandez l'aide d'un initié. Je passerai voir si vous êtes bien installés dans la demeure de Krish avant mon départ... »

Quelque part dans le monde brumeux qui l'entourait, le silence revint entourer la jeune femme recroquevillée au sol. Peu à peu elle repris ses esprits, jusqu'à être capable de balancer un violent coup de pied dans les piliers de pierre soutenant le plan de travail. Sa cheville encaissa rudement le choc mais cette fois c'était la frustration qui fit hurler la guerrière.

Les pleurs du garnements continuaient, aussi alla-t-elle le ramasser à contre cœur, se dandinant d'un pied sur l'autre pour tenter de le calmer… sans succès…

« MAIS ARRETE BON SANG !! TU VEUX QUOI A L FIN ?! »

Elle faillit le secouer violemment mais résista à la tentation pour courir à corps perdu dans le couloir à la recherche de la moindre personne qui aurait put lui dire quoi faire.

Il était absolument impensable qu'ils restent là, sans aucun appui réel et loin de toute garde acceptable... Contre l'avis des médecins, des prêtres, des soldats et du reste du monde semblait-il, Wydrin avait ordonné le rassemblement des troupes avant même que la nouvelle du rapatriement de la jeune mère du temple à sa demeure d'Elda se soit répandue. Ils prendraient le temps qu'il faudrait mais ils retournerai à Thaar dans la foulée du départ d'Ekmir ! La capitaine de la garde avait même pris sur elle de vendre plusieurs des esclaves qui les avaient accompagné à l'aller pour obtenir les services de médecins et d'une nourrice jusqu'à destination.

En moins de six heures, elle avait convenu des plus gros préparatifs et confier le reste à l'intendant chenu qui était en charge du grand manoir vide de la famille Al'Serat durant tout le temps que Krish passait ailleurs. Un fois fait, c'est avec empressement qu'elle retourna, comme promis, veiller sur Krish et sa progéniture, avec la ferme intention, si Velkyn était encore présent, de lui apprendre la nouvelle de vive voix, portant au front une cicatrice en forme de cercle.

Sujet: Re: [Temple de Natha] Le berceau d'une civilisation Lun 6 Mar 2017 - 4:09

Hélas, son sommeil ne fut pas aussi réparateur qu’il aurait dû être. Troublé, angoissé par les cauchemars, par les ténèbres qui se raillaient de lui, les quelques heures de repos qu’il s’était involontairement obligé à prendre empirèrent sa situation. Il battit des cils quelques fois alors que le voile flou de son éveil s’estompait progressivement. Sa fatigue lui collait désormais à la peau, ses traits étaient tirés et son éreintement avait consumé ce qui lui restait de patience. Il n’avait pas croisé le fer avec quiconque et ce, depuis des jours. L’envie de blesser, de se défouler lui démangeait les entrailles et il peinait désormais à se contenir. Les voix qui lui se montraient porteuses de sagesse et de conseil se raillaient de lui, harassant sa psyché plus fortement que jamais. Elles criaient, hurlaient et lui grafignaient l’esprit. Toujours adossé contre le mur, le séant posé au sol, ses ongles s’ancrèrent au sol en se crispant, de même qu’il en fit de sa mâchoire qu’il serra de toutes ses forces. Son cœur palpitait à vive allure alors que la douleur lui rongeait les os. Ne sachant plus comment réagir, c’est de sa tête qu’il jouait du tambour contre le mur … Un ultime effort lui fit péniblement observer le berceau afin de s’assurer qu’il était seul –ou du moins, seul en compagnie de sa femme toujours alitée- puis, s’accordait une plainte. Il hurla, un cri primal, qui venait du fond de ses entrailles, déchirant la quiétude des liturgies du temple. Un rugissement si tant fort, qu’on pourrait en venir à se questionner sur sa nature, qu’on aurait pu s’y méprendre avec celui d’un animal ou d’une bestiole.

Échecs après échecs, ses défaites s’accumulaient et devant ses yeux se tenait -ou gisait- la goutte qui faisait déborder le vase, sa femme. Au front il avala à pleine bouchée les défaites, de ses initiés l’indiscipline avait éhonté le haut-prêtre, ses espoirs envers Shynrae confirmèrent son imbécillité et finalement, sa relation avec l’Al’Serat s’était terminé en queue de poisson car atteint de cécité, il ne put constater l’étendue de sa piété. Et elle, cette damnée forgeronne, qui ne voulait pas s’éveiller, restait là, à l’abris de tous les maux, bien tapie dans le coma que lui avait occasionné la naissance de leur progéniture … Alors il inspira en fermant les poings, des poings qu’il serrait si tant fort qu’il en fit trembler son imposante charpente … Et un second cri fût entendu dans le temple, un hurlement colérique et vengeur, à l’image même d’Uriz. « RÉVEILLES-TOI !!!!!! » Ordonna le prêtre, en se redressant de tout son long pour faire s’abattre l’ensemble de ses phalanges recroquevillées ensembles sur le mur de pierre, qui outre quelques poussières, ne perdit en rien sa rigidité.

Et malgré toute l’animosité qu’abritait son corps, il réussit tout de même à retrouver un semblant de contenance lorsqu’il s’approcha de Krish pour mieux la voir, mieux la contempler, mieux l’admirer. Sa main, tremblotante, écorchée et sanguinolente, venait caresser du revers la joue de sa femme. « Réveilles-toi, Krish …» Lui susurrait le haut-prêtre, presque en la suppliant.

Le temps passa pourtant, et tôt, Wydrin se présenta à lui, maintenant munie d’un tatouage au front. Elle s’approcha de lui, non pas d’une marche assurée, mais prudente, puis leva le ton respectueusement.

« Feu … Il me faut vous dire … » Velkyn se retourna vers elle et observa avec dédain le symbole gravé à son front. Alors sans faire ni une ni deux, le Prima Sanguis agrippa le col de la fausse drow et l’attira à lui afin de mieux observer la scarification. « Elle a été clémente envers toi … » Comme s’il avait reconnu la marque, et qu’il insinuait que son sort aurait pu être pire encore. « Au moins tu peux encore respirer … » Lâcha-t-il avec hargne, alors qu’il la libérait d’un mouvement sec et peu courtois.

« Il me faut vous dire que … nous partons. »

« Eh bien partez, peu me chaut. Ma femme et mon enfant sont ici chez eux, dans l’Elda. Je m'occuperai d'eux. »

« Non, vous ne comprenez pas. Nous repartons. Tous. Avec Krish et l’enfant … »

Velkyn ne sut répondre aussitôt. Peut-être nerveusement, ou car il y voyait là une mauvaise plaisanterie, un sourire jaune ponctua son faciès impétueux. Alors Velkyn prit tout le temps du monde pour qu’elle comprenne la gravité des mots qu’elle venait de prononcer. Ses yeux d’un rouge vif et pur s’enfoncèrent dans les siens, alors qu’il la dominait de plus haut et de sa pesante charpente.

« Que la chose soit claire, espèce de petit asticot … » Docilement, prudemment, la main du prêtre se déposa sur le cul de son glaive, qu’il était prêt à faire sortir de son fourreau, au besoin. « Considères que ta maîtresse, ainsi que notre enfant, vivrons dans les entrailles du Vatna jusqu’à ce qu’elle récupère ses esprits …Et que le premier à tenter de m’en dissuader, aura à faire à l’envoyé d’Uriz … »

Si elle voulait s’en sortir indemne face à ce redoutable adversaire qu’était le courroux d’Uriz, il valait mieux faire preuve de moult prudence, ainsi que d’ingéniosité et de ruse pour mettre à terme le départ de sa troupe pour Thaar …

Exactement ce qu'elle craignait... Et elle avait pas passé un siècle et demi à survivre au Baed sous les yeux de leurs dieux de barbares pour crever maintenant face à un fou furieux. Elle savait pertinemment qu'elle perdrait la vie si elle avait le malheur de tirer une arme contre lui, que ce soit de sa main ou, dans le cas improbable ou elle réussirait à s'en tirer, de la main de ceux qui voudraient le venger... Mais elle savait aussi qu'elle ne tiendrait pas plus de quelques jours avant qu'un charmant petit fanatique ne vienne lui planter un couteau dans le dos

« Je ne veux pas vous manquer de respect, mais c'est à moi qui suis chargée de veiller sur elle et son fils. » Elle soupira, gardant à l’œil le moindre geste du drow, de peur de se voir de nouveau prise au col. « Je crois que vous ne comprenez pas la situation dans laquelle nous nous trouvons... Elle est vulnérable. Je ne sais pas si certains l'estiment encore mais elle m'a dit que le simple fait d'être âgé était une preuve de qualité pour vous, alors je suppose que lui planter une lame dans le cœur donnerai au moins un peu de prestige à son assassin. Si nous restons ici. Sa vie et la vie de son fils seront en danger...

… Et elle sera un poids pour vous. »

Elle posa un instant les yeux sur Krish, toujours d'une immobilité parfaite avant de reporter son attention sur le prêtre.

« Je ne sais pas ce qu'il se passe ici, mais je ne suis pas aveugle. Vos troupes sont de retour. Quelque chose se prépare. Tous ici, amis comme ennemis savent qu'elle est votre femme... et elle m'a suffisamment parlé de votre culture pour que je sache à quel point Elda peut être dangereuse, quelque soit la position que vous occupez... »

Si dans sa vie elle avait été confrontée à biens des réalités difficiles, le fait de ne jamais s'attacher à qui que ce soit sous peine de souffrir avait été assez rapide à intégrer. Alors ça lui faisait un peu mal au cul d'imaginer la Vieille poignardée pendant son sommeil par un ennemis de ce type après avoir vu dans quel était elle était après leur dispute... ça lui faisait même plus mal que d'imaginer ce type lui planter lui-même un couteau dans le cœur...

Un discours qui suscitait chez lui tant de contradictions … Il s’imaginait lui, les mains autour de son maigre cou, à lui enfoncer les doigts profondément dans ses chairs, à admirer tous les vaisseaux sanguins de ses yeux éclater à l’unisson, à voir sa grosse langue bleuir lorsqu’elle lui rappela QU’ELLE était en charge de SA femme et de SON enfant … En revanche, elle n’avait pas tords, en Elda rien n’était moins sûr que de rester en vie. Il aurait veillé sur elle, certes, mais tôt ou tard, ses responsabilités l’auraient tracté loin d’elle et alors, qui sait combien de temps saurait-elle se prévenir des coups vicelards de ses adversaires? Et finalement, enfin, il restait un point qu’elle n’Avait pas soulevé mais auquel Velkyn, lui, savait qui jouait pesant dans la balance ; rien n’assurait qu’à son éveil, Krish accueil son mari comme il aurait espéré. Ils s’étaient laissés en très mauvais termes et cela, Krish s’en souviendrait même après un sommeil aussi prolongé.

La patte de Velkyn se resserra sur le pommeau de son épée, sans jamais quitter des mires celle qui désirait jouer les larrons avec sa femme et son fils. Après un moment de réflexion, Velkyn lui répondit mais cette fois sur un timbre de voix plus posé et réfléchi, de sorte à ce qu’elle en comprenne la gravité.

« Je t’approvisionnerai toi, ainsi que ta troupe, en eau et en victuailles pour que tu rentres saine et sauve à Thaar. Seulement, voici ma condition et elle est non discutable … » Il attendit qu’elle s’accroche à ses lèvres afin qu’elle capte bien sa directive. « Lorsqu’elle se réveillera, je veux que tu lui dises. Racontes-lui ce que tu as vu et entendu de moi, racontes lui que j’étais là, tout ce temps, patientant qu’elle s’éveille, qu’elle rencontre son fils à mes côtés et qu’elle puisse me narrer toutes les épreuves qu’elle a dû traverser pour mettre au monde un tel prodige … Et si tant elle est ouverte à croire que je puisse regretter ce que je lui ai fait subir à Thaar, qu’elle m’écrive ... »

Le Haut-Prêtre s’ôta de devant la couche et s’éloigna du berceau, comme pour lui laisser libre accès à ce qu’elle convoitait tant. « Pars Wydrin, mais n’oublies pas, car moi je n’oublierai pas ce que je t’ai demandé … »

C’était là non sans aisance qu’il laissait la demi-drow quitter les lieux à l’aide d’acolytes avec sa femme, ainsi que sa progéniture. Ils se reverraient … Il l’espérait.

Elle était presque... estomaquée de la réponse du Haut-Prêtre... Il la laissait partir. Comme ça... Sans rien dire. Sans rien demander... Son plaidoyer avait-il était si bon que ça ? Si elle s'était sû aussi bonne diplomate, elle aurait essayer de parler avant de trancher un peu plus souvent... Elle était si surprise qu'elle faillit presque oublié de lui répondre. Pourtant elle pesa chacun des mots qu'elle prononça.

« Je ne peux pas prédire sa réaction, mais elle saura tout. »

Elle ponctua sa phrase d'un hochement de tête et ne prononça plus un mots jusqu'à ce que Krish soit à l'abri de sa demeure... Et même après en fait. Maintenant qu'elle avait trouvé une nourrisse pour le petit, elle n'avait plus qu'à la planté dans la même pièce que la mère comateuse pour garder un œil sur les deux en même temps sans s'angoisser outre-mesure.

Comme promis, Ekmir passa voir si tout le mondé était bien installé... Et tenta de dissuader Wydrin de repartir alors que Krish était encore si faible par tous les moyens à sa disposition, excepté la torture. Mais cela n'eut aucun effet. Comme promis également, Velkyn pourvu aux denrées pour tout le voyage ce qui permis à la capitaine des gardes d'engager quelques hommes supplémentaire avec l'argent dégagé. L'un dans l'autre, entre le convoie chargé de ramener la Maîtresse des forges à bon port et celui chargé d'accompagner la Grand Prêtresse de Natha jusqu'à Sol'Dorn, le nombre de voyageur était même plus important qu'à l’allée.

C'est au matin du 6e jour de la 8e ennéade de Barkios que le cortège se mis en route vers Thaar avec toute la lente précaution qu'ils n'avaient put prendre en sens contraire. Pas une seule fois la forgeronne n'ouvrit les yeux durant les 20 jours que durèrent le voyage jusqu'à son Palais Oliyan. Pour plus de prudence, le félin a pointe que la Princesse Marchande aimait tant avait été mis en cage et Ekmir partageait la litière de la jeune mère pour s'occuper du petit le plus souvent possible tant qu'elle le pouvait encore. Malgré toute cette histoire... elle ne pouvait nier que ce petit avait quelque chose d'adorable...

Arrivée à Thaar le 8e jour de la 1ere ennéade de Verimios
9e année du XIe Cycle.

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