[Les loups se retirent...] Par décret du Roi, fuyons ! [Prio : Egmont]

L’Oësgardie…

S’il fallait nommer un pays ayant souffert de la folie des Barons Dissidents, et leur tentative avortée de renversée l’Aveugle, celui-ci saurait ravir le moindre critère. Encore il y a peu, sombrant dans le chaos le plus absurde, multipliant les dirigeants… Tantôt félons et traitres à la Couronne Diantraise, tantôt victime de l’avidité et l’opportunisme des hommes, pas un seul ne semblait savoir tenir le trône depuis que le baron Baudoin était tombé, littéralement, à Diantra.
Il y avait eu le Baudrier, le Loup Gris et quelques généraux qui se pensaient plus en veine et plus à l’abri de la terrifiante malédiction qui frappait les dirigeants de ce pays, ceux qui tentaient de s’installer sur le trône… Mais aucun ne trouva l’enchantement qui lèverait le maléfice.
Il en était néanmoins pour régner sur ces terres, mais il n’était nul château pour les accueillir, nul table qu’on pourrait partager avec, nul trône sur lesquels on pourrait les trouver, toisant le monde et la gueusaille. Non… Rien de tout cela pour quiconque souhaitait découvrir le visage des nouveaux souverains de l’Oësgardie.

Elle avait trouvé naissance à Nebelheim, dans l’esprit fou du Loup Gris, et aujourd’hui, elle savait passer entre les mailles des filets, bien pauvre tentative désorganisée d’une armée mise à mal, tant par les effectifs réduits que les soulèvements populaires devant la non-réaction quand vinrent les sombres armées d’au-delà des Terres Stériles. Elle avait étendu son influence quand ce dernier prit le pouvoir, s’offrant comme terrain de jeu l’entier pays du nord, et si elle avait pu apparaître comme garde personnelle du Baron Gris, ainsi que la force chassant les derniers opposants aux nouveaux maître de l’Oësgard, fidèle éparpillé de feu Baudoin, il en est en son sein qui virent les choses différemment.
Les richesses et les trésors de ce pays étaient à leur portée, ils n’avaient qu’à tendre la main pour s’en emparer… Mais il était un mâle dominant encore trop présent pour ce dessein… Et c’est ce motif qui amena à la chute du Loup Gris.
Bien vite, la Meute fut considérée criminelle, et le confirma maintes et maintes fois, attaquant les demeures des nobles familles, saccageant et pillant les grandioses demeures, terrorisant la noblesse et le peuple. Toujours mobile, et au plus près de la tête du pays, elle n’avait de fixe qu’une obscure cachette qui bien vite se transforma en modeste caverne aux trésors. Ainsi, pendant plus d’un mois, elle sillonna le pays, évitant avec une surprenante habilité les pièges tendus.

Mais les meilleures choses ont une fin, et pour la Meute, l’âge d’or trouva son crépuscule en l’arrivée du mandaté régent de l’Oësgard, attaché à ce poste par le Roi lui-même bien qu’on ne lui reconnaisse alors plus une once d’autorité. Le bonhomme n’en était pas à ses premiers rebelles matés, le Comptable Diantrais était donc une menace sérieuse dans le règne de terreur… Menace que les nouveaux chefs n’avaient pas l’intention de combattre.

Bien vite, un plan fut préparé, et les hommes avaient leur tâche à accomplir… Divisant en deux les effectifs, dans un partage inégal mais nécessaire…
C’est sur le départ d’une vingtaine d’hommes alors que le reste s’attelait à charger des charrettes entières de précieuses malles, coffres à pièces, bijoux et autres décorations de valeurs que s’amorçait la fin de l’histoire de la Meute… Tout du moins, des chapitres écrits dans le sang et incrusté dans les terres d’Oësgardie…




Un unique convoi… Des dizaines de charrettes se suivant, les uns derrières les autres, chargés, progressaient bien loin des sentiers battus, escortés par plus de deux centaines d’hommes en arme, parés à la pire des rencontres… Des éclaireurs au avant poste, voyageant léger chargé de prévenir les hostilités, conformément au plan soigneusement préparé.
Toute la troupe était sur le pied de guerre, prête à disputer leur survie, et celui du convoi porteur d’un avenir relativement serein et paisible pour ceux chanceux qui pourraient en jouir.

Puis un éclaireur revint au galop, alertant la troupe entière avant de se diriger vers la tête de celle-ci. Un échange court, faisant mention d’une cinquantaine d’hommes en route, non loin de là, portant les armes de l’Oësgard, ayant comme projet semble t-il de les stopper dans leur course… Ainsi était-ce ici que se jouerait la dernière de ses batailles.
Les cors retentirent, annonçant le rassemblement des troupes, et le lancement du plan qu’était le leur.

Une cavalerie de deux cents hommes se rassembla donc avant de se lancer à la chasse aux hommes du Comptable Diantrais, tandis qu’il ne restait plus qu’une dizaine tout au plus d’hommes pour escorter un convoi dans une direction légèrement différente… Il fallait éloigner les trésors du lieu des combats pour en sauver le plus possible.
Et c’est ainsi qu’au terme de près d’une heure d’une course soutenue, la cavalerie rompit la distance qui les séparait de la route que prenait la troupe pour les trouver et ils furent en vue…

L’Oësgardie…

Terres ravagées ayant souffert de la guerre et livrées à ses divers bourreaux. On ne comptait plus les incursions, les attaques de villages, les embuscades de bandits. Ces terres autrefois bouclier du Royaume étaient devenues un lieu de mort et de désolation. Seules subsistaient encore des îlots d'ordre et de puissance : les fameuses citadelles d'Oësgard. Ces îles plongées dans une mer de chaos étaient l'unique chose qui rattachait la province à un semblant d'unité. Une unité fragile, la sécurité intérieure étant désastreuse.
Comment survivre suffisamment longtemps lorsqu'on était un simple paysan ? les nobles avaient commencés à déserter en masse leurs terres, livrées et attaquées par les bandes de pillards. L'armée d'Oësgard, autrefois fière, peinait à se reconstituer et surtout à s'équiper. Le système de défense des frontières s'était écroulé en partie suite aux incursions guerrières. Les cols n'étaient plus surveillés et protégés.

Mais les choses changèrent quelques temps après la fin de la guerre civile. Un nouveau régent était venu, élisant place dans la citadelle d'Oësgard. Sa réputation le précédait et l'étendard royal flottait en compagnie de ses couleurs. Le Roi n'avait pas oublié Oësgard et avait envoyé l'un de ses plus fidèles serviteurs pour reprendre en main la région.
Il avait apporté avec lui des vivres, de l'or mais surtout il avait apporté de quoi refondre en profondeur les directions de la province.
L'armé se vit dotée de chefs, les forts de frontières furent regarnis, des ouvriers furent embauchés pour remettre en état le système défensif et les convois en provenance des riches mines Oësgardiennes étaient désormais escortés.
Dès son arrivée le Régent avait lancé une vaste campagne de pacification de la région, luttant contre les bandes guerrières oeuvrant jusqu'àlors en toute impunité sur les terres de la province. Et cet homme savait y faire en matière de rebelles. Ses soldats avaient pour ordre d'intercepter toute bande armée et également de la détruire si elle représentait une menace.
Le changement fut brutal pour quelques brigands n'ayant eu conscience du vent qui tournait. Désormais il n'y avait plus uniquement que des rebelles sur les routes, des yeux silencieux oeuvrant pour Oësgard guettaient les voies et les routes désormais.

C'est ainsi qu'un cavalier repéra durant cette journée de fin de printemps une longue colonne en arme semblant se diriger vers la frontière. Etait-ce un convoi en provenance des régions minières ? A mieux y regarder cela ne sembla pas être le cas pour le soldat. Les cavaliers étaient bien trop nombreux pour former une escorte officielle. De plus ils ne semblaient pas provenir des mines proches.
La vision était suffisamment sérieuse pour que l'éclaireur talonna sa monture pour la faire se diriger à brides abattues jusqu'au poste de garde le plus proche, celui sur lequel la troupe inconnue approchait.
A peine arrivé, l'éclaireur sauta au bas de sa selle.

Je demande à voir le Lieutenant Ihromil, c'est urgent !

Il fut tout de suite introduit à l'intérieur de l'édifice. Le poste de garde était d'aspect vétuste et possédait une garnison d'environ cent hommes. Il avait été regarni depuis peu mais on attendait encore des renforts et surtout des ouvriers pour lui redonner un semblant de fonctionnalité. L'éclaireur était inquiet de ce qu'il voyait, cette garnison était trop faible pour s'opposer à plus de 200 hommes en armes.
Le Lieutenant Ihromil était un vieux soldats plus tourné vers son propre nombril que de chercher à faire une brillante carrière, la faute à trop d'inactivité.
Il toisa du regard, les fesses fermement collées à son fauteuil.

Et bien .. que se passe t'il encore ?

- Lieutenant, je dois vous avertir que j'ai aperçu une forte colonne se dirigeant droit sur la frontière. Cette colonne ne semble pas officielle. Je crains que cela ne soit des rebelles.

Des rebelles ? Voilà qui n'est guère curieux vu l'état de la province. Combien sont ils ?

- J'en ai compté plus de 200 .. Ils escortent ce qui semblent être une caravane lourdement chargée.

Une caravane ? êtes vous sûr qu'il ne s'agit pas d'un convoi minier ?

- Non Lieutenant !

Le lieutenant fronça les sourcils, voila qui allait gâcher sa journée. Depuis que le nouveau régent avait été nommé les éclaireurs voyaient des rebelles partout. Néanmoins .. les ordres étaient les ordres.
Il agita une petite clochette qui indiqua à un sergent d'entrer. L'homme salua.

Sergent Olimar .. On nous signale une colonne sur la route. Prenez 50 hommes et allez vérifier. Il s'agit probablement d'un convoi sous escorte qui a du dévier de sa route.
Allumez avant votre départ le Feu d'Alerte comme l'exige le protocole pour avertir la cavalerie de réserve.
Quand à vous éclaireur .. Je vous charge d'aller chercher la patrouille de cavalerie la plus proche, elle doit se trouver à une heure d'ici je pense. Rompez !

L'esprit de l'éclaireur était froid .. 50 hommes seulement contre 200. Ils n'avaient aucune chance. L'homme salua et quitta le bureau avec précipitation et se remit sur sa monture.
La patrouille la plus proche était composée de 40 cavaliers, sans compter les renforts de cavalerie qui se mobiliseraient dès qu'ils verront le Feu d'Alerte s'élever dans le ciel d'Oësgard. Cela représenterait près de 160 cavaliers dont 120 Gendarmes. Les cavaliers de patrouille étaient rapides et adaptés à répondre rapidement sur le terrain. La cavalerie de réserve était plus lourdement armée. Nul doute que ce contingent parviendrait à contenir et affronter cette bande de rebelles malgré leur nombre. Mais il faudrait du temps pour qu'ils arrivent.
Il n'y avait pas de temps à perdre.
L'éclaireur reparti au galop sur un cheval frais, derrière lui la fumée du Feu d'Alerte commençait à s'élever.

Quelques temps plus tard, le Sergent Olimar quitta le petit fort en compagnie de 40 lanciers et 10 archers. sans dire un mot, le détachement pris la route indiquée pour barrer la route à la mystérieuse colonne.

Une demi-centaine d’hommes contre deux cents, et l’effet de surprise à leur avantage, apparaissant avant le point de rendez-vous prévu, chargeant ces hommes sans préambule, l’infanterie contre la cavalerie… Et si la composition de la petite troupe à pied dans un autre contexte aurait été à leur avantage, il était trop tard.
Ils tentèrent bien de former un schiltron circulaire, mais ils furent trop lent, trop long pour le former, et les tirs des archers n’aida en rien à ralentir la violente charge des loups montés. La bataille fit rage dans une mêlée écrasante de la cavalerie, et les vougiers et archers à pied n’eurent pas l’occasion de riposter convenablement une fois celle-ci engagée.

Cette bataille fut bien courte, et ne coûta qu’une dizaine d’hommes à la meute quand la troupe s’en trouvait décimé sur le passage, les coups de lames et les carreaux distribués par les cavaliers furent punitifs et ils eurent tôt fait d’achever les quelques rescapés en déroute avant de se remettre en route, se dirigeant vers la frontière.

Sur les sentiers, à une heure de là… Le grand convoi se divisait, préférant leurrer d’éventuels poursuivant, perdant quelques parts, jamais l’ensemble. Un point de rendez-vous avait été fixé… Un endroit à l’écart des frontières où les cavaliers restant et les charrettes se retrouveraient afin de reprendre l’exile vers l’Ithri’Vaan.

La course contre le temps qui s’était engagée à la frontière continuait...

Alors que la grande cavalerie pressait le pas pour sortir de cette région au plus vite, non sans manquer de jeter des regards alentours, afin d’éviter les mauvaises surprises, maintenant leur avance sur les poursuivants, les choses étaient bien moins aisées pour les convois, quoique certains progressaient avec plus d’aisance que d’autres, des chemins plus favorable que d’autres. C’est ainsi que, pendant que d’autres s’approchaient à grands pas de la liberté, d’autres peinaient et très vite, ils entendirent gronder non loin derrière les échos des sabots martelant le sol.

Pour eux, la course était bientôt terminée, et c’est dans un dernier élan stupide de bravoure et de désir de mourir en combattant, non en fuyant que pivotèrent les trois cavaliers qui escortaient les trois charrettes, faisant face, l’un armant son arbalète, les autres dressant leurs lances alors que le convoi continuait sa route.

A peine la cavalerie apparut elle que le carreau fut tiré avant que ne charge les trois hommes, qui ne purent rien pour ne serait-ce que ralentir la progression de la cavalerie lourde. Le convoi ne parti pas bien loin, les hommes avaient arrêté les chevaux, étaient descendus et s’étaient mis en vu, désarmé afin de signifier leur reddition… Il espérait un soupçon de clémence devant cette attitude.

Un convoi de trouvé… Mais il en était encore en fuite.

Si la cavalerie lourde avait eu facilité à retrouver le premier, en suivant les traces, il était bien moins évident de trouver les autres… Errant dans les bois, à la recherche des suivants sur les chemins qui menaient à la sortie, ils eurent néanmoins la chance, au bout d’un moment de trouver de nouvelles traces… Mais point de convoi à l’horizon.

Sur l’autre front, les choses allaient changer… L’équipement lourd ne permettait pas un rythme des plus élevés, surtout sur la longueur, et l’imposante cavalerie de près de deux cents hommes, si elle ne trainait pas, avait désormais une cadence moindre que ses poursuivants… Mais les choses n’étaient pas si simples.
Fatigués de fuir pour l’heure, ils décidèrent de tendre un piège aux poursuivants, profitant de leur avance… Se plaçant dans un bois, ils mirent les chevaux à l’écart, sous la surveillance de quelques hommes avant de mettre en place l’embuscade, aussi vite que possible.

Le piège était tendu, ne manquait plus que la proie qui ne tarda pas à arriver, et quand bien vite la première salve s’abattit, les patrouilleurs mirent pied à terre alors qu’avançait les fantassins à présent à pied. Un long combat s’engagea, entre résistance et harcèlement, prenant bien des vies de part et d’autres des camps engagés.
Et quand les patrouilleurs furent délogés, perdant l’avantage et le profit de leur manœuvre, ils amorcèrent la fuite à pied, fuite qui ne fut pas suivit, au contraire… Bien vite les troupes se retirèrent, retournant à leurs montures pour reprendre leur route vers la liberté et l’Ithri’Vaan.

Cette nouvelle bataille avait coûté une demi-centaine d’homme à l’Oësgard, une trentaine à la Meute… Mais la frontière approchait, vite… bien vite pour cette cavalerie.

La sanglante bataille avait coûté chère aux effectifs de la Meute, mais mettait un terme à la poursuite, et c’est bien plus serein qu’ils purent entamer la dernière partie de leur fuite de ces terres désormais bel et bien hostile, dépourvu d’un accueil satisfaisant pour une survie et une prospérité de la Meute.
Et les voila disparaissant… Arpentant les monts qui les séparaient encore d’Aduram… De la liberté.

De l’autre côté… Les recherches intensives continuaient pour les armées régulières… Et ils allaient une nouvelle fois être récompensée, au dépend de l’avenir riche des fuyards. En effet, tandis qu’ils suivaient les traces laissées, ils tombèrent sur un nouveau groupement de trois chariots, et les hommes, toujours aussi fou, ou brave, désireux de mourir au combat, ne tardèrent pas à charger… Décisions certes futiles et dénués de sens, que celui de vouloir de finir cette vie dans un face à face, sans peur.
Pendant qu’ils fondaient sur cette troupe qui les écraserait, les conducteurs des charrettes tentèrent de fuir, accélérant comme ils pouvaient le rythme.

Le pécule de la Meute s’amoindrissait à mesure que les petits convois étaient rattrapés, et un troisième ne fit pas exception à la règle… Il touchait pourtant au but, mais les sons d’une troupe lourde en approche leur signifièrent la fin prématurée du voyage, et une retraite bien moins paisible que prévu. Cette fois, point de combat, qu’une reddition silencieuse, protégeant par la loyauté le secret de leur destination…

Bien loin de là, un ultime convoi terminait la traversée des cols qui le séparait d’Aduram, retrouvant très vite les plus de cents hommes de la cavalerie, reposant sous le couvert des bois, reposant leurs montures avant l’ultime étape de leur périple… Léger était leur gain, à peine deux chariots de bibelots et d’or, mais au moins pourrait-il assurer un temps leurs retraites de l’Oësgardie.

C’est ainsi que s’acheva les pages sanglantes écrites par la Meute de Nebelheim.