Entraînement [Kazil de Sephren]

La porte de la pièce s'ouvrit doucement de la main du soldat Enioryt Layor. Il jeta un bref regard à l'intérieur de la salle d'entraînement qu'on lui avait indiquée, découvrant une architecture assez banale mais néanmoins fort bien aménagée pour le maniement d'armes. L'endroit était assez spacieux, et les rayons lunaires filtrés par les fenêtres de verre lui prêtaient une atmosphère plutôt étrange. Le jeune soldat âgé de presque la trentaine avança d'un pas sûr, prenant connaissance des moindres détails car après tout, c'était bien la première fois qu'il se présentait ici.

De nombreux meubles contenant des épées, des arcs des haches des lances et tout un tas d'arsenal se tenaient aux quatre coins de la pièce, mais il n'en avait guère besoin. Il ne lui vint pas à l'esprit de se servir d'une autre lame que celle qui avait appartenu à son défunt frère, Agemo. Il soupira, prêtant quelques secondes pour remettre ses pensées en place, apaisé par les mouvements flous des rayons de la lune. L'heure n'était pas au passé et encore moins aux lamentations, car il était en train de l'attendre.

Vankarh Dukir, son frère d'arme et ami de longue date. Ils avaient tous deux le même age, et s'étaient vu intégrer dans le même ordre suite à leur promotion dans la Rose Noire. Il se tenait non loin d'une des fenêtres éclairant légèrement les traits passifs d'Enioryt. Ils se tenaient tous deux ici par simple conscience professionnelle : l'entraînement était la clé de la réussite et de la survie, car dans ce monde qui est le notre, un soldat qui ne sait guère manier l'épée avec une certaine fougue est destiné à mourir sur le champ de bataille.

Ils se refusaient tous deux à mourir dès la première guerre, d'ailleurs il avaient surmonté de terribles et nombreuses épreuves ensembles, comme deux pairs que rien ne pourrait séparer. Enioryt s'approcha de son camarade, un léger sourire aux lèvres. Rares étaient les soldats qui prenaient à cœur l'entraînement quotidien, et c'est ce qui explique leur réussite relativement discrète, mais qui a le mérite d'avoir été contée quelques fois.

Il semblerait que nous soyons de nouveau seuls à nous entraîner. dit-il d'un air las

[Pnj : Vankarh Dukir]

Vankarh fit un signe de la main à Enoiryt lorsque celui-ci entra dans la salle. Son camarade s'avança vers lui avec cet air neutre qui lui semblait maintenant habituel. Le Soldat de la Rose Noire saisit deux épées en bois et lui en tendit une. Ils avaient pris cette habitude de s'entraîner au corps à corps en fin de journée. Un Soldat accompli doit savoir dominer son adversaire dans chaque situation qui peut se présenter à lui. Il n'était pas rare que les cavaliers finissent un combat tel l'infanterie de Librium. Il n'avait pas pu participer à la libération de Diantra avec Enoiryt mais c'est avec engouement qu'ils avaient écouté le rapport du Maître de leur Ordre, Johann. Les temps étaient plus prospères depuis et la routine s'était quelque peu installé, quelques fois troublée par différentes missions autour de Diantra.

- « La prochaine fois que l'on se donne rendez vous, rappelle moi de venir un peu plus tard. Enfin, en t'attendant j'ai commencé les échauffements. On verra cette fois qui s'avouera vaincu en premier. »

Il recula pour laisser de la distance puis saisit son arme en bois. Vankarh détacha ses cheveux transpirant pour les renouer avec son tissus noir, parfois la victoire ne peut tenir qu'à un cheveux comme on le dit. Une fois renouée en katogan, il se mit en position d'attaque tout en observant son adversaire. C'était un petit jeu auquel ils prenaient un peu de plaisir pour animer ces entrainements que l'on pourrait trouver rébarbatifs à la longue. Ils échangeaient en premier de nombreuses passes d'arme puis ils accéléraient la cadence jusqu'à ce que l'un deux soit déstabilisé et que l'autre en profite pour marquer le point. Parfois d'autres soldats se joignaient à eux et très rarement un officier expérimenté venait parfaire leur technique et diriger leurs lames de son expérience

- « On y va? »

Le soldat saisit l'épée en bois que son camarade lui tendait, bien qu'à contre-cœur. En vérité il avait oublié que les véritables armes n'étaient pas adaptées pour de simples entraînements. Il agita son épée de bois durant plusieurs secondes, s'habituant petit à petit à son manche et sa légèreté qui caractérisaient leur entraînement quotidien. Il observa quelque peu Vankarh, visiblement préparé depuis son entrée même. En effet, Enioryt se dit qu'il lui serait bon de corriger son manque de ponctualité, assez rare cependant. Il se mit en garde à son tour.

Je suis prêt.

[Edit modération : Nous avons remarqué que ce message frôle les minima en rigueur sur ce forum. Il serait appréciable (et même demandé) de rédiger pour la suite des réponses un peu plus longues et consistantes.]

[Pnj : Vankarh Dukir]

Vankarh acquiesça, l'heure du combat venait de sonner. Les deux adversaires se fixaient, c'était aujourd'hui à son tour d'attaquer. Un autre de leurs petits jeux durant ces entraînements était d'alterner l'attaquant avec une technique chaque fois différente. C'était dans l'optique d'avoir déjà répliqué ou réfléchi à comment parer telle sorte d'attaque. Serait-ce utile face à des ennemis tel que les Drows? Il ne savait pas mais hélas, les Drows n'était pas les seuls ennemis de ce Royaume, la bataille qui s'était déroulée en Diantra en avait été la preuve concrète.

Le jeune Soldat s'élança, le bras gauche en arrière et sa main droite tenant son épée. Il l'avait relevée en diagonale du bas de son épaule jusqu'à sa tête. Son premier coup fut paré par son camarade, il tenait son épée verticalement au sol de ses deux mains et il le repoussa d'un coup de pied contre sa jambe.

Vankarh recula et reprit sa posture offensive.

- « Pas mal..je ne l'avais pas vu venir! »

Son sourire s'échappa rapidement pour laisser place à une analyse plus poussée d'Enoiryt. Après avoir ciblé une lacune dans sa défense, il pratiqua quelques passes d'arme. Au début, tranquillement puis le rythme devint plus soutenu. Ravi de voir que son camarade n'avait toujours pas corrigé son erreur, il feinta puis frappa sur le flanc gauche d'un coup sec. Il prit un coup contre le plat de la lame un bois de sa part pour marquer ce coup néanmoins il venait de l'emporter. Avec de vrai arme, ce coup contondant ne l'aurait que légèrement blessé alors que son attaque aurait mis son adversaire à mal.

Ils reculèrent puis se saluèrent. Vankarh passa sa main pour essuyer la transpiration qui perlait sur son front et descendait jusque sous son cou.

- « Ca fait un moment que j'avais vu celle là..elle ne..m'a pas échappé! »

Légèrement essoufflé, il reprit sa respiration puis se mit à rire devant le regard déconfit de son frère d'arme.

Visiblement aussi essoufflé que son comparse, Enioryt baissa son arme suite à leur longue estocade. Alors qu'il pensait simplement tenir en respect son adversaire, ce dernier n'avait rien laissé paraitre et avait trouvé son point faible en si peu de temps.

Il laissa échapper un sourire crispé; il n'était pas vraiment étonné, Vankarh restait encore invaincu de leurs entraînements réguliers. Il salua donc ce dernier, essuyant lui même la sueur perlant de son front d'un revers de manche, puis il s'appuya sur son épée afin de reprendre son souffle.

En vérité le jeune soldat était quelque peu frustré de ne pas avoir remarqué plus tôt ce qui lui faisait défaut, et une fois encore son frère d'arme l'avait mis en évidence. Au fond il pensa que c'était un mal pour un bien, cela lui permettrait de corriger ses lacunes et ne pas les exposer dans une véritable bataille. Malgré tout le temps qu'ils avaient passé à combattre, il ne parvenait donc toujours pas à prendre le dessus.

Tu es toujours aussi vif, n'est-ce pas... Je pensais sérieusement que j'allais te battre cette fois-ci. avoua t-il après avoir repris son souffle tant bien que mal

Sa respiration devint moins saccadée, il remua quelques membres pour ne pas rester figé au beau milieu de ce silence. Leur volonté avait été exprimée à travers leurs armes, après tout le dialogue n'était pas vraiment son fort. Observant son compagnon garder le même silence, il le laissa se reposer également, rien ne pressait.

Il tourna la tête vers la vitre, la lune était constamment en mouvement, il venait juste de remarquer qu'elle se situait un peu plus haut dans le ciel étoilé. Cela lui rappelait les nombreuses missions de reconnaissance qui les forçaient parfois à camper au beau milieu de nulle part, en tant que cavaliers.

A ce propos, il se demandait quand allait se dérouler leur prochaine mission. Leur récent quotidien les obligeait à s'entraîner et patrouiller pour honorer leur contrat, mais cela ne valait pas vraiment l'excitation de l'approche d'une guerre ou d'une quelconque mission secrète. Bien que cela pouvait paraitre étonnant pour un homme prônant la justice, Enioryt nourrissait des pensées incongrues.

Il préférerait presque s'imprégner de la mort, se situer au beau milieu d'une guerre sanglante que cette paix incessante et sans aucun intérêt. Il ne vivait plus que pour le combat... mais dire seulement qu'il vive encore est assez inexact. La perte de son frère l'avait purement détruit.

[Pnj : Vankarh Dukir]

Le regard de Vankarh suivit celui de son camarade. Encore un jour où ils n'eurent pas pu assister au coucher du soleil. Néanmoins pourquoi être surpris au final? Il en était ainsi chaque jour, ce n'était pas comme si cet évènement ne se répétait pas quotidiennement. Il s'étira et ferma les yeux pour se dégourdir les bras. C'est alors qu'il repensa à sa discussion avec un officier dans la salle commune. Une mission de patrouille un peu plus longue que celles que l'on pouvait faire quotidiennement. Les Cavaliers de la Rose Noire étaient une des élites de l'Armée Royale et il n'était pas rare qu'on leur confie des missions hors temps de guerre.

- « Cela fait longtemps que nous n'avons pas reçu d'ordre de mission. J'ai pris l'initiative de me renseigner tout à l'heure et une mission peut nous être confiée. Un village aux limites des terres de Diantra subit la pression de quelques bandits de grand chemin. »

Il observa pour voir si son camarade semblait intéressé. Disons qu'il l'observait d'un air neutre, cela se traduisait par une écoute plus qu'attentive. Il acquiesça et continua.

- « J'ai dit que nous acceptions. La mission allait être confiée à Philibert et Jacquet mais vu que nous nous sommes proposés, elle nous revient. Notre travail a été pour le moment apprécié puis ce sera pour nous l'occasion d'avoir une nouvelle épreuve sur terrain. »

Les missions où il se trouvait tous les deux n'étaient pas vraiment abondantes. Dans les premiers temps, ils étaient constamment accompagné par un Sergent. Ensuite, il avait été commis pour quelques escortes officielles ou bien patrouille de vérification. Cependant une patrouille pour réguler un problème était une grande augmentation en terme de confiance. Cependant, cela demandait une part de risque que les deux hommes étaient près à prendre. Le but n'était pas d'endiguer les exactions mais de mettre à jour la cachette de ces bandits et obtenir le plus grand nombre d'informations pour frapper rapidement, vite et bien.

- « Qu'en penses tu? »

Le royaliste prit la peine d'aller ranger son épée de bois tout en écoutant son camarade parler. C'était comme s'il lisait dans ses pensées, et cette nouvelle des plus soudaine le satisfit sincèrement. Il n'avait plus qu'une hâte : enfourcher sa monture et s'en aller rétablir l'ordre aux abords du dit village.

Il leur était fort habituel de guerroyer contre des brigands, notamment lors de leurs patrouilles quotidiennes. Il posa inconsciemment sa main sur la garde de son épée; il pourrait bientôt mettre à l'épreuve cette nouvelle leçon qu'il venait de tirer, et continuer de faire monter leur popularité afin d'espérer un jour monter en grade.

Enioryt se retourna enfin vers Vankarh qui finissait alors sa phrase. Il lui adressa un simple hochement positif de la tête, puis lui répondit :

Évidemment que je suis intéressé, je n'attendais que cela. Nous ne pouvons laisser Philibert et Jaquet nous voler la vedette ... Il réfléchit. Faire le ménage aux abords d'un village oppressé nous vaudra sans doute de nouveaux soutiens. Nous pouvons y aller.

Il s'avança d'une démarche lente de la porte, puis ouvrit celle-ci, invitant son comparse à sortir de la salle d'entraînement. L'excitation brûlait dans son regard jadis si monotone et neutre. Cette nouvelle mission allait participer à leur avancée dans la hiérarchie de l'ordre de la Rose Noire, ils pourraient bientôt se trouver plus souvent sur le terrain. Leur évolution semble prometteuse.

Le jeune soldat venait de prononcer ces paroles avec une excitation peu contenue. C'était dans de pareilles situations qu'il oubliait jusqu'au moindre de ses soucis pour se consacrer corps et âme à la tâche qui l'attendait. Il ne se posait pas vraiment de question sur les détails de la mission, ni même si elle s'avérait dangereuse, voir irréalisable. Il avait l'habitude d'agir de concert avec son frère d'arme, et leur duo se voulait inébranlable.

Devrions nous partir de nuit ?

[Pnj : Vankarh Dukir]

Vankarh sourit devant l'attitude intrépide de son camarade. Enioryt pouvait être assez lunatique selon la situation mais en le connaissant assez, on pouvait remarquer cette subtilité de l'intéressement. Non pas que c'était un homme égoïste mais son caractère était quelque peu morne suite à des évènements passés. Lui même ne savait pas tout à fait de quoi il en retourné. Seulement, lorsque la routine pouvait être détourné, son camarade se découvrait une humeur des plus joyeuses.

Cela avait il un rapport avec l'accomplissement d'un destin ou simplement le désir de combattre l'ennui d'évènement se répétant inlassablement chaque jour dans un ordre précis.

-Partir de nuit? Nous irions plus rapidement mais je crains qu'un grand nombre d'habitants dorment à notre arrivée. Je pense que nous devrions en parler au Sergent pour recevoir des précisions et surtout signaler que nous acceptons de nous en occuper.

Le cavalier de la Rose Noire quitta la pièce en refermant la porte derrière lui. Il se trouvèrent dans un couloir illuminé par quelques torches enflammés. On pouvait entendre le bruit de quelques grillons et le pas des gardes en tenue.

Il s'étira puis soupira.

- « Alors allons y. »

Les deux hommes marchèrent jusqu'au bureau du Sergent. Vankarh tapa à la porte trois coups et attendit une réponse.