Le bruit des bottes retentissaient sur les pavés de la cavité centrale dans un désordre sonore assourdissant. Ce n'était pas le martèlement agressif et régulier des bottes ferrées d'une armée naine se préparant à la marche. Mais bien le fond sonore, d'une capitale naine bondée, en fête et pleine de vie. Les lumières de millier de lampion éclairaient les ruelles, partout une odeur de viande et de bière, mêlé, imprégnait l'air. Des milliers de voie, se confondant en une mère de rire et d'exclamations, retentissaient dans toute la ville. Car c'était jour de fête et de banquet et en ces heures où le roi ne daignait plus montrer à son peuple, l'attention qu'il lui devait, en ces heures ou la rumeur le prétendait malade, incapable de continuer à gouverner correctement le bon peuple nain, en ces heures où chacun, face à l'absence du monarque commençait à y voir un présage inquiétant. Et à vrai dire comment en vouloir à ses frères, le conseil lui-même était tenu à l'écart des appartements royaux et aucune information ne leur avait été donnée depuis qu'il s'était retiré.
Personne ne comprenait vraiment ce qu'il se passait, ce qui donnait lieu à un concours de folles rumeurs qui serpentaient en permanence désormais dans les rues de la capital. Lui-même n'y prêtait pas vraiment l'oreille et tentait de maintenir une distance maximale entre lui et ces élucubrations souvent grotesques. Il avait trop à faire que pour pouvoir se permettre de passer son temps à écouter les bêtises colporter par quelques nains inquiets et souvent saoul. Le travail à la forge royal, en plus de sa place de conseiller en tant que maître artisan, ne manquait bien sûre jamais et ne souffrait aucun répit, aucun retard et une attention constante. Il en allait de la réputation de l'atelier, l'armurerie et la forge royale, tous trois réputés parmi les meilleurs de Miradelphia. Cependant, plus le temps passait et plus il commençait lui-même à se poser de sérieuses questions. D'autant que l'absence du roi signifiait inévitablement une charge de travail supplémentaire pour tous ses conseillers, puisqu'il était sensé le remplacer en son absence et assurer la bonne marche du royaume et de ses affaires courantes.
Le problème était, qu'aucun des conseillers n'avaient la légitimité du souverain, ni son autorité de fait. Et les problèmes les plus complexes devait souvent être débattu par le conseille dans son ensemble, sans qu'aucun roi ne puisse trancher. E qu'il fallait parfois bien appeler, leur éternelle chamaillerie, plus poliment baptisé entre eux « divergence d'opinion ».
Au vu de la situation, la cérémonie du voile (avènement si rare que même les vieux conseillers quels qu'ils soient, se sentaient rajeunir et sentaient aussi monter en eux l'excitation) était une aubaine, un prétexte tous trouvé à la fête et à l'apaisement, un prétexte qu'il ne pouvait et n'avait pas laissé passer. Ils avaient donc entreprît d'organiser une grande fête, des réjouissances exceptionnelles, afin que le peuple de Kirgan oublie un temps les soucis qui frappaient son élite dirigeante. Les rues avaient été soigneusement décorée une semaine durant de millier de lampions, de banderoles, de fresques temporaire et de bien d'autres chose encore. Il avait été proposé aux habitants de Kirgan d'eux-même participer, de proposer leurs idées ou plus simplement de décorer à leur façon leurs habitations en l'honneur du voile. Le tous avait été un succès totale, pendant quelques temps, la cité avait cessé de ruminée ses malheurs et soucis et de chercher derrière le silence du monarque quelques mauvais présages. Et de nouveau les rires fleurir plus nombreux, la bonne humeur, à l'approche de cette cérémonie sacrée était plus que jamais le mot d'ordre. Et l'implication d'une partie de la population dans les préparatifs, avait fait monter l'excitation générale en flèche.
La cérémonie avait été grandiose, le conseil dans son ensemble s'était surpassé lors de la mise sur pied de cet évènement qu'il avait pris en charge lui-même. Tout un chacun s'était abandonné progressivement à la fête oubliant complètement, dans la bière et l'allégresse, les temps difficiles qui semblaient pourtant presque sur le pas de notre porte. Lui-même, se laissait doucement bercer par l'euphorie et la joie ambiante. Vêtu de son tablier blanc à cordon pourpre, ses deux marteaux pendu à sa ceinture, signe suprême de sa condition de forgeron et étant parmi ses plus belles réalisations, de son talent. Et sous le bras son casque de guerrier, qui, bien que n'en étant pas vraiment un, lui avait été octroyé par le souverain précédent lors de son retour de Karak la maudite. Il déambulait sagement, un chope dans la main droite, que les taverniers, prolongeant dans la rue leurs établissements pour l'occasion, remplissait avec générosité quand il l'apercevait, si bien qu'elle ne s'était jamais vidée depuis qu'il l'eût en main. Il y avait de réels avantages à être conseiller parfois, même si, par rapport à la montagne de souci que cette fonction lui avait valu, cela lui paraissait bien peu en définitive.
Pourtant, malgré la bière, dont les effets des quatre litres déjà ingurgités, se faisaient sentir, la nourriture à profusion dont les effluves entêtantes de viande l'incitaient à en reprendre sans arrêt, plus que de raison. Quelques choses la taraudait, une inquiétude persistante qui l'empêchait de complètement profiter de cette fête pourtant fantastique. Il ne pouvait véritablement l'expliquer, mais d'une certaine manière il était certain que ça avait un rapport avec le voile. Raison pour laquelle il avait pris la peine de revenir sur les lieux de la cérémonie sacré qui avait marqué le début des réjouissances (une cérémonie aussi vieille que le peuple nain). Tous s'était déroulé à l'extérieur, là où le ballet métissé et enivrant de l'astre lunaire et solaire serait parfaitement visible. Cela faisait déjà près de quatre heures que les réjouissances duraient et comme il s'y attendait, le soleil était toujours masqué par la lune, tous deux enlacés dans un étreinte qu'il commençait à croire éternel. Il aimait ce spectacle, mais quelques choses en lui criait que la source de ses inquiétudes étaient cette lune rebelle accrochée au soleil. Un groupe de prêtre discutait d'ailleurs avec force gesticulation, tentant d'interpréter le voile, chacun à leur manière, sans toutefois paraître ni surpris, ni même inquiet de ce qui se passait. Soupirant, il évita le groupe agité, peu désireux d'être embarqué dans d'interminable discussion théologique et des sermons qui l'étaient tout autant et s'assit sur l'un des bancs amenés sur ce petit plateau pour l'occasion, fixant l'immobile lune noire.
Quel mal pouvait-il subvenir de quelques choses d'aussi grandiose et fascinant...Et pourtant! Sortant de sa poche une pipe de bois soigneusement taillée et décorée, il la bourra et l'alluma, calmement, prenant son temps, comme si ce pouvait être la dernière fois qu'il aurait le temps de savourer une bonne pipe. Peut-être étais-ce simplement dû à l'ampleur, à la singularité de l'évènement auquel il assistait aujourd'hui et qui de ce fait, donnait un caractère unique à chaque geste accompli. Entre deux bouffées il porta sa chope à ses lèvres et bu deux longues gorgées. Puis la posant à côté de lui tritura presque nerveusement sa barbe. Plus les minutes s'écoulaient, plus la conviction que quelques choses d'anormales se déroulait l'étreignait. Soupirant il finit par se dire que de toute façon il ne pouvait rien faire et qu'attendre tranquillement était son seul recours.