Fille de la mer, frère d'un souvenir [Quais - terminé]

Encore une nouvelle soirée festive et bien arrosée qui s'était terminée dans l'euphorie générale... et dans la rue, évidemment. Altiom ouvrit difficilement les yeux, affalé sur un compagnon de beuverie de la veille... ou plutôt sur un tas de compagnons de beuverie. Ils avaient probablement été mis dehors alors que l'auberge fermait. Le vagabond avait la tête en compote, c'était peu de le dire. Il ne se rappelait plus grand chose, ses rares souvenirs consistant en une chanson de marins pour le moins osée reprise par tout l'auditoire au plus fort de la soirée, de deux ou trois tables renversées pendant la danse qui accompagnait l'air, d'un patron furibond et du douloureux sol pavé de la rue... ces quatre bribes lui suffisaient toutefois amplement pour comprendre comment il avait atterri si loin de la taverne.

Fille de la mer, frère d'un souvenir [Quais - terminé] Town_o10

Il se releva à grand peine en s'étirant et bâillant bruyamment, extirpant au passage un grognement sonore de l'un des soûlauds auquel il répondit par un "autant pour moi" enjoué. Une nouvelle journée s'annonçait... bien qu'il devenait difficile de différencier les jours et les nuits en ces temps sombres. Quelques nuages glissaient paresseusement sur la voûte ténébreuse, réfléchissant une très pâle lumière. Les lampes à huiles et autres torchères apportaient un semblant d'éclairage dans la ville. Le port était ainsi baigné d'un chaud halo orangé, qui lui donnait presque une touche intimiste et chaleureuse. Enfin c'était du moins ce que le noble déchu aimait à penser.
Voilà quelques jours qu'il errait dans la cité d'Ydril, tantôt cherchant des informations sur les garnisons, les tours de ronde, les patrouilles, les effectifs et le meilleur moyen d'atteindre sa cible, tantôt écumant les gargotes. Mais jusque-là son enquête se révélait infructueuse, par ces temps incertains de Voile la garde était par trop présente. La noblesse devait sans aucun doute redouter que les Drows saisissent cette opportunité pour frapper un grand coup. Non, il devait chercher ailleurs, trouver un autre plan, attirer l'attention autre part, attendre tout simplement peut-être? Quoi qu'il en soit, il se décida à quitter le comté pour quelques temps, les voyages lui manquait, il voulait revoir l'océan, parcourir le monde à nouveau, découvrir de nouveaux horizons.

Altiom marcha ainsi en rêvassant, ne se souciant guère du chemin qu'il empruntait. Il sortit de la ruelle où ronflaient les fêtards de la veille et se retrouva finalement sur les quais. Un marin bougon le tira de sa rêverie alors qu'il manquait de lui rentrer dedans:
- Eh bah alors?! T'as des yeux tu pourrais pas t'en servir comme tout le monde?
- Veuillez m'excuser mon brave, mais c'est plutôt mon nez qui aurait dû me prévenir de votre approche, ce à quoi l'individu ne trouva à répondre qu'un geste obscène. Un manque de vocabulaire flagrant en plus de l'odeur, mon cher je vous plains sincèrement!
- Mais va donc te jeter au fond d'un fleuve en t'attachant un rocher au pied!!! beugla-t-il, tirant un rire joyeux de l'insolent jeune homme.
Bien, il n'avait plus qu'à choisir un bateau. Il examina les différentes options, du rafiot pourrissant au navire de luxe en passant par les bâtiments de guerre. Mais soudain il repensa à un facteur non négligeable, qui risquait d'orienter son choix de manière radicale: son pécule. Il saisit sa bourse et l'ouvrit. Les pièces ont une fâcheuse tendance à disparaître mystérieusement après un passage à l'auberge, pensa-t-il. Il n'avait pas le choix il devrait s'engager en tant que matelot dans une embarcation en partance. Il observa les divers équipages, tous moins reluisant les uns que les autres, jusqu'à ce que son regard se pose sur un joli brin de femme à la chevelure ardente, aux traits fins et à la peau satinée, arborant armes et armure aux emblèmes royaux. Ses repoussantes visions de corvée d'épluchage de patates et de récurage de pont s'évanouirent pour laisser place à l'image de la ravissante demoiselle. Il s'empressa bien évidemment de postuler auprès d'elle: pardonnez-moi chère damoiselle, mais alors que je cherchais à m'enrôler sur une nef au départ, votre éblouissante beauté a éclairé ma voie tel un phare celle d'un navire égaré. Auriez-vous l'extrême générosité de m'offrir une place à bord du vôtre? Je remplirai toutes tâches et comblerai tous désirs avec... efficacité, susurra-t-il en affichant son sempiternel sourire charmeur.

Spoiler:

Commander la Marine Royale n’était absolument pas de tout repos. Certes, auparavant le poste qu’avait occupé Condra était situé à l’échelon juste en dessous, mais cette récente promotion la chargeait davantage encore d’un grand labeur. Elle n’avait pas eut le temps de fermer l’œil cette nuit. Le Voile qui demeurait incurablement là n’était pas fait pour arranger son humeur, aussi bouillonnait-elle. Son navire était à quai depuis deux jours au port d’Ydrill et elle n’avait plus désormais qu’une hâte, repartir en mer. Là, enfin elle serait débarrassé de toutes les formalités et obligations absurdes qu’elle devait remplir. Son équipage était diminué, cinq de ses marins et non des moindres ne pouvaient repartir à cause de maladie. Elle les avait longuement harceler’ pour qu’ils remontent à bord, et les pauvres bougres avaient fait de leur mieux, mais lorsqu’ils s’étaient relevés de leur lit de malade, en ville pour rejoindre le navire-amiral, ils étaient tombés les uns sur les autres, avaient hurlés et s’étaient mis à proférer des mots absurdes. Aussi, Condra devrait-elle se résoudre à se passer d’eux. Voilà qui était fâcheux, alors qu’elle s’apprêtait à appareiller pour Nelen afin de mettre sur pied des opérations de contrôle et de régulation du trafic marchand et surtout de protection des mers contre les pirates. Bordel ! Et ce Voile ! Allait-on jamais en finir ?

On pouvait espérer mettre au mieux cinq pour rallier Nelen depuis le port d’Ydrill avec de bons vents et un bon équipage mais, malheureusement, les vents n’étaient pas au rendez vous et, en cette saison il ne fallait pas espérer davantage ni du Zéphyr ni d’aucun autre. Au diable, donc les calculs hardis, il faudrait compter dix à douze jours, une perte de temps que Condra eut volontiers évité. En outre, sans ses meilleurs éléments, il lui faudrait tenir son navire d’une main de fer, davantage encore que d’habitude afin de parer à tout éventuel mécontentement. Ses marins étaient des soldats, la discipline était de rigueur. Un autre problème était évident, et celui là était d’autant plus préoccupant que son équipage était réduit, c’était celui des pirates. Mica n’était guère loin pour qui savait manier de la cote et d’Ydrill. Certes, le navire-amiral était un admirable vaisseaux, impressionnant, l’une des meilleures forces de frappes militaires du royaume, sinon la meilleure et il fallait compter sur des marins aussi rompus au combat en mer qu’aux manœuvres si l’on voulait l’attaquer. Mais son point faible résidait dans sa vitesse, moyenne, par vent de dos moyen face à un navire pirate poussé par le même vent. Aussi, trois navires de flibustiers pouvaient fort bien attaquer son vaisseau que Condra ne pourrait passer outre, même en se débrouillant bien, un voir deux combats.

Voilà qui suffisant pour rendre quelque peu soucieuse la jeune femme. Elle se chargea de faire approvisionner son navire au plus, réussi à embaucher deux marins aux pedigrees impeccables pour pallier aux manques, ainsi qu’un combattant aguerri aux armes légère, en usage dans la Marine. Ces belles prises, elle les évalua elle-même et dut se montrer somme toute satisfaite du résultat. Bon, deux hommes manquaient encore mais il était clair qu’ils étaient infiniment plus proches de leurs niveaux de manœuvre et de combat habituels que la vieille, amputés de cinq membres. Elle traînait dans le port, à quelques heures du départ, après avoir donné ses ordres, comme à son habitude, flânant, se reposant aussi quelque peu de son travail acharné, dans sa tenue militaire, le regard stricte mais l’esprit rêveur. Elle bouillonnait de reprendre la mer. Voguer, c’était toute sa vie. Marchant d’un pas lent mais sur, elle se surpris à impressionner, elle fille du Sud et de la mer à la peau cuite par le soleil, impressionnant les fiers habitants d’Ydrill. Condra en riait intérieurement, la main posée sur le pommeau du sabre d’abordage qu’elle avait au coté, tandis qu’au loin ses yeux cherchaient à apercevoir, au travers du Voile et du brouillard, l’île de Mica, repaire des pirates. Un Elfe même n‘eut probablement pas réussi, songez donc ! Elle ne le pouvait donc pas, malgré que sa vue soit bonne, marine oblige.

De nombreuses gens étaient sur le Port, en même temps qu’elle. Ses marins, tous des hommes la saluaient bien bas en la croisant et se dépêchaient d’aller rejoindre le navire en tentant de dissimuler leur ivresse. Elle se montrait sévère lorsque c’était perceptible.

-Alhen ! Vous avez encore bu trop de rhum !? Deux jours de fers vous feront sans aucun doute un bien fou ! Ne vous plaignez pas si l’on vous oublie pour les repas !! Peut-être un peu d’eau !! Oui ! De l’eau ! Vous allez apprendre à l’aimer !

Le dénommé Alhen était une masse de muscle, un marin costaud, qui dépassait fièrement les deux mètres. Il avait une mine attristée, baissant la tête devant ce petit bout de femme qu’il aurait pu manger tout cru. L’autorité de Condra était claire, elle s’imposait, ses ordres ne se discutaient pas. Un point c’est tout ! C’était cela le sens de ce ton cassant et antipathique qu’elle affectionnait. L’homme savait cependant quel marin extraordinaire se cachait derrière la jeune femme, aussi ne discutait-il pas. Il se contentait de baisser la tête et tout son imposante carcasse.

-Bien, mon Amiral !

-Idiot ! Combien de fois devrai-je dire qu’on ne donne pas du « Mon » dans la Marine. Imbécile de reconverti de la piétaille ! Rompez, immédiatement !

Et le colosse de courir au bâtiment. C’était tout juste s’il ne s’allait pas mettre lui-même les fers.

Il fut bientôt temps d’embarquer, Condra fit demi-tour et allait rejoindre son navire lorsqu’un homme l’interpella. Deux de ses soldats se déplacèrent aussitôt derrière elle, alors qu’ils s’apprêtaient à monter dans le navire, comme pour la protéger. Ils regardaient l’homme, un joyeux drille dans une mauvaise passe. Probablement un fils de riches bourgeois en vadrouille autour du Monde durent-ils juger. Condra leur fit signe de rentrer, ils s’exécutèrent.

-Préparez vous à lever ancre dans une heure. J’arrive.

-Pardonnez-moi chère damoiselle, mais alors que je cherchais à m'enrôler sur une nef au départ, votre éblouissante beauté a éclairé ma voie tel un phare celle d'un navire égaré. Auriez-vous l'extrême générosité de m'offrir une place à bord du vôtre? Je remplirai toutes tâches et comblerai tous désirs avec... efficacité.

Mais qui était cet imbécile ? Et pour qui se prenait-il ?

-Qui êtes-vous ? Que voulez vous ? S’enquit Condra. Votre impertinence est grande. Puis-je connaître votre identité ? J’ai passé l’âge que l’on m’appelle Damoiselle, nommez moi Amiral.

Sur ce, Condra allait le planter là lorsque… Elle se retourna vers l’homme et lui dit :

-Attendez. Ne partez pas. Nous allons peut-être trouver à nous entendre. J’ai besoin de bras effectivement. Combien voulez vous pour un voyage d’ici à Nelen ? Parlez vite mais parlez bien car je n’ai guère de temps. Avez-vous déjà navigué ? je vous préviens, il s'agit de réels travaux. d'ailleurs savez-vous vous battre ?

Elle croisa les bras et attendit, observant l'homme des pieds à la tête. Chose qui n'avait rien d'agréable.

Dernière édition par Altiom d'Ydril le Lun 18 Oct 2010 - 23:45, édité 2 fois

Altiom se demandait s'il n'y avait pas été un peu fort pour un premier contact. A l'évidence, la réponse de la dame le conforta dans son appréhension: qui êtes-vous ? Que voulez vous ? Votre impertinence est grande. Puis-je connaître votre identité ? J’ai passé l’âge que l’on m’appelle Damoiselle, nommez moi Amiral. Manifestement, elle n'aimait ni les compliments, ni les hommes trop entreprenants. Une femme qui avait du caractère... ce qui, plutôt que de rebuter le noble sans-le-sou, inspira en lui une pointe d'admiration et de sympathie. A son grand regret, son interlocutrice fit mine de se détourner de lui, mais s'arrêta avant de faire complètement volte-face: attendez. Ne partez pas. Nous allons peut-être trouver à nous entendre. J’ai besoin de bras effectivement. Combien voulez vous pour un voyage d’ici à Nelen ? Parlez vite mais parlez bien car je n’ai guère de temps. Avez-vous déjà navigué ? Je vous préviens, il s'agit de réels travaux. D'ailleurs savez-vous vous battre ?
- Vingt-cinq Écus par jour me semblent être un prix raisonnable, en contrepartie je vous offre mes services. Vous pouvez compter sur moi peu importe la tâche qui me sera confiée. Je suis né ici, j'ai donc eu maintes occasions de prendre le large oui. Et même si j'ai plus l'air d'un vagabond inoffensif qu'autre chose, je sais me battre effectivement, il serra plus intensément sa canne. Et... je sais même cuisiner! ajouta-t-il pour détendre l'atmosphère.
C'était là sa seule chance de quitter le comté, du moins à court terme, il ne devait pas la laisser s'échapper: écoutez, vous semblez avoir grand besoin d'hommes... enfin pour les besognes relatives au navire j'entends, et moi j'ai grand besoin de quitter ce lieu, c'est un accord mutuellement profitable. Acceptez je vous en conjure... je serai même prêt à... réfréner mon humour si particulier. Ou du moins essayer, concéda-t-il après un instant de réflexion (et un effort intense semblait-il).

- Vingt-cinq Ecus par jour me semblent être un prix raisonnable, en contrepartie je vous offre mes services. Vous pouvez compter sur moi peu importe la tâche qui me sera confiée. Je suis né ici, j'ai donc eu maintes occasions de prendre le large oui. Et même si j'ai plus l'air d'un vagabond inoffensif qu'autre chose, je sais me battre effectivement. Et... je sais même cuisiner!

L’Ardente éclata d’un grand rire. Allons bon, un maître-coq, voilà qui lui faisait une belle jambe. Elle observa cette fois directement dans les yeux son interlocuteur une fois que sa crise de rire eut passé. De nouveau sérieuse, elle évaluait ce qu’elle pouvait tirer de cet homme. Elle ne l’eut pas avoué, mais il lui était plutôt agréable, restait à voir ce qu’en pensaient ses hommes de mer. Elle réfléchissait, ce vagabond prétendait savoir cuisiner, combattre, et nombre de choses utiles sur un navire. Soit, il lui faudrait néanmoins connaître son nom, à ce mystérieux énergumène si elle voulait en faire quelque chose. Elle acheva de le jauger, hésitante. Avait-il vraiment le moindre talent ? Un beau parleur sans doute, elle n’était pas arrivée à se hisser en telle position dans l’Armée en écoutant les beaux parleurs. Allons bon, elle se sentait d’humeur magnanime aujourd’hui.

-Ecoutez, vous semblez avoir grand besoin d'hommes... enfin pour les besognes relatives au navire j'entends, et moi j'ai grand besoin de quitter ce lieu, c'est un accord mutuellement profitable. Acceptez je vous en conjure... je serai même prêt à... réfréner mon humour si particulier. Ou du moins essayer.

-Va pour neuf écus de la journée, il faut croire que nous ayons besoin d'humour stupide et insipide sur mon bâtiment. A prendre ou à laisser et je crois que vous avez grand besoin de quitter ces terres… Nous embarquons très vite, restez avec moi, je m’arrangerai pour vous présenter au reste de l’équipage. Présente toi, maintenant, c'est ma seule condition. Je me présente, moi. Je suis Condra de Yisien, Amiral de la Marine Royale au service de Sa Majesté, Trystan de Diantra. Prends conscience que tu vas vivre quelque chose d’exceptionnel, il est rare que le navire amiral accepte des inconnus. Aussi sache qu’au moindre débordement, nous veillerons à régler toutes les éventuelles formalités de ton dépôt en haute mer au plus vite. Tu as des affaires à aller quérir ?

Ce faisant, la jeune femme fit signe à son second, un homme de taille moyenne, aux épaules plutôt carrés qui s’approcha.

-Sigmund, dresse un contrat à notre jeune ami en tant que Mousse. 9 écus de la journée jusqu’à notre débarquement à Nelen. Fais lui chercher un uniforme à sa taille et fait amener les affaires qu’il te donnera là où il reste de la place, dans une cabine. Fais le enregistrer : nom prénom, age, signes particulier. Parle lui vite, je veux après lui parler.

L’officier s’enquit aussi vite qu’il put avec un débit de parole élevé de ce que lui avait ordonné Condra. Il fit chercher les affaires de Altiom et lui indiqua son numéro de cabine. Quand il tout fait, il retourna sur le navire, surveiller les derniers préparatifs. Condra, d’un geste de la main le congédia. Elle resta face à Altiom, l’observant, sans dire mot. En ses rêves, elle laissant venir à elle le doux murmure du rivage, le large l’appelait, des bandits notoires sévissaient en Mer Olienne, s’ils n’avaient pas à affronter une troupe de pirates rompus aux arts de guerre, sans doute son jeune protégé pourrait-il montrer ses talents à la jeune femme avant qu’ils ne soient à Nelen.

Enfin, elle se détourna de lui et entreprit une conversation polie. Elle tentait à nouveau d’apercevoir Mica, mais c‘était avidement impossible.

-Que fais tu là ? Pourquoi quitter ce pays ?

Dernière édition par Altiom d'Ydril le Lun 18 Oct 2010 - 23:46, édité 3 fois

Apparemment le jeune homme avait marqué un point: il avait réussi à faire rire l'amirale. Quoi de mieux que de faire rire son employeur pour être sûr d'être pris? Altiom fut cependant légèrement contrarié par la dureté avec laquelle sa charmante patronne négociait:
- Va pour neuf écus de la journée, il faut croire que nous ayons besoin d'humour stupide et insipide sur mon bâtiment, neuf écus par jours, voilà qui était rude, mais cela lui permettrait au moins d'avoir de quoi s'acheter à manger pendant plusieurs semaines. A prendre ou à laisser et je crois que vous avez grand besoin de quitter ces terres… Nous embarquons très vite, restez avec moi, je m’arrangerai pour vous présenter au reste de l’équipage. Présente toi, maintenant, c'est ma seule condition. Je me présente, moi. Je suis Condra de Yisien, Amiral de la Marine Royale au service de Sa Majesté, Trystan de Diantra. Prends conscience que tu vas vivre quelque chose d’exceptionnel, il est rare que le navire amiral accepte des inconnus. Aussi sache qu’au moindre débordement, nous veillerons à régler toutes les éventuelles formalités de ton dépôt en haute mer au plus vite. Tu as des affaires à aller quérir ?
- Je n'ai pas d'autres effets personnels à chercher non, du moins pas qui risquent de disparaître en mon absence, et aucune affaire à régler. Et je me nomme Altiom. Juste Altiom. Condra fit signe à l'un de ses matelot et lui intima divers ordres, parmi lesquels lui trouver un uniforme. Il frissonna à l'idée de devoir revêtir un costume ridicule au détriment de son armure personnelle... mais il n'avait pas vraiment le choix et suivit le dénommé Sigmund.

Le marin enregistra son contrat, lui fit choisir un uniforme adapté et lui présenta sa cabine dans laquelle il se changea. Finalement celui-ci n'était pas si grotesque et, renforcé de plates, offrait une protection tout-de-même respectable. Cependant le sabre d'abordage régulier qu'on lui confia n'était pas pour lui plaire, il se sentait en effet mal à l'aise sans sa canne-yari.
Une fois les apprêts achevés, les deux marins retournèrent sur le pont où les attendait l'amirale. Sigmund fut congédié tandis que Condra se tenait face au mousse fraîchement promu, elle le toisa du regard, en silence. Évidemment il ne put réprimer le léger sourire que lui inspirait la situation. Au bout de quelques instants, elle se tourna et lui demanda: que fais tu là ? Pourquoi quitter ce pays ? Les questions sensibles commençaient, il fallait présenter quelque chose de crédible tout en restant évasif... bien entendu c'est à ce moment précis que son imagination lui fit cruellement défaut:
- Je vous ai déjà dit que je savais cuisiner. Et à vrai dire... je cherchais un poste dans l'un des restaurants du port... en tant que chef-cuisinier. Mais sans succès. Je dois proposer mes services ailleurs, là où ils seront reçus avec plus d'enthousiasme, et plus de rémunérations. La jeune femme ne semblait pas convaincue, il devait passer au plan B: la submerger de détails pour la forcer à changer de sujet: vous savez que je cuisine les meilleures truites en papillote de tout le royaume? Je vous assure! Quelques petites herbes, un filet de vin blanc et d'huile et, mon ingrédient secret... une partie d'une plante séchée et broyée, que l'on appelle gingembre. C'est une espèce exotique difficile à trouver, mais l'effet est garanti !

- Je n'ai pas d'autres effets personnels à chercher non, du moins pas qui risquent de disparaître en mon absence, et aucune affaire à régler. Et je me nomme Altiom. Juste Altiom.

Avec un demi sourire, qui ressemblait autant à un sourire qu’à une moue d’ailleurs, de telle sorte qu’on le pouvait prendre pour l’un ou pour l’autre, au choix du client, Condra répondit au dénommé Juste Altiom.

-Soit, Juste Altiom. Tu dois avoir tes raisons. Les desseins des Hommes sont parfois compliqués et je puis comprendre que l’on cachât son ascendance. Ou son véritable nom.

Plus tard, une fois Juste Altiom préparé, Condra se retrouva avec lui, fière et autoritaire sur le pont de son navire. Elle donnait des ordres à chacun de ses matelots, intimant à tous de tendre ici, de desserrer là, et puis, enfin de lever l’ancre. Peu avant cela, elle avait parlé avec Juste Altiom qui avait répondu à ses questions de cette manière.

-Je vous ai déjà dit que je savais cuisiner. Et à vrai dire... je cherchais un poste dans l'un des restaurants du port... en tant que chef-cuisinier. Mais sans succès. Je dois proposer mes services ailleurs, là où ils seront reçus avec plus d'enthousiasme, et plus de rémunérations. Vous savez que je cuisine les meilleures truites en papillote de tout le royaume? Je vous assure! Quelques petites herbes, un filet de vin blanc et d'huile et, mon ingrédient secret... une partie d'une plante séchée et broyée, que l'on appelle gingembre. C'est une espèce exotique difficile à trouver, mais l'effet est garanti !

Elle répéta lentement « gingembre » comme si la seule prononciation du mot pouvait lui permettre d’en apprécier la saveur. Il faisait plutôt bon quoiqu’un peu frais et l’air marin, savoureux et salé, exhalait des volutes de rêves. Puis, elle écarta d’une main distraite ses cheveux qui lui cachaient la vue et cria :

-Larguez les amarres, on met les voiles. Magnez-vous, il est hors de question qu’on y soit encore demain. Loffez vite et bien. Allons, Allons ! Promptement, il n’ y a pas toute la journée, soldats !

Elle se retourna, emportant d’un petit coup sec sur l’épaule son compagnon. Elle se dirigeait d’un pas rapide et tranché vers le centre du navire, abandonnant le mât de misaine pour se diriger vers le grand mât.

-Marins, je vous présente notre compagnon de route jusqu’à Nelen, il s’appeler Juste Altiom et quiconque se conduira d’une manière peu noble envers lui aura affaire à moi, je vous le garanti, aussi sûrement que si c’était à Trystan de Diantra même que vous vous en preniez.

Condra connaissait ses troupes, elle savait que nombre de ses hommes n’étaient pas des tendres. Elle préférait prévenir, le jeune homme lui était sympathique et elle ne voulait pas qu’on fût désagréable avec lui. Elle s’y attachait un peu quelque part, comme à tous ses compagnons de route. Lorsqu’elle eut crié son message, elle donna encore quelques ordres et quelques cap (son second étant temporairement en charge de la navigation) et emmena Juste Altiom visiter son navire.

D’apparence impressionnante, le navire était un ancien navire marchand à l’histoire exceptionnelle. Attaque de pirates, batailles navales et combats avaient été son existence avant son rachat par l’armée, deux ans auparavant. Il avait été grandement abîmé par ces calamités et venait tout juste d’être remis à pied. Bien entendu, il avait subit des modifications importantes. Ancien cogue convertit en galion de ligne à trois mâts, c’était une sorte de bateau-test assez fantaisiste et dont la description complète apparaît inutile. Je me contenterai d’en faire une approximative. Il possédait deux châteaux, c'est-à-dire, un gaillard d’avant et une dunette, en résumé deux structures dépassant de la coque, chose assez rare parmi les flottes miradelphiennes. Son gréement, constitué de trois mâts et d’un ensemble complexe d’espars, de manœuvres dormantes et de manœuvres courantes, était un des joyaux de l’armada royale, sinon le joyau. C’était un trois-mâts dit « carré », tous les mâts étant de voiles positionnés sur des vergues horizontales, retenues par le milieu (voile carrée), ce qui créait des voiles carrées. Sur trente et un mètres d’envergure, contre presque neuf en large il exposait sa remarquable apparence aux yeux des habitants d’Ydrill, dont beaucoup aimaient la mer et étaient venus voir ce magnifiquement bâtiment s’en aller.

Amassés sur le port, ils regardaient éblouis s’en aller, le navire et ses cabines, relativement nombreuses. Dans chacune d’elles, quatre à huit marins cohabitaient. Seule Condra possédait la sienne propre. Elle fit voir tout cela à Altiom, lui distribuant des explications diverses sur tel ou tel choses, essayant de jauger ses qualités de navigateur. Lorsqu’elle lui eut montré les cabines, elle lui fit voir la cuisine, petite comme toutes les « pièces » du navire mais richement décorée. Enfin, elle lui montra sa cabine, plus grande que les autres mais dont l’espace était considérablement réduit par une foule d’objets hétéroclites déposés en tous ses. C’était tout sauf rangé. Des appareils de navigation traînaient au sol et Condra les balaya du pied, tentant de frayer un chemin jusqu’à son lit minuscule qui semblait s’être tassé sur lui-même pour pouvoir tenir dans l’espace.

Deux heures avaient passé, Condra étaient allé lentement et méthodiquement, avait présenté personnellement chaque marin à Altiom et lui avait montré chaque pièce. Il n’y avait plus qu’à espérer qu’il n’aille pas vendre cela à la Marine Marchande. Elle lui faisait confiance, comme si quelque chose lui indiquait que, s’il était homme à chercher sans cesse le sou, il n’était pas homme à vendre son âme. Grand bien lui ferait qu’il en fut ainsi. Enfin, lorsqu’ils ressortirent de la cabine de l’Amiral pour se rendre aux cales où s’étalaient maints tonneaux d’eau potable et réserves de nourritures impérissables, Condra fit monter avec elle son compagnon et lui fit voir la barre à roue du Navire. C’était son second qui barrait. Elle prit note des informations nécessaires, puis dit à Altiom.

-Nous pouvons nous permettre un petit jeu maintenant que notre direction est presque amorcée et que nous ne sommes guère occupé. Ensuite, je te demanderai de me faire voir tes talents culinaires. Tu vas barrer, Juste.

Et de lui indiquer l’immense "volant" du doigt. Son visage inexpressif reflétait un ordre direct qu’il eut été bien imprudent de repousser.

-Je serais ta navigatrice. Je crois pouvoir dire que je m’y connais en navigation.

En effet, suite aux informations, elle se saisit des instruments de calculs qui se trouvaient sur une tablette près d’une carte maritime et pris des mesures, fit ses calculs et corrigea même son second. Par tic, elle ne cessait de remettre ses cheveux derrière ses oreilles d’une main habile, lorsque le vent la venait déranger. Puis réfléchissait vite, très vite ajoutant ici des informations et des notes qui avaient échappées à son second. Celui la regardait faire, étonné comme la première fois de voir une telle vitesse de réaction et une capacité pareille à mesurer. Elle rectifia encore un peu le cap et donna à Juste Altiom ses ordres.

-282,5°. Plutôt 83 que 82. Veille à prendre la poupe et ne pas perdre les focs. Ils doivent bien prendre le vent par l’arrière. Penses-tu qu’il faille être ferme Sigmund ?

-Non, Amiral. Une souplesse sera peut-être à préférer car le vent tourbillonne peu. Avec ce Voile, ne soyons pas trop hâtif.

Elle demandait toujours conseil. En mer, prendre l’avis des autres est souvent salvateur.

-Merci Barrer donc davantage à 282 ? Ne surtout pas oublier d’aérer les voiles avant. Et ne te laisse pas avoir par les vagues et le remous ou l’on va perdre de la vitesse.

Elle adressa un large sourire, rayonnant de la joie du large et de la haute à Altiom, tandis que le soleil éclairait son visage et en sublimait l'éclat. Il s'effaça vite, elle fronça les sourcils et remis ses cheveux derrière ses oreilles.

-Barre, Barre ! Disait-elle, sévère et l'on sentait que rien au monde ne lui donnait davantage de plaisir que de faire ainsi l'amour avec l'océan.

EDIT:

[Suite]

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