La châtelaine de Sinlieh [Aurore]

Dans l'anti-chambre, Aurore tournait en rond. Elle n'avait jamais su en quoi consistait cette étape. Wilfrid était mort, avant de lui dire. Elle ne savait pas ce qui l'attendait. Même Harnyll ne lui avait glissé aucun mot. Elle était complètement ignorante, pour une fois

. Avec ses précepteurs, elle avait toujours jouer la fillette qui savait tout. Même en grandissant, elle avait continuer ce jeu enfantin.

Pour se rendre compte de plusieurs choses, lorsque la mort frappe celui qui vous est cher. Elle se rendait compte, qu'elle ne savait rien de la vie. L'argument se résumait à plusieurs choses. Harnyll étaint le premier à avoir ouvert les portes de son coeur. En pensant à l'homme qu'il était, son coeur devint léger.

En voyant les portes s'ouvrirent, Aurore asurait fui. Mise a part Harnyll, elle ne connaissait personne d'autre que lui. Elle approcha timidement et s'inclina avec grace.

Monsieur le Batron, messieurs bonjour.

En croisant son regard, Aurore eut un léger frisson. Qu'il était agréable de le cotoyer et de le voir.

Et puis silence total. Elle attendais le signe qui lui permettait de pouvoir prendre place. Elle savait que Sinlieh lui appartiendrait, pour le restant de ses jours, puisqu'elle n'avait pas l'intention de s,en separer.

Mais seuls les yeux des dieux savaient que la jeune chatelaine enviait Lucrece de Hatalia.

Une fois Aurore assise en face du baron, Mervern sortit un grand document soigneusement rédigé par ses services la veille et par lequel le baron d’Ysari allait reconnaître à la jeune femme la possession du fief de Sinlieh. D’un geste, le chancelier fit signe à un clerc resté jusque là près de la porte d’apporter de la cire pour apposer les armes d’Ysari sur le document.

Marakas se saisit du rouleau de cire rouge et de la bougie que lui présentait le clerc, puis fit goutter le bâtonnet en bas du large décret. Pendant ce temps, son supérieur sortait de la bourse fermée qu’il portait en permanence à la ceinture le grand sceau d’Ysari, un monument large d’une main qui n’était utilisé que pour les publications officielles. En temps ordinaire, Harnyll utilisait le sceau personnel qu’il portait à son doigt.

Tandis que Mervern apposait le sceau et que Marakas allait chercher les plumes d‘oies avec lesquelles ils signeraient ensuite, Harnyll se leva, dégaina son épée qu’il posa à plat sur la table, la main sur la poignée, et demanda à Aurore de le rejoindre.

Posez votre main sur la lame, lui souffla-t-il à voix basse.

Il aurait du lui expliquer la veille comment se déroulait la cérémonie mais ils étaient… hmm… occupés. Il y avait bien eu des paroles d’échangées mais elles ne pourraient être rapportées ici sans que cela ne fasse rougir les oreilles des plus prudes. Lorsque la main de son amante fut en contact avec le froid de l’acier, Harnyll lui demanda :

Aurore de Rosemont, me prêtez vous serment de vassalité ? Me jurez vous fidélité dans la paix comme dans la guerre ? Sur le salut de votre âme, et devant les Dieux immortels, vous engagez vous à me servir loyalement, moi et ceux de ma lignée qui me succèderont sur le trône d’Ysari ?

Et je vous accepte comme vassale, vous donnant en fief le manoir de Sinlieh.

Puissiez vous vous montrer digne de votre père dans ces fonctions. Prenant Aureane dans ses bras, le baron déposa un chaste baiser sur sa joue, tradition séculaire mais qui avait un sens bien particulier pour les deux amants. Probable qu’Aurore aurait apprécié un peu plus qu’un baiser protocolaire, mais enfin… c’était protocolaire justement… pour la suite il leur faudrait attendre la tombée de la nuit.

Les serments échangés, Harnyll et Aurore apposèrent leurs signatures sur l’acte officiel scellant leur lien de vassalité. Marakas Draken confia le parchemin à un clerc de la cire rouge pour qu’il aille le ranger dans les archives de la chancellerie. Désormais, Aurore était officiellement la suzeraine de Sinlieh, et nul ne pourrait lui denier ses droits sans encourir la colère du baron.

Satisfait, Harnyll se rassit et indiqua aux autres participants du conseil de faire de même. Puisqu’Aurore était châtelaine, elle pouvait participer aux discussions qui allaient suivre, dont une partie la concernerait d’ailleurs directement. Faisant signe à un clerc de commencer à noter le contenu des discussions, le baron entama :

Bien, comme la plupart d’entre vous le savent déjà, nous avons deux autres points à traiter en ce jour. Je me réjouis de la présence de Gregor car nous devons trancher le sort du fief de Dyriet. Nicolaï KalonErc’h, pour autant que nous le sachions, ne reviendra jamais parmi nous, et il va nous falloir décider si un remplaçant doit être nommé.

Tout en parlant, le baron regardait tendrement Aurore. Elle n’avait encore guère l’habitude de ces réunions fortement teintées de politiques, mais cela viendrait avec le temps. Pour la millième fois peut être, Harnyll se demanda ce qu’il avait bien pu advenir de Nicolaï. D’après les dires du pirate, le jeune homme et son amie Aureane avait été vendus comme esclave à un marchand du Puy d’Elda. Une mort rapide serait désormais le seul bien que l’on pouvait leur souhaiter…

Le silence s’abattit quelques instants sur la salle du conseil, tandis que chacun réfléchissait à ce qu’il devait, ou à ce qu’il pouvait dire. Il était de notoriété publique que Nicolaï KalonErc’h était bien en cour avant son enlèvement, et que le baron ressentait une vive sympathie pour le jeune homme. Se penchant en avant sur la table, ses bras massifs croisés devant lui, Gregor prit la parole :

Monseigneur, j’ai reçu une missive de Lok’Van Tharn, un jeune chevalier d’Arcani, qui se propose pour assurer « l’intérim » comme il le dit, à Dyriet, et ce jusqu’au retour de Nicolaï.
C’est-à-dire prendre la suite, murmura en ricanant doucement Mervern. Lok’Van avait déjà demandé ce fief suite à l’exécution de Farles, au printemps dernier.
Lok’Van… mais dites moi Gregor, n’est-il pas de la famille de Farles ?
Il s’agit d’un cousin éloigné, oui.

L’ombre de Farles parut planer un instant dans l’air. Farles de Dyriet… traître à son suzerain et pendu comme un vulgaire félon au château d’Arcani une fois ses méfaits découverts. Un éclair de colère passa dans les yeux du baron qui répondit sèchement.

Je ne compte pas permettre à un membre de cette lignée de reprendre Dyriet. Politiquement ce serait un mauvais calcul. Gregor, nommez un sergent responsable des travaux, de toute façon, le manoir n’est pas encore habitable. Une fois le chantier achevé, et si nous sommes toujours sans nouvelles de Nicolaï, je nommerai un nouveau châtelain pour ce fief.

Une manière habile de repousser l’échéance. Au fond de son cœur, le baron espérait encore revoir un jour Nicolaï et Aureane, bien que sa raison lui assure que personne ne pouvait ressortir vivant du Puy d’Elda. Les drows utilisaient leurs esclaves jusqu’à ce qu’ils soient inaptes à les servir… puis les tuaient. Aureane était d’ailleurs peut être encore plus à plaindre, car elle risquait de se retrouver dans un bordel jusqu’à ce que ses charmes ne satisfassent plus les clients… non, vraiment, les deux jeunes gens ne pouvaient pas revenir… ce n’était qu’un espoir vain.

Se forçant à chasser ces sinistres pensées de son esprit, le baron repassa à un sujet plus plaisant, sujet qui concernerait directement Aurore, et cela suffisait à lui rendre le sourire. Dans cette grisaille qu’était devenue sa vie, la jeune femme constituait le seul rayon de soleil qui lui réchauffait l’âme.

Comme vous le savez tous, j’ordonnerai dans quelques semaines l’ouverture de la saison de la chasse. Il est de tradition pour les barons d’Ysari de se rendre alors chez un de leurs vassaux pour y officialiser ce lancement. J’ai choisi cette année de faire honneur à Dame Aurore ici présente en me rendant chez elle, à Sinlieh, pour y mener la première chasse de la saison.

Toute la cour ne suivait bien sur pas ces premières expéditions, mais les plus acharnés chasseur parmi ses vassaux se battaient littéralement entre eux pour avoir l’honneur d’y participer. Et organiser cela chez Aurore lui serait de plus infiniment agréable… souriant à son amante, le baron ajouta :

Dame Aurore, combien de nobles pouvez vous loger dans votre manoir ?