Le Crépuscule de l'Aurore.

Les Plaines de Sang.

RP précédent L'implacable destinée.

RP suivant Vengeance au couchant.

Le Crépuscule de l'Aurore.

Contexte :
La marche fatidique des armées drows semble inexorable. Tant et si bien que personne n'ose s'interposer pour l'arrêter. Erlem fut ainsi laissée seule, livrée à elle-même. Détruit et ravagé par les immenses forces destructrices déployées par les armées drows, Erlem n'eut pour autant pas le goût d'une véritable victoire. Ni pour les uns, ni pour les autres.
L'appel du sang n'en fut que plus irrésistible, et les armées puysardes s'orientèrent vers leur prochain objectif : une guilde de mages bien connue.

Si l’Aurore pouvait se targuer de son ouverture sur le monde et que ses membres n’étaient que de bonnes âmes ne cherchant ni querelles ni conflit, ils n’en étaient pas moins incapables de se défendre. Car certains des mages l’Aurore avaient déjà vu ces drows, comme à Amblère, par exemple.
Cette fois en revanche, les rôles n’étaient plus les mêmes, s’agissant bel bien puysards venant toquer à leur porte et pas l’inverse. Les mages de l’Aurore s’étaient préparés à cette éventualité, dans cette même veine, avait brodés des défenses conséquentes. Les vies comptaient, à leurs yeux, bien plus que la pierre.

Ainsi, les armées drows, forte de leur victoire plus qu’aisée à Erlem, ou plutôt très agacée, s’en venait vers l’îlot où siégeait le fortin appartenant à l’une des guildes de mages les plus connues de ce monde. Une guilde voyant son crépuscule arriver, forte de ses yeux de feu et ses cheveux blancs, implacables fanatisés.
Les flots léchaient en rythme la roche plongeant à pic dans les eaux salées. Le fort, on y accédait par un long pont de pierre menant aux portes de l’Aurore. Des portes closes et bien gardées en ce triste jour. Un jour si particulier que l’Aurore fit le choix de se défigurer.

Après Erlem l’armée eldéenne, composée de trois osts différents et des prêtres et mages du C’nros qui leur étaient attachés, reprirent la route, la plupart des soldats la composant étant restés sur leur faim. Sans combats à se mettre sous la dent, sans effusion de sang, les naélisiens les avaient privés d’une chose bien plus importante que la bataille : l’occasion de se démarquer des autres ilythiiris sous les yeux du Créateur. L’humiliation était d’autant plus cuisante que si Uriz avait bel et bien assisté à ça, il avait vu ses enfants tomber dans le piège. Il avait également vu le blasphème perpétré par les humains mais, ça, Kerath comptait bien y remédier. Outre les troupes qui s’étaient détachés pour faire le tour de la campagne naélisienne pour obtenir la soumission des villages alentours ou, s’il refusaient, pour obtenir des morts-vivants. Comme le Karliik Glenn l’avait dit : « ils serviront l’Eda Vengeur, qu’ils le veuillent ou non. »

Mais en attendant d’avoir des nouvelles des soldats envoyés un peu avant que le reste de l’armée ne puisse se remettre en route, en effet ils n’avaient pas attendus que les mages rasent Erlem et que les artilleurs démontent leurs engins de siège pour les rendre transportables, les eldéens arrivèrent à l’Aurore. Le soleil se couchait et, comme chaque soir venu, les osts montèrent leur camp. Ou du moins leurs camps étant donné que les osts se séparèrent en trois pour entourer l’Aurore sur terre. Des prêtres d’Uriz suivis d’esclaves, suivant un rituel aussi ancien que les osts d’Elda, délimitèrent les limites du camp en question mais tout cela prenait un peu de temps et en attendant, il serait impoli de ne pas venir s’annoncer à ses nouveaux voisins. Ainsi Kerath, accompagné, entre autres, d’un grand-prêtre du Père, de la Gardienne, du Phord’Ur et d’un représentant du Zho’Us Raghar s’approchèrent de la côte, là où auparavant se trouvait le début du pont qui menait à la guide. Cette fois il n’était plus question de mettre en danger un prêtre qui n’était pas capable de se défendre seul.

Le Karliik Glenn intima le silence aux Phord’Ur et au mage civil qui l’accompagnaient.

« Vous reprendrez vos discussions sur le contenu des bibliothèques du Firmament plus tard. » Gronda-t-il tandis qu’une magicienne de la chambre arcanique préparait un sort d’amplification de voix pour qu’elles portent sur les deux-cents mètres qui le séparaient de la guilde sans qu’ils n’aient besoin de se tuer les cordes vocales. Les incantations se poursuivirent pendant encore quelques secondes pendant que le soleil commençait à lentement disparaître à l’horizon, pendant que Kerath murmurait une des rares prière au Silencieux qu’il connaissait. Une minute ou deux plus tard on lui fit signe que le rituel était fini et il prit quelques instants pour finir sa prière avant de prendre la parole, les bras croisés. « Est-ce que vous êtes prêts à négocier ? »

Il avait des doutes, il ne savait même pas s’il parlait dans le vide ou si d’autres que ses troupes l’entendaient, mais en tout cas on ne pouvait pas lui reprocher d’essayer, même s’il ne se montrait pas très chaleureux.

La magicienne de la chambre arcanique suspendit son sort lorsque Kerath leva la main. Un cadet s’approcha, salua ses supérieurs et attendit, immobile qu’on daigne lui adresser la parole. Mais avant de se tourner vers le jeune eldéen, le général réfléchissait aux façons de se débarrasser de la guilde et de ses mages si jamais les négociations n’arrivaient nulle part. Le colosse jura dans sa barbe inexistante en se disant que la présence du Prime Sorcier, qui était également, peut-être ironiquement, Grand Stratège, n’aurait pas été de trop.

« Je t’écoutes. » Les yeux rouges et jaunes de Kerath continuaient de fixer l’Aurore, ne se retournant pas pour écouter la nouvelle qui lui serait délivrée.
« Les mages sont prêts à commencer, les équipes sont prêtes. »
« Qu’ils attendent. » Le cadet hocha la tête et après un nouveau salut s’en retourna d’où il venait au pas de course. Si le grand-prêtre d’Uriz n’avait pas dit un mot depuis qu’ils s’étaient rassemblés devant ce qui fut un pont, Kerath pouvait tout de même l’entendre penser, répétant que la dernière fois qu’une ilythiiri avait trop fait attendre le Père, ce dernier lui avait retiré ses faveurs. Un avertissement que le général n’avait pas besoin d’entendre une fois de plus, comme ses troupes il avait envie de se battre mais contrairement à certains il était capable de se contrôler sans qu’on ait besoin de lui rappeler ce qui lui arriverait s’il ne le faisait pas. Il ouvrit ensuite le poing avant de rabaisser son bras pour signifier à la mage derrière lui d’à nouveau amplifier sa voix. La proposition était tentante mais malheureusement trop belle pour être vraie. « Comment savoir si vous allez tenir votre parole ? Nous avons vu ce matin que vous êtes prêts à ruser. »

S’il avait fait face à d’autres eldéens il aurait pu leur demander de prêter serment devant Meingal mais ce n’était malheureusement pas possible ; déjà parce qu’ils ne reconnaissaient sans doute pas l’existence du Juste, mais aussi et surtout parce qu’ils prenaient leurs dieux avec une légèreté consternante, insultante même pour quelqu’un qui ne vénérait pas le même panthéon.

« Demain nous vous laisserons sortir sans que rien ne vous soit fait si vous consentez à passer le reste de la guerre en Ithri’Vaan, or des frontières du royaume de Naélis, et à ne pas nous nuire d’une quelconque façon que ce soit. Le tout sous la surveillance d’une princesse marchande pour assurer votre neutralité. »

Kerath allait répondre quelque chose disant qu’ils ne les croyaient pas une seconde mais il se retint, se souvenant au dernier moment que sa voix était encore amplifiée. Toutefois ce n’était pas le cas des mages dans son dos et il put entendre le Phord’Ur et le représentant du Zho’Us Raghar échanger des murmures lorsqu’il fut question des livres et trésors. Son oreille intacte, tendue, retourna plus proche de son crâne, à quoi bon écouter ce qu’ils complotaient alors qu’il ne comprenait pas un mot sur trois de leur jargon magique? A la place il tourna son attention sur l’Aurore lorsque la même voix ressurgit des ténèbres. Et il poussa un soupir, fut-il assez amplifié pour atteindre les murs du château sur son île, ça il ne le savait pas et en réalité il s’en moquait.

« Supposons que j’accepte et que j’ordonne à mon armée de se remettre en marche en laissant quelques mages comme vous le suggérez. Comment savoir que vous ne pouvez pas vous en débarrasser lorsque nous serons suffisamment loin ? » Et s’enfuir ensuite pour pouvoir devenir une épine dans le pied des troupes eldéennes. « Mais de toute façon, contrairement à vous, je ne vous demande pas de me faire confiance mais de la placer en la neutralité des princes marchands. »

A nouveau le Karliik Glenn leva le poing et l’arcaniste interrompit son sort. Le drow se tourna vers les deux magiciens d’importance dont il avait demandé la présence qui s’arrêtèrent bien vite de discuter à voix basse.

« Je ne les crois pas. » Le mage du C’nros confirma d’un hochement de tête qu’il pensait la même chose que son camarade du civil. « Pourquoi demander à ce que leurs murs soient épargnés s’ils ont bel et bien tout emporté ? »
« Parce que c’est chez eux ? » Le Phord’Ur lança un coup d’œil à l’Aurore en haussant les épaules à la réponse de son supérieur.
« Ils peuvent toujours le reconstruire. Visiblement s’en prendre eux-mêmes à leur foyer n’a pas l’air de trop les déranger. » Du menton il désigna le trou béant qui séparait la guilde du continent, là où se trouvait jadis un pont. « Ils mentent. Et s’ils mentent là-dessus alors sur quoi d’autre? »

Kerath se tourna alors vers le grand-prêtre d’Uriz.

« Est-ce que tu peux envoyer quelqu’un chercher la princesse ? » Le prêtre hocha la tête avant de faire signe à un des ilythiiri en armure frappée du soleil du Créateur qui s’en alla avant de revenir mais cette fois il n’était pas seul. « J’aurais préféré te laisser une nuit de repos pour que tu puisses récupérer de ton voyage mais ils ne me laissent pas le choix.. »

Les cavaliers s’arrêtèrent lorsqu’ils purent apercevoir l’énorme mare noire devant eux.  La Princesse Marchande s’arrêta net alors que son expression se figea. Balayant du regard le champ de bataille, elle eut bien du mal à cacher sa surprise. Certes, elle avait entendu parler des osts, de leur grandeur, de leur efficacité. Mais tout cela était beaucoup plus impressionnant que tout ce qu’elle avait pu imaginer. C’était des centaines si ce n’était pas des milliers de têtes qui se tenaient devant elle. Devant un paysage ravagé par la guerre.  Ils avaient passé Erlem il y a quelques heures, et le paysage l’avait dévasté. Le fortin n’avait pas survécu, et qui aurait pu le blâmer? Qui aurait réellement pu survivre à la force brute de l’Elda? Thaar n’y survivrait pas non plus si elle devait y passer… et cette pensée lui donna froid dans le dos…Les guerres auxquelles elle avait pris part avaient été bien différente. Usant de son esprit pour détruire ses ennemis, mais rien ne l’avait préparé à cela. Rien ne l’avait préparé à une force brute de cette ampleur. Son destrier leva rapidement la tête, hennissant, marquant son mécontentement, et elle tira les rennes avant de le faire marcher de long en large. C’est à ce moment qu’elle put le ressentir. Pour la première fois depuis bien longtemps, la terreur. « Votre Altesse, quels sont vos ordres? » Les prunelles azurées semblèrent prendre conscience alors qu’elle se retourna vers Tristan. Elle expira doucement, tentant de reprendre le contrôle de ses esprits avant de balayer une nouvelle fois la marre noire de son regard azuré. Un groupe de soldat drow sembla les avoir remarqués et s’approchait d’eux, l’arme au poing.


« Lève le sigile. » Un milicien ne perdit pas de temps, relevant la bannière d’Uldal’Rhiz.  Le bleu et l’argent se mirent à virevolter derrière la Princesse Marchande, ce qui ne sembla pas nécessairement calmer le groupe d’eldéen qui se rapprochait d’eux. « Tristan, Dinin… Allez leur annoncer que la Princesse d’Uldal’Rhiz vient d’arriver. »  Sans perdre de temps, le rouquin ainsi que le doeb se mirent au gallot pour rencontrer le groupe de drows. Maralina ne quitta pas le groupe des yeux, observant la moindre réaction de ces derniers, puis au bout de quelques minutes, Tristan se retourna pour leur faire signe de les rejoindre. La partie venait officiellement de commencer. Un jeu dangereux ou la Princesse jouait très gros.  En tête, la Princesse Marchande mit son destrier au trot, suivi de près par ses miliciens, si son expression semblait s’être calmé, sa nervosité, elle, était toujours présente, bien enfouie sous les apparences, indétectable par ses ennemis.  « Le Karliik Glenn est occupé en vue de l’attaque sur l’aurore. Ils vont nous conduire à un endroit sécuritaire pour que l’on puisse monter notre camp. » La tête haute, l’air confiant, la Vaanie ne répondit rien devant le groupe de soldats qui se mirent en marche et quoi répondre? Elle était probablement arrivée trop tard pour sauver d’autres vies.


Il venait à peine de descendre de selle, qu’un drow en armure vint la voir, lui demandant de rejoindre immédiatement le Karliik Glenn en lui mentionnant les négociations qui avaient lieu. La Princesse acquiesçât, faisant signe à Tristan et un autre milicien de l’accompagner. Ils traversèrent le camp, sous le regard curieux des ilythiiris. Après tout, voir une Princesse Marchande se déplacer pour une guerre semblait surréaliste, surtout lorsque l’on constatait les apparats de cette dernière. Le soldat, tentait de résumer le plus possible la conversation que le Karliik Glenn avait eu avec l’aurore, tentant tant bien que mal de ne pas oublier aucun détail et en croire ce que le drow lui racontait, la négociation était déjà vaine. Comment deux partis pouvait-elle demander la confiance de l’autre alors qu’il menaçait de s’affronter à tout instant? C’était d’un ridicule et ce n’était en aucun cas surprenant qu’ils se retrouvent ainsi au pied du mur. Il valait mieux mettre les choses à plats, et recommencer du début. Ils rejoignirent rapidement le groupe de drow devant le château, et elle fut rapidement accueillie par une surprenante réplique du Karliik Glenn.


« J’aurais préféré te laisser une nuit de repos pour que tu puisses récupérer de ton voyage mais ils ne me laissent pas le choix.. »


« Ne commence pas à être doux avec moi, Sagar… Cela laisserait les mauvaises idées aux autres… » répondit la Princesse Marchande sans lui lancer un regard. Ce n’était définitivement pas le moment de montrer une quelconque forme d’attachement pour un parti alors qu’on tentait d’être neutre. Silencieuse pendant un moment, la Vaanie observa silencieusement le château qui se trouvait devant elle, alors que l’un des mages lui mentionnait qu’elle n’avait qu’à lui faire signe une fois qu’elle serait prête. Maralina releva la tête vers le haut du château, cherchant des yeux son interlocutrice avant de faire quelques pas vers l’avant, mettant volontairement une distance entre les ilythiiris et elle. Ses deux miliciens tentèrent de lui emboiter le pas, mais elle les arrêta d’un discret signe de main. Ces derniers resserraient leurs mains sur leurs armes, prête à défendre leur Princesse si cela était nécessaire. La Princesse d’Uldal’Rhiz observa le château à nouveau, avant de faire un signe au mage qui lança son sortilège. Elle expira doucement avant de prendre la parole; son ton était confiant, fière, mais teinté d’une touche de compassion. Elle savait pourquoi elle était là, et allait tenter de sauver le plus de vie possible. Sa volonté était bien différente de la leur, et il fallait absolument leur faire comprendre de toutes les façons possibles.  « Mon nom est Maralina Irohivrah, Princesse Marchande d’Uldal’Rhiz et Membre du conseil de Thaar. »


S’arrêtant un moment, son regard azuré se porta sur les remparts de la bâtisse avant de continuer; « Je suis ici en tant que représentante de Thaar. Le conseil souhaite arriver à une solution pacifique à ce conflit, et sauver le plus de vie possible. Regarder ce qui se dresse devant vous… » dit-elle en désignant les armées derrière eux. « Vous le savez autant que moi ce qu’ils peuvent faire. Vous savez que les probabilités de perdre sont grandes. Est-ce que c’est réellement ce que vous souhaitez pour votre guilde? Souhaitez-vous réellement perdre vos vies pour du roc alors qu’il y a beaucoup plus important? » Elle baissa doucement son bras, faisant de nouveau face à la guilde, espérant que ces derniers comprennent son point de vue… « J’ai réussi à convaincre le Karliik Glenn de vous accorder une chance, de vous épargner à la seule condition que vous ne restez pas dans ce château. Je me porte garante de votre sécurité. Mes propres miliciens vous accompagneront dans la principauté. Que cela soit Thaar ou Uldal’Rhiz ou n’importe quelle cité qui vous plairas, jusqu’à ce que la guerre soit terminé. Nous veillerons à ce que tous vos besoins soient comblés et à rendre votre séjour le plus confortable possible. » Ce qui n’était pas faux en soi, il n’était pas réellement prisonnier, du moins, pas du point de vue de la Princesse d’Uldal’Rhiz. « Je vous supplie de me rejoindre à mi-chemin. Je sais à quel point cela peut être difficile de tout perdre, laissez-moi vous aider. Rejoigniez moi à mi-chemin. » Elle était prête à entendre leur demande, et les réaliserait si cela était dans son pouvoir, mais ils devaient absolument quitter le château. De toute façon est-ce que cet attachement était réellement justifié si les soi-disant trésors avaient déjà été dispersé?

Il haussa les épaules. Pour une fois qu’il se voulait gentil, on l’envoyait paître, comme quoi peut-être avait-il raison de se montrer bourru jusqu’à présent. D’un geste il montra la princesse à la magicienne pour qu’elle la suive, à présent c’était à elle que l’eldéenne devait amplifier la voix. Le général put voir le sourire en coin du grand-prêtre d’Uriz et, en suivant son regard, vit les miliciens de Maralina, leurs mains serrées sur les poignées de leurs armes ce qui l’amusa également.

« Elle ne risque rien. » Kerath croisa les bras en les observant, détaillant autant leur équipement et leur façon de le tenir que leur posture ; comme un prédateur cherchant une faiblesse dans sa proie. « Et même si elle risquait quelque chose vous ne la sauverez pas. »

Que ce soit parce qu’ils n’étaient probablement pas des mages ou bien parce qu’ils ne réussiraient jamais à empêcher ne serait-ce que le grand-prêtre d’Uriz, le Phord’Ur et le Karliik Glenn, de tuer leur princesse s’ils le voulaient. Il était inutile de parler de leur capacité à la protéger de l’armée eldéenne au complet. De toute façon c’était justement à ladite princesse de parler et de parler en eldéen qui plus était. Ce qui étonna presque le général qui s’attendait à entendre de l’oliyan. Pendant ce temps il se tourna vers les mages du C’nros qui accompagnaient leur supérieur direct.

« Dites aux équipes de se tenir prêtes à partir à mon signal. »

Elles étaient déjà prêtes, s’il pouvait en croire le rapport qu’il avait reçu peu de temps avant alors ça n’était probablement pas nécessaire de le rappeler mais mieux valait donner des ordres redondants pour éviter de voir une instruction se perdre dans le chaos d’un champ de bataille. D’un champ de bataille magique en plus de ça. Le mage de guerre partit au pas de course pour revenir au milieu du discours de la princesse.

« Ils attendant toujours. »
« Alors tiens-toi prêt à transmettre le signal. » Après un hochement de tête du mage le Karliik Glenn se tourna vers l’Aurore et écouta d’une oreille distraite la discussion entre le Phord’Ur et le représentant du Zho’Us Raghar qui avait repris de plus belle. Mais il abandonna bien vite, déjà parce qu’une fois de plus il ne comprenait pas grand-chose, mais aussi et surtout parce que la réponse de la guilde ne tarda pas à venir. En l’écoutant le Kerath poussa un soupir. « Pour des érudits ils ne réfléchissent pas beaucoup. »

Le Phord’Ur allait dire quelque chose mais il en fut rapidement empêché, au moment où il ouvrit la bouche, par le mage civil dont les yeux rouges flamboyèrent au-dessus d’un sourire en coin.

« Ils ont lancés leurs rituels. »

Le général se tourna directement vers le mage du C’nros qui attendait de relayer le signal, ce qu’il fit, une flamme naquit dans sa main qu’il tendit ensuite bien haut.

Bwael regardait les mages de l'Etude Noire avec une certaine appréhension. Il avait entendu tout un tas d’histoire sur leur domaine de prédilection et l’idée de s’y trouver confrontée ne lui plaisait guère. Il avait combattu à Sol’Dorn et s’il avait aidé le Karliik Glenn à abattre l’engeance dans le cimetière, il ne l’avait pas suivi après et il en était plutôt content ; plus il se tenait éloigné de la fureur de Teiweon et mieux il se portait. Sans quitter lesdits mages des yeux il passa un index sur la corde de son arme jusqu'à toucher le métal de l'anneau. Son carquois était plus chargé qu'il ne le devrait probablement l'être, deux fois plus qu’il n’en avait besoin même, mais une vie passée en tant qu’arbalétrier lourd du second ost lui avait appris qu’on n’avait jamais assez de carreaux avec soit ; surtout avec les qee’avzaxen de sa sœur. Il décrocha son regard des mages pour s’assurer que les lames sur les côtés de l’arbalète qu’il avait aidé à concevoir, principalement en la testant, était assez aiguisées. Il aurait bien passé un doigt dessus mais ça n’aurait pas servi à grand-chose s’il n’enlevait pas son gantelet auparavant or il craignait de ne pas avoir le temps. Il sentit une main tirer sur son épaule et tourna la tête pour se retrouver face au casque de Davvion'lyrr qui regarda autour d’eux un instant avant de se pencher en avant pour chuchoter.

« On m’a dit que y’allait avoir des velg’larns qui vont faire le voyage avec nous. »
« Déconnes pas avec ces gars-là sinon c’est de toi qu’ils vont s’occuper. » Gronda Bwael en guise d’avertissement. Toutefois il ne put s’empêcher de jeter à son tour un coup d’œil aux alentours dans l’espoir de trouver un indice de leur présence.
« Regarde Evnrrhghym. » Il désigna du menton un eldéen qui ne bougeait pas, la tête levée, il semblait perdu dans sa contemplation de l’Œil d’Elda.  « Ça te paraît pas bizarre qu’il soit si calme? »
« Lui ? Il est surtout trop con pour avoir peur de la Dame aux Ombres. »
« Je te le dis: il est au service de la Doth’ka. »
« Vérifies tes armes au lieu de dire des conneries. »

Davvion'lyrr dût se résoudre à obéir à ce qui ressemblait à un ordre de la part de son veldruk. Alors le kyorl refit le tour de son équipement, s’assurant que tout était en ordre. Il dégaina son épée et fit quelques moulinets avec puis il souleva son bouclier avant de le reposer, satisfait, l’eldéen attendit et sous son casque se dessina un sourire amusé en voyant que Bwael lançait de temps à autre des regards suspicieux à l’ilythiiri qui s’extasiait presque devant les étoiles.

Entouré de ses subordonnés, le Phord’Ur lança quelques ordres, dont celui d’appeler des renforts, avant de se mettre lui-même à incanter. Des bouts de roche s’arrachèrent de la falaise pour aller s’écraser contre les projectiles des mages du Firmament. Mais bloquer les projectiles était fait presque au dernier moment. Déjà parce que ça laissait plus de temps pour ajuster son tir et donc être plus précis, il est vrai que c’eut été dommage de louper sa cible, et surtout parce que ça occupait les mages du Firmament plus longtemps ce qui serait utile sous peu. Le mage de la Zho’Us Ragar semblait s’amuser à faire disparaître les sorts de ses ennemis, il faisait des gestes aussi amples que précis et ressemblait davantage à un chef d’orchestre qu’à un civil sur un champ de bataille ce qui fit sourire Kerath. Malheureusement il n’avait pas vraiment le temps d’observer l’eldéen, il avait encore une armée à commander.

« Dites aux prêtres de Zhak’Bar qui devaient préparer le camp qu’ils abandonnent leur rituel, on en a plus besoin. Dites-leur de rappliquer, ils vont être utiles pour autre chose. »

Bwael prononça une brève prière en l’honneur de la Gardienne et son cœur se serra lorsqu’il vit le signal. Les mâchoires contractées, les dents serrées, l’arbalétrier tira sur l’attache de son bouclier en bandoulière pour s’assurer qu’il était bien tenu et il ferma les yeux. Il sentit un soudain froid qui le fit frissonner, bien plus que la neige qu’il avait appris à détester lors des longues périodes d’attente, autant à Sol’Dorn qu’à la frontière naélisienne, celui-là il le ressentait jusque dans ses os. Puis on le poussa en avant et il rouvrit finalement les yeux, les fixant sur le dos du mage civil en face de lui de peur d’être happé par une des créatures de la Voilée dont il avait entendu parlé si jamais il regardait autre part et il se mit à courir aussi vite que possible, la vitesse étant d’une grande importance. Il aurait voulu s’arrêter un instant pour calmer son cœur qui battait bien plus vite qu’il n’aurait dû, qu’il ne devrait, mais il n’avait nullement envie de s’arrêter, il n’avait pas envie de passer une seule seconde de plus que nécessaire dans le domaine de Teiweon. Tant pis s’il devait prendre quelques instants une fois de retour dans le monde physique pour se calmer.

Lorsque le froid s’amoindri enfin, que le mage de l'Etude Noire s’arrêta, penché en avant, les bras posés sur ses genoux une seconde pour se remettre de l’effort conséquent qu’il venait de fournir, Bwael prit une grande inspiration. Il n’en avait pas vraiment besoin, il n’avait pas retenu son souffle en courant sur deux-cent mètres mais il préférait purger l’air de l’autre dimension de ses poumons et puis ça lui permettrait de ralentir un peu son cœur qu’il sentait battre à ses tempes. Malheureusement il savait qu’ils n’avaient pas vraiment le temps de s’arrêter bien longtemps. Le veldruk attrapa le mage qui les avaient menés ici par l’épaule pour le tirer en arrière et le mettre derrière lui, il était bien trop proche des quelques mètres de vide qui séparait le sommet des remparts de la cour intérieur à son goût. Il se retrouva, avec les trois mages du C’nros qui les accompagnaient, entouré d’un mur de boucliers, trois se dressaient devant et deux sur les côtés, prêts à tirer sur quoi que ce soit qui se trouvait sur le rempart ou dans la cour ; lles qee’avzaxen, posées sur les creux des boucliers prévus à cet effet, bougeaient en même temps que les yeux des arbalétriers eldéens qui balayaient la zone à la recherche de deux choses : de cibles et des trois autres groupes.

La Princesse Marchande ne fit pas de cas de l’attitude de Sagar. Il comprendrait bien assez vite la raison de ce rejet, ou elle trouverait bien une façon de se faire pardonner… Ne se souciant guère de la nervosité de ses miliciens, et de l’échange entre leurs -disons – hôtes - la Princesse Marchande commença sa rhétorique, tentant tant bien que mal d’expliquer son point aux mages, espérant que ces derniers comprennent ou voyent les opportunités qu’elle déployait devant eux. Et la magicienne prit la parole. À la mention de la deuxième phrase, la Vaanie sut ce qui se passait. Il était trop tard. Mais il fallait croire que ces derniers ne savaient pas voir au-delà des apparences. Elle se retourna vers Kerath, lui lançant un sourire amusé avant de faire un discret non de la tête. Maralina fit signe à la magicienne d’arrêter son sort. À quoi bon essayer de convaincre des gens aveugles? Ils voulaient causer du dommage et fuir. Sa tâche était déjà terminée. Elle tourna les talons, allant se mettre aux côtés du Karliik Glenn – au grand soulagement des deux miliciens qui semblèrent se détendre un peu. Sagar poussa un soupir alors qu’elle se retourna pour faire face au firmament. Puis vint la Princesse Marchande perdit rapidement son sourire lorsque la cinglée de magicienne lui mention de retourner dans l’ombre ses maîtres puysards. Mais elle oublia rapidement la rage qui grandissait lorsqu’elle entendit la dernière réplique sur le Karliik Glenn. Maralina baissa doucement le regard au sol, tentant de retenir un fou rire avant de reprendre une expression un tant soit peu neutre.


« En tout cas, ils viennent définitivement de prouver qu’ils sont une bande d’imbéciles. » dit-elle simplement en haussant les épaules. Il en fallait quand même une sacrée paire pour s’en prendre au colosse de plein front. Ça, où ils avaient déjà une issue de secours… Et cette issue fut rapidement exposé au grand jour avec le dernier mot de la magicienne. Maralina perdit rapidement son sourire alors qu’elle vit les projectiles, mais devant l’absence de réaction des ilythiiris, elle ne bougea pas. Se contentant de rester aux côtés de Kerath. C’était probablement l’endroit le plus sûr à cet instant précis. De tout façon, Maralina n’avait plus rien à dire, c’était le plateau de jeu du Karliik Glenn, et elle n’irait certainement pas l’embêter de son opinion et se mettre sur son chemin. Elle tenait à vivre, elle.

Les yeux rouges perçant les ténèbres s’arrêtèrent bien vite sur le mouvement venant de la cour en contrebas, levant son bras, Bwael changea l’angle de sa qee’avzaxen et ajusta son tir avant d’appuyer sur la détente. Le carreau fendit l’air en poussant un hurlement aigu tandis que l’eldéen ne perdit pas de temps pour voir si son tir avait atteint sa cible ou non, et entreprit de recharger, l’anneau attaché à la corde passa dans la pointe à l’extrême droite du bouclier et tira en direction du sol pour tendre la corde ; lorsque l’arme atteint le sol il avança son pied pour le placer dans l’étrier afin de la maintenir en place pour libérer sa main et aller chercher un carreau pour le placer dans la rampe de lancement. Son pied repartit à sa position originale et l’arbalète retourna se positionner sur le bouclier, prête à tirer.

S’il fut le premier à recharger, lui qui avait pu s’entraîner avec cette nouvelle arme, pratiquer cette série de gestes, plus longtemps que les autres, il ne fut pas le seul à tirer. En effet sur les côtés il entendit des traits partir tandis que la même scène se répétait ailleurs sur les remparts alors que les trois autres groupes ouvrirent le feu à leur tour. De façon presque littérale d’ailleurs car après la première salve de tirs une boule de feu ne tarda pas à suivre. Bwael plissa les yeux à cause de la soudaine lumière et tira à nouveau. Pendant qu’il rechargeait à nouveau il entendit de la pierre gronder avant de se fissurer et au lieu de se remettre à viser il tourna la tête en arrière pour voir un mage du C’nros soulever un morceau de créneaux pour le lancer sur les mages en contrebas.