[Sinlieh]Une bulle d'écume à la campagne [Aurore]

La nourrice venait de demander à Aurore si elle ne connaissait pas dans les parages un lieu où elles pourraient se rendre afin de se réchauffer avant d'attraper un méchant rhume. Aurore informa alors la nourrice que Sinlieh n'était qu'à une heure de route de là et qu'elle les invitait à s'y rendre. Mais avant cela, elle se devait de prévenir le comte que sa fille se trouvait donc chez elle pour éviter tout soucis diplomatique.
Faisant un sourire à Isabelle, Aurore sortit ensuite du carrosse pour avertir ses hommes d'aller porter un message au palais du comte. Le garde partit suite à cet ordre vers Ydril. Le carrosse prit le chemin de la baronnie voisine suite à cela. Isabelle avait pris place à côté de la châtelaine. Durant le voyage la jeune fille s'était endormie, sa tête reposant sur les genoux d'Aurore. Sa nourrice ne dit rien à ce sujet car Aurore ne trouva guère ce geste de déplacer.

Le carrosse s'arrêta devant un joli petit manoir dans la province ysaraine. La porte s'ouvrit alors qu'on réveillait doucement la petite fille. Une femme d'âge mûre fit son apparition et vint rapidement à leur rencontre. La nourrice et la fillette descendirent du carrosse. Quelques paroles furent échangées et on invita la nourrice et sa petite protégée à suivre Marguerite à l'intérieur.
On conduisit donc Isabelle à l'intérieur dans une grande chambre. Une fois la porte refermée, la nourrice retira la couverture dans laquelle était emmitouflée la fillette avant de la déshabiller intégralement et de la plonger dans un bain chaud.

Plongée dans le bain chaud, Isabelle pataugeait et soufflait dans la mousse qui se formait à la surface du bassin. Sa nourrice lui renversa un baquet d'eau tiède sur la tête avant de lui savonnait les cheveux. Une fois propre comme un sous neuf. On habilla la fillette comme il se devait avant de la conduire dans le salon où l'attendait Aurore de Rosemont.
La porte menant au salon s'ouvrit devant une Isabelle timide. Elle pénétra dans le salon et fit une révérence devant la châtelaine. Et seulement suite à cela, Isabelle prit place sur le canapé. Elle regarda Aurore puis la remercia de son invitation et de son aide.

Je ne sais comment vous remercier, Dame Aurore, pour votre aide de ce tantôt. Je suis votre obligée car vous m'avez sauvée la vie...

Aurore entra dans la demeure et prit le temps de faire part des dernières heures à son conseiller principal. Elle savait que les tensions entre Ysari et le comte touchaient sa famille et jamais elle n’aurait voulu que le sauvetage de la fille d’Ydril finisse en conflit politique.
La jeune châtelaine ne s’était pas offusquée que la petite s’endorme près d’elle.

Pour Aurore, elle voyait l’opportunité en Isabelle d’avoir une amie loin de Sinlieh, mais au moins proche de son cœur. La petite Isabelle était intelligente, elle n’en doutait pas une miette.

Lorsqu’elle se changea, elle regarda longuement ce ventre qui commençait à apparaitre. Combien mais ô combien jamais elle avait peur que tout ce sache. On lui en avait voulu une fois, elle savait qu’on pourrait lui en vouloir plus tard. Elle se demandait et posait beaucoup de question sur son avenir avec cet enfant. Nul doute qu’elle le chérirait.
Enfilant une robe plus ample, elle finit par descendre dans le petit salon où se trouvait sa nourrice.

Tu sais quelles sont les conséquences.

Elle est la fille d’un comte, je sais. Mais il y a différence entre sauvé sa fille et s’en prendre politiquement.

La discussion se termina ainsi. Aurore l’avait fait, parce que son instinct lui avait dit de sauter. En voyant entrer la petite comtesse, elle sourit et l’invita à prendre place et lui servit une bonne boisson chaude.

C’est tout à fait normal. Mes gardes auraient fait de même. Je ne crois pas que votre père aurait aimé perdre sa fille. Et puis, vous avez été courageuse.Vous m’avez fait confiance.

Faire confiance à une inconnue. Aurore n’avait jamais aimé, mais elle avait joué le role, parfaitement.

L’Océan est capricieux, mais regorge de splendeur. Mon père a connu ma mère près de cet endroit. Il m’y amenait à son anniversaire de mort. J’étais enfant et je m’amusais avec les vagues. Chaque fois qu’elle se retirait je courais vers l’eau et lorsqu’elle revenait je courais dans les bras de mon père. Je ne me lassais pas. C’était devenu notre endroit où nous sentions sa présence.

Un grognement se fit entendre sous la table et Aurore sourit. Elle tendit un petit biscuit et museau s’en approcha pour le dévorer avant de se recacher sous la table. Le petit animal ne lâchait pas Aurore d’une semelle. Elle s’était faite à l’idée de ce petit compagnon très mignon. Il était si jeune qu’il préférait uniquement voir sa maitresse. Aurore était amusée. Mais la présence d’Isabelle la rescapait d’un ennui.

Que faisiez-vous si près? Les vagues sont dangereuses, surtout lorsque vient l’automne, le courant est plus fort.

Aurore avait même eu la frousse de ne pas pouvoir la sauver. Mais bon, elle préférait connaitre la raison, même si elle écartait que tout ceci était volontaire.

La fille du comte et la châtelaine se trouvaient toutes deux dans le salon du manoir de cette dernière. La nourrice de la fillette n'était pas restée avec elle, elle ne jugeait pas que la situation soit dangereuse pour la petite. De plus, elle avait perçu qu'Aurore s'était attachée à l'enfant. Il n'y avait donc nulle crainte à avoir alors...
Ayant pris place sur le canapé, on servit une boisson chaude à Isabelle qui inclina la tête en guise de remerciement. Aurore répondit alors aux paroles de la fillette. Pour elle, le fait de l'avoir sauvée était une chose normale et qu'en plus elle ne croyait pas que son père soit râvi de perdre sa fille. La fillette baissa alors les yeux.

Aurore parla ensuite de l'océan et de ses caprices. Souvenirs d'enfance bien que triste que la fillette comprit avec aisance. Cependant un grognement se fit entendre sous la table. La châtelaine se saisit d'un gâteau dans une assiette et le tendit sous la table. Isabelle n'avait pas vu qu'un animal s'y trouvait.
La fillette souleva alors la nappe pour voir de quel animal il s'agissait. Elle pensait à un chien mais elle voulait en être sûre. Elle ne s'attendait pas à y voir un louveteau. Elle eut un mouvement de recul regardant Aurore avec incompréhension. Le loup était un animal sauvage et non une bête de salon.

La châtelaine avait déjà changé de sujet demandant à la petite les raisons pour lesquelles elle se trouvait si proche du rivage alors que les vagues étaient virulentes par cette journée d'automne. Trempant ses lèvres dans la tasse de lait chaud qu'on lui avait servi, Isabelle la reposa sur sa coupelle.
Elle devrait tôt ou tard des explications et Aurore était en droit de les entendre car elle avait risqué sa vie pour sauver la sienne. Aussi c'était une chose naturelle que de lui dire la vérité. Regardant alors le fond de sa tasse, Isabelle expliqua la situation.

Il y avait un cheval de mer sur le rivage. Je pensais qu'en le remettant à l'eau, il exaucerait mon souhait et qu'il m'emmènerait voir ma maman. Malheureusement, j'ai marché sur un oursin et je l'ai perdu... Ensuite les vagues m'ont emportée... Je pourrai jamais revoir ma maman...

Isabelle fondit alors en larmes.

Lé bébé loup qu’Aurore avait adopté, plutôt la maitresse qu’il avait adopté lui rendait bien son du. Dévorant les petits gâteaux qu’on lui donnait. Il recula de peur. Aurore sourit et se demandait qui avait eu le plus peur.

Ne t’inquiète pas. Il est adorable comme tout. Il a perdu ses parents lui aussi. Depuis que le baron et moi l’avons sauvé, il ne me lâche plus. Il ne mord pas, mais il adore qu,on lui gratte les oreilles.

Elle prit le jeune animal et le déposa d’elle. Elle lui avait offert une gamelle de bon lait. Aurore s’en voulut de rappeler de mauvais souvenir. Le pauvre cœur de cet enfant était déchiré. Son père ne pouvait certes pas remplacer comme une vulgaire poupée la femme qui avait été mère de ses enfants. La jeune châtelaine D’Ysari regarda la petite en sanglot et déposa sa tasse.

Elle vint prendre place près de la petite et la prit dans ses bras.

Ne pleure pas, ma pauvre Isabelle. Ta maman veille sur toi. Et tu peux la voir chaque jour si tu le veux. Elle se trouve dans ton cœur.

Berçant la jeune enfant, elle soupira intérieurement. Elle était encore très jeune. À la différence, Aurore était fille de châtelain et Isabelle fille de comte. Elle ne pensait pas que Diogène prenait le temps de faire comprendre à sa fille où était sa mère. Les arguments n’étaient pas les mêmes pour une enfant de 12 ans et une quasi-adulte.

Quand j’étais petite je fuyais la maison pour la forêt, croyant que Tyra l’avait amené la. J’ai abandonné l’idée plus tard, mais il y a un endroit que je peux compter quand je suis triste. Je sais qu’elle te manque. Mon père aussi est mort. Il l’a rejoins et je sais qu’il souffre moins et qu’ils sont heureux chez Tyra. Chaque jour, je sais qu’ils pensent à moi et tentent de me protéger.

Aurore caressait la blonde chevelure d’Isabelle.

Il n’y a que toi qui peux décider de les voir. Mais elle sera toujours là. Que tu sois a Ydril ou ailleurs.

Marguerite avait pris des années avec Aurore. Par contre, elle avait eu la chance de s’accrocher à cette femme pour devenir sa mère.

Aurore rassura la petite quant à son regard plein d'interrogations concernant le louveteau. Il n'y avait aucune crainte à avoir. Du moins tant que l'animal n'était encore qu'un bébé et que ses instincts primaires ne prennent le dessus sur le reste. Le loup comme on le sait si bien n'est pas un animal compagnie et même dressé, il demeure un animal sauvage.
La suite fut certainement plus triste. Isabelle confia la raison pour laquelle elle était à l'eau ce jour là. Son histoire était attendrissante car elle reflétait toute la réalité de la fillette. Celle d'une mère morte qui demeure à présent et pour toujours au royaume de Tyra.

Aurore rassura alors la fillette sur le fait que sa mère ne l'avait pas quitté. Quoiqu'il arrive et quoiqu'elle fasse, elle était toujours là. En elle. Dans son coeur. C'était le principal. Tant qu'elle y serait alors sa mère serait avec elle, où qu'elle soit. Berçant doucement Isabelle, la châtelaine lui fit part d'un de ses souvenirs de petite fille concernant la mort de sa mère.
La forêt pour Aurore, l'océan pour Isabelle. Quoiqu'il en soit, toutes deux croyaient que l'être disparu se trouvait dans un royaume à part du leur. Et que pour la revoir, il fallait franchir comme une porte invisible. Porte secrète et jalousement gardée par les âmes défuntes.

La tête d'Isabelle posée contre la poitrine de la châtelaine, elle entendait battre son coeur alors que celle ci passait ses doigts dans la chevelure d'or de la fillette. Aurore avait une tendresse envers la petite que personne n'avait eu jusqu'à maintenant hormis sa soeur ainée mais il y a des années de cela.
Relevant le regard vers Aurore, la petite demoiselle sécha d'un revers de la main les larmes qui coulaient sur sa joue. La voix un peu tremblante à cause des sanglots qui parcourraient encore sa gorge, elle lui dit.

Vous êtes comme Marguarette. Mais depuis la mort de maman, elle n'a plus de temps pour moi... Pensez vous vraiment que ma mère, se trouve là dans mon coeur et qu'elle veillera toujours sur moi? Je me souviens à peine de son visage, de son parfum... Je l'oublie peu à peu et je ne veux pas... Je veux la revoir. Elle me manque temps...

Isabelle enlaça alors Aurore, reposant sa tête contre la poitrine de celle ci, telle une petite fille dans les bras de sa mère.

Elle n’avait jamais eu de frère de sœur. Elle n’avait pas pu partager des moments seules qu’avec sa nourrice et son père. Mais il était un homme politique avant tout. Elle ne pouvait pas croire que l’on pouvait oublier sa mère.

Ferme les yeux et rappelle-toi de ton meilleur souvenir. Ensuite, enferme-le dans ton cœur.

Tu ne perdras jamais son visage et elle restera toujours avec toi. Je sais ce que c’est, je ne peux pas mettre de visage sur celui de ma mère, mais elle m’a laissé ce pendentif que je porte chaque jour. Il me rappelle que je ne suis pas seule.

Aurore toucha l’améthyste qui pendait à son cou et soupira. Son père lui avait toujours dit qu’elle était son portrait craché.

Elle serra Isabelle dans ses bras et soupira. Elle ne voulait pas faire de mauvaise promesse à une si jeune enfant.

Si tu as besoin de quelqu’un je veux bien être cette personne. Je sais que nous sommes loin toi et moi, mais je serais toujours la. Nous n’oublions pas les gens que nous avons aimés. Il reste dans nos souvenirs, dans nos cœurs. Mon souffrait terriblement et sa mort m’a accablé. Par contre, il ne souffre plus. Il ne me voit plus souffrir, mais il veille sur sa fille unique.

Elle caressa la tête blonde et la berça. .

Aurore ne savait plus quoi dire. Elle ne connaissait pas les circonstances. Elle évitait de trop parlé pour ne pas troubler la petite.

Suite aux paroles un peu perdues de la fillette qui perdait doucement le souvenir de sa mère. Aurore lui conseilla de fermer les paupières et de se rappeler son meilleur souvenir jusqu'à présent. Chose qu'elle fit. Elle écoutait les paroles de la châtelaine avec beaucoup d'intérêt. Une fois son souvenir visualiser, elle fit comme Aurore lui dit. Elle l'enferma dans son coeur.
Ce souvenir était très important pour elle car c'était la fois où sa mère avait pris le temps de faire la lecture avec elle. Elles avaient choisi un livre racontant l'histoire d'une petite fée dans un pays lointain. Isabelle à cette époque n'était âgée que de six années. Ce souvenir remontait à loin. Mais c'est le souvenir le plus précieux qu'elle ait en compagnie de sa mère car elle ne l'avait vu que rarement. L'éloignement géographique y était pour beaucoup car la fillette fut élevée loin de la cour à l'époque où son père n'était encore que Vicomte.

Doucement la petite demoiselle était bercée par les mots et par les gestes. Fermant les paupières, elle se laissa à pleurer. Les paroles d'Aurore lui apportèrent un certain réconfort qu'elle n'avait eu depuis si longtemps. Relevant doucement sa tête blonde, Isabelle avait une faveur à demander à la jeune femme.

Mon père est absent depuis quelques jours déjà. Je ne veux pas me retrouver à nouveau seule dans ce vaste palais. Je me sens bien avec vous. Puis je abuser de votre hospitalité et rester un peu plus en ces murs?

Aurore se surprenait elle-même. Habituellement on la prenait pour une personne un peu trop concentre sur sa personne, mais tant de choses avait changé. Elle était devenue favorite du baron et portait son enfant. Personne n’était au courant, et ceux qui l’était se gardait d’en parler.

Elle ne savait pas si elle pouvait prendre cette décision, mais Isabelle semblait y tenir.

Je me vois mal refuser. J’adore aussi votre présence. Vous êtes une enfant sensible et intelligente. J’accepte à la condition que vous preniez le temps d’écrire à Ydril. Je ne voudrais pas que mon baron se retrouve dans une fâcheuse position.

Elle voyait mal comment expliquer au comte, eh bien votre fille préférait un simple manoir avec moi qu’une demeure grande et riche.

Il serait inutile d’inquiéter ou même alerter la maison d’Ydril n’est-ce pas?

Aurore prit la main de la jeune Isabelle et monta à l’étage.

Vous serez alors mon Hôte, Isabelle de Systolie. J’espère que Sinlieh vous charmera. .

Montant les escaliers, elle regarda Isabelle

Aurore avait repris la chambre de son père, mais voulait aussi donner une chambre de marque. Elle ouvra la porte donnant sur ses anciens quartiers.

Un grand lit avec de soyeux draps rouges, les emblèmes de la famille parcourant les murs.

Aurore n’avait pas mis les pieds dans cette chambre depuis longtemps. Elle ouvrit la penderie et constata que ses robes allaient parfaitement à la petite comtesse d’Ydril.

La chambre vous plait ?

La voir sourire lui ferait tant de bien. Elle avait eu assez de souffrance pour la journée.

Suite à la demande qu'avait formulé la petite demoiselle, la châtelaine accepta. Mais il y avait ue condition à cela. Qu'elle écrive une lettre qui sera remise au palais d'Ydril pour éviter un quelconque problème diplomatique. Il est vrai qu'il serait fâcheux qu'un conflit naisse pour la simple cause qu'elle n'ait pas écrit chez elle. Acquiesçant alors de la tête, elle demanda alors de quoi écrire pour prévenir

Spoiler:

Les courbes et arabesques de l'écriture de la fillette étaient douces et plaisantes à lire. Isabelle avait une jolie écriture. Une fois la lettre rédigée, le plis fut scellé et envoyé de ce pas au palais du comte. Cependant Aurore ignorait que le comte n'était point présent en ces murs mais qu'il était en déplacement en Soltariel.
Une fois cela fait, Aurore invita Isabelle à la suivre. Montant les escaliers, elle lui ouvrit la porte d'une pièce qui fut jadis sa chambre. Se dressait au milieu de la pièce, un immense lit aux draps rouges, les armoiries de la famille de Rosemont parcourant les murs, la jeune femme demanda alors à la petite si la chambre était à son goût.

Parfaitement. Merci beaucoup!

La petite sourit à la châtelaine. Elle s'avança vers le lit et se laissa tomber dessus. La fatigue avait épuisé la fillette qui une fois la tête posée sur l'oreiller s'endormit tout en se recroquevillant peu à peu.

Aurore avait tournée le dos quelques minutes. Assez qu’elle put voir la petite s’endormir. Marguerite entra au même moment. La jeune châtelaine déposa la couverture sur ses épaules et regarda sa nourrice.

Elle est fatiguée.

Toi aussi. Gérald a envoyé le messager la missive de la petite. Vas dormir toi aussi.

Accompagnée de sa mère substitute, elle sourit et parcourut le couloir. Aidant Aurore, elle la laissa se glisser dans le bain et lava les cheveux de sa Aurore.

Tu y arrives. La douce enfant t’aime bien. .

Aurore sortit et alla prendre une tasse avec sa confidente. Elles discutèrent, de l’enfant, du baron et de la jeune Isabelle. Marguerite la quitta tard et la jeune femme alla dormir. Pour la première fois ses fantômes vinrent la hanter. Jamais elle n’avait recherché à retrouver son père dans ses rêves.

Elle me rappelle toi quand tu étais jeune enfant.

Elle est adorable.

Très intelligente, comme était ma petite Aurore.

Mais qui ne l’est plus parfois.

Aurore. Ne dis pas ca. Vas dormir.

La jeune femme sourit et se leva avant de dire au revoir a sa deuxième mère.

Elle dormit peu, mais assez pour se réveiller malade. Le bébé lui faisait les misères. Mais Aurore avait une idée. Sa jeune protégée était toujours endormie. Avec une discrétion digne des domestiques de sinlieh. Elle avait fait préparer le repas du matin pour le mener sur le balcon. Elle prendrait le déjeuner devant la forêt qui bordait le domaine.

Elle le faisait souvent, mais maintenant elle avait une complice et une amie pour le faire. Elle appréciait ce moment. Habituellement, elle aurait été seule, pendant une journée à attendre que quelques choses se passent. Elle ne savait pas pourquoi elle s’était attachée à cette enfant.

Marguerite vint voir Aurore et lui demanda tout doucement.

Voulez-vous que je la réveille?

Non , laissez la porte entrouverte, elle comprendra lorsqu’elle se réveillera.

Elle n’était pas pressée. Même le loup avait fait sa part de discrétion en venant se pelotonner contre sa maitresse.

Que vais-je faire de toi, joli petit loup.

Le lendemain matin le soleil filtrait doucement à travers les tentures. Isabelle se réveilla après une bonne nuit de fatigue. Sa nourrice l'avait dévêtue et couverte pour qu'elle ne prenne pas froid en dormant sur le lit. Ce n'était pas la première fois que sa nourrice faisait cela aussi elle n'était pas étonnée d'être en simple chemise dans ce grand lit.
La porte de la chambre avait été volontairement ouverte pour qu'Isabelle comprenne qu'on l'attendait à son réveil. Cependant, ce matin là, elle ne se sentait pas très bien. Elle avait légèrement mal au ventre. Repoussant les draps, elle voulut se lever.

Aaahhhhhh!!!

Cri aigu qui parvint de la chambre où la petite demoiselle se trouvait. Isabelle avait découvert du sang dans son lit. Plein de sang. Cela l'avait effrayé. Elle ne savait pas pourquoi elle était tachée de sang. Elle pensait qu'elle allait mourir. Elle avait peur.
Tirant les draps sur elle, Isabelle se rallongea tout en se recroquevillant. Elle pleurait. Le draps la recouvrait complètement. On ne voyait qu'une masse informe dans le lit. Elle se trouvait cachée de la tête aux pieds par le draps.

Aurore buvait sa tisane lorsqu’elle entendit le cri de son hôte. Heureusement, elle ne se trouvait pas loin Elle ouvrit la porte et se précipita près d’Isabelle. Elle hésitait entre la peur ou un sourire, mais elle comprit très vite de quoi il en était .

Isabelle?

La pauvre enfant pleurait encore des chaudes larmes. Définitivement, elle n’avait pas de repos. Et elle devenait une femme. La nourrice avait entendu le cri et s’était précipité.

Ce n’est rien, votre protégée fait que devenir une femme.

La jeune châtelaine prit place sur le lit et tira la couverture qui cachait la fille du comte de Systolie.

Que se passe-t-il ce matin, très chère.
Aurore passa sa main dans le dos de la jeune fille et soupira. Elle avait eu son cycle et Aurore pariait que c’était la première fois. Réaction tout à fait spontanée. Elle souleva Isabelle pour la prendre dans ses bras et la réconforter.

C’est fini. Tout va bien. Ce n’est rien de grave Isabelle

Le cri de la petite demoiselle avait eu pour effet d'alerter Aurore. Cette dernière était accourue dans la chambre pour voir ce qui se tramait. Aussi ce fut une Isabelle apeurée et cachée sous les draps qu'elle découvrit en entrant dans la chambre. La nourrice de la petite arriva rapidement également de peur qu'il arrive quelque chose à nouveau à sa petite protégée.
Aurore informa la nourrice que la fillette devenait une jeune femme. Isabelle sentit la châtelaine prendre place sur le lit. La nourrice fit une révérence et laissa alors la jeune femme se charger d'Isabelle. Il fallait peut être mieux qu'une personne qui soit plus proche de son âge se charge de l'en informer. Cela passerait mieux sans doute.

La couverture fut retirée de dessus de la petite. La main d'Aurore parcourrait le dos d'Isabelle qui était recroquevillée sur elle même. Forçant doucement la petite à se retourner, elle la prit dans ses bras pour la consoler. Elle avait beau lui dire que ce n'était rien et que tout irait bien, cela n'empêchait pas la petite d'avoir peur, de trembler et de pleurer.
C'est d'une voix secouée par les sanglots et la terreur qu'Isabelle prit la parole. Elle exprima ses inquiétudes. Elle ignorait ce qui se passait et la façon dont elle percevait la chose était assez sombre.

Je suis en train de mourir. Je me vide de mon sang... Je veux pas mourir... J'ai peur... Je veux revoir mon papa et mes frères et soeurs...

Aurore se rappelait d’avoir fait une crise pire que la jeune Isabelle. Lui caressant le dos, elle comprit qu’il serait de son devoir de tout lui expliqué. Sa mère n’étant plus, elle n’avait aucunement le choix de la laisser ainsi.

Sa mère était morte et ne serait certes pas la pour lui dire.

Mais non Isabelle, vous allez revoir vos sœurs et vos frères. Vous n’allez pas mourir.
Réfléchissant à la manière d’amener le sujet, la châtelaine tenta de s’encourager.

Tu deviens une femme et ton corps demande a s’épanouir. Habituellement tu en auras des saignements que quelques jours. Rien de dramatique.

La vieille Marguerite entra dans la chambre et donna un breuvage chaud à la jeune fille du comte.

Boit ca te feras du bien. Marguerite me prépare toujours cette infusion quand je suis dans cet état.

La jeune châtelaine ne l’avait pas bu depuis des mois. Elle avait toujours trouvé cette période éreintante

La première fois que ca m’Est arrivée j’ai pas osé sortir du lit croyant que Tyra voulait m’amener. Mais Marguerite m’a convaincu que je ne mourrais pas encore et que cela reviendrait tout les mois, parce que mon corps avait besoin d’évacuer, pour mieux grandir …

Aurore ne savait quel mot utiliser, mais elle avait bien comprit des choses. Des choses que l’on apprenait avec la vie.

Personne, hormis la maisonnée ne le savait pour son bébé. Elle ne voulait pas que le ton s’ébruite aussi. La tension entre les maisons des Hetalia et Systolie étaient assez grande pour provoquer des conflits.

Aux paroles de la fillette qui disait qu'elle était entrain de mourir, Aurore répondit que non. Et qu'au contraire son corps de petite fille devenait celui d'une jeune fille. Mais ce qui fut sans doute le pire aux oreilles d'Isabelle ce fut quand la jeune châtelaine lui dit que cela serait régulier. Cette perte de sang serait donc récurrente. Pourquoi ne l'avait on pas préparée à cela avant? Pourquoi sa nourrice ne lui avait jamais rien dit avant?
La nourrice d'Aurore pénétra dans la chambre quelques instants plus tard. Elle tenait dans ses mains un plateau sur lequel reposait un bol avec une boisson fumante dessus. Aurore invita la jeune demoiselle à boire cette mixture étrange lui disant qu'elle faisait de même quand elle était dans cet état également.

Aurore lui raconta comment elle avait vécu en étant plus jeune cette première fois. Isabelle l'écouta avec une très grande attention alors qu'elle buvait le breuvage chaud. Levant le nez du bol, la petite demanda alors de plus amples informations.

Si c'est si naturel, pourquoi on ne m'en a jamais rien dit? Quand cela cessera t-il? Aurai je toujours mal au ventre comme cela? Combien de temps avant que j'arrête de saigner?

Aurore jouait distraitement dans les cheveux d’Isabelle. Elle essayait d’assimiler des souvenirs, mais y arrivait peu.

Ta nourrice t’en aurait parlé un jour. Elle attendait surement que cela se produisent.

La jeune châtelaine ne croyait pas que les parents nobles passaient de longues discussions sur l’état de passage entre l’enfance et l’adolescence
.
Un jour cela cessera, continua la vieille nourrice de la châtelaine. Il ne faut pas s’inquiéter.

Aurore ne les avait plus depuis qu’elle était enceinte. Elle protégeait la vie dans son ventre et ce, pour l’amour d’un homme.

Cela devient une habitude au fil du temps. Peut être le seras-tu quelques jours ou plus. Il ne faut pas s’en faire.

Pour l’instant désires-tu que l’on te prépare un bain avant le repas?

Elle n’était pas toute a fait à l’aise. Elle n’avait jamais douté qu’après un tel événement, elle aurait à fournir des explications.

Elle n’avait pas les compétences et l’assurance d’une mère. Mais Isabelle resterait et elle l’espérait, une amie à jamais. Comme la petite sœur qu’elle n’avait jamais eue.

Marguerite invita la fille du comte à prendre un bain afin de rafraichir et enlever le sang, ainsi que sa chemise de nuit.

Vous n’aurez qu’à me rejoindre dans les jardins, nous y prendrons le déjeuner et vous me parlerez plus amplement de vous, Isabelle.

Aurore répondit à toutes les questions d'Isabelle ou presque. La nourrice de celle ci lui répondit qu'un jour cela cesserait. La petite fut comme soulagée de savoir cela. Maintenant il fallait donc prendre son mal en patience pour une durée indéterminée. On lui proposa ensuite un bain avant le repas. Isabelle accepta volontiers. Se sentant sale avec tout ce sang qui coulait, elle avait vraiment besoin d'un bon bain, sa chemise comme les draps d'un bon lavage également.
Il ne fallut pas longtemps pour qu'un bain chaud soit à disposition de la fillette. Cela fit énormément de bien à Isabelle qui barbota une bonne heure dans l'eau chaude. Une fois propre comme un sous neuf et fraiche comme la rose, on l'aida à s'habiller sauf que cette fois il fallut mettre en place quelques protections pour les menstruations de la demoiselle.

Aurore lui avait dit qu'elle l'attendrait ensuite dans les jardins pour prendre le déjeuner. Rejoignant la jeune femme, Isabelle apparut dans une robe qui appartenait à la chatelaine quand celle ci était plus jeune. Cela lui sied bien. Prenant place autour de la table après avoir fait une jolie révérence, elle regarda Aurore et lui dit.

Je vous remercie, Aurore. Je me sens mieux. Cependant cette sensation est assez bizarre. Est ce vraiment cela que devenir une femme ou il y a encore d'autres choses?

Cette fois-ci Aurore avait laissé Ha(C’est le mignon petit toutou qu’elle a surnommé ainsi, parce qu’elle était dénuée d’imagination. Ne croit surtout pas qu’elle fait une fixation CB du baron, son seigneur.), courir pour échapper au jardinier. Alors que le louveteau faisait ses pirouettes dans les bosquets et que le jardinier courait pour le rattraper.

Pas question de lui lacher les chausses, avait choisi le vilain coquin. Attaquant d’abord les bosquets, il se faufila entre les bandes de terres. Il resta terrer quelques minutes et sortir attrapant dans sa gueule des fleurs.

Aurore respirait l’air et le doux parfum des fleurs. Quel bel arome. La jeune châtelaine regardait pester le jardinier. Elle savait qu’il ne fallait pas jouer dans les plates bandes. Les couleurs changeaient et encore une fois les saisons passeraient si vite.

Elle ne remarqua pas que la fille du comte avait fait son apparition. Trop occupée à regarder le loup se pavaner comme un petit fou vilain.

Il y a bien des choses qui font de nous des femmes. Mais on ne sait pas quand Cela arrive. Mais on t’en fera part quand même. Le moment venu. .

Dans sa course effrénée, le louveteau vint se poster sur la chaise aux cotés d’Isabelle, les deux pattes avant sur le bras de la chaise, une fleur dans la gueule. Aurore hésitait entre sourire, ou rire. Il regardait la petite Isabelle avec insistance.

Mais parlez-moi de vous. Je ne sais quasiment rien, sauf que votre père est le comte.

Le louveteau était présent dans le jardin et on entendait pester le jardinier contre lui alors que l'animal saccageait gaiement les plantes. Isabelle avait pris place près d'Aurore et bien vite l'animal vint à les rejoindre fixant de ses yeux la petite. Sentait il l'odeur du sang? Possible mais l'animal était encore trop jeune pour que cela n'accapare son esprit sauvage.
La jeune châtelaine prit la parole. Elle désirait en savoir un peu plus sur la jeune fille. Il est vrai qu'à part le fait qu'elle soit la fille du comte, elle ne savait rien d'elle. Les enfants du comte ayant toujours été tenu à l'écart de la société attendant l'heure où ils brilleraient devant tous, faisant honneur à leur père.

Et bien, je suis l'une des sept enfants du comte. J'étais la plus jeune jusqu'à il y a deux ans environ. Ma mère a perdu la vie en donnant naissance à mes deux petites soeurs. Personne ne parle jamais de maman comme si elle n'avait jamais existé mais elle me manque énormément. Je suis triste à chaque fois que je pense à elle. J'aurai aimé passer plus de temps avec elle.
De plus Marguarette qui est ma soeur ainée passe peu de temps en ma compagnie. Nous avons chacune notre nourrice et précepteurs attitrés, aussi on se croise qu'en de rares occasions. Avec mes frères, je ne saurai dire...
Charles a cassé une de mes poupées récemment. Il me cherche toujours querelle. Mais François a promis qu'il m'en offrirait une nouvelle...

Aurore écouta attentivement la jeune Isabelle et comprit que si elle se retrouvait seule, la fille du comte n’était pas autant entourée. Elle lui offrit un panier avec plein de petit pain et lui sourit.

Voyant qu’elle ne lui accordait pas de regard il déposa la fleur sur la table et la poussa vers Isabelle. Aurore regardait ce comportement avec incertitude.

Il n’y avait aucune méchanceté dans ce petit. Il descendit et vint se lover contre sa maitresse. La jeune châtelaine le caressa et le louveteau grogna de plaisir.

Je sais ce que c’est. Je n’ai pas connu ma mère. Mon père m’a nommé ainsi, parce que ma mère est morte à l’aurore. Marguerite s’est occupée de moi comme une mère, mais elle me manque aussi. J’aimerais voir son visage. Une fois. Tu vois les grands arbres là bas.

Aurore montra deux grands arbres rougies par l’automne.

Il l’a fait enterrer là. C’est notre endroit secret. Quand il est mort, je l’ai fait enterrer près d’elle.

Aurore essuya une larme fuyante et câlina son nouvel ami.

Je … je sais ce que tu ressens. Je ne crois pas que Charles fait exprès.

Elle aimait Isabelle.

Depuis que vous êtes arrivée j’ai l’impression d’avoir une petite sœur a m’occupé. Le baron n’approuverait pas et votre père peut être encore moins, mais j’ai cet impression.

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