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 Un don du ciel ?

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Hanegard Kastelord
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MessageSujet: Un don du ciel ?   Un don du ciel ? I_icon_minitimeJeu 8 Déc 2011 - 15:08

Il y a des moments dans la vie d’un homme où celui-ci sent qu’il ne sert à rien. Mais quand je dis à rien, c’est vraiment à rien. Que dalle. Nada. Pas la moindre bride d’utilité. Dans ces moments là, l’homme se sent comme un nain au beau milieu d’un troupeau de mouflons… il déprime et rêve aux biquettes de ses vertes prairies. J’admets que la métaphore nanesque est quelque peu malaisée à comprendre pour ceux qui n’ont pas lu l’ouvrage du professeur Patrice Ervers sur la sexualité du petit peuple et leurs surprenants modes de reproduction.

Je m’égare.

Cette introduction n’a pour but que de vous faire comprendre le sentiment d’inutilité chronique qui m’envahissait violemment ce jour là. Les quartiers nobles de la citadelle grouillaient d’activité et moi je restais là, patiemment, à attendre en me rongeant les ongles. Il allait se passer un événement d’importance et outre que je ne pouvais rien y faire, j’y étais indésirable. Expulsé de la chambre conjugale, j’avais trouvé refuge dans la salle du conseil et j’attendais.

Qu’est-ce que j’attendais ? Mais par Néera, vous dormez encore ou quoi ? Dans quelle situation un homme ne sert-il à rien ? Lorsque sa femme accouche bien sur ! Si c’est lors de la conception, alors là il faut s’inquiéter, mais les mœurs suderonnes ne nous intéressent pas particulièrement aujourd’hui. Lorsque Jena m’avait annoncé qu’elle ressentait les premières contractions, j’avais à peine eu le temps de prévenir Clarys et Nazaref que je m’étais retrouvé dehors avec ordre formel de ne pas troubler le « travail ».

Voilà où j’en étais.

Certes Jena avait déjà donné naissance à une petite fille, notre adorable Liliana, et je n’aurais pas du m’inquiéter outre mesure. Les soigneurs m’indiquaient tous que le deuxième accouchement se révélait plus facile que le premier, mais cette naissance ci se présentait sous de bien sombres auspices.

Les mauvais rêves de Jena à ce sujet duraient depuis des semaines, et rien de ce que nous avions pu dire ou faire ne la rassurait. Le grand prêtre de Néera comme moi lui répétions que des rêves prémonitoires restaient peu vraisemblables et qu’il ne devait s’agir que de craintes refoulées du premier accouchement. La logique somme toute, mais ma femme n’y semblait plus accessible. Elle savait qu’une ombre la guettait, elle ne voulait pas en démordre.

Ainsi donc, rongé par l’inquiétude qui moi aussi me gagnait, j’attendais.
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MessageSujet: Re: Un don du ciel ?   Un don du ciel ? I_icon_minitimeJeu 8 Déc 2011 - 16:04

    Il y a des moments dans la vie d’une femme où la gente masculine devient l’objet de toutes sortes de malédictions et d’insultes. Il faut reconnaître qu’en fonction des époques et des mœurs la fréquence de ces moments peut varier, et parfois de beaucoup. Par exemple prenez l’époque actuelle, il peut arriver à une femme de détester les hommes au moins deux fois par heure. Soit parce qu’il ne sait pas faire le café, soit parce qu’il trouve toujours le moyen de l’exaspérer avec des remarques désagréables « t’as ENCORE acheté un sac ? Mais t’en as déjà quinze dans l’armoire », soit parce qu’il est tout simplement insupportable devant sa console.
    Ce qui est sur c’est qu’un homme est maudit au moins une fois tous les mois, lors des fameux jours sanglants qui nous pourrissent la vie!
    Mais comme je vous le disais cela varie en fonction des époques. Prenez moi par exemple, épouse aimée, mère gâtée, je n’ai jamais eu à me plaindre ou à maudire Hanegard….sauf aujourd’hui !

    Pourquoi me direz-vous ? Mais réveillez-vous j’accouche là OH ! Certes si vous n’avez pas suivis l’épisode depuis le début vous avez donc raté mon réveil et quel réveil ! Echevelée, des cernes jusqu’en bas des joues et l’horrible impression de ne pas avoir dormi du tout.
    Levée à l’aube j’avais regardé le soleil se lever par le fenêtre de ma chambre. J’avais eu une étrange sensation, comme un mauvais pressentiment. J’avais à peine dit bonjour à mon époux, à peine mangé et n’avais plus dit un mot jusqu’à ce que je comprenne enfin ce qui n’allait pas. Le soleil était levé depuis une heure lorsque j’avais sentit les douleurs dans le bas de mon ventre. Les premières contractions me tirèrent de mon inertie et je me traînais jusqu’au bureau d’Hanegard les dents serrées, pour lui dire que j’étais sur le point d’accoucher.

    A peine les mots dit un bataillon que dis-je, un régiment se pressa devant les portes de l’appartement. Tantôt on m’allongea, tantôt on me fit faire quelques pas, certains suggérés de me faire accoucher debout, d’autre assis, une bonne femme déclara même que ça serait plus rapide dans une baignoire rempli d’eau tiède…. Ne prêtant guère attention à ce qui se disait autour de moi je finis par hurler qu’on me fiche la paix. Le silence me fit un bien fou et seuls Clarys et Nazaref furent autorisés à rester près de moi. Je n’avais confiance qu’en eux, et je ne voulais voir qu’eux.
    Combien de temps cela dura ? Sûrement des heures car le soleil déclinait lorsque, enfin on me demanda de pousser. J’étais épuisée, en nage mais je faisais ce que Nazaref demandait, je l’écoutais, prête à remettre ma vie entre ses mains….
    A cette idée, je me souviens de mes rêves et agrippais le bras de Clarys.


    - Si…Si je… dis lui….dis lui que je l’aime…de tout mon cœur….

    Qui ? Le père ? L’enfant ? Les deux bien sûr mais je n’avais plus la force de préciser et de faire de longs discours ou de beaux poèmes tout en alexandrin.
    Une heure s’écoula encore jusqu’à ce que vint enfin le moment de la délivrance. L’instant où toute ma force m’abandonna et où la douleur cessa enfin. Les premiers cris raisonnèrent et je vis à travers larmes et sueurs le petit corps dans les mains de Nazaref. Clarys souriait visiblement aux anges.


    - Un garçon, c’est un garçon ! Je vais chercher le père, je vais prévenir le Baron…

    Excitée comme une puce, ma demoiselle de compagnie quitta la pièce en courant pour annoncer la nouvelle à mon époux. Seule avec Nazaref, j’écoutais les pleurs de mon bébé comme si c’était la plus belle mélodie au monde… Mais quelque chose n’allait pas, je le sentais…Ce n’était pas la douleur, elle était supportable… C’était cette lumière trop vive pour être réelle qui m’aveuglait, en quelques secondes je compris… Ce que j’avais tant redouté, ce que j’avais rêvé de si nombreuses fois… Je l’avais toujours su, mais avant, je voulais juste le voir…juste une fois…
    Je levais ma main vers le petit être que le prêtre nettoyait à quelques pas de moi… J’avais du mal à respirer mais avant que mon cœur ne cesse de battre je parvins à murmurer un dernier mot. Un prénom.


    - Dastan…

    Et tout devint noir, froid et effrayant.
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MessageSujet: Re: Un don du ciel ?   Un don du ciel ? I_icon_minitimeVen 9 Déc 2011 - 9:58

La peur. Je la ressens, cette peur… elle pénètre au plus profond de ton être, dans chaque fibre de ton essence… insidieuse et perverse, elle sape les fondations de tout ce en quoi tu crois. Il n’est pire ennemi que la peur, car elle peut renverser les plus beaux édifices et détruire les plus pures intentions. Oui Jena, je ressens ta peur de perdre tout ce à quoi tu tiens… je la ressens et je pleure, car telle n’est pas mon intention.

Non Jena, ton destin n’est pas de mourir en donnant le jour à Dastan. L’heure n’est pas encore venue pour toi de rejoindre le sombre royaume de ma sœur. L’heure n’est pas encore venue pour toi de confier ton âme à Tyra. Pour l’instant tu m’appartiens encore… viens, tu ne peux résister à mon appel… je sais que tu penses être en train de mourir, mais tu comprendras bientôt pourquoi cela est nécessaire. Aie foi en moi et viens.


Jena…

Cette voix… elle résonne en toi… une voix de femme ? Une voix de fillette ? Tu ne pourras jamais en être certaine, tu ne pourras jamais recréer exactement cet instant, et pourtant tu ne l’oublieras plus. Là bas, à Alonna, ils s’affolent, ils paniquent… je vois déjà un messager courir pour prévenir ton mari. Le pauvre, il ne sait pas encore ce qu’il se passe… il me faut faire vite. Ce n’est guère un problème, le temps n’a pas le même sens pour nous que pour les mortels.

Que verras-tu en ouvrant les yeux ? Cela, même moi je ne le sais pas. Votre esprit est une chose merveilleuse, toujours prêt à se recréer un environnement familier pour échapper à la folie. Rares sont les mortels à avoir vécu la même expérience que toi, Jena, et aucun n’en a gardé un souvenir identique. Une enfant dans une prairie ? Une jeune femme dans un temple ? Une lumière dans un ciel obscur ? Ton esprit créera ce qui lui semblera le plus sécurisant… je ne veux pas le forcer à un choix.


Jena…

Tu as épousé un homme qui a du sang sur les mains. Oh oui, les mains du baron d’Alonna sont rouges de sang. Celui de coupables… celui d’innocents. Des hommes surtout, des drows et des nains également… mais aussi des femmes et des enfants, bien qu’il ait alors rarement porté lui-même le coup fatal. Comprend-il seulement les impacts de certaines de ces décisions ? De quel droit s’est-il arrogé le pouvoir de vie et de mort sur des êtres qu’il ne connaissait pas ?

Et pourtant, je sais mieux que personne qu’un acte en lui-même est porteur de mensonge. Une mort peut sauver dix vies, voilà le genre de situation où le choix est une torture. La notion de moindre mal est une facilité pour vous, les humains, mais cela restera un ersatz mental. Éveilles-toi et contemples la Vie, enfant. Je sens l’amour au fond de ton cœur. De l’amour pour ton mari et pour ta fille bien sur. De l’amour pour ton fils nouveau-né. Oui, je sens que ton cœur est pur… tu peux entrer dans mes desseins.


Jena… viens à moi.

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MessageSujet: Re: Un don du ciel ?   Un don du ciel ? I_icon_minitimeVen 9 Déc 2011 - 22:25

    Il faisait noir, et j'avais horriblement froid mais je n'avais plus mal. Je me sentais légère, lestée de toute douleur et de toute contrainte. Étais-je morte ? Sûrement.... Mais alors pourquoi avais-je encore si peur ? J'avais toujours pensé qu'une fois notre vie terminée il n'y aurait plus de place ni pour l'angoisse, la tristesse et l'horreur. Utopie ! J'étais dans le noir et j'étais terrifiée....
    Et il y eut cette voix, douce mais forte, qui résonna à mes oreilles. Elle me faisait penser à une brise en été, étonnamment elle m'évoquait aussi un parfum, léger, subtil et fleuri. Rien qui n'aurait du m'effrayer. D'ailleurs je me sentais déjà mieux, sereine et rassurée. Je sentais tellement d'amour dans cette voix, comment aurais-je pu avoir peur d'ouvrir les yeux ?
    Derrière mes paupières closes je voyais, du moins je percevais ce que cette présence inconnue me disait. Me parlait-elle réellement ? Non, c'était une autre forme de communication, une autre façon de voir les choses. Je ressentais tout ce qu'elle voulait me faire comprendre...
    Je savais qu'elle ne voulait pas ma mort, elle voulait me rassurer, m'apaiser sur ce qui allait se passer et pour cela elle faisait surgir des images. Hanegard, l'amour de ma vie. Liliana, mon rayon de soleil et j'entrevis même le petit corps de celui que j'avais nommé Dastan, mon fils.

    Mon cœur aurait du battre plus fort mais je ne le sentais plus, à vrai dire je ne sentais plus rien qui me rattacha à mon corps. Elle me montra aussi l'inquiétude qui régnait à Alonna depuis quelques minutes. Des minutes ? Du moins le pensait-elle, visiblement elle était tout aussi incapable que moi de savoir combien de temps s'écouler. Des secondes ? Des heures ? Je n'eus guère le temps de lui poser la question qu'elle me montrait des images plus dures, bien moins agréables. Du sang d'un rouge sombre... sur les mains d'Hanegard....
    Elle dut sentir la souffrance et la peine que provoquait ses pensées en moi, aussi m'appela-t-elle une dernière fois. Cette fois je n'avais plus peur, je voulais La voir.

    Lorsque je recouvrais la vue, je savais pertinemment que mes paupières ne s'étaient pas ouvertes. Non, mon corps où qu'il soit n'avait pas bougé, mais je voyais. Et ce qui m'entourait était sublime. Le jardin de mon rêve, pareil en tout point et si réel que j'aurais pu véritablement croire m'y trouver. Je voyais les feuilles des arbres s'agiter sous le vent, le chant de la fontaine chatouillait mes oreilles et je distinguais à travers les ombres cette longue et fine silhouette.

    Je fis un pas hésitant puis un autre. Je savais que ce n'était que le fruit de mon imagination, mon esprit ne cessait de se rappeler mon corps inerte dans le lit de ma chambre à Alonna. Pourtant j'étais là, dans ce jardin verdoyant et j'avançais. Je baissais mes yeux et regardais mes mains légèrement pâle mais parfaitement là, telle que je les connaissais. Je portais une étrange robe blanche, longue et légère et une ceinture à la taille. Je ne pus m'attarder davantage sur ce qui m'entourait car la voix m'appela à nouveau. C'était cette ombre en face de moi, celle qui m'avait terrifié dans mes rêves...
    Mais dès que je fus près d'elle toute ma terreur s'envola. C'était une femme sublime, d'une beauté à couper le souffle. Ses longs cheveux encadrés son beau visage souriant, tout en elle respirait grâce et élégance.
    Elle était assise sur un banc aussi blanc que le tissu de sa robe et elle me fit signe de m'asseoir près d'elle. Je n'eus qu'à y penser et je fus à ses côtés. Elle était grande et sécurisante, je voyais en elle la mère, l'épouse et la fille, elle représentait à elle seule chaque étape de la vie d'une femme. Je ne savais pas quoi lui dire, ni par quoi commencer, mais je savais que je n'avais besoin d'aucun mot pour qu'elle lise en moi comme dans un livre ouvert cependant la première chose qui me vint à l'esprit fut :


    - Vais-je les revoir bientôt ?

    Je n'avais plus l'ombre d'une hésitation, je savais qui se tenait près de moi. N'importe quel dévot ou prêtre se serait jeter à ses pieds, lui aurait demandé conseils et sages paroles....moi je ne voulais qu'une chose : retrouver les êtres que j'aimais le plus au monde. Je ne supportais pas l'idée d'abandonner mes enfants et encore moins de laisser seul Hanegard. Si le temps s'écoulait différemment peut-être n'était-il pas encore au courant de ce qui se passait dans notre chambre... mais dans le cas contraire...l'idée qu'il puisse souffrir me déchirait le cœur.
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MessageSujet: Re: Un don du ciel ?   Un don du ciel ? I_icon_minitimeSam 10 Déc 2011 - 22:42

Un banc au milieu d’un jardin… une scène calme, apaisante… rien d’étonnant à ce que ton esprit ait recréé ce type d’environnement, tes nerfs sont soumis à rude épreuve et tu cherches un cadre rassurant. Chut… non mon enfant, calme toi, je le veux. En ces lieux tu ne risques rien, nul ne pourra t’y atteindre. Il me fallait te rencontrer. Il me fallait te parler. Et plus important que tout peut être, il me fallait voir ta réaction. Tu ne me déçois pas, je sais que j’ai bien choisi.

Même ici, même face à moi, une seule chose t’importe : ton mari et tes enfants. Je suppose que je devrais laisser couler une larme de joie… tout du moins une humaine réagirait ainsi. Cet amour profond que tu portes aux êtres qui te sont chers est l’une des raisons de mon existence. Le sourire d‘une mère à son enfant, le tendre baiser d’un couple aimant… en chacun de ces gestes je suis présente, en chacun de ces gestes je clame ma victoire.


Prends ma main, Jena

Est-ce une demande ou un ordre ? Peu importe, tu ne peux pas plus résister que la feuille ne peut échapper au vent d’automne. Avant que tu ne repartes chez toi, je désire vérifier quelque chose.

Alors que nos mains se rejoignent, je me plonge dans ton esprit. Oui… j’y trouve… de la souffrance. Je le savais. Je le sentais. Cette jeune femme a tant vécu, tant souffert, que certains souvenirs pèsent sur ses épaules comme une chape de plomb. Plusieurs noms remontent brutalement, comme des prédateurs surgissant de l’obscurité. Tarkel… Tinfar… Jaime… et surtout un nom que ton esprit hurle plus fort que tous les autres réunis.

Ilinsar.

Un visage d’une beauté inhumaine mais enlaidit par une perversité et une cruauté sans borne… un sourire aussi froid et acéré qu’une lame… oui, voilà ce que je cherchais. Parfois les défunts se révèlent plus dangereux pour vous, mortels, que les vivants. Car c’est une chose terrible qu’un souvenir, une chose que l’on ne peut ni combattre ni vaincre. Disparaissez, ombres ! Je vous bannis ! Je n’autoriserai pas vos souvenirs à torturer plus longtemps cette jeune femme.

Relâchant la main de mon invitée, je murmure :


Ces rêves ne hanteront plus tes nuits.

Tu sais de quoi je parle. Tu ne peux l’ignorer. Depuis des mois tes rêves sont troublés, hantés par des images prémonitoires de mort. As-tu cru que ces rêves te donnaient une image de l’avenir ? Même moi je ne puis percer les brumes qui s’étendent devant nos pas. Non Jena, ces rêves venaient de ton passé, de ce que tu avais subis. Mais désormais je peux te renvoyer chez toi. Tu y retourneras apaisée, les ombres qui enserraient ton âme rejetées bien loin.

Tes nuits ne seront plus troublées par le sourire dément de Tarkel, par le regard calculateur de Tinfar, par l’œil lubrique de Jaime ou par le rire sadique d’Ilinsar. Cela… une déesse te le jure. Allons, l’heure est venue de nous dire adieu. Tu ne peux rester trop longtemps avec moi, ce monde n’est pas le tien. Alors que le jardin et mon avatar se dissipent lentement, je te laisse regagner ton corps. Ton époux vient de se ruer à ton chevet, je ne veux pas le laisser souffrir la perte de l’être aimé. Retournes auprès des tiens.

Sans doute leur reviendras-tu un peu changée, mon enfant. Nulle ne peut prétendre me rencontrer, me toucher, et rester la même. Bien que le futur me soit fermé, je sais que tu auras par moments des visions d‘autres personnes et d’autres lieux. Ce don que j’accorde à quelque uns de mes plus chers élus, tu en disposes toi aussi. Tu en disposes, mais tu ne le maîtrises pas. Tu ne pourras le contrôler… tu ne pourras l’invoquer… tu ne pourras le focaliser. Mais si tu es patiente, peut être arriveras-tu à le comprendre.

Alors que la baronne d’Alonna reprenait une inspiration, arrachant un hoquet de surprise à Hanegard, Clarys et Nazaref, la douce voix de la déesse se fit une dernière fois entendre.


Ne m’oublie pas, Jena. Moi je ne t’oublierai jamais.

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MessageSujet: Re: Un don du ciel ?   Un don du ciel ? I_icon_minitimeDim 11 Déc 2011 - 12:05

    J'avais l'impression d'être là depuis des heures à écouter le chant des oiseaux et à profiter du calme environnant. C'était tellement reposant. Si je n'avais pas le cœur déchiré à l'idée de perdre les êtres que j'aimais le plus au monde, j'aurais très bien pu rester ici à jamais. Lorsque Néera me demanda de lui donner ma main je lui obéis sans hésiter une seconde. C'était comme si c'était ma mère qui me parlait et ce simple contact, si chaleureux et presque tendre me rassura. Pourtant quelques instant plus tard je sentais qu'elle lisait en moi. Cela ne me dérangeait pas, bien au contraire, mais c'était les images qu'elle rappelait à ma mémoire qui m'effrayait. J'en perdis le sourire et je me sentis trembler, mais jamais elle ne m'abandonna, à aucun moment. Ni devant le visage pervers de Tarkel, ni devant le regard de Jaime et encore moins lorsque le rire froid et cruel d'Ilinsar me fit fermer les yeux. J'avais peur de tout cela et elle le sentait. Elle voyait et sentait les mains de Tarkel se posait sur moi, arracher ma robe. Elle sentait chacun des coups de fouet que j'avais reçu dans la petite maison de bûcheron. Elle voyait avec autant de précision le nœud naturel dans la poutre de la cheminée de cette même maison. Ces cercles dans le bois que j'avais regardé tout le temps qu'avait duré ces tortures.

    Elle me promit alors que plus jamais je n'aurais peur de ses rêves et je la crus. Je la sentais si forte et si puissante à côté de moi que je n'aurais jamais eus l'idée de douter de sa parole. Elle me protégerait maintenant j'en avais certitude, elle ferait partie intégrante de ma vie c'était cetain. Je me tournais vers elle pour la regarder à nouveau, si belle, si lumineuse, je voulais graver son image dans ma mémoire. Mais déjà tout commençait à s'évanouir petit à petit, le jardin perdait de sa couleur et il n'y avait plus aucun bruit, les oiseaux s'étaient tus et la fontaine avait cessé de chanter.
    Je croisais son regard, appréciant une dernière fois la couleur si irréelle de ses yeux et la beauté son sourire. Quelque part, loin d'ici je sentais quelque chose me tirer, me secouer. J'entendais des voix, des pleurs, des cris et bientôt, je respirais à nouveau.

    L'air gonfla mes poumons, bouche ouverte j'essayais d'en aspirer plus, j'avais la poitrine en feu et mon cœur battait si fort qu'il me faisait mal. Mais j'étais vivante et j'en aurais pleuré de joie si mon obsession de respirer n'avait pas été si forte. Autour de moi le silence, je n'entendais plus rien. Était-ce mes oreilles qui avaient un problème ou bien étais-je seule ? Non, Néera m'avait dit qu'il y avait Hanegard.... Hanegard....


    - Han...Hanegard....

    Oui, il était là, avec Clarys et Nazaref... Je le savais Néera me les avait montré. Mais où étais Dastan ? Mon fils ? Allait-il bien ?
    J'ouvris enfin les yeux mais tout était flou et la lumière était presque insupportable. Les secondes passant je m'y habituais et je pus distinguer les silhouettes autour de moi.
    D'abord Clarys avec sur son visage un air choqué. Les larmes avaient sillonné ses joues et elle avait l'air si surprise, comme si elle venait de voir un fantôme et à bien y penser...c'était quasiment le cas !

    Nazaref se pencha au dessus moi, fidèle à son rôle de prêtre et de guérisseur il croisa mon regard et tâta mon cou. Lui aussi était surpris, et il se répandit presque aussitôt en prières. Prières qui me bouleversèrent plus que je ne l'aurais cru possible. Je les comprenais, j'avais même l'impression de les connaître par cœur. Elles me rappelaient ce beau visage rassurant et souriant.

    Et enfin je tournais ma tête de côté pour voir mon époux. J'avais eu si peur de le perdre et je voyais dans son regard qu'il avait été aussi terrifié que moi. Un sourire tendit mes lèvres, j'aurais voulu lui dire combien je l'aimais, l'attirer à moi mais j'avais du mal à reprendre pleine possession de mon corps. Ma respiration était rapide et je sentais chacun de mes membres lourds et gourds. J'avais cette désagréable sensation de fourmillements dans les mains et les jambes mais je n'avais pas peur, tout irait bien maintenant.

    La voix résonna une dernière fois à mes oreilles. Chantante et harmonieuse. Non moi non plus je ne l'oublierai jamais. Et je ferais en sorte de me rendre digne de l'honneur qu'elle m'avait fait.


    - Néera....
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MessageSujet: Re: Un don du ciel ?   Un don du ciel ? I_icon_minitimeMar 13 Déc 2011 - 13:51

Je courrais comme un dératé dans les couloirs de la citadelle, bousculant sans y prendre garde les serviteurs ou les courtisans qui n’auraient pas été assez rapides pour éviter le bolide. Peu m’importait, car si mes jambes me portaient encore ma raison menaçait, elle, de défaillir. Je n’avais pas pu entendre ce que disais le messager venu me trouver en urgence, non, il fallait que j’ai mal compris. Mes oreilles avaient du mal entendre, j’essayais de m’en persuader mais la folie allumait son chalumeau et menaçait de s’échapper à chaque instant.

Elle ne respirait plus, voilà ce que disait le message. Non, pas elle, pas ma tendre Jena. Je savais qu’elle s’inquiétait de longue date au sujet de son accouchement, toutefois il s’agissait d’une crainte, d’une ombre, en aucun cas d’une réalité. Je crois que je m’étais intimement persuadé qu’il ne s’agissait là rien de plus que d’un peur inconsciente de sa part. Une sorte de fantasme morbide peut être. Et voilà que je me retrouvais face à la brutale réalité de ce rêve.

Lorsque j’ouvris la porte de notre chambre, je ne vis que le visage de ma femme. Un visage apaisé, mais un visage dont l’immobilité ne pouvait vouloir dire qu’une chose. Qu’elle … qu’elle était…


Jena !

Stupide de ma part, non ? Comme si l’appeler allait d’un seul coup la ramener parmi nous. Et pourtant… l’impensable se produisit… ma stabilité mentale déjà bien éprouvée failli basculer dans l’abîme lorsque Jena prit une violente inspiration. Sans mot dire, nous restâmes bouche bée tous les trois à regarder mon épouse reprendre son souffle, alors que nous aurions juré l’avoir vu morte quelques secondes auparavant.

Le hoquet de stupéfaction de Nazaref me fit sursauter. D’une main tremblante, le guérisseur souleva une mèche de cheveux de Jena, découvrant le côté gauche de son cou. Les yeux exorbités et les jambes tremblantes, au point que je cru qu’il s’apprêtait lui aussi à nous faire une crise de nerfs, il se laissa choir au sol comme… eh bien comme une vieille serpillière, je suis navré de le dire.


Nazaref ? Que se passe-t-il ?

Mais le prêtre ne me répondit pas. Agenouillé au pied du lit, il semblait en plein transe religieuse et murmurait à voix basse des prières à Néera. Ah ces religieux ! Comptez sur eux pour vous sortir une crise mystique incompréhensible au moment où vous auriez besoin qu’ils soient concentrés et attentifs. Tout en faisant signe à Clarys d’aller chercher notre fils, je pris la main de Jena dans la mienne et lui demandais.

Jena. Comment te sens-tu ?
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MessageSujet: Re: Un don du ciel ?   Un don du ciel ? I_icon_minitimeMar 13 Déc 2011 - 15:25

    Les visages encore un peu flous qui m’entouraient retrouvèrent enfin leur netteté. Celui de Nazaref avait disparu de mon champ de vision et je vis bientôt celui de Clarys se tourner mais le seul qui comptait à mes yeux était toujours là. Il s’approcha, lentement, prudemment même aurais-je juré, et me prit la main toujours avec cette même douceur qui me faisait pensé qu’il avait peut-être… peur ? Oui peur, après tout qui ne l’aurait pas été ! Non mais, mettez vous à sa place ! On lui apprend que sa femme est morte, lorsqu’il se précipite à son chevet il ne peut que constater la triste vérité, or prononcer un simple prénom semble la ramener à la vie. Il y a là de quoi devenir barjot tout de même ! Et rajouter à cela un prêtre en pleine psalmodie, agenouillée auprès du lit et vous comprendrez qu’il y a de quoi à défaut d’être choqué, au moins d’être prudent !

    Mais j’étais bel et bien là, vivante ! Et même si cette vérité était encore un peu surprenante, même pour moi, je la savourais, un grand sourire aux lèvres. J’avais mal partout, j’étais complètement frigorifiée mais j’étais vivante et pour moi c’était l’essentiel. J’avais survécu à cet accouchement que j’avais tant redouté.
    Prenant appuie sur mon autre main je parvins à me redresser sans trop grimacer. De mon accouchement je ne semblais avoir conservé aucune douleur, c’était juste mes membres engourdis qui me gênaient. Vous voyez quand vous avez les fourmis au pied, ce moment insupportable où vous ne pouvez rien toucher sans vous crisper de partout ? Et bien c’est exactement mon cas actuellement sauf que ce n’est pas que mon pied qui est la proie de ces maudites fourmis !

    Une fois assise je contemplais le champ de bataille. Des draps souillés par le sang et la sueur, une bassine d’eau teintée de rouge, des chiffons humides gisants à même le sol et moi, dans quel état j’étais. Je sentais le fouillis de mes cheveux et je n’osais imaginer la mine que je me traînais, mais le pire était sûrement de voir ma chemise de nuit, pudiquement rabattue sur mes jambes, mais néanmoins tâchée de sang. J’avais aussi cette désagréable sensation de moiteur qui me faisait frissonner. Un peu comme si j’avais eu une forte fièvre. Je devais être affreuse à voir.


    - Je me sens…. Merveilleusement bien.

    Certes, cela devait surprendre, car à cette époque peu de femme après un accouchement pouvait se permettre de prononcer pareille phrase. Mais dans mon cas c’était sincère. Je me sentais bien, sereine, heureuse mais tout de même épuisée.
    Et pour le prouver rien de plus simple, je me levais carrément du lit en tenant fermement la main de mon époux. Même si j’étais plutôt bien remise il ne fallait pas non plus tirer sur la corde toute de suite. Je fis quelques pas hésitant pour m’approcher du petit meuble sur lequel un domestique disposait tous les matins une cruche remplie d’eau et une cuvette en porcelaine.
    Remise certes mais sans force, il me suffit d’un regard pour qu’Hanegard, toujours un peu en retrait, se précipite pour verser l’eau dans le récipient. Je pus ensuite m’éponger le visage et me laver les mains et les bras… hum, quel bonheur !
    Je retournais ensuite m’asseoir sur le rebord du lit non loin de ce pauvre Nazaref qui continuait à réciter ses prières, je posais ma main sur son épaule et croisais son regard. Il était humide de larmes.


    - Si vous saviez comme elle est belle lui murmurais-je en souriant.

    J’allais continuer quand des pleurs de bébé me pétrifièrent…. Mon fils… l’espace d’un instant je l’avais presque oublié mais maintenant que je l’entendais je n’avais qu’un désir, le prendre dans mes bras. Me tournant je vis Clarys approcher, l’air toujours aussi choquée elle me mit dans les bras un paquet de linge dans lequel gesticulé un petit garçon.


    - J’ai bien cru ne jamais te voir … Dastan

    Me tournant vers Hanegard je lui adressais mon plus beau sourire.
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MessageSujet: Re: Un don du ciel ?   Un don du ciel ? I_icon_minitimeMer 14 Déc 2011 - 8:39

Je venais de décider unilatéralement de couper tous les processus de réflexion de mon esprit, au risque sinon de mettre en péril ma stabilité mentale. Jena était vivante et apparemment en pleine forme, ce que je savais être humainement impossible au vu de la situation antérieure. En règle générale lorsque l’on s’arrête de respirer, c’est plutôt mauvais signe. Mais ma femme ne semblait pas gênée outre mesure d’être « morte ». Quant à l’accouchement difficile… bof… même pas mal, elle nous le montra en sautant du lit presque comme si elle sortait d’une bonne nuit de sommeil.

Ajoutez à cela Nazaref qui nous faisait une subite crise de mysticisme et vous comprendrez pourquoi je ne cherchais plus trop à comprendre ce qui se passait autour de moi. Aider Jena à se débarbouiller puis lui confier notre fils, voilà tout ce qui comptait dans l’immédiat. Pour le reste… euh, et bien nous verrons plus tard si vous le voulez bien. De préférence à tête reposée, avec un bon whisky et un paquet d’aspirine. Pour l’instant je comptais surtout profiter de l’instant de bonheur qui s’offrait.

Comme en transe, Nazaref se redressa et sortit d’un pas mal assuré, marmonnant des histoires comme quoi il lui fallait voir le Grand Prêtre de toute urgence au sujet de l’aile. De l’aile ? Quelle aile ? L’étude des oiseaux n’a pourtant aucun rapport avec un accouchement. Je ne comprenais décidément pas ce qui venait de se passer, mais jamais je ne l’avais vu aussi tourneboulé. Qu’avait-il vu qui venait de m’échapper ? Je l’apprendrai bien un jour, aucun doute la dessus.

Clarys réussit à reprendre pied un peu plus rapidement, faisant preuve de son habituelle solidité d’esprit. Pas plus que moi elle ne devait en revenir, mais tandis que Jena se passait un peu d’eau sur le visage et les bras, elle alla chercher des servantes et leur ordonna de changer les draps du lit. Détrempés de sang et de sueur, ils ne devaient guère être confortables. Cela fait, elle confia le nouveau-né à sa mère et nous laissa seuls. Distraitement, je me fis la réflexion qu’il me faudrait augmenter ses gages. Une demoiselle de compagnie aussi efficace et dévouée à Jena, cela valait de l’or.


Vous êtes magnifique tous les deux.

Je ne comprenais pas ce qui venait de se passer, mais peu importait. Jena et Dastan étaient vivants, voilà ce qui importait.
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MessageSujet: Re: Un don du ciel ?   Un don du ciel ? I_icon_minitimeMer 14 Déc 2011 - 10:08

    Ainsi donc tout semblait être au mieux dans le meilleur des mondes. Dastan et moi étions en vie, ce qui relevait pour ma part du miracle d’après Nazaref, et plus aucun rêve ne venait troubler mes nuits. J’avais enfin retrouver le sommeil et forcément le sourire. Bien évidemment notre petit garçon braillait toutes les nuits mais c’était presque un bonheur de me lever et de le nourrir. J’avais presque faillit ne jamais le voir aussi, je profitais de toutes les petites secondes que je pouvais passer avec lui, et il n’y av ait rien que j’aimais tant que ces nuits où nous nous regardions tous les deux à la lumière d’une bougie. Il n’y avait que lui et moi, et tout semblait parfait.
    Hanegard avait finit par se remettre tout comme Clarys et, comme d’un commun accord silencieux, ils avaient décidé de ne poser aucune question. Il me fallait du temps à moi aussi pour accepter totalement ce qui c’était passé le jour de la naissance de Dastan, j’avais des décisions à prendre et celles-ci impliquaient pas mal de changement. Aussi il m’arrivait de rester assise des heures sur un banc dans les jardins ou même près d’une fenêtre. J’avais entendu une domestique soufflait à une autre que c’était sûrement le contre coup de ma mort, que je ne devais plus être tout à fait vivante… Sur le moment cette phrase m’avait fait beaucoup de peine et j’avais dès lors cessé d’écouter les rumeurs à mon sujet. Cela m’importait peu au final. Mais je savais que Clarys se chargeait elle-même de rapporter chaque bribe à Hanegard et de régler directement cela avec les pauvres servantes maintenant terrifiées par ma demoiselle de compagnie

    Le plus excité était sans conteste Nazaref qui venait chaque jour me voir, pour essayer de savoir, de comprendre cette marque que j’avais découverte sur mon cou juste en dessous de mon oreille gauche. Il m’avait dit que c’était un signe, le symbole de Néera et qu’il y avait sûrement un lien avec mon retour parmi les vivants. Le Grand Prêtre aussi me fit l’honneur de sa visite et à lui, sans hésitation, je lui confiais la vérité. Il m’écouta, sans m’interrompre et je sus dans son regard qu’il me croyait. Lorsqu’il m’avait quitté, il m’avait embrassé le front comme il le faisait souvent et m’avait dit « Nous nous reverrons très vite j’en suis certains maintenant ».

    Ce matin, j’avais enfin décidé de présenter Dastan à toutes les Dames d’Alonna. J’avais jusque là fait mon possible pour éviter tous les piaillements et bavardages de basse-cour mais j’étais tout de même Baronne et j’avais un rang à tenir aussi entrais-je dans le petit salon rempli de femmes aux parures somptueuses venus voir l’héritier Kastelord. Evidemment le festival de cadeau commença et une heure durant on admira mon fils, on lui trouva tous les surnoms de bébé ridicules qui pouvaient exister et on s’extasia lorsqu’il daigna rire d’une chatouille. Certes mon fils était un ange mais je ne supportais que très moyennement cet attroupement autour de lui. Alors qu’il était en train de se voir offrir un énième cadeau, je me sentis soudain nauséeuse. Mon regard se voila et mes oreilles se mirent à bourdonner au point que je plaquais mes mains contre pour faire cesser ce bruit assourdissant. Et soudainement je vis ma fille, Liliana marchant de sa démarche vacillante dans un couloir. Elle était toute seule visiblement et elle allait droit vers…. Vers le grand escalier ?

    Brutalement l’image disparut et je me retrouvais comme essoufflée sur mon fauteuil, la proie de tous les regards. Clarys vola à mon secours en m’excusant auprès de ses Dames, prétextant que j’avais encore besoin de repos. Elle prit Dastan dans ses bras et me devança jusque dans le couloir.


    - Tu te sens bien ? Tu es toute pâle.

    Avais-je halluciné ? Avais-je rêvé ce que je venais de voir ? Quoi qu’il en soit je ne pouvais pas me permettre de l’ignorer, si ma fille était toute seule dans ce couloir en haut de l’escalier d’honneur…. Diable !
    Sans même prendre le temps de répondre à Clarys je partis en courant dans les couloirs. L’escalier était de l’autre côté de la citadelle et gardes et nobliaux me regardèrent passer avec surprise, tout comme Hanegard que je croisais en grande conversation avec Sargril…. Vous comprendrez que j’étais trop affolée pour m’arrêter et exposer clairement la situation à mon époux, qui décidemment devait regretter de s’être mariée à une folle. Arrivée au pied de l’escalier je repris péniblement mon souffle et commençait à gravir les marches deux à deux quand je vis la petite tête brune de Liliana s’approcher de la première marche.


    - LILIANA….

    Surprise par mon cri, la petite tomba sur ses fesses et se mit à pleurer. Visiblement j’avais du lui faire peur et tant mieux car j’eus le temps de la rejoindre en haut des marches et de la prendre dans mes bras. Au bout du couloir je vis une servante sortir paniquée de mes appartements, celle là, elle allait passer un sale quart d’heure.
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MessageSujet: Re: Un don du ciel ?   Un don du ciel ? I_icon_minitimeMer 14 Déc 2011 - 11:11

Quelques jours s’étaient passés depuis la naissance de Dastan et les incompréhensibles évènements qui l’entouraient. Jena semblait en pleine forme et je ne l’entendais plus la nuit se tourner en gémissant dans le lit lorsque des mauvais rêves l’assaillaient. J’avais déjà vu par le passé des personnes retrouver d’un coup le moral et la santé… mais à ce point là jamais. Toutefois je me gardais bien de l’assaillir de questions, elle savait que si elle voulait je serai toujours là pour elle.

La vie reprenait donc son rythme à la citadelle, et le soleil de printemps qui illuminait le ciel semblait atteindre nos cœurs. Ma femme passait souvent de longues heures en méditation, mais je ne ressentais en elle aucune tristesse ni aucune morosité. Plutôt que de méditations je devrais peut être parler de réflexions, comme si elle s’interrogeait sur un sujet important mais malaisé à cerner. Quoi qu’il en soit, la voir en bonne santé et heureuse me réjouissait.

Notre fils aussi faisait notre bonheur… sauf peut être en pleine nuit lorsqu’il réclamait sa tétée. Pas de doute, il avait de bons poumons et si le gout militaire lui venait il pourrait brailler ses ordres d’un bout à l’autre du champ de bataille. Un robuste gaillard, un digne héritier destiné un jour à me succéder, que demander de plus aux dieux ?

Bref, ce jour là je m’entretenais avec Sargril tandis que Jena présentait officiellement l’héritier d’Alonna à toute la noblesse réunie en grande pompe. Beaucoup de vieux barbons se réjouissaient que notre couple ait un fils, gage à leurs yeux d’une meilleure stabilité dynastique qu’une fille. Décidemment les vieilles peurs datant du temps de Pearla avaient la vie dure.

Pour en revenir au sujet, Sargril m’exposait ce jour les raisons qui à ses yeux justifiaient la promotion d’un officier sur lequel je m’interrogeais. Alors que nous abordions une patrouille récemment menée par cet officier, nous fumes dépassés par une Jena piquant un cent mètres digne d’un niveau olympique. Qu’est-ce que…


Jena ?
Baronne ?

Mais la tornade toulousaine effectuait déjà un dérapage contrôlé à l’angle du couloir et disparaissait à nos yeux. L’instant de stupéfaction écoulé, nous nous mimes nous aussi à courir, suivi par trois courtisans qui attendaient de pouvoir nous parler, un messager brandissant un papier et deux gardes qui ne savaient plus si il leur fallait tenir le poste ou non. Manquait à la fête un nain sur une biquette et un elfe libidineux, mais les réductions de budget ont empêché les effets spéciaux.

Lorsque j’arrivai en bas du grand escalier d’honneur aux marches traitresses, je vis Jena qui s’y trouvait, une Liliana en pleurs dans les bras, et en train d’enguirla… non pardon… en train d’engueuler une servante en des termes qu’elle n’employait pas d’habitude. La pauvre fille dont la faute ne nous paraissait pas encore évidente passait un mauvais quart d’heure. Ayant à mon tour grimpé l’escalier, je vins aux nouvelles.


Que se passe-t-il ? Que fait Liliana ici ?
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MessageSujet: Re: Un don du ciel ?   Un don du ciel ? I_icon_minitimeMer 14 Déc 2011 - 12:41

    Non mais en plus elle bafouillait que ce n’était pas sa faute, qu’elle était juste allée dans le couloir pour mander au garde en faction un seau d’eau pour le bain de la petite. Mon œil oui ! A voir comme elle se tordait les mains et ses joues en feu il était évident qu’elle était sortie des appartements pour se faire conter fleurette. Pour preuve le garde en question était toujours dans le couloir, visiblement embarrassé lui aussi et ma fille, certes aussi intelligente que son père, n’avait pas traversé tout le couloir en dix secondes non ? Donc cette chère demoiselle ici présente avait fait plus que demander un simple seau d’eau !
    Qu’elle ait le front de me mentir, me mit encore plus en colère, au point que je ne vis même pas qu’Hanegard m’avait rejoint.


    - Hors de ma vue !

    Je n’aimais pas m’énerver de la sorte aussi préférais-je la voir partir en rasant les murs plutôt que de continuer à lui hurler dessus. A force de caresses et de baiser sur ses petits joues rosées, Liliana finit par arrêter de pleurer et préféra se blottir contre moi, les doigts enroulés dans une mèche de mes cheveux. C’est là que je me tournais et fis face à Hanegard. Un petit sursaut de surprise et très vite un sourire se dessina sur mes lèvres. Je n’avais pas espéré le voir si tôt dans la journée et cette heureuse rencontre me ravissait. Je m’approchais aussitôt de lui pour déposer un baiser sur ses lèvres.

    - Il s’est passé quelque chose de….très bizarre. *certes ma chérie et ça ne date pas d’aujourd’hui les trucs bizarres avec toi* pensais-je soudainement gênée. Hum…. Ta journée se passe bien chéri ?

    Pourquoi un tel revirement dans la conversation me demanderez-vous ? Et bien parce que je venais tout juste de voir arriver en haut de l’escalier, l’escorte de mon époux et ça faisait un sacré petit monde. Pas besoin de raconter mes problèmes psychologiques devant tout Alonna si ? Sargril du voir mon air gêné et, tournant les talons, fit signe à tout le monde qu’il était tant de retourner vaquer à d’autres occupations.

    Pour ma part, je pris le bras d’Hanegard et l’entraînais jusque dans nos appartements. N’allait pas vous imaginer quelque chose de croustillant et d’interdit au mineur, loin de là et je vous rappelle que j’ai Liliana dans les bras tout de même !
    Mais un peu d’intimité ne nous ferais pas de mal. J’évitais toute conversation sur des sujets bizarres depuis mon accouchement, je n’avais plus parlé de mes rêves, de mes angoisses et encore moins de ce qui m’était arrivé dans l’au-delà. Mais il fallait bien se rendre à l’évidence tout ne tournait pas rond depuis, et pour preuve je venais de sauver ma fille après l'avoir vu s'approcher dangereusement des escaliers.... alors que je n'étais même pas là pour la voir de mes propres yeux !

    Une fois dans la chambre je fermais la porte derrière moi et reposais Liliana sur le tapis. La petite se fit aussitôt une joie de gambader sur ses jambes pour aller chercher telle ou telle poupée de chiffon éparpillée un peu partout. Il allait falloir lui apprendre le rangement à cette gamine !


    - Assied toi…. J’essaierai de ne pas te retenir trop longtemps…

    Drôle de promesse, puisque je n’avais envie que de ça moi, le retenir loooongtemps ! Mais il avait un boulot particulièrement prenant et je n’avais pas le droit de me l’accaparer pendant les heures que nous avions décrété comme ‘heures de travail’.

    - Depuis quelques jours je réfléchis beaucoup. Je me pose tout un tas de question et je pensais avoir pris une décision mais avec ce qui vient de se produire… Je me rends maintenant compte que j’avais pris la mauvaise décision. Depuis ma…mort, il n’y a jamais eu qu’une seule possibilité. Je sais que ça va te paraître incroyable, d’ailleurs je n’y comprends rien moi non plus mais, j’ai su, non en fait j’ai vu Liliana marcher seule dans ce couloir alors que j’étais à l’autre bout de la citadelle.

    Soudain je fis le lien avec ce que m’avait dit Néera. Elle m’avait parlé de ces choses que je verrais. Visiblement je devais bien plus à la déesse que ma simple vie. Il n’y avait plus de doute, je savais ce qu’il fallait que je fasse, même si cela me coûtait puisque ça impliquait pas mal de sacrifice, même si pour cela je devais risquer de faire du mal à Hanegard et par la même à notre couple….

    - Je ne te demande pas de me croire mon amour, mais à toi je peux le dire sans avoir peur d’être prise pour une folle. Nazaref dit que cette aile est le symbole des élus de Néera….et il a raison. C’est Elle qui m’a ramené ici alors que je ne respirais plus et maintenant je sais clairement ce que je dois faire…. Il faut….il faut que je rentre au temple…
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MessageSujet: Re: Un don du ciel ?   Un don du ciel ? I_icon_minitimeVen 16 Déc 2011 - 13:52

Dès l’instant où Jena m’annonça qu’elle désirait me parler en privé, j’avais compris qu’il s’agissait de quelque chose d’important, probablement de cette explication relative aux curieux évènements survenus durant son accouchement. Curieux mais heureux, d’où la patience dont j’avais fait preuve jusque là. Lorsque la femme que vous aimez vous est rendue en bonne santé physique et mentale, vous vous réjouissez d’abord avant de chercher à comprendre l’origine de cette amélioration. Tel était mon cas, et je ne voulais pas la brusquer par des questions inopportunes.

Tandis que Liliana partait en riant à l’assaut d’une pile de coussin, nous nous assîmes sur le lit. Oui chérie, je suis tout ouïe, tu peux y aller. Bon, je dois admettre que ma chère et tendre commença par une explication claire comme une bière naine frelatée. Elle parlait de sa mort, d’une possibilité qu’elle comprenait comme désormais nécessaire, de Liliana, le tout bien mélangé et prévu pour que je largue le wagon dès le démarrage. Alors il va falloir faire de l’explication de texte à haute vitesse et tenter d’expliquer ce qu’il en est.

Sa mort d’abord. Premier point dont nous n’avions pas parlé jusque là. Je savais ce que j’avais vu en entrant dans la chambre lors de l’accouchement. Dans ma carrière, le nombre de cadavres ayant croisé mon chemin se comptait par centaines sinon plus, aussi je savais bien différencier un visage vivant d’un visage mort. D’ailleurs Nazaref et Clarys eux aussi avaient cru que Jena se trouvait dans le royaume de Tyra. Et désormais même elle admettait à haute voix cette réalité.

L’admettait-elle ? La petite hésitation avant de parler de sa mort me laissait à penser qu’il ne s’agissait que d’un terme de substitution, à défaut de disposer d’un terme suffisamment précis pour décrire ce qui lui était réellement arrivé. Il faut admettre qu’en général la possibilité d’être décédé constitue un absolu. Soit on l’est, soit on ne l’est pas, mais rares sont ceux qui mettent un pied de l’autre côté puis reviennent parce qu’ils ont oublié leur brosse à dents.

Pour continuer à m’embrouiller, Jena affirma avoir « vu » Liliana dans le couloir. Idée absurde bien entendu… sauf que de fait Liliana se trouvait réellement dehors et que Jena ne pouvait pas le savoir ! Donc acte. Après avoir accepté une mort n’en étant pas une, des visions prophétiques ou de tout autre genre ne faisaient plus une grosse différence au final. Rien de vraiment aisé dans cette histoire, car je ne comprenais pas bien, et Jena ne pouvait pas aisément exprimer des concepts qui ne correspondaient à rien de connu pour nous.

La suite fut heureusement un peu plus claire. Cette aile qui apparaissait lorsque l’on regardait attentivement sur le côté gauche de son cou n’existait pas quelques jours plus tôt. Je connaissais suffisamment bien le corps de Jena pour ne pas m’y tromper, mais cet élément là aussi j’avais jusque là décidé de l’enfermer dans ma tête et de ne plus y penser. Ce fut lorsqu’elle me parla du temple que je compris soudainement à quoi elle faisait référence depuis le début.

L’aile… l’aile… mais…

Je ne prétendais pas être un spécialiste en doctrine religieuse, mais l’aile n’était-elle pas le symbole de Néera ? Celui que portait les élus de la déesse ? Plus j’y réfléchissais, mieux je comprenais la réaction mystique de Nazaref lors de l’accouchement. Voir apparaitre brutalement le symbole de sa déesse sur la peau de Jena pouvait en effet déstabiliser quelqu’un qui plaçait la foi au centre de son existence.


Je… j’ai du mal à le croire… et pourtant…

Les éléments se mettaient peu à peu en place. Néera… Jena… l’accouchement… les rêves. Il y avait là un tableau d’ensemble, mais qui pour l’instant restait encore assez flou. Je me sentais dans la peau d’un enfant tentant de reconstituer un puzzle mais sans disposer de l’image finale et sans disposer de toutes les pièces.

Que s’est-il passé pendant ton accouchement ? Tu as vu…

Je n’osais pas finir ma phrase. Se pouvait-il que Jena, que ma Jena ait rencontré… non… je n’arrivais décidément pas à le dire.
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MessageSujet: Re: Un don du ciel ?   Un don du ciel ? I_icon_minitimeSam 17 Déc 2011 - 22:27

    Allais-je trop vite pour lui ? Sûrement mais pour ma défense je n'avais pas pensé lui parler de cela si tôt. Et je n'avais pas du tout imaginé lui en parler ainsi. J'aurais préféré préparer ce moment, le préparer aussi... parce que ce n'était pas une chose facile à entendre. Je ne doutais pas qu'il m'écoute entièrement sans émettre un jugement. Je savais que je pouvais tout lui dire, même des choses aussi invraisemblables que ce que je m'apprêtais à lui raconter.
    Je lus sur son visage une sorte d'incrédulité, de la surprise aussi et une incompréhension justifiée. Je n'avais pas dit les choses dans l'ordre et je m'en rendais compte maintenant. Mais ce qui venait de se passer dans le couloir avec Liliana m'avait quelque peu bouleversé et je n'avais pas encore eut le temps de m'en remettre. Alors qu'il me posait la question qui devait lui brûler les lèvres depuis que j'étais revenue à la vie, je me levais et fit quelques pas sur le tapis devant lui. Il fallait que je mette de l'ordre dans mes idées pour ne pas m'embrouiller à nouveau.

    Par quoi commencer ? Ma mort ? Oui probablement puisqu'il s'agissait du point de départ de toute cette histoire. Mon regard glissa vers lui et je plongeais dans ses yeux bleus en me sentant frissonner. J'avais redouté de lui en parler car s'il y avait bien une personne dont l'avis m'importait – notamment concernant ma santé mentale de ses derniers mois – c'était bien lui.
    Une minute passa, puis une autre sans que je n'ai trouvé le courage de dire quoi que ce soit. J'usais le tapis à force de passer et de repasser et finalement je finis par pousser un long soupir et m'installais à nouveau près de lui sur le bord du lit. Je n'avais pas envie de faire un monologue en m'adressant au tapis aussi tournais-je la tête vers lui et, voyant que lui aussi s'était laissé aller à la contemplation de ce bout de tissus, je lui pris le menton du bout des doigts et lui fit tourner la tête vers moi.


    - Quand Dastan est né.... Je...je suis morte. Je sais que c'est incroyable... je ne réalise pas moi même. Quoi qu'il en soit, je me suis retrouvée là bas. C'était un endroit si beau et je me sentais si bien, je n'avais plus mal, je n'étais plus angoissée, je n'avais plus froid. La seule chose qui m'empêchait d'être parfaitement heureuse c'était de te savoir encore ici. L'idée que j'ai pu t'abandonner ainsi que nos deux enfants m'était insupportable... je n'arrivais pas à oublier.

    Maintenant que les mots sortaient je me rendais compte qu'il aurait été facile que je lui en parle plus tôt, qu'en fin de compte s'était moi qui n'avait pas voulu engager cette conversation. Seulement par peur de passer pour une folle. Certes Hanegard en avait vu de pire avec moi, cela faisait longtemps qu'il aurait pu s'inquiéter pour ma santé mentale mais il était toujours là et bizarrement il m'avait toujours cru, du moins il avait toujours eu confiance en moi. Mais cette fois ? Parviendrait-il à croire une chose que j'étais bien incapable de lui prouver ?
    Je pris sa main dans la mienne pour me donner un peu de courage car j'en avais bien besoin en cet instant. Pourtant dès que j'évoquais Néera, je me détendis et un fin sourire illumina mon visage.


    - Et elle était là, assise sur ce banc.... Elle était si belle, si sereine, si rayonnante. A côté d'elle je n'avais plus peur. Elle m'a parlé, elle m'a dit que plus jamais je ne serais hantée par mes cauchemars. Elle m'a prit la main et j'ai sentis qu'elle faisait partir toutes mes peurs, elle voulait me faire oublier les angoisses qu'éveillaient encore Ilinsar. Tarkel et Jaime.... Elle m'a parlé de toi...et de tes mains...

    Je fis une pause pour essayer de me souvenir avec exactitude des mots qu'elle avait employé. Je baissais les yeux vers ses fameuses mains et je les vis ainsi que Néera me les avait décrite. Rouges. Couverte de sang. D'abord surprise mon cœur manqua un battement et j'eus un léger sursaut de surprise avant de me rendre compte que mon esprit m'avait à nouveau joué un tour. Je me souvins avoir sentit les réticences de la Déesse lorsqu'elle m'avait parlé de mon époux, le sang qu'il avait versé lui était insupportable et elle lui en voulait probablement comme à chaque homme et femme qui s'autorisait d'ôter la vie des autres. Peut-être qu'un jour je pourrais lui prouver qu'elle se trompait, qu'Hanegard était un homme profondément bon et que cette époque de sa vie était révolue, mais n'étais-ce pas prétentieux de vouloir faire changer d'avis une déesse ?

    - Lorsque je l'ai quitté agrégeais-je pour ne pas m'étendre sur le sujet de ses mainsElle m'a demandé de ne pas l'oublier. Je sais qu'elle veille sur moi c'est étrange n'est-ce pas ? Mais...cette vision que j'ai eu, elle m'avait prévenu que je verrais des choses que je n'étais pas censé voir. Pour moi ça veut dire.... ça veut dire que je dois rejoindre le rang des adeptes du temple...Elle m'a offert la chance de revenir auprès de vous, je dois à mon tour me rendre utile, en son nom...

    Avais-je été suffisamment claire cette fois ? Je n'osais plus lever les yeux de nos mains enlacées. Je savais qu'il devait être en train de digérer tout ce que je venais de lui dire.
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MessageSujet: Re: Un don du ciel ?   Un don du ciel ? I_icon_minitimeLun 19 Déc 2011 - 20:01

Jena semblait avoir du mal à se lancer, aussi je la laissais trouver les premiers mots en attendant patiemment. Je me doutais que cela devait être particulièrement difficile pour elle, et mieux valait éviter de lui complexifier encore plus la tâche en la harcelant de questions impromptues et surement faussées. Revenant s’asseoir à côté de moi, elle me fixa au fond des yeux et je pus sentir tout l’amour qui brillait en elle… oui, cette lumière, cette joie que je croyais disparue brûlait de nouveau sans que je comprenne pourquoi.

D’une voix un peu entrecoupée, Jena commença par m’expliquer la réalité de sa « mort ». Pas clair, hein ? Évidemment, si vous expliquez comme cela que vous étiez dans l’au-delà et que vous vous êtes retrouvé dans un endroit merveilleux où les biquettes poussent sur les arbres, vous pouvez vous attendre à créer un léger sentiment d’incrédulité dans votre auditoire. Enlevons les biquettes toutefois, mais l’idée générale reste bien la même.

Les mots venaient plus facilement, un peu comme une brèche dans un barrage qui s’élargit sous la pression des flots. Là par contre où j’eus plus de mal fut lorsqu’ « Elle » arriva sur le tapis. Le terme quelque peu générique ne me parlait guère, et ses actions guère plus. Cette… personne… je suppose… semblait la cause du retour heureux de mon épouse et de la remontée de la pente enclenchée depuis lors. Ce ne fut que lorsque Jena parla du temple que le déclic se fit enfin.


Tu… tu as rencontré Néera ?

Oulah, pause, mollo, stop. Là je viens de faire sauter un fusible mental et je dois le changer. Jamais je n’aurais imaginé que ma femme puisse me mentir sur un sujet d’une telle importance, et pourtant j’avais du mal à y croire. L’idée qui tournait en rond dans ma tête depuis quelques minutes se trouvaient désormais en pleine lumière et la vision d’ensemble du puzzle apparaissait.

L’aile… le retour à la vie… la joie… Nazaref en crise mystique… l’arrêt des cauchemars. Oui, derrière tout cela se trouvait une main unique, et une main en rien humaine. Pour autant, comprendre et accepter sont deux concepts différents, et l’esprit humain se rebelle dès lors que les limites de sa compréhension sont atteintes.


Je n‘arrives pas à y croire… et pourtant je sais que tu dis vrai. C‘est… c’est…

Je ne trouvais pas mes mots. Imaginer rencontrer un dieu… bien sur que je savais cela possible, leur existence ne faisait pas le moindre doute à mes yeux et il pouvait agir. Mais de là à les voir intervenir dans nos vies et imaginer Jena en train de tailler le bout de gras avec Néera, admettez que je puisse avoir un peu de mal à l’encaisser.

Respirant profondément, je me levais à mon tour et marchait un peu dans la chambre, essayant de remettre mes idées en ordre. Guère aisé, ni mon éducation ni mes expériences précédentes ne m’avaient entrainé à gérer ce genre de nouvelles. Revenant m’asseoir, je repris :


Si je m‘attendais à… mais cela explique bien des choses. Et moi qui me demandait quelle crise avait piqué Nazaref ce jour là. Lui aussi à du recevoir un sacré choc en voyant la marque de l‘Aile.

Un petit rire nerveux en revoyant la scène désormais plus compréhensible. Mais une idée inquiétante prenait peu à peu naissance en moi. Que Jena veuille rejoindre les rangs des disciples de Néera, cela se défendait. Avoir rencontré un dieu suscite ce genre de vocation, je l‘admets bien volontiers. Mais qu’en serait-il des impacts dans sa vie ?

As-tu parlé au Grand Prêtre ? De Néera ? De nous ? Je… je ne… Jena, je ne veux pas te perdre…

Que voulait dire devenir adepte de Néera ? Du peu que j’en savais, la plupart se trouvaient être des enfants et non des jeunes femmes, mariées et mères qui plus est. Allait-elle devoir s’enfermer au temple pendant des années ? Allait-elle devoir me quitter ? Je ne pouvais croire que la déesse me l‘ait rendue pour la reprendre aussitôt… mais je n‘étais plus sur de rien désormais.
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MessageSujet: Re: Un don du ciel ?   Un don du ciel ? I_icon_minitimeMer 21 Déc 2011 - 10:02

    Différentes expressions se succédèrent sur le visage de mon époux, j’en aurais presque ri si la situation n’avait pas été si sérieuse. En effet nous abordions un sujet qui pouvait changer considérablement nos vies et malgré le petit rire nerveux qui le secoua à l’évocation de Nazaref, Hanegard gardait quand même le nord. Mon désir d’entrer dans les ordres n’était pas sans conséquence. Pour nous, pour nos enfants et même pour la Baronnie toute entière. Nous étions devenus, depuis peu certes, des figures politiques d’Alonna et il aurait été presque inconcevable que la Baronne quitte ses fonctions pour vivre en recluse dans un temple, abandonnant mari et enfants. Non, cela n’aurait servi qu’à délier les langues acerbes et à propager des rumeurs d’adultères ou autres horreurs dans le genre.
    Evidemment le Grand Prêtre de Néera m’avait déjà parlé de tout cela et bien qu’à ce moment mon choix n’était pas arrêté, il m’avait montré combien ma présence au sein de l’Ordre permettrait de redonner confiance aux fidèles de la déesse. Pour lui, j’avais été choisi par Elle pour venir en aide au peuple d’Alonna et quoi de mieux pour cela que de devenir moi-même l’une de ses adeptes.

    Lors de notre rencontre le Grand Prêtre m’avait expliqué également ce que serait ma vie parmi les adeptes. J’avais posé mes questions et bien que les réponses m’aient quelque peu rassurées, je n’avais pas pu me résoudre à laisser derrière moi Hanegard, Liliana et Dastan. Je savais que mon époux pouvait comprendre mon choix, de la à l’accepter c’était une toute autre histoire mais, mes enfants étaient bien trop jeunes pour comprendre l’absence de leur mère. Mais pour l’heure il ne s’agissait d’expliquer cela à ma fille de un an et mon fils de quelques jours à peine.


    - Je lui ai parlé de tout cela il y a quelques jours. Nazaref lui avait déjà tout raconté à propre de l’Aile et de mon retour …inattendu. Il m’a tout de suite expliqué que ma place était au temple, auprès des adeptes pour suivre la voie de Néera…et il a raison. Je sens l’appel de la déesse, chaque jour j’ai presque…besoin de me rendre au temple…

    Mais cela ne devait pas aider Hanegard à se sentir mieux, je le voyais sur son visage. Comme j’allais souffrir d’être séparée de lui…
    Bien que le Grand Prêtre m’ait affirmé qu’il ne s’agirait que d’une à deux semaines par mois, c’était tout de même déchirant. D’autant qu’il m’avait clairement expliqué les règles auxquelles étaient soumis les adeptes. Pas de visite, pas de lettre, pas la moindre information sur ce qui pouvait bien se passer à l’extérieur… une réclusion totale de plusieurs jours, consacrés uniquement aux prières et aux divers apprentissages.
    Lorsque je m’étais écriée qu’une épouse et une mère de deux enfants en bas âge ne pouvait se passer de nouvelles et visites, il m’avait regardé avec ses yeux d’aciers et m’avait sourit. Pendant une minute il n’avait plus rien dit avant de baisser légèrement la tête comme s’il me saluait et m’avait dit qu’il accepterait juste une ou deux lettres si mon désir était de les rejoindre. C’était trop peu….mais mieux que rien pensais-je maintenant que je savais ce qui m’attendait.


    - Le Grand Prêtre m’a dit qu’étant une élue de Néera, il était probable que je ne reste pas une simple adepte, il veut que je suive la voie de la prêtrise et pour cela… je devrais consacrer plusieurs semaines au temple. Mais ne t’inquiète pas, il s’agirait juste d’une ou deux semaines par mois…. Je resterais près de vous le reste du temps.

    J’avais serré un peu plus sa main en prononçant la dernière phrase. Je voyais qu’il était inquiet pour notre avenir et cela me touchait profondément. Moi aussi j’avais d’abord cru que le culte de Néera n’était pas compatible avec ma situation d’épouse, mais le Grand Prêtre m’avait rassuré sur ce point et puis, après tout, Néera m’avait choisi pour l’amour que je portais à ma famille…dans ce cas pourquoi aurais-je du tout quitter ?
    Passant mes bras autour du coup d’Hanegard je me glissais sur ses genoux pour me serrer contre lui. J’avais besoin de son soutien et bizarrement, de son accord aussi.


    - Tu ne me perdras pas mon amour. Jamais. Mais je veux….j’ai besoin de savoir si tu comprends mon choix…. Si tu l’acceptes aussi. Je ne veux pas que cela nous éloigne l’un de l’autre. Pour moi tu es bien plus important que n’importe quelle Déesse.

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MessageSujet: Re: Un don du ciel ?   Un don du ciel ? I_icon_minitimeSam 24 Déc 2011 - 10:24

Deux semaines par mois de présence au temple ? La déesse nous demandait un prix élevé, nous le savions tous les deux, mais une formation de prêtresse ne pouvait certainement pas se faire à domicile. Je comprenais la logique derrière tout cela, mais cela ne rendrait pas la séparation plus aisée pour autant. Savoir que ma femme se trouverait à moins d’une lieue de moi, dans ce temple que je pouvais aisément voir des murailles de la citadelle, et ne rien savoir de ce qui s’y passait… non, cela ne serait vraiment pas aisé.

Oh, j’avais toute confiance dans le Grand Prêtre. Je me doutais bien que Jena serait en parfaite sécurité et qu’il ne risquait rien de lui arriver. Il ne s’agissait pas tant pour moi d’inquiétude que de tristesse et de déchirement. Depuis que nous nous étions rencontrés, peu après mon arrivée à Alonna, jamais nous n’avions été séparés au-delà de quelques jours. Parler de sa « moitié » pour son conjoint s’appliquait parfaitement à notre couple, et voilà que cette moitié serait amputée par moments.

Pour autant, que pouvais-je faire contre la volonté d’une déesse ? Et d’ailleurs, devais-je seulement envisager le cas contraire ? Je ne niais pas que depuis sa résurrection, bien que le terme ne soit pas vraiment correct, Jena retrouvait sa joie de vivre perdue suite à sa rencontre avec la maléfique et cruelle Ilinsar. Sa tristesse, sa mélancolie, ses cauchemars… Néera avait réussi à bannir les ombres qui l’entouraient et de cela je lui en serais redevable à tout jamais.

Non, je ne pouvais pas m’opposer à la voie que la déesse traçait sous nos pas. Elle ne demandait pas à Jena de me quitter définitivement pour la servir, juste de lui accorder une partie de son temps. Après ce qu’elle avait fait pour nous, elle aurait pu exiger bien plus.

L’enlaçant, je déposais un baiser sur ses boucles brunes et murmurais :


Je comprends et j’accepte ton choix, chérie.

C’était fait. A cet instant ma femme mettait ses pas dans une nouvelle direction, et de par le fait moi aussi. Le temps passait, et la demoiselle de compagnie devenue baronne portait désormais en elle la bénédiction d’une déesse. Je crois que ni moi ni elle n’aurions pu imaginer à quel point nos vies allaient changer lorsqu’avec mon escorte je m’approchais, à peine nommé régent d’Alonna, de la massive forteresse, et qu’elle servait les plans tortueux de dame Camilia.

Le temps passait inexorablement, et nous devions avoir foi en la déesse. Jusqu’à présent le bonheur partagé au sein de notre couple ne nous faisait pas défaut, et cela aussi devait la réjouir. Jena deviendrait prêtresse de Néera, c’était écrit, et au fond peut-être s’agissait-il là aussi d’un cadeau de la déesse, un cadeau dont nous ne comprenions pas encore la valeur.
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