Prénom, surnom, nom. Nienor ,’Lhûghen’, Caradryan.
Âge. Sept siècles.
Sexe. Féminin.
Race. Elfe.
Particularités. Yeux vairons (l’un azur, l’autre marin), dont un œil (le gauche) doté d’une pupille verticale, ce qui lui valut son surnom, Lhûghen, Œil-de-Dragon.
Alignement. Loyal neutre.
Métier. Protectrice de Caradrya.
Classe d’armes. Corps à corps, distance.
Possession, équipement. Nienor dispose tout d’abord des trois grands symboles de pouvoir de la lignée Caradryan : le trône d’achènes, l’armure de chitine et l’épée de Kohril.
Le trône d’achènes n’est pas, en soi, une possession, un objet. C’est un hêtre planté au cœur même d’Amon-Carad, dans la haute salle, une pièce servant de bastion, de fondation et de lieu de rassemblement à la Cour caradryenne. Ce hêtre, au feuillage pourpre et au branchage tortillard, forme un trône de tiges, d’écorces et de feuilles violines. Siège des anciens rois de Carad puis des Protecteurs de ces mêmes terres, il est le centre de la vie politique et spirituelle de Caradrya ainsi que de sa maison éponyme, le symbole même de l’enracinement indéfectible des Caradryens à leur patrie et l’instrument calendaire du pouvoir.
Car cet arbre-trône, en plus de son caractère sacré et fédérateur, a une véritable fonction de régulateur du politique. On observe avec attention la première feuille morte, si elle chute ou non, et, le cas échant, quand. Un Protecteur siégeant sur un trône d’achènes aux branches dénuées de ses feuilles ne dispose pas des mêmes prérogatives qu’en cas inverse. Véritable miroir de Caradrya, de son état et de sa relation avec les dieux, ce trône d’achènes est l’objet de toutes les attentions, si bien qu’en d’autres temps, les anciens rois n’hésitaient pas à user de sorcellerie pour le maintenir dans l’état désiré. Ainsi, on compte ses feuilles, on broie ses faînes pour en faire le pain d’hêtre, nourriture honorifique accordée aux preux et aux sages, on note son état et prépare les décisions, les unions ou encore les actes religieux en conséquence.
Après cette chaire plurimillénaire vient l’armure de chitine. Celle-ci est quant à elle plus liée au décorum de la maison Caradryan qu’au Protectorat lui-même. Cette protection, composée d’une chitine violacée, enveloppe le corps des aînés Caradryan depuis des siècles, et encadre leur faciès d’un heaume ouvert composé d’une tête d’araignée géante. Cette armure seraient issue d’une chasse acharnée entre un ancêtre de la lignée et un arachnide titanesque terrorisant alors les alentours. L’issue de cette lutte, l’armure la raconte.
Enfin, dernier symbole – plus attaché, cette fois-ci, à un individu, Kohril l’Araignée, plutôt qu’à un lignage ou une terre –, l’épée de Kohril. Lame longue elfique, aux quillons inversés (l’un vers la lame, l’autre vers le pommeau), elle se manie à deux mains. D’une légèreté et d’un équilibre frisant la perfection, elle se termine en une pointe légèrement courbée, ce qui n’enlève rien à la sinistre efficience de son estoc. Nienor s’étant toujours refusé à porter l’armure de chitine, elle ne s’est cependant pas gênée pour faire sienne cette épée hautement symbolique.
Passées ces ‘possessions’ d’une valeur politique plutôt que pratique, on retrouve un équipement martial beaucoup plus classique, bien que toujours très caradryen. La Protectrice, pendant plus de deux siècles dame d’atours de Carnadhiel Caradryan, surnommée la Dame d’Airain, est enferrée depuis son plus jeune âge dans la culture militaire locale. Dédaignant l’arc d’Anaëh, elle lui préfère, comme tout bon guerrier de Fort-Carad, les javelines ; doutant du bouclier, elle manie l’épée longue ; et, bien entendu, la dague, courbe et polyvalente, propre aux gens de la contrée, bat toujours sur sa hanche. Tout cet attirail martial s’accompagne d’une cotte de maille elfique portée, le plus souvent, sous quelques couches de soie, de lin ou de légères batistes.
Bien sûr, elle ne s’attife pas ainsi tous les jours, et lorsqu’elle est appelée à des affaires plus urbaines, elle se recouvre de robes d’apparat, de gazes, de châles et de bijoux, plumitifs, métalliques voire pierreux. Car elle affectionne autant les ferronnières rehaussées de lapis lazuli et d’émeraudes que les anneaux d’ambre, en grandes quantités dans ces terres, les bracelets d’argent, les diadèmes d’or, etc. ,etc.
Description physique. Si l’habit fait le moine, Lhûghen en est le parfait contre-exemple. Parée d’atours chatoyants, de châles richement brodés, cette elfe à la longue chevelure blonde, soigneusement peignée, nattée en de complexes et graciles entrelacs codifiés, au corps recouvert d’arabesques au henné, resplendit d’une beauté tout elfique. Son visage, long, presque émacié, d’une pâleur indéfinissable où la pureté d’un nacre lunaire le dispute à une sorte d’aura indicible et dorée, dégage quelque chose de froid et de parfait, une magnificence inhumaine, à la limite de l’oppressant. Une bouche ourlée, soutenue par une lèvre inférieure sensuelle, vient un peu tempérer cette joliesse de statue, mais lorsque l’on remonte enfin vers son regard, on est partagé entre un sentiment d’écrasement par le sublime et de terreur par l’hideux.
Car si l’œil droit de la dame ne fait que renforcer la beauté lisse de l’elfe, l’œil gauche, l’œil-de-dragon, produit en nous un effet profondément répulsif. En observant Nienor sous la lumière de cette pupille verticale et étroite, son faciès prend des allures vipérines, le visage quasi divin devient gueule abjecte. Comme si l’éclat de cet œil contre-nature dénaturait le sublime qui l’entoure, le modulant le temps d’un regard et forçant le curieux à découvrir, au lieu des traits parfaits, une atroce laideur, une horreur monstrueuse.
Description mentale. Cette dualité d’yeux, miroir de l’âme comme on aime à le dire, aurait pu laisser présager une personnalité éparpillée, entredéchirée entre une volonté monstrueuse et un esprit s’accomplissant dans la quiétude. Il n’en est rien, et pourtant, ces deux formes de pensée, qui peuvent paraître si opposées, se combinent en un tout paradoxal d’un point de vue humain voire elfique. Cette structure mentale, en effet, se retrouve, dans une moindre mesure, chez bon nombre de Caradryens. Les siècles de régence de la Dame d’Airain puis de l’Araignée ont en effet forgé un esprit tout à fait original en Anaëh, où les violences les plus basses sont devenues coutumes, habitudes et loi. Et l’on peut dire, en quelque sorte, que Lhûghen personnifie ce mode de pensée.
Prise sous l’aile de Carnadhiel Caradryan dès sa plus tendre enfance en tant que suivante, Nienor fut tout bonnement conditionnée par une éducation rigide où fanatisme guerrier et pragmatisme cynique s’entremêlaient de la façon la plus naturelle. S’appuyant sur ses suivantes, ses Yuluhatal, les Porte-Lances, Carnadhiel exigeait d’elles un dévouement total. Dames d’atours, Servantes, âmes damnées, émissaires, légates, guerrières, boucliers de chair, les Yuluhatal formaient un noyau dur autour de la Dame d’Airain, une sororité restreinte, unie par un endoctrinement aveugle, renforcée par une promiscuité permanente. Qu’on s’imagine, des cinq Yuluhatal qui combattirent au côté de Carnadhiel lors de son ultime bataille, deux moururent en faisant barrage de leur corps aux cimeterres noirelfiques et deux autres quelques années plus tard, rongées par le chagrin et la honte de n’avoir pas reçu la dondaine qui tua leur maîtresse à sa place. La cinquième, Nienor, disparut au lendemain de la bataille et ce pendant plusieurs années qu’elle aurait passé, dit-on, à errer dans Faélia, assassinant tout être armé d’une arbalète.
Quatre siècles se sont écoulés depuis, et Nienor ressent encore la marque cuisante de l’échec. Mais elle y a survécu, et depuis, la machine qu’avait créé la Dame d’Airain continue à fonctionner, à pratiquer ce pour quoi elle avait été prise sous l’égide de Carnadhiel. Voilà qui est Nienor, voilà pourquoi elle cristallise ce curieux mode de pensée distendu entre sérénité et monstruosité. Elevée dans le dogme de la supériorité elfique, programmée pour défendre à tout prix Amon-Carad, elle n’a certes pas l’aigreur et la haine naturelles des Caradryan originels pour tout ce qui vit en dehors de leurs terres, mais est animée d’une force implacable et silencieuse, une éducation ayant pour but la destruction de tout ce qui peut nuire à la maison Caradryan.
Histoire. - Citation :
- Elles étaient toutes belles et de haute naissance, à la fois braves et de grande science, les Porte-Lances de Dame Carnadhiel. Mais parmi les Yuluhatal, il y en avait une plus terrifiante que les autres : c’était Nienor, fille de Gwyrän, qu’on appelait Lhûghen, Œil-de-Dragon.
Findel Tinfyl, Chroniques de Caradrya
Etait-elle, vraiment, de noble ascendance ? Son père, Gwyrän Nahtalhûgi, Tueur des Dragons, n’était-il que pure invention ? L’avait-il remis à la Dame d’Airain par choix, pour assurer à sa fille (unique ?) un chemin de gloire, ou bien l’avait-il concédé à cause d’un quelconque serment, d’une promesse fatale à l’enfant ? Et son œil, son œil si monstrueux, le tenait-elle de ce paternel entiché de drakeries, d’une union aussi saugrenue que sacrilège, d’une malédiction ? Etait-elle seulement née avec ce regard vairon, contre-nature, ou bien était-ce Dame Carnadhiel qui, par quelque magie, l’avait rendu ainsi ?
Nienor l’ignorait. Elle s’était déjà posé ces questions, sans jamais oser s’en enquérir auprès de sa maîtresse. Elle était, alors, trop jeune, trop intimidée par cette femme si puissante, si déterminée. Et puis elle grandit, et sa peur de la Dame se transforma en une terreur sacrée, si bien que tout cela ne compta plus beaucoup pour la Yuluhatal. Les remarques sur son étrange regard, rares, étaient encaissées avec indifférence. C’était un acte de foi envers sa maîtresse, une façon d’éprouver son abnégation. Elle sacrifiait son individualité sur l’autel Caradryan. Elle était Lhûghen, Œil-de-Dragon, car c’était ainsi que la surnommaient la Dame et ses sœurs, les Yuluhatal. Et c’était tout.
« Ma Dame… »
Cela faisait si longtemps qu’on ne prononçait plus ce quolibet devant elle. Près de quatre cents ans… Cela lui manquait un peu. Le surnom, les sœurs, les entraînements… Installée sur le trône d’achènes, elle rêvassait à cette époque perdue à jamais, à cette enfance marquée par les brimades, la réclusion, mais aussi ponctuée par le filage, l’apprentissage des traditions et des esthétiques. Le son du luth et de l’épée, les débats sur les dieux et les lois, les entraînements au javelot, la joie suprême de se démarquer dans une de ces disciplines devant Dame Carnadhiel. Elle se rappelait de cette fois, cette toute première fois où, en une quinte bien amenée, elle avait jeté à terre sa grande sœur, la favorite de la Dame. Et encore cette fois où, observant le tissage de Nienor, elle la récompensa d’un « Bien » laconique.
« Dame Nienor. »
C’était sûrement pour cela qu’elle avait perpétué la tradition des Yuluhatal après sa disparition. Lhûghen n’avait jamais pensé une seule seconde que cette enfance confinée, que cette éducation sacerdotale faite de compétitions entre ‘sœurs’ rivales et complices, n’était pas la bonne façon de s’y prendre, que ces siècles d’endoctrinement fanatique formaient des créatures plutôt que des femmes épanouies. D’ailleurs, personne ne semblait penser ainsi ; comment expliquer, alors, tous ces Caradryens qui offraient leurs filles à Lhûghen ? Certes, cela pouvait s’expliquer en trois phrases : les siècles de la régence avait tourné cette terre vers la guerre, la défense d’Amon-Carad. Dès lors, quelle meilleure façon de servir le bien commun qu’en protégeant la Maison Caradryan ? La Dame d’Airain marquait, quatre siècles après sa mort, les esprits comme jamais. La légende des Yuluhatal avait fait son chemin. Instruites dans les arts et les matières de la sapience comme dans la discipline et le métier des armes, les elfes qui avaient l’honneur d’être accueillies étaient considérées comme des élues, les meilleures femmes du monde. Les parents, bien sûr, ne comprenaient pas cette froideur, cet esprit de calcul qui s’emparaient de leur progéniture, mais ils considéraient cela comme normal, comme si vivre dans l’entourage de la Dame d’Airain ou de ses Suivantes vous élevait à un état de conscience supérieur, épuré du futile, de l’inutile.
« Dame Nienor ! »
C’était sûrement à cause à cette relation si proche entre Caradryens et Caradryan qu’elle avait été élevée au rang de Protectrice. Si les autres elfes pouvaient se séparer de leur Maison Protectrice sans trop de difficulté, Caradrya considérait qu’elle ne pouvait être guidée que par la Maison Caradryan. Cette dernière, en effet, avait toujours régné sur cette marche, et le caractère frontalier de cette terre avait forgé un sentiment de forteresse assiégée chez les habitants. Une sorte d’esprit de corps articulé autour de leur Protecteur s’était naturellement développé. Aussi, lorsque le dernier Caradryan disparut, il y a de cela près de sept années, on avait décidé de s’en remettre à l’adrogation. On avait proposé Nienor aux esprits, aux nobles, au peuple et à la Déesse. Ils avaient tous accepté. Et ainsi, Nienor entra dans la Maison Caradryan. Le lendemain, le Conseil la créa Protectrice.
C’était, à leurs yeux, la seule solution. Des pactes et des serments éternels faits à la Maison Caradryan les avaient tous liés ; sans elle, le chaos s’installerait, l’édifice s’écroulerait, et les menaces extérieures s’engouffreraient dans la brèche. C’en serait fait de la marche du nord, donc d’Anaëh tout entier.
Un raclement de gorge. Nienor sortit de ses rêveries nostalgiques. La Cour tout entière la fixait sans ambages. Les druides aux robes de peaux et de fourrure, les rôdeurs hirsutes, les seigneurs et guerriers chevelus, les dames et les prêtres, tous la toisaient dans un silence réprobateur.
« Dame Nienor, disais-je… Le nord, à nouveau, est sans guide. Dame Rhiwhiril est morte, la Protectrice d’Holimion a rejoint le grand pays. »
« Oh. »