Dits et faits sur la querelle de Sainte-Berthilde

Citation :

A mon frère, Grégoire de Berdevin, comte d’Odélian, seigneur supérieur d’Etherna, protecteur des marches orientales, etc., etc.

Il me semble être passé des siècles depuis que je vous écrivis et vous côtoyai pour la dernière fois. Mes séjours dans vos contrées et vostre hospitalité, qui en tout temps mirent de la joie dans mon cœur, ont laissé place à l’ingratitude de la petite gent de Diantra, la renardie des hommes de mon bon-neveu Eliam et les volontés capricieuse de la Cour divine. Comme vous en fûtes informés, les prêtres de la Damedieu m’ont convaincu de l’impiété de mon union avec dame Blanche, ma cousine et jusqu’à présent femme, et si la logique protocolaire voudrait que je vous appelasse cousin, je pense que les hommes de valeurs peuvent, entre eux, se nommer frères l’un l’autre.

Je crains que cette missive ne délivre encore d’autres nouvelles que vous savez déjà : j’ai appris, alors que je chevauchais dans les terres du félon d’Erac, Léandre d’Haren, que le comte d’Arétria leva une forte armée d’Olysséens et d’Arétan pour marcher contre sa cousine, Arsinoé de Sainte-Berthilde. Si je puis vous révéler mon avis et opinion, c’est que ledict comte se fait grande honte et m’afflige grande trystesse, mais je ne dirai les choses plus amplement, car j’ignore plus que ne sais à cette étrange querelle.
Aussi vous ai voulu vous dépêcher cette nouvelle pour vous avertir du tout et m’enquérir du reste. Prudence contre le Renard, mon cousin, s’il agit sauvagement et se lie avec les mauvaises gens contre sa parentèle, il n’en reste pas moins un matois animal.

Vostre féal cousin.

PS. Veuillez trouver ci-joint un arc long, même si ça ne marche pas chez vous.

Grégoire n’était pas le genre d’homme a rêvasser, cependant il lui arrivait parfois de rester assis à son bureau, droit dans sa chaise et les yeux plongés dans l’abîme. A quoi pouvez bien penser l’homme : à l’intendance ? A son comté ? A sa dame et leur enfant à naitre ? A de sombres secrets ? Ou à la situation qui régnait sur la péninsule ? Un bruit contre la porte le sortit de sa médiation et autorisa à ce que l’on entre. Là, un servant accompagné d’un garde qui tenait un arc long se présentèrent au comte, le domestique lui tandis une missive qui portait le sceau d’Aetius d’Ivrey. Cela faisait longtemps que Grégoire n’avait plus de nouvelles de son frère de loi, mais il faut dire que le bougre avait été occupé. Depuis la mort du roi, le comte de Scylla était devenu régent du royaume et sénéchal des armées royales, il avait dû mater la révolte qui avait grondé à Diantra et dans l’urgence effectué le couronnement de son neveu. Mais la cérémonie officielle, celle devant rassembler les grands nobles terriens afin d’effectuer l’hommage lige, celle-ci tardait à arriver. L’explication tenait sans doute dans ce qui se tramait dans la péninsule en ce moment même et qui était conté dans la lettre lorsque Grégoire Décacheta celle-ci. Parcourant ainsi le message, celui-ci confirma les troubles qui sévissaient en Erac entre ser Léandre d’Haren et les armées du sénéchal. Mais un conflit était bien plus proche des frontières du comté, du marquisat : le brigandage du marquisat de Saint-Berthilde par ses propres vassaux. Le comte avait entendu que quelque chose se tramait chez le voisin et son frère lui faisait une description correcte de l’animal qui avait, peu avant le conflit, essayer de courtiser le baron d’Etherna afin de le rallier à sa cause. Le seigneur de Rochepont souhait avoir la main mise sur la moitié du nord ? Après avoir mis Olyssea dans son lit, il voulait s’attaquer à sa propre cousine, l’homme assurément ne savait faire autre chose que de s’en prendre aux dames. Si le marquisat était uni et ses armées réunies dans la paume de la main d’un seul homme, cela pourrait fortement déséquilibrer la balance des pouvoirs au sein du nord du royaume. Grégoire pensa à cet instant qu’il avait bien été avisé de ne pas avoir élevé cette petite gouape d’Aarnis d’Ack au rang de baron d’Etherna sinon aujourd’hui une énorme partie du nord aurait été sous la coupe de cette famille de culs-terreux.

Après avoir pris le temps de réfléchir, le comte écrivit trois missives, la première était destinée au régent :

Citation :

A l’intention de sa grandeur, Aetius d’Ivrey comte de Scylla, vicomte des Calamerrèse, régent du royaume, sénéchal des armées royales… ,

J’ai grand joie mon frère d’avoir de vos nouvelles malgré la teneur de celles-ci. J’ai appris malheureusement les tragiques événements qui se sont déroulés dans votre maison et qui vous ont conduit à vous séparer de votre épouse; sachez mon frère que je vous accompagne dans cet instant difficile. Peut-être que cette réjouissante nouvelle vous mettras en joie en sachant que ma mie, Madeleyne est ronde et espérons le me donneras un fils.

Concernant la situation politique de la péninsule, celle-ci est en effet alarmante et je n’aimerais pas occuper la place qui est la votre aujourd’hui. Jugulant la révolte de Diantra et essayant d’apporter une stabilité dans un royaume en proie au doute, la rumeur veut que l’on vous craigne ou au pire, que l’on vous méprise, l’une de ces rumeurs dirait même que vous à êtes un régicide. Comme on pouvait aussi s’y attendre les couards et autres maroufles profitent du flottement dû à la mort du roi Trystan pour enfin s’adonner à leurs bassesses et aux rapines qui en découle. Cependant même si aucuns de ceux-ci ne possède le bon droit certains possèdent au moins l’honnêteté de leurs prétentions. Ainsi vos informations concernant l’animation qui se déroule dans le marquisat de Saint-Berthilde corroborent les miennes : une armée coalisée se tient sous les murs de la citée et prétend vouloir y placer un châtelain local, sans doute une marionnette dont de Rochepont tirerait les ficelles.

Je vous remercie donc de vos informations et de vos inquiétudes et je vous fais part des miennes. Odélian va donc faire le nécessaire afin de savoir ce qui vaut tant de déploiement face à la seul présence d’une simple femme et je me tiens à votre disposition si ma présence vous était nécessaire.

Que les cinq veillent sur votre personne et sur votre maison,

Comte Grégoire d’Odélian.

Les deux autres missives étaient destinées respectivement à la marquise de Saint-Berthilde et au comte d’Arétria. Une fois les courriers cachetés par son sceau, le comte appela afin que les messages soient remis le plus vite possible aux différents destinataires puis il donna des ordres :

" Que l’on lâche les corbeaux et que l’on batte la campagne afin de lever le ban, que l’on descende jusqu’à Etherna, Odélian se prépare à la guerre. "

Alors que le soleil n'était pas encore arrivé à son zénith, celui-ci tapait déjà sur les tentes et la boue du camps des assaillants de Sainte-Berthilde. En ce mois de Barkios, alors que le siège persistait devant les portes de la citée deux missives portant le sceau du bélier furent transmises aux deux protagonistes de cette querelle imbécile. Ainsi la première lettre fut remise à la marquise :

Citation :

A son excellence la marquise de Saint Berthilde, Arsinoé d’Olysséa,

Je doute que votre récent retour en vos terres ainsi que les récents événements qui les troublent ne vous aient laissé le temps de vous familiariser avec toutes les maisons de la péninsule. Je ne mets pas en doute votre érudition ni les informations que vous possédez cependant afin de palier à toute gène je tiens à me présenter convenablement. Mon nom est Grégoire Berdevin, fils d’Hubert Berdevin, seigneur de Dens, comte d’Odélian.

Ma lettre pourra vos paraitre étrange, alors que ne nous connaissons pas, mais il semble que la situation qui règne au sein de vos terres puisse être inquiétante. Mon frère de loi, le comte de Scylla et régent du royaume m’a fait parvenir une missive dans laquelle, ce dernier décrit assez sommairement qu’une agitation secoue votre marquisat. Mes propres informations m’apprennent que vos vassaux et parents ont levé une armée contre vous et qu’un siège a débuté-au moment même où j’écris ses lignes-sous vos murailles. Je doute que c’est l’accueil qu’une dame, qu’une marquise et qu’une parente s’attendait à recevoir sitôt rentrée au pays afin d’avoir la lourde responsabilité d’administrer ses terres, vos terres.

Ainsi donc, le régent vous a désigné et m’a enjoint à venir vous épauler dans cette terrible épreuve. Cependant contrairement à vos vassaux félons qui une fois devant vos murs avec une armée vous honore une fois encore de fausses promesses, je serais avec vous d’une franchise rude mais juste. Odélian et Etherna ne vous sont pas vassal ou encore suzerains, nos régions ne sont pas alliées et tout ce qui pourrait nous rapprocher et le terme voisin. Ainsi chacun pourrait s’interroger sur mes intentions de prendre part à ce conflit et ses interrogations seraient légitimes. Si je consens à intervenir c’est d’abord et avant tout car cette situation pourrait venir à déséquilibrer l’équilibre des forces siégeant dans le nord et que le régent m’a inviter à examiner votre cas. De plus sachant que je ne supporte pas les révoltes ni la félonie ce dernier a sans doute cru bon de me voir intervenir pour calmer les ardeurs de seigneurs que je qualifierais de vassaux renégats s’il n’étaient pas de votre famille. Comme je vous l’aie annoncé je serais honnête avec vous et si Odélian et Etherna vous viennent en aide, celle-ci ne sera pas prodiguée par pure charité. Cependant ne vous inquiétez pas, mon but n’est pas de vous écartez de la lame froide d’un bourreau, pour ensuite vous passez la corde au cou et il sera toujours temps, une fois le conflit réglé de siéger sur la question.

Si mon aide vous intéresse et que vous acceptez ces conditions, alors ma dame, le comté d’Odélian ainsi que la Baronnie d’Etherna mettront leurs épées à votre service.
En attendant une réponse de votre part, que les cinq vous protège des affres de la guerre,

Grégoire Berdevin, comte d’Odélian.

La seconde fut remise au comte d'Arétria :

Citation :

A l’intention d’Anseric de la Rochepont, comte d’Arétria,

Messer j’ai ouïe dire que votre marquisat se trouve bien agité par les temps qui courent. Profitant de la débâcle, ne prenant même pas le temps et la peine de prier pour l’âme de son roi, vous voila armé pour la guerre. Complotant déjà depuis quelques temps, essayant même d’aguicher tel une vulgaire catin jusqu’à mon propre vassal, vous vous lancez à l’assaut de votre suzerain, d’une terre que vous croyiez désertée; ce fut votre première erreur. En effet messer vous voila en compagnie de vos gens non seulement en train d’attaquer votre suzerain, mais de plus vous vous attaquez à une dame qui se trouve être l’une de vos parentes. Bien sur tout le crédit de cette bassesse ne vous est pas totalement imputé car les étendards d’Olysséa flottent fièrement au côté des vôtres et une juste cause guide votre bras, voulant placer sur le trône un seigneur qui sera bon et juste avec le peuple.

La bienséance s’est joué de moi et j’ai oublié de me présenter, mon nom est Grégoire Berdevin, comte d’Odélian. Je pourrais me dire déçu que le premier échange que nous ayons se produise sur un tel ton car vous aviez la réputation d’être un homme droit. Cependant il semblerait que votre réputation est été usurpée et que l’homme qui se tient aujourd’hui devant les murailles de Saint-Berthilde soit un traitre doublé d’un lâche. Ainsi je vous informe que par l’autorité du régent Aetius d’Ivrey et par la présente missive, que le comté d’Odélian et la baronnie d’Etherna vont soutenir le marquisat de Saint-Berthilde. Je ne saurais trop vous conseiller de vous retirer vous et vos armées de même que de vous constituer prisonnier devant la personne de votre marquise afin d’être jugé pour parjure et traitrise.

Dans l’espoir que vous entendiez raison et que la voix de Mogar ne résonne pas trop lourdement à votre oreille,

Grégoire Bervedin, comte d’Odélian.