Excursion en Aduram [Anna]

C'était un pèlerinage, avec une attention quasiment religieuse, une mission. Anna avait souhaitée se rendre en Aduram pour une raison : en effet c'était là que Bahelaskross Khala'zzaa l'avait terrorisée, mais là aussi qu'elle avait rencontré Aidan. Ses sentiments étaient donc partagés à l'égard de ce lieu sauvage... Elle se souvenait y trouver des points d'eau potable et des baies sauvages comestibles. Quoi qu'il en soit se retrouver au grand air dans la forêt lui faisait du bien. La petite marche (environ sept jours depuis Diantra pour pénétrer de quelques pas dans la forêt) avait été facile, et rien de notable ne s'était passé en route. Anna avait insisté pour y aller seule, du moins cette fois. Sa peur ne pourrait être vaincue que seule face à son destin. Avait-elle l'ombre d'une chance ? Il le fallait... Anna pensait que si elle confrontait à cette épreuve, la douleur s'atténuerait peut-être. Après sept ans passé à ruminer cette souffrance, il était plus que temps d'y mettre un terme.

Finalement, une fois à Aduram, Anna fut tout de suite distraite par quelques champignons mangeables qu'elle ramassa pour plus tard, s'engageant sans hésiter sous le couvert des arbres. En effet, son sac de provision s'était considérablement vidé en six jours, bien qu'elle ait su le remplir convenablement au départ. Et la forêt ne prendrait pas ses écus comme monnaie. Inutile d'y compter. Comme elle commençait à être aussi à court d'eau, elle se mit en quête d'une source, pas si rares que ça dans le coin. Bientôt guidée par le bruit d'un courant.
Le bruit d'éclats de voix lointaines et incompréhensibles lui parvint, elle ne voulait pas croiser les gens à qui elles appartenaient. Trop risqué. Son instinct lui hurlait que ce ne pouvait être que des mauvaises rencontres. Elle fit donc un détour, puis sa route fût coupée par le ruisseau. Elle le traversa en en profitant pour remplir ses gourdes. Ses vêtements sécheraient bien assez vite sous ce beau soleil. Anna se rapprochait de Lante sans le savoir, mais elle bifurqua vers la forêt d'Anaëh. L'aventurière méritait bien l’appellation de "pommée", cela faisait trois jours qu'elle errait dans Aduram sans trouver l'endroit où Bahelakross l'avait brutalisé. Il lui faudrait rencontrer quelqu'un qui connaisse par cœur la forêt pour ce faire. Et s'en remettre à lui... Dur.
Elle avait mangé tous les champignons le premier et le troisième jour bien qu'elle les aient rationnés. Le deuxième jour Anna avait pu trouver des fruits sauvages toujours aussi délicieux, ce qui lui avait permit de tenir. Délicieux champignons, goûteuses fraises... Elle trouvait cette forêt hospitalière. Quant à la faune, elle était suffisamment discrète pour ne pas attirer les prédateurs et suffisamment bruyante pour faire fuir les proies, à part les Glargass... Enfin, jusqu'à présent. Mais elle tombait de temps à autre sur des marques qui témoignaient du passage de créatures plus impressionnantes (excréments, traces de pas...).

-C'est bien beau tout ça mais il faut que je choisisse une direction et que je m'y tienne maintenant... Allez... Est !

A moins qu'une âme charitable lui indique le chemin, cela allait la conduire en quelques heures droit chez les elfes. Mais elle ne le savait pas. Comment les oreilles pointues prendraient-ils l'intrusion d'une demi-drow sur leur territoire ? Pas très bien sûrement. Ils pourraient même décider qu'elle serait mieux morte.
La troisième nuit commençait à tomber sur Aduram, on voyait les derniers rayons du soleil filtrer à travers le feuillage épais. Comme d'habitude Anna dormirait nerveusement sur un lit de feuilles, sans couvertures, puisque le temps clément la réchauffait assez bien. (Et de toute façon elle n'en avait pas.) Mais comme d'habitude elle ne fermerait pas l’œil avant d'y être contrainte par l'épuisement, ce qui arrivait assez vite après des journées de marches dans la forêt, surtout lorsqu'on en a perdu l'habitude. Elle garderait son épée à proximité, tout contre elle en fait. La serrant telle une peluche... aiguisée et tranchante. Elle avait déjà terrassé un Jezzok rien qu'avec cette arme.
Il était environ quatre heures du matin lorsqu'Anna s'endormit, après avoir effacé toute panique de son esprit. Ceci expliquant le délai. Sans rien soupçonner de la petite fée qui l'espionnait discrètement, pourtant.

Elle rêvait d'Asaliah Leeyn, le sommeil avait mit le temps à venir et après les étapes de peur et de méfiance son inconscient lui montrait la personne qui lui avait donnée le plus de solutions à cela, qui avait su déjouer ses à-priori. En fait, la race elfique était une ethnie qui ne lui avait apportée quasiment que des bonnes choses. A l'inverse des Drows.

-Je n'ai cessé de vous attendre... J'ai moi aussi souffert de la solitude. Lui disait l'elfe, dans son invariable vouvoiement, d'un ton complice et chaleureux.

Ce n'était qu'un rêve mais il était diablement apaisant et réel... ça aurait pu être la réalité, oui. Ou était-elle tout autre et l'elfe l'avait-elle abandonnée comme la misérable qu'elle était ? En tout cas plus de réponses à ses lettres. Mais Asaliah se mit à crier, Anna se réveilla et réalisa que le cri était bien réel. Il n'avait duré qu'un bref instant. Un cri strident, une petite voix. Anna décida de faire semblant de dormir. Déjà tirée du sommeil ! Un sommeil fragile. C'était pas une nuit ça... En plein rêve agréable en plus. Ce qui était rare. Papillonnant des yeux, elle tendit ses oreilles de demi-drow à peine pointues et écouta.

-J'adore ces baies! Où les a t-elle trouvé?

Ces baies étaient très communes en Aduram, c'était quelqu'un qui n'était pas familier de la forêt. La voix très proche provenait de juste derrière elle, dans son sac... Quelque chose de petit, une créature, une fée peut-être... Elle ne voyait que ça. Anna n'avait pas très peur du peuple fée, mais avait entendu dire qu'ils disposaient d'une magie redoutable. L'aventurière détestait la magie or elle lui semblait moins menaçante du fait qu'elle n'ai jamais eu à la subir. Elle redoutait bien plus l'acier froid d'une dague meurtrière. Que fallait-il faire ? Refermer le sac ? Ce serait s'exposer à des représailles cependant, même si ça aurait été cocasse d'enfermer la fée, peut-être même de l'asphyxier. Et puis la peste, ces baies étaient tout ce qui lui restait pour survivre, son petit-déjeuner. De plus elle n'avait aucun intérêt à parler avec une fée, la semi-sombre voulait la voir partir. Peut-être que si elle continuait de faire semblant de dormir la fée se lasserait de sa curiosité naturelle et repartirait. Oh ! Et puis peut-être qu'elle se trompait. Une fée c'était un petit être mignon et gracile, attachant. Elle pourrait compter parmi ses amis. Anna décida de manifester sa présence :

-Régale-toi, va. D'un ton faussement enjoué.

Elle pouvait avoir tort, mais il lui semblait que le petit estomac de la fée ne pourrait pas ingérer assez de baies pour la mettre en mal de provision finalement. Ne prenait donc aucun risque. Avant qu'on lui pose les questions, Anna prit les devants :

-Mon nom est Anna Fauyeur, et toi ? Sors donc de ce sac...

Le tutoiement avait fusé. Difficile de ne pas se sentir supérieur avec un être d'une quinzaine de centimètres de haut. Elle s'était présentée sous son vrai nom, chose qu'elle ne faisait pas toujours. Pour peu qu'elle ne s'attire pas l'inimité de la fée ce n'était point dangereux. Elle précisa donc :

-Je ne t'infligerais aucun mal si tu fais de même pour moi !

Marchera, marchera pas ? La fée serait elle sensible à sa diplomatie de bas étage ? Rien n'était moins sûr. Pour peu, il était difficile de concevoir qu'elle ne l'attaque. Il lui semblait... qu'elles démontraient un certain pacifisme, non ?

Elle sembla reconnaissante... ou trouvait-elle cela tout naturel de se servir dans le sac des autres ? Sans doute puisqu'elle l'avait fait. En tout cas la fée ne manqua pas de la remercier. Aucun signe visible ne trahit sa stupéfaction de la voir réveillée, serait-elle repartie dans son sommeil après s'être rempli le ventre si Anna avait attendue patiemment ? Mais comme la demi-drow se le répète souvent, elle est "faite pour l'action" et ne rien faire n'était pas vraiment dans ses cordes. Du moins c'est ce qu'elle croyait... Les derniers voulûtes du rêve avec Asaliah Leeyn s'évanouirent, pour laisser place à sa nouvelle interlocutrice qui lui demande de lui confirmer son "pacte de non-agression", ce qu'elle fit toujours avec son faux sourire et son air "enjoué-mais-en-fait-calculateur."

-Je te le jure sur la tête du Gardien !

Anna -qui n'avait jamais porté le moindre intérêt aux gardiens- faillit laisser tomber sa méfiance en voyant en conséquence la frimousse violette pointer le bout de son regard, des yeux pas plus gros qu'un petit bouton. De longs cheveux bruns, de belles ailles plus étirées que celles d'un papillon, une silhouette nue. Couverte de violet, mais ce n'était pas sa couleur naturelle, Anna s'en doutait. C'était la couleur de ses fruits ! Elle souriait de toutes ses dents, celle qui disait s'appeler Lyne. Fauyeur le lui rendait bien, jusqu'à ce que la question fuse. Elle avait maintenant le choix entre mentir, et lui avouer qu'elle était à moitié une Drow. Alors qu'elle avait la chance de tomber sur quelqu'un qui ne connaissait pas cette race.

-On ne t'en à jamais parlé ? Fit-elle pour temporiser.

Se redressant sur les coudes, époussetant sa robe où un morceau de myrtille avait giclé, elle toussota et se mit un poing sous le menton, se donnant des allures de penseur. Ses yeux se froncent, dans une allure de quelqu'un qui n'est pas très habitué à réfléchir, parfaitement naturelle. Dans son exil à Diantra elle n'avait jamais eu à se poser de telles questions. Mentir ? Avouer ? Le mauvais côté avec le mensonge c'est que lorsqu'on s'aperçoit de la vérité c'est désagréable pour le menteur... ça, elle s'en souvenait encore. Mais en même temps elle ne risquait pas de revoir Lyne (du moins le pensait-elle en ce moment) une fois qu'ils auraient finis de faire connaissance, ils prendraient chacun un chemin différent à moins que la fée ne puisse la guider jusqu'à son "lieu de pèlerinage"... Elle allait donc mentir. Les hypothèses les plus farfelues sont les plus faciles à inventer pour Fauyeur.

-Je suis un Drawa, tu connais pas ? Dit elle pleine d'entrain. Nous sommes les êtres les plus gentils et les plus pacifiques de Miradelphia... Et les dieux étant jaloux nous ont démarqués des elfes par une peau grise.

La DEMI-DROW reprenait son souffle... Là, ça faisait vraiment beaucoup de mots d'un coup pour elle. Mais il fallait convaincre et vite maintenant que l’hypothèse était lancée. Elle se força à continuer :

-Et nous sommes obligés de porter des épées pour nous défendre des... Drows ! Les êtres les plus maléfiques qui soient (là elle ne bluffait plus) qui ne veulent pas nous laisser vivre en paix, voilà !

Elle respirait fort. Embarrassée par son propre mensonge et sentiment de culpabilité. Et si ça ne prenait pas ? Si pire, Lyne lui rétorquait "tu n'es pas plutôt une Drow, géante ?" il fallait s'attendre à tout. Dans l'esprit de Fauyeur, il y aurait peut-être à se servir de l'épée. Mais si la mayonnaise prenait, si tout se passait bien, si elle pouvait berner Lyne la petite fée, alors... Ce serait qu'elle n'avait pas perdu ses dons de manipulatrice. Maintenant... Ne pas laisser la question en suspens, enchaîner sur un autre sujet :

-Quel âge peux-tu avoir Lyne ?

Banal mais intéressant.

Bieeen... Son histoire de Drawas avait donc plus ou moins fonctionné. Sans condamner la crédulité de la petite fée, Anna esquissa un sourire satisfait. Les intellects des deux êtres n'étaient pas comparables : trop différents. Et puis elle avait de la bouteille en manipulation. La demi-drow voulait tout savoir : qui lui avait parlé des Drows ? Était-ce justement un Drow et si oui serait-il toujours dans le coin ? Aduram regorgeait de Drows, et à cette pensée Anna regrettait déjà de voyager seule.

-Tu n'en a jamais croisé, des Drows ? Voulut-elle apprendre, visiblement inquiète.

Ignorant la question sur le pacifisme, Anna jeta un coup d’œil scrutateur autour d'elle. Voulant vérifier si l'endroit était toujours sûr et si pourquoi pas la fée n'était pas complice avec des sombres, elle se leva et marcha en rond autour de son campement, qui se résumait à presque rien.

La question-retour de Lyne l'arrêta, frappée de stupeur. Elle, plus d'une centaine d'années ? Elle faisait à peine la trentaine. Quant à son âge réel : quarante-cinq ans. Et seules les sept dernières années avaient été longues, le reste s'était écoulé si vite... Mais peut-être Lyne estimait-elle l'âge d'Anna par rapport au sien ? Dans ce cas, elle devait être sous la barre des cent ans, mais pas de beaucoup. Mais Anna ne comprit pas cela, tout ce qu'elle se dit c'est : "Cette fée se paye ma tête ? De par mon sang je suis une jeune femme ! Cent ans..." Elle s'énerva.

-J'ai l'air d'une vieillarde ?

Certes elle ne faisait pas vingt ans, avec ses traits tristes et écarquillés par la solitude, mais pas quatre-vingt non-plus. Enfin tout ce qu'il y avait c'est qu'Anna ne voulait pas qu'on souligne le moindre aspect négatif sur elle parce qu'elle avait déjà une image trop pessimiste d'elle-même. Ni même supposer soulever un aspect négatif. Ou insinuer. Évoquer. Faire allusion... Là rien ne passait : elle était "seule" dans cette forêt pleine de monstres, sur les nerfs, perdue, avait peur que la fée use de sa magie sur elle... Bref inutile d'en rajouter, même si Lyne ne le faisait sûrement pas exprès. Ou... Peut-être qu'elle savait précisément ou appuyer ? De quelle couleur était les yeux de son ennemi juré ? Il lui semblait que c'était bleu mais elle n'était pas sûre. Elle continua oubliant de préciser son âge :

-Bon... Hé ! Mais ! Je suis perdue dans ce "bois", tu connais ici ? Se radoucit-elle, car elle avait besoin d'elle.

Puis faisant un dernier tour du campement, elle s'accroupit près du sac où était juchée la fée Lyne. Peut-être pourrait-elle l'aider à retrouver son chemin. Ce qu'Anna tentait de savoir maladroitement, c'est si Lyne était une fée d'Aduram ou non. Anaëh n'était-elle pas plutôt leur demeure ? Mais si Lyne n'avait pas reconnu ses fruits, la réponse devait être celle qu'elle pensait. Anna se passa une main dans les cheveux pour se donner une contenance. Endormie, éveillée, mise à mal, énervée, interrogatrice : elle passait par toutes les étapes de... Quoi au juste ?

-Si tu me guide je t'apprendrais quelles baies sont comestibles et je t'en donnerais un sachet que tu pourra porter. Marché conclu ? Parole de Drawa.

Anna faisait beaucoup de suppositions : que la fée soit assez crédule pour croire aux Drawas, qu'elle connaisse Aduram, qu'elle soit pacifiste, disposée à l'aider... Bon mais cela lui réussissait plutôt bien. Elle croisa les doigts en comptant sur sa bonne fortune. Et puis il faudrait qu'elle dorme aussi, le sommeil se faisait vraiment sentir. Anna battit des paupières malgré elle. Le bagage d'une dizaine d'heure de marche était assez lourd après sept ans passés à ne rien faire.

Des histoires de Drows pour terrifier les jeunes fées ? Ainsi la terreur que ces créatures inspiraient n'avait aucune limite ? Mais elle ne savait rien : Lyne l'avait... Non, Elle s'était inquiétée pour rien. Fausse alerte. Anna eut un grognement un peu comme "humrrr !" quand la fée lui attribua l'âge de plus de deux-cent-vingt ans mais ne dit rien. Elle commençait à comprendre, enfin, selon elle la fée n'avait pas les idées claires. La drawa répondit à sa question :

-Non.

Rapide et bref. Elle aurait aussi pu ajouter qu'elle était née dans une cabane sur la péninsule et avait vécu cinq ans à Diantra avant d'aller vagabonder sur Miradelphia, pour revenir plus tard passer sept ans à Diantra et enfin repartir (pour mieux revenir ?) accomplir ce petit pèlerinage. Mais "non" résumait très bien cela. Selon Anna plus une phrase était courte dans sa bouche, mieux c'était.

Lyne sembla intéressée par son offre sur les baies. Alors Anna prit son épée et découpa un morceau du haut de son sac à dos pour former une bourse d'environ cinq centimètres de diamètre et la remplit de myrtilles pendant que Lyne lui expliquait qu'elle venait des terres elfiques et que c'était à l'est. Sans plus attendre, et comprenant que c'était là tout ce que la fée savait, Anna tint parole sans émotion particulière :

-Il ne faut pas manger les rouges sauf si elles sont transparentes ou ont de petits points jaunes, les noirs granuleuse sont bonnes, d'une façon générale celles qui sont tendres sont comestibles et celles dont on dirait qu'elles sont prêtes à exploser sont mortelles.

Voilà en gros ce qu'Anna savait sur les baies de la forêt d'Aduram. Maintenant une question se posait à elle : perdue pour perdue, autant aller chez les elfes ? Si c'était le seul chemin... Elle n'y trouverait pas de Drows au moins ! Mais comment les sylvains prendraient-ils l'intrusion de la demi parmi eux ? Oh ! Et puis au pire elle ne resterait que le temps de se payer un guide. Ça ne pouvait pas être bien dangereux... Les elfes avaient toujours étés gentils avec elle.

-Bien Lyne, je crois que je vais aller par là alors. C'est toujours tout droit ? Demanda elle naïvement.

Une autre question lui venait à l'esprit :

-Et toi, tu quitte Anaëh ?

L'heure de la séparation avec cet être semi-adorable était elle venue ? Leur rencontre se résumait à ceci, un panneau de signalisation sur son chemin avec quelques taquineries. *Mais pour l'heure je vais me recoucher* pensa Anna qui avait toujours sommeil. *Sans même bouger le campement, ça m'a l'air calme ici.* ajouta-elle mentalement, l'intrusion de la fée ne l'ayant pas dérangée outre-mesure et n'ayant pas vraiment été considérée comme une menace.

Elle s'était donc endormie. Comme ça, sans rien faire d'autre que de demander la permission. Chose qu'elle n'aurait pu refuser de toute façon. Ça avait été si rapide. Un sommeil de fée. Doux et réparateur, peuplé de rêves agréables ? Anna l'espérait. Lyne voulait donc voir de belles choses dans la vie avant un paisible retour au bercail, compréhensible. C'est ce qu'elle avait elle-même souhaitée en partant de chez Julian (son père) excepté qu'elle n'avait jamais vraiment projeté de revenir. Mais maintenant, et cela Anna l'ignorait, elle était orpheline car Jevil l'ancien chef des bandits de la troupe qui portait son nom "Fauyeur" parce que c'était aussi celui d'un petit frère qui en était à la tête. Soit, Jevil avait lancé les mercenaires sur Ernest -son oncle- réfugié à son domicile natal. Mais il avait péri d'une façon mystérieuse... Anna regardait la poitrine de Lyne se soulever sous le rythme régulier de la respiration. Bon... Elle allait pouvoir dormir.

Remettant un peu d'ordre dans sa tenue, elle referma la boucle de son sac à dos, effaçant les traces du passage de Lyne. Bon les taches de myrtille ne partiraient pas de sitôt à moins d'un bon lavage. Lyne l'avait tirée de son sommeil pour lui indiquer une direction, ça tombait à pic. Hmmm "toujours tout droit par là" ? Impossible de se tromper ! La voilà qui émet un large bâillement, il est temps de se coucher.

Avec la fée ? Non ça ne craint rien... Se dit elle. Anna se mit de l'autre côté de son sac à dos pour ne pas écraser Lyne en se retournant. Plus vite elle sombrerait plus vite elle serait débarrassé de son appréhension. Enfin si on suit cette philosophie on ne donne pas cher de sa vie ! Mais là Anna n'était pas dans cette optique. Elle bailla juste encore une fois, se couvrit la tête de son bras de géante et s'endormit dans l'herbe au bout d'une demi-heure les yeux braqués sur son "amie".

"Benjamin" dit-elle dans son rêve.

Elle revoyait le petit Fauyeur aux cheveux rouges, ils "jouaient" ensemble à attraper les écureuils dans des pièges, comme autrefois. (Fallait bien se nourrir...) Elle courrait après un petit roux en disant que c'était Benjamin, (en vérité elle aurait peu de chance de l'attraper mais là c'est un songe...) il tenta de grimper dans un arbre, c'est là qu'elle le cueillit. "Zikouik" fit-il en lui mordillant le doigt. Puis tout changea. L'écureuil n'était plus là mais Anna tenait dans sa main un petit Drow de quinze centimètre. Elle réprima une exclamation et sans hésiter serra très fort le poing. "Bwaaah !" fit le drow miniature. "Meurs ! Meurs ! Meurs !" répondait Anna, paniquée. Les êtres les plus dangereux sont-ils ceux qui ont peur ? C'était sans doute vrai pour Anna vis à vis des Drows, en aucune façon elle aurait pu leur nuire plus qu'en les redoutant. A l'image d'un loup que l'on tente de dresser en chien et qui mord par frayeur. Mais le mini-sombre lui planta quelque chose dans la main, l'obligeant à lâcher. Il s'agrandit soudainement. Une peau mauve, un long menton hideux, des yeux caves jaunies, de longs cheveux blancs filandreux.

"Nous t'avons retrouvé, traître à ta race !" dit le sombre dans son langage qu'étrangement, elle comprit.

Mais elle n'avait pas choisit sa race ! Devait-on s'en tenir à ce que la nature nous avait apporté ? Non ! Anna était contre nature : un (demi-)drow gentil ! Et ce Drow le lui faisait bien comprendre. Ce Drow ? Il n'y en avait plus un, mais dix ! Elle poussa un cri d’effroi et se réveilla en sueur.

Lyne dormait toujours et le soleil se levait à peine, ce n'avait été qu'un mauvais songe de plus. Jamais elle n'aurait comprit le langage Drow... Mais dans les rêves on ne remarque pas ses détails. Anna avala un peu d'eau et se leva. Elle dit tout haut :

-Bon... Je te laisse là sans défense dans ton sommeil ? Ou... Oui... Je peux te mettre dans un arbre.

Anna s'exécuta, attrapant la fée délicatement, la mettant dans son sac pour grimper à l'aise. Lorsqu'elle trouva un endroit qu'elle jugeait propice (une branche assez large pour ne pas tomber) elle s'arrêta, enserra l'arbre avec ses jambes, lâcha le tronc des mains pour sortir Lyne de son sac et la poser au milieu de la branche. A côté d'elle, l'aventurière ne manqua pas de mettre la bourse de myrtille, dont elle se servit au passage par faim et gourmandise. Elle lui laissa aussi un souverain au cas où, ça pourrait lui servir. Et ce n'était pas si difficile à transporter. Quel sacrifice !

Puis une fois en bas, Anna prit la direction de l'est en souriant... Elle ne se doutait pas alors qu'elle allait tomber sur un Kerkand, des bandits et des mercenaires.

*Au revoir Lyne, Lyna, j'espère que tu ne croisera pas de méchants Drawas qui pourraient me faire mentir*

Et elle tourna les talons, de bonne humeur malgré son cauchemar.