Quand la mort s'en va quêter pitance [pv]

A la différence des autres nuits, noires et menaçantes, la lune, haut dans le ciel, brillait d'un tel éclat qu'elle en masquait celui des étoiles alors qu'elle nimbait la terre d'un halo mystérieux pareil à un manteau d'argent. Toute chose portait un nom, arbres, buissons, rocher, rien n'était silouhette inquiétante, tout était reconnaissable. Et discrétion était impossible. Mais pourtant, ombre parmis les ombres Shyska se mouvait en silence, invisible à tous sauf à l'oeil avisé.

Elle progressait vite mais prudemment en direction du campement habritant son futur employeur au nom de Norman le terrible. Elle ne savait pas ce qui l'attendait, elle savait juste qu'il avait besoin de quelqu'un pour exécuter une sale besogne et, en vérité, ça ne l'aurait pas interressée si elle n'avait pas eu désespérément besoin d'argent.

Il n'y avait même pas une semaine, elle était à La Dross, ville à la vie impitoyable où seul les plus forts survivaient. Les faibles n'avaient pas leur place là-bas, et Shyska qui manquait cruellement d'argent en était réduite à voler sa nourriture. Pourchassée sans arrêt par les propriétaires ou par des gardes armés dépourvu du sens de l'honneur et à la cruauté reconnue, elle était très affaiblie et fini épuisée, morte de faim, couchée dans une sombre ruelle devant la porte d'un ami parti depuis longtemps en voyage et à la date de retour inconnue. Heureusement, elle eu de la chance, il revint et la soigna. Elle recouvra vite une santé de fer mais ayant retenu la leçon, elle chercha un moyen de gagner de l'argent. C'est ainsi qu'elle apprit que Norman le terrible recrutait quelqu'un pour une mission encore inconnue et qu'elle était parti le rejoindre.

Enfin en vue du campement, Shyska souffla enfin et s'accorda un moment de répit avant de s'en aller négocier. Elle s'approcha, hésita entre la manière officielle de s'y introduire et celle plus discrète qu'elle finit d'ailleurs par préférer. Elle repéra les sentinelles, choisit celle qui lui paraissait la plus lache, la contourna, se glissa dans son dos, appuya l'une de ses dagues contre la gorge de sa proie et l'autre lame faisant pression sur le bas ventre, laissant clairement apparaitre ses intentions. Le garde couina angoissé mais ne poussa aucun cri d'alerte. Il était à sa merci prêt à tout lui offrir sur un plateau.

Dis moi, où se trouve Norman le terrible, lui chuchota-t-elle à l'oreille sur un ton glacial et menaçant. Ne parle pas trop fort, ça pourrait me déplaire.

Dans la plus grande tente ! tu ne peux pas la rater ! elle est au milieu du camp, et c'est la mieux gardée, répondit-il d'une voix plaintive. Pitié ne me fais pas de...

Un bruit sourd se fit entendre ; celui d'un corps sans vie qui s'écroule. L'elfe le contempla un instant puis avec une moue dédaigneuse, le dépouilla de son armure et l'enfila.

Je n'aime pas les pleutres sans honneur ni loyauté et encore moins les geignards, fit-elle à son adresse avant de se diriger vers le camp.

Elle passa sans problème entre les tentes, sans qu'aucun des soldats ne l'interpelle, elle était semblable à tous les autres après tout. A peine quelques secondes et son but fut enfin en vue, se dressant devant elle plus imposant que tout le reste, surveillé par quatre guerriers vigilants. La rôdeuse décida qu'elle les abattrait comme l'autre pour montrer sa soif de sang à Norman le terrible afin qu'il la considère comme une tueuse sans pitié et qu'il puisse lui donner sa mission en toute confiance. Elle risquait gros, soit elle le conquirait soit il la punirait. Elle s'approcha l'air de rien mais lorsqu'elle voulut passer, on l'arrêta.

Hé là ! Où compte tu aller comme ça ?

C'est alors qu'elle senti une aura de force et de charisme incomparable. Ces hommes sentaient l'élite de l'armée et, étant quatre, la sylvaine ne pourrait les défaire rapidement voir ne pourrait les vaincre tous. Elle opta donc pour le repli et fit demi-tour sans demander son reste ni même répondre. Les hommes d'armes la regardèrent s'éloigner, perplexe, mais ne dirent rien et laissèrent passer cet évènement tandis qu'elle, fit un large détour pour finalement arriver derrière la tente principale. Elle regarda une patrouille passer, attendit qu'elle eut disparu puis dégaina l'une de ses dagues, si affutée, que lorsqu'elle trancha le tissu pour ménager une entrée, aucun son ne retentit et elle entra en silence. Un homme était là, lui tournait le dos et semblait concentré sur une carte, mettant peut-être en place une stratégie de combat. Parfaitement dissimulée dans l'ombre, elle le héla, sûre de l'effet de surprise qu'elle produirait et le savourait déjà.

Ta sécurité laisse à désirer humain. Enfin voilà la personne que tu attendais, je sais tout faire. Mais ma spécialité est dans l'art de tuer. Tu ne trouveras personne de plus compétent que moi. Alors ? Que veux-tu que je fasse ?

Nullement surpris par son apparition soudaine, Norman lui répondit calmement et lui fit signe de le suivre jusqu'à la carte déployé sur une table plutôt massive à l'image de la stature de son propriétaire. Shyska s'avança dans la lumière, démunie de l'ombre rassurante qui la dissimulait et plutôt frêle en comparaison de son employeur, elle se sentait comme nue, fragile et sans défense. Légèrement perturbée, elle ne vit pas arriver la caresse sur sa joue et n'eut pas le temps de réagir. Le contact la tira de sa torpeur, lui permit de se ressaisir et c'est un regard plein d'assurance et aussi glacial que les neiges des Haute-terres qu'elle renvoya au colosse.

Entendu. J'espère pour toi, humain, que la récompense en vaut la peine et que tu ne compte pas me l'enlever une fois ton sale travail accomplit. cracha-t-elle pleine de mépris avant de sortir de la tente par l'entrée principale, surprenant les gardes qui ne réagirent pas en la voyant disparaitre entre les autres abris du campement.

Ainsi donc c'était ça cette fameuse mission. Certes elle n'en serait pas à son premier mort mais c'était son premier assassinat d'une et de deux la manière demandée était particulièrement brutale et sauvage. L'elfe s'énervait de ne pas pouvoir faire cela proprement et se reprochait intérieurement d'avoir dû traiter avec ce barbare sans foi ni loi.

Enfin elle n'était pas trop à plaindre vu le peu de difficulté de la besogne qu'elle devait accomplir. Le jeu en valait la chandelle ; un butin sûrement élevé pour un niveau de débutant. Grâce à son talent incroyable dans l'art du camouflage, passer les gardes jusqu'au seigneur serai un jeu d'enfant, que ce soit avant ou après l'avoir tué.

En revanche, s'il payait mal, ça serai sa tête aussi qui tombera et finira sur un pic, aux yeux de tous et à la merci des corbeaux. Remarque s'il la payait suffisament peut-être qu'elle s'offrirai quand même ce plaisir, avec pour simple mobile le fait qu'il avait osé la toucher.

Shyska quitta le camp plus rapidement qu'elle n'y était entrée et remonta vers le nord comme Norman lui avait indiqué. Andelheim ne se fit guère attendre, en fin de journée, elle y était déjà. Faut dire qu'elle n'avait pas trainé. L'entrée du bourg était bien surveillée et, l'elfe, prudente, suivant les consignes de son employé préféra patienter jusqu'à ce que la nuit tombe pour agir. Même s'il était déjà tard, le temps lui parut infiniment long mais fort heureusement, le sombre voile nocturne tant désiré engloutit le jour et fit plier le soleil qui disparu tandis que les portes, elles, se fermèrent.

Ne faisant qu'un avec l'ombre, sa plus fidèle amie et défenseuse, elle s'éleva dans un arbre proche et scruta les environs. C'est avec ravissement qu'elle découvrit ce qu'elle cherchait ; un autre perchoir tout près de la muraille qui lui permettrait de s'introduire dans le village.

Elle descendit, s'en fut en direction de sa porte d'entrée à elle, grimpa sur le versan du tronc non visible depuis le rempart puis une fois dissimulée dans le feuillage, elle put se mettre face au mur et repérer les gardes les plus proches de l'endroit où elle allait attérir.
Une chance pour elle, ils dormaient à point fermé. L'elfe ricana mais un craquement de bois brisé venant de derrière la fit se taire. Tous les sens aux aguets, elle écoutait. Quelqu'un venait, quelqu'un visiblement de carrure imposante vu la lourdeur des bruits de pas. Elle refit le tour du tronc pour voir le nouveau venu dont la silhouette commençait à se détacher entre les arbres. L'elfe attrapa son arc, encocha tranquillement une flèche, visa soigneusement et lacha la corde qui émit un claquement sec tendit que le sifflement du trait mortel perçait le silence.

raté...

Surprise d'avoir manqué sa cible et ne sachant pas comment cela se faisait, Shyska décida que ça serait une confrontation directe. Elle sauta derrière le colosse, dagues au clair puis frappa à une vitesse telle, que les lames devinrent floues, l'une pointant vers la gorge l'autre se dirigeant vers la hanche gauche. Elle savait que ce coup ne serait pas mortel qu'il parviendrait à l'esquiver comme il avait évité sa flèche mais elle voulait avoir un peu à quel adversaire elle avait à faire. Elle le testait, l'analysait, cherchant ses failles et ses faiblesses. Dans les bois et dans la nuit, elle avait un avantage non négligeable et lui serait géné par sa taille. Ce combat allait être une partie de plaisir.

Tu me déranges humain ! Et c'est pour ça que tu vas mourir fit-elle d'une voix glaciale.